Deux années après l’inauguration de la nouvelle méga-prison de Haren (Bruxelles), la revue En Question interroge le système pénitentiaire : Quel est le sens de la prison, à quoi sert la peine ? Est-elle efficace, au regard des missions que la société lui confie ? Quels impacts a l’enfermement, quelles violences engendre-t-il ? Permet-il de faire justice, de prendre en compte les besoins des victimes ? Quelles sont les alternatives à la détention ? Que nous enseignent les expériences de justice restauratrice ? Une société pourrait-elle se passer des prisons ? Autant de questions fondamentales qui sont approfondies dans ce 150e numéro de votre revue de sens et d’engagement.
À la marge des périphéries
Récemment, nous participions à une après-midi de réflexion sur les menaces des idées d’extrême droite envers les droits sociaux. Différents acteurs et actrices du secteur social y témoignaient de leur travail acharné, dans des conditions (de plus en plus) difficiles, auprès de personnes marginalisées, qu’elles soient en situation de pauvreté, sans abris (ou plutôt sans « chez soi »), migrantes, sans titre de séjour, etc. Écouter ces témoignages était à la fois inspirant – vu l’engagement sincère et l’énergie investie par tant de personnes – et préoccupant – vu les contraintes et les menaces qui pèsent sur le travail social et les droits sociaux aujourd’hui.
Néanmoins, nous avons été étonnés de ne pas entendre parler des personnes emprisonnées, des victimes de la criminalité et de la délinquance, des aberrations et des injustices de notre système pénal. Si même là, on n’en parle pas, alors comment rendre visible l’invisible ?
Pour ce 150e numéro d’En Question, une étape symboliquement importante, il nous tenait à cœur de nous aventurer à la marge des périphéries de notre société, là où sont isolées et enfermées les personnes les plus exclues et précarisées d’entre nous : les prisons. Et, fidèles à la vocation du Centre Avec, nous avons voulu mener ce travail d’analyse avec des personnes directement concernées et des témoins de première ligne : un ancien détenu, un directeur de prison, une commissaire de surveillance, une médiatrice, des conseillers moraux et religieux en prison… en plus de chercheuses en droit et en anthropologie. Croiser les expériences et les savoirs, afin de comprendre pour agir.
Comme d’habitude, nous vous invitons ainsi, chère lectrice, cher lecteur d’En Question, à prendre de la hauteur, à questionner vos a priori, à interroger vos certitudes, à vous mettre à l’écoute de voix expérimentées et engagées, à explorer des voies alternatives aux modèles dominants, à découvrir des initiatives inspirantes… Peut-être que ce dossier rejoindra vos préoccupations, ou bien qu’il vous ouvrira les yeux sur des réalités inconnues et des enjeux nouveaux. Peut-être renforcera-t-il votre arsenal d’arguments, ou bien vous fera-t-il changer d’avis. Mais quoi qu’il en soit, nous espérons qu’il nourrira votre esprit critique et votre soif d’engagement, à la recherche du bien commun et de la justice sociale. Car telle est la raison d’être du Centre Avec et de votre revue En Question.
La prison : un mal pour un bien ?
La prison rend-elle justice ? Répond-elle adéquatement aux fonctions de prévention, de dissuasion, de répression et de réinsertion qu’on lui assigne généralement ? Dans cet article introductif, Léa Teper esquisse une critique de la prison et met en lumière la saturation actuelle du système pénitentiaire, ses causes et ses conséquences.
La prison, un grand corps malade
Depuis plus de dix ans, Marie-Hélène Rabier fréquente le monde carcéral. Aujourd’hui, en tant que commissaire de surveillance à la prison de Haren, elle porte un regard citoyen attentif sur les personnes détenues et tire la sonnette d’alarme sur leurs conditions de détention, qu’elle juge déshumanisantes et contraires à la loi.
Que faire d’une prison ?
Bien qu’il fasse partie du système carcéral, ce directeur de prison en est une voix critique. Tous les jours, il en constate les nombreux paradoxes et aberrations. Alors, quelle attitude adopter quand on occupe une responsabilité de premier plan dans un lieu qu’on considère pourtant comme profondément injuste ? Tentative de réponse avec Vincent Spronck.
Un « plan de bataille », pour donner du sens à la peine
Au cœur de ce dossier, nous avons voulu donner la parole à une personne qui a connu l’enfermement. Grâce à Christine Deltour, nous avons pris contact avec un ancien détenu qu’elle a accompagné dans son travail d’aumônière en prison. Nous nous sommes entretenus avec Julien, incarcéré pendant une petite dizaine d’années, et libéré il y a bientôt deux ans. Il a une expérience positive de la prison. Il sait qu’il étonne, en disant cela. Cela ne l’empêche pas d’analyser et de dénoncer des fonctionnements absurdes du système pénitentiaire et d’avoir des idées pour donner du sens à la peine.
« La prison, c’est nous ! »
En 2022, la méga-prison de Haren, au Nord de Bruxelles, était inaugurée. Elle doit remplacer les prisons de Forest, Berkendael et Saint-Gilles, cette dernière étant encore en activité en 2024. Manar Moussa Agha est aumônière islamique, Despina Psymarnou conseillère laïque et Hassan Khayati, aumônier protestant à la prison de Haren. La question du sens en prison, elles et il la travaillent tous les jours. En Question les a rencontrés pour recueillir leur témoignage.
La justice restauratrice : une pratique de niche qui vaut la peine ?
La justice restauratrice propose une approche de la justice centrée sur les relations entre victimes, auteurs et communauté, en mettant l’accent sur la réparation des torts et la responsabilisation des auteurs. Comment se développe ce modèle en Belgique ? Et représente-t-elle une alternative crédible au système pénal traditionnel ?
Quand la justice restauratrice transforme les parcours de vie
Bien plus qu’une alternative au système judiciaire traditionnel, la justice restauratrice offre un espace où les récits de vie se croisent et se réparent. À travers un exemple concret, découvrez comment un simple dialogue a permis de panser les blessures d’un délit et de redonner un sens à la notion de justice[…]
De la punition à la réparation : Pour une justice sans prison
Un monde sans prison est-il possible ? Oui, répond sans tergiverser Delphine Pouppez. Mettant en lumière l’inefficacité du système pénal, et les injustices qu’il nourrit, elle plaide pour une justice communautaire, citoyenne, créative. Ainsi, à la suite d’Angela Davis, icône de la lutte abolitionniste, elle contribue à répondre à la question centrale : comment ne plus avoir besoin du carcéral[…]
Et si cela ne changeait jamais ?
Pour clôturer ce dossier, Géneviève Frère partage ses réflexions sur le système carcéral, après avoir travaillé douze années comme aumônière de prison à Bruxelles. En élargissant le regard, elle ouvre la réflexion et se demande si l’état de la prison ne serait pas un indicateur de l’état d’effondrement de nos sociétés.[…]