JO de Paris 2024 : Le grand saut du « 9-3 »
C’est en 2005, que le Ceras et la Revue Projet[1] ont élu domicile à La Plaine Saint-Denis, dans le quartier de la Montjoie, à dix minutes de marche du Stade de France. Le grand rendez-vous olympique n’animait pas encore les esprits. À l’époque, pourtant, se précisaient déjà les mutations de cette proche périphérie parisienne.
Le grand stade avait bâti sa renommée en accueillant la Coupe du Monde de football quelques années plus tôt. Sur la commune limitrophe d’Aubervilliers se décidait alors la réimplantation de onze universités et instituts de recherche de la capitale au sein du Campus Condorcet.
L’attribution des Jeux olympiques et paralympiques à Paris en 2017 a donc coïncidé avec le développement, déjà à l’œuvre, de son extension dans le département de la Seine-Saint-Denis (93), aujourd’hui promise à devenir le cœur de réacteur de la manifestation. Car c’est bien là que se déploiera l’héritage matériel des Jeux.
La grandeur de l’édition olympique 2024 se lit dans ces multiples chantiers, qui ne suffiront pas, malgré tout, à compenser les carences en équipements sportifs du département le plus jeune – et le plus pauvre – de l’Hexagone. Jugez plutôt : la Seine-Saint-Denis en compte 16 pour 100 000 habitants contre 47 en moyenne à échelle nationale. Or, l’héritage matériel en engage un autre, bien plus complexe et immatériel, celui-là.
Les spéculations immobilières vont déjà bon train dans des quartiers jusqu’alors déclarés « sensibles » et préfigurent une gentrification des populations. Que restera-t-il aux précédentes ? Peut-on parier qu’une mixité sociale favorisera ou maintiendra les coexistences ? Rien n’est moins sûr. Les élus locaux n’ignorent pas l’avertissement à la veille de l’ouverture des Jeux.
Bien peu d’habitants des quartiers populaires de Seine-Saint-Denis appréhendent l’événement comme étant aussi « le leur ». Places à des prix exorbitants, préjugés sécuritaires et invisibilisation des plus démunis sont autant de revers d’une médaille censée célébrer la fraternité autant que la performance individuelle. Un moment de vérité guette la cérémonie du 26 juillet et ses suites : que la fête olympique ne tienne pas du village Potemkine[2].
[1] La Revue Projet, éditée par le Centre de recherche et d’action sociales (Ceras) à Paris, a consacré le dossier de son n° 394 (juin-juillet 2023) aux enjeux sociaux des prochains Jeux olympiques à Paris : « Paris 2024. Plus vite, plus haut, plus fort ? » (ndlr).
[2] L’expression « village Potemkine » désigne un trompe-l’œil à des fins de propagande. Selon une légende historique, de luxueuses façades en carton-pâte auraient été érigées à la demande du ministre russe Grigori Potemkine afin de masquer la pauvreté des villages lors de la visite de l’impératrice Catherine II en Crimée en 1787 (ndlr).