Le 30 octobre 2014

Les solutions miracles de l’extrême droite…

Crise, chômage, mondialisation, étrangers, pauvres, musulmans, euro…. Les partis extrémistes utilisent l’insécurité financière, l’insécurité physique et l’insécurité identitaire que ressentent certains citoyens pour rallier à eux des électeurs potentiels, et proposent la solution miracle à leurs problèmes. Conséquence ? L’extrême droite gagne de plus en plus de terrain en Europe. Nous proposons dans cette analyse, en nous référant à des sites de partis extrémistes belges, de décortiquer les discours simplistes et les sous-entendus que l’extrême droite utilise pour en saisir la réalité cachée.

L’extrême droite en Belgique
 

En 1978, le Vlaams Block, parti nationaliste flamand, est créé et, en 1983, Filip Dewinter y adhère. Le succès sera au rendez-vous pour la première fois lors des élections de 1988 : sa liste obtiendra 17% des voix à Anvers. En Wallonie, l’extrême droite s’organise au départ du Front de la jeunesse, un groupuscule néonazi, qui se transformera en parti politique et prendra le nom de Parti des Forces Nouvelles (PFN). En 1985, le Front National est fondé par Daniel Féret. Ces deux derniers partis fusionneront en 1991.

En 1988, compte tenu du succès fulgurant des partis d’extrême droite, un cordon sanitaire est mis en place sur le plan national : « Son principe de base est un engagement à ne pas soutenir, d’une façon ou d’une autre, les propositions politiques émises par l’extrême droite. Les signataires dudit cordon affirment également qu’ils ne feront jamais d’alliances avant et après les élections avec les partis liberticides (ceux programmant la fin des libertés). But : les empêcher d’arriver au pouvoir »[1]. En 2002, du côté francophone, les quatre partis traditionnels ajoutent au volet politique du cordon sanitaire, le volet médiatique. Celui-ci impose aux médias de ne pas parler des partis extrémistes en termes positifs, de ne pas donner la parole aux leaders extrémistes et de mettre l’accent sur les éventuelles décisions judiciaires à l’encontre de ces partis.

Aujourd’hui, le seul parti d’extrême droite en Flandre est le Vlaams Belang. Autrefois appelé le Vlaams Blok, le Vlaams Belang a été contraint de changer de nom après que la Cour d’Appel de Gand, le 9 novembre 2004, ait condamné trois de ses ASBL pour racisme et xénophobie. Ces associations s’occupaient entre autres de la formation des cadres au sein du Vlaams Blok et de la gestion de sa dotation publique[2]. Dans son arrêt, la Cour rappellera que le racisme n’est pas une opinion mais un délit. Malheureusement, et pour ne pas perdre cette dotation, les dirigeants du Vlaams Blok ont dissout leur parti et ont créé le Vlaams Belang, copie conforme du premier : même programme, mêmes initiales et mêmes personnes. Seuls certains mots dérangeants ont été bannis mais les sous-entendus sont plus nombreux.

En Wallonie, le nom et le sigle « Front National » ont été interdits d’utilisation par le FN français en 2012. Aujourd’hui, on a affaire à une multiplicité de formations d’extrême droite : le FNB (Front Nouveau de Belgique), la DN (Démocratie Nationale), la NWA (Nouvelle Wallonie Alternative), la FNW (Fédération des Nationalistes Wallon), WDA (Wallonie d’abord !), Nation, NEW (Nouvel Elan Wallon), la SU (Solidarité unitaire) et la NAF (Nouvelle Alliance Francophone).

Le discours
 

Le discours de l’extrême droite s’est nettement assoupli par rapport à l’époque où il était courant d’entendre des propos racistes et xénophobes. En voici trois raisons :
 

1) La loi antiraciste

La loi antiraciste (dite loi Moureaux) a été votée en 1981 et c’est grâce à elle qu’il est désormais possible de réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie[3]. La loi ayant été votée, il est devenu difficile pour les partis extrémistes de mettre en avant leur programme qui stigmatise les étrangers par exemple. Il a donc fallu s’adapter, en ne parlant plus du programme (bien connu par les citoyens) mais en brandissant la censure comme atteinte à la liberté d’expression ! Voici ce qu’écrit le parti Nation au sujet de l’immigration : « Le 7 juin 2006, le tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné plusieurs cadres de NATION pour des tracts et des propositions en matière de politique d’immigration. C’est pour marquer cette censure politique que nous retirons de ce site toutes nos propositions en la matière ! MAIS NATION, DANS LE FOND, VOUS SAVEZ POURQUOI ! »[4].

Cette tactique crée une double retombée profitable :

  • en ne proposant pas de propositions concrètes concernant l’immigration mais en laissant l’électeur décider de ce qu’il voit derrière le mot « Nation », ce parti espère rassembler tous les nationalistes, qu’ils soient radicaux ou non ;
  • en se disant victime de censure face à l’application de la loi antiraciste, il séduit les défenseurs de la liberté d’expression.

La NWA (Nouvelle Wallonie Alternative), à propos de liberté d’expression, écrit sur son site internet : « La liberté d’expression est aussi gravement compromise par des dispositions légales, des structures administratives et certaines subventions. En premier la Loi Moureaux : nous considérons que l’arsenal juridique classique a toujours été suffisant pour réprimer les atteintes à l’honneur ou les insultes graves. Cette loi, sous prétexte de lutte contre le racisme et la xénophobie, est conçue et utilisée par les partis traditionnels comme bras armé judiciaire dans leur combat contre les formations politiques qui les dérangent. Nous nous prononçons clairement pour l’abrogation de la loi »[5].

Notons au passage que, lorsque l’extrême droite est au pouvoir, la censure, c’est souvent elle qui la pratique. Prenons l’exemple de ce maire français qui, en 1995, a décrété, une fois élu, que « désormais, le conseil municipal superviserait le choix des titres achetés par la bibliothèque »[6]. En plus d’enrichir la bibliothèque publique d’ouvrages prônant les idées du Front National, le bureau du maire élimina des livres en donnant comme raisons de ce rejet : « multiculturalisme (pour un recueil de contes et légendes du monde entier, par exemple) ; atteinte aux « bonnes mœurs » (pour un roman où il était question d’homosexualité) ; ouvrages signés d’auteurs connus pour leurs positions critiques à l’égard du FN (l’historien Jean Lacouture), et autres motifs »[7].

2) L’époque

50 ans auparavant, les idées radicales séduisaient. Aujourd’hui, elles ont laissé place au politiquement correct,  plus attrayant : les dirigeants d’extrême droite ne parleront plus de supériorité de race mais plutôt d’une impossibilité de faire cohabiter des cultures trop différentes et mettront en avant la défense des intérêts nationaux, ils abandonneront les thèses antisémites pour diriger leur lutte contre l’islam ou contre l’immigration, etc.

De plus, cette façon de parler séduit les électeurs de droite. En acceptant l’idée que l’immigration est un problème, la droite épouse souvent les thèses de l’extrême droite et tend dès lors à flouter les frontières entre les partis. Alain Destexhe, député MR, dira par exemple : « […] le problème massif de l’immigration s’aggrave, le modèle d’intégration est un échec »[8].

Enfin, si le « problème » de l’immigration ne cesse d’être martelé encore et encore, il finit malheureusement dans l’esprit du citoyen par devenir vraiment un problème auquel l’extrême droite dit avoir une solution…

3) La nouvelle cible : les musulmans

Aujourd’hui, les partis extrémistes s’accordent pour dire que tous les maux de la société actuelle s’expliquent par la présence de l’étranger. L’augmentation du chômage ? Les étrangers ! La perte de valeurs nationales ? Les étrangers ! L’insécurité ? Les étrangers ! La corruption ? Les étrangers !

Si l’étranger est devenu aujourd’hui l’ennemi public n°1, il l’est encore plus s’il est musulman. Cette vision, accentuée par les attentats du 11 septembre, l’extrême droite l’exprime par ces quelques affirmations :

  • Les musulmans ne peuvent évoluer et ne peuvent s’adapter à des situations nouvelles : « Certaines parties de ces populations [musulmanes] sont inintégrables, non point par notre faute, bien au contraire, mais parce qu’elles rejettent notre culture qu’elles méprisent. Refusant de s’intégrer, elles sont condamnées à demeurer en marge de la société »[9].
  • L’islam représente une incompatibilité avec les valeurs nationales : « L’islam est une idéologie dangereuse, incompatible avec la démocratie et nos valeurs »[10].
  • L’islam est violent et partisan du terrorisme : « Le Figaro dévoilait l’autre jour les revenus de drogue (et d’armes). Ces chiffres étaient ahurissants et portaient sur des millions d’euros. […]. Cet argent ne sert pas seulement à permettre à quelques truands de mener la dolce vita. Il finance également les mouvements islamistes et les trafics d’armes. Ainsi se constituent des arsenaux qui pourront servir un jour… et dans l’immédiat, cet argent sale finance toute action terroriste. L’islamo-terrorisme, ce n’est pas seulement une bombe qui explose dans le métro ou un avion de ligne »[11].
  • L’islam est conquérant : « Pour que deux cultures très dissemblables puissent coexister, il faut que l’une domine l’autre, et même l’opprime. Ce fut le cas jadis, par exemple, en Algérie française. Mais aux premiers signes de faiblesse de la France, c’en a été fini de cette multiculturalité illusoire »[12] ou encore « De quelle sécurité identitaire bénéficions-nous quand s’organise contre nous un véritable génocide culturel, un nettoyage ethnico-civilisationnel en règle ? »[13].
  • L’islam est inférieur aux valeurs de l’Occident : « En Europe, il n’y a pas de place pour un pilier islamique. Nous devons désamorcer la bombe à retardement islamique avant qu’il ne soit trop tard. Soyons clair : l’islam peut nuire à votre liberté »[14].
  • Dans l’islam, la séparation entre la religion et l’Etat est impossible : « Si nous continuons d’être complaisants avec l’islam, la charia s’appliquera »[15].

En ayant fait des musulmans les responsables des problèmes contemporains, et ce en toute légalité[16], l’extrême droite change radicalement de discours. Ainsi, alors qu’avant elle critiquait les homosexuels « comme étant des êtres déviants et comme étant une menace pour la reproduction de la race », aujourd’hui elle « s’oppose au machisme, au sexisme et à l’homophobie des musulmans »[17].

Comme le note également Jérôme Janin, professeur en science politique à l’Université de Liège, une autre technique est de se réfugier « dans le registre de la critique des religions, sans attaquer les individus. Mais par extension, toute personne qui adhère à l’islam est au mieux un intégriste, sexiste, machiste, au pire un terroriste. Autre changement majeur : avec la diabolisation de l’islam, la communauté juive n’est plus la cible et on dénonce l’antisémitisme musulman. L’État d’Israël est d’ailleurs un des seuls pays capables de résister aux musulmans et à ce titre il doit être défendu »[18].

Le programme
 

Tout comme les idéologies fasciste en Italie et nazie en Allemagne, l’extrême droite d’aujourd’hui tente de dénicher dans les peurs et angoisses des citoyens les parfaits coupables : ils étaient communistes et syndicalistes en 1930, juifs en 1940, aujourd’hui ils sont chômeurs, étrangers, immigrés et plus encore musulmans.

Malheureusement, les personnes séduites par la sécurité que tel ou tel parti d’extrême droite, s’il était au pouvoir, pourrait leur apporter, sont souvent peu conscientes que, en soutenant ce parti, elles votent pour l’ensemble du programme :

  • qui est fait de chiffres manipulés et erronés[19] ;
  • qui propose la solution miracle contre tous les maux contemporains sans énoncer de réelles alternatives ;
  • qui entend revenir sur les acquis sociaux obtenus au fil des années.

C’est donc sur la base de divers programmes que nous nous proposons d’énoncer les idées politiques de l’extrême droite belge (concernant la culture, le travail, les impôts, la famille, les étrangers, la femme, le chômage, les syndicats et l’identité nationale) et de montrer ce que cela impliquerait réellement si elles devaient être mises en place.

La culture

Ce que le parti Nation dit : « Arrêt de toutes subventions à tous les niveaux de pouvoir pour toute démarche prétendument culturelle et qui serait contraire aux bonnes mœurs et/ou aux valeurs traditionnelles européennes, tant sur le plan moral que culturel » et « suppression de la Communauté française qui fait double emploi et ne sert qu’au clientélisme »[20].

Ce que cela veut dire, c’est qu’en supprimant les budgets destinés aux projets artistiques, aux associations socioculturelles, aux clubs de sport, aux maisons de jeunes, aux organisations qui organisent des festivals de musique, à certains musées, certaines bibliothèques, etc., qui ne correspondraient pas à l’idée de culture traditionnelle que se fait l’extrême droite…, l’identité nationale deviendra l’identité unique, incompatible avec l’émancipation de chaque individu et ne laissant aucune place au développement d’un sens critique. En plus de l’exemple cité plus haut concernant les choix d’acquisition des livres d’une bibliothèque municipale, évoquons ce maire français qui a fait repeindre en bleu la sculpture d’une fontaine, la jugeant lugubre et sinistre et ce, sans en avertir l’artiste.

Le travail

Ce que le Vlaams Belang dit : « Une entreprise n’a pas à faire du « social ». Elle n’a pas, par exemple, à maintenir ou, encore moins, à créer d’emplois artificiels pour faire plaisir au gouvernement. Il n’y a pas à contraindre l’employeur à embaucher telle ou telle catégorie d’individus en fonction de critères non professionnels. A force de quotas et de directives diverses, des gens incompétents se retrouvent au travail de préférence à des personnes plus qualifiées, mais ne remplissant pas telle ou telle condition »[21].

Ce que cela veut dire, c’est qu’en mettant fin à tous quotas et directives imposés à certaines entreprises privées et publiques, des catégories de personnes éprouveront plus de difficultés à accéder à l’emploi ou à des postes à responsabilités : c’est le cas des femmes dans les conseils d’administrations, des personnes handicapées, des jeunes sans expérience de travail ou des travailleurs âgés, des personnes d’origine étrangère, etc.

De plus, l’extrême droite stigmatise les femmes, les handicapés, les jeunes, les vieux et les étrangers en assimilant ces catégories de personnes à « des gens incompétents ».

Les impôts

Ce que le parti Front Nouveau de Belgique dit : « Les impôts sont trop élevés et on gaspille l’argent public. Plus on paie d’impôts, moins on a envie de travailler : pour relancer l’activité économique, il faut diminuer les impôts » et il ajoute : « les impôts à la consommation doivent être préférés à l’impôt sur le revenu »[22].

Ce que cela veut dire, c’est que les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres vont encore augmenter.

Il existe deux types d’impôts en Belgique : l’impôt direct (ou l’impôt sur le revenu) et l’impôt indirect (ou la TVA et les accises) qui portent sur la consommation des Belges. L’impôt direct, puisqu’il est variable en fonction du revenu, permet d’amenuiser les inégalités entre les riches et les pauvres : plus on gagne, plus on alimente les caisses de l’Etat. L’impôt indirect, puisqu’il est fixe et ne dépend pas des revenus, augmente les inégalités entre les riches et les pauvres. En voulant réduire les impôts sur le revenu, l’extrême droite souhaite donc prendre moins aux plus riches et, en ne touchant pas aux impôts indirects, taxer les plus riches et les plus pauvres de la même façon. Si l’Etat reçoit moins d’argent des plus riches, il cessera d’intervenir dans le financement de certains services publics comme, par exemple, les transports en commun, les crèches, l’enseignement, les routes, la police, les soins de santé, etc., et chaque personne devra dès lors payer elle-même ces services selon ses moyens financiers. Ce que propose ce parti provoquera inévitablement plus d’inégalités…

La famille

Ce que le parti Démocratie Nationale dit : « L’extrême liberté des mœurs modernes, la faiblesse ou l’inexistence des morales religieuse, naturelle ou civique et la perte des repères désagrègent notre société. Depuis plusieurs décennies, le nombre de divorces ne cesse d’augmenter alors que les mariages suivent la courbe inverse régressant sans cesse » et il propose d’ « avoir une véritable politique de la famille. La finalité première du mariage et de la famille n’est pas la satisfaction de besoins égoïstes, mais la perpétuation de notre société, de notre culture et de notre patrimoine. Les notions de famille et de mariage doivent être protégées et encouragées »[23].

Ce que cela veut dire, c’est qu’en dehors de l’idée très conservatrice de la famille, les autres modes de vie relationnels sont inacceptables. Cela équivaut à abolir les acquis juridiques et modernes de notre société et renier les individualités, les particularités et les diversités qui font d’elle une société démocratique.

Le parti Nation va encore plus loin en voulant imposer une série de règles aux adolescents et parents qui ne correspondraient pas à leur société idéale[24] : « mise à l’écart des élèves peu motivés », « imposition d’un couvre-feu pour les enfants de moins de 16 ans », « une attestation parentale de déplacement sera nécessaire à partir de 22h00, les parents étant alors civilement responsables des actes de leurs enfants», « abaissement de la majorité pénale à 14 ans (nous avons déjà connu des petits monstres qui à 14 ans avaient commis des vols avec violence et même torture, des viols, vente de drogue et meurtres !), les allocations familiales des jeunes délinquants pourront être suspendues pendant une période, voire supprimées si le délinquant doit être interné, les élèves fauteurs de troubles seront expulsés de l’école et regroupés dans des centres spécialisés, les mineurs délinquants étrangers ne pourront accéder à la nationalité ».

Les étrangers

Ce que le parti Démocratie Nationale dit : « La Belgique ne peut pas accueillir toute la misère du monde », « l’immigration est source de tensions, d’insécurité et d’appauvrissement », « application de la priorité nationale », « l’immigration […] est devenue la forme moderne de l’esclavagisme », « Démocratie Nationale préconise une “terre sans immigration”… » [25].

Ce que cela veut dire, c’est que, pour l’extrême droite, l’immigration coute cher à la sécurité sociale et que « l’Europe doit renforcer le contrôle à ses frontières »[26]. Ce qu’elle ne dit pas c’est que ce sont les citoyens belges qui devront payer le cout de ces systèmes de sécurité et, lorsqu’on sait que l’immigration, au contraire, rapporte de l’argent[27], on se demande pourquoi des millions d’euros sont dépensés (pour les centres fermés, les expulsions, la surveillance des frontière notamment) dans cette politique migratoire quasi militaire.

De plus, faire de la Belgique une terre sans immigration reviendrait pour le pays à sortir d’accords internationaux comme par exemple la libre circulation prévue pour les citoyens de l’espace Schengen ou encore l’accueil des étudiants participant au programme Erasmus.

La femme

Ce que le parti Nouvelle Wallonie Alternative dit : « Jusqu’à nouvel ordre, c’est la femme qui met au monde les enfants et qui les allaite. C’est pourquoi, nous considérons que, contrairement aux formations politiques qui confondent les genres, il n’y a pas lieu d’allonger la durée du congé paternel accordé au moment de la naissance qui nous semble suffisante. Par contre, nous réformerons le système de congé maternel. En effet, nous assistons à la généralisation d’une première maternité de plus en plus retardée. Ce comportement, qui est le plus souvent justifié par le désir de perturber le moins possible la carrière professionnelle de la femme, est détestable sur le plan démographique, en même temps qu’il n’est pas recommandable sur le plan médical »[28].

Ce que cela veut dire, c’est que pour l’extrême droite, la femme d’aujourd’hui ressemble à celle de la société bourgeoise étriquée : être mère est un devoir national et permet de perpétuer la race de la nation. Malgré l’égalité homme-femme revendiquée par l’extrême droite, il s’agit pourtant pour l’homme et la femme d’occuper des places distinctes dans la société puisqu’ils sont différents par nature, l’un des deux devant jouer un moindre rôle dans la sphère socio-professionnelle.

Le chômage

Ce que le parti Nouvelle Wallonie Alternative dit : « Elimination des pièges à l’emploi : la faible différence entre l’indemnité de chômage et la rémunération minimale, le fait que travailler se révèle souvent plus coûteux que chômer entraînent des refus très fréquents d’acceptation d’emploi »[29] et « c’est pourquoi, les pouvoirs publics créeront, en prolongement des sanctions d’interruption des indemnités de chômage et sous le contrôle des tribunaux du travail, un régime de minimum social applicable aux réfractaires à l’emploi »[30].

Ce que cela veut dire, c’est que, pour l’extrême droite, le chômeur est responsable de sa situation, c’est un profiteur, un fraudeur et un fainéant. Pour endiguer ce phénomène et au lieu de se focaliser davantage sur le chômage, contre lequel il est possible de lutter efficacement, elle part du principe que le chômeur devrait accepter toujours plus de flexibilité, plus de précarité et avoir moins de droits. Compte tenu du fait qu’au mois de juillet 2013, on dénombrait 111.212 demandeurs d’emploi inoccupés en Région de Bruxelles-Capitale pour seulement 8.867 offres d’emploi[31], on se demande pourquoi la chasse aux chômeurs reste une des priorités de l’extrême droite.

Les syndicats

Ce que le parti Nouvelle Wallonie Alternative dit (comme d’ailleurs d’autres personnes parfois) : « Si la liberté d’association doit être garantie, nous dénonçons le fait que les syndicats belges soient exemptés de toute personnalité juridique »[32].

Ce que cela veut dire, c’est que, pour les partisans de cette dénonciation dont fait partie l’extrême droite, il faut réduire l’influence que les syndicats ont acquise aujourd’hui et limiter leur rôle. En voulant leur attribuer une personnalité juridique, elle souhaite rendre public le contenu des caisses de résistance des syndicats. Ces caisses, véritable outil de solidarité entre les salariés et rempart contre les inégalités, servent à verser des indemnités aux adhérents qui décident de recourir à la grève. En rendant publics ces fonds, les employeurs et les pouvoirs publics connaitraient la marge de manœuvre financière de l’organisation menaçant donc la liberté syndicale. Notons que l’OIT (Organisation Internationale du Travail) trouve également légitime que les syndicats gardent le secret sur le contenu de leurs caisses[33].

L’identité nationale

Ce que le parti Démocratie Nationale dit : « Il est temps pour nous de rompre avec les utopies universalistes et mondialistes. Redevenons ce que nous sommes, soyons fiers de notre identité. Redécouvrons nos origines, nos racines et préservons-les »[34].

Ce que cela veut dire, c’est que l’extrême droite croit au mythe de l’identité nationale. Selon elle, face aux dangers liés à notre société multiculturelle, il faut instaurer un retour à la nation d’autrefois, basée sur un socle de valeurs uniques : religion, culture, tradition, langue, conscience, pensée, etc. Au travers de slogans comme celui du Vlaams Belang : « België barst » (Belgique crève), elle souhaite reconstruire une nouvelle identité commune en développant une supériorité nationale. Cette vision, à contre-courant de l’évolution du monde actuel, ne serait possible qu’au détriment de la perte totale de nos libertés et ne nous permettrait pas de choisir de vivre différemment.

Conclusion
 

Il y a quelques années, on différenciait facilement les partis d’extrême droite, entre autres, par leurs dérapages racistes et xénophobes, par leur ultranationalisme et par leur ultraconservatisme.

On pouvait par exemple entendre : « Les statistiques de la gendarmerie, soigneusement dissimulées à l’opinion publique, démontrent que les victimes des violences sont majoritairement des autochtones de race blanche, alors que ceux qui les commettent sont majoritairement des étrangers ou des nouveaux Belges de race nord-africaine, nègre, asiatique ou mulâtre »[35].

Aujourd’hui, et depuis la loi antiraciste votée en 1981 qui réprime désormais certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie, ces genres d’écarts se font rares puisqu’ils sont désormais interdits, passibles d’une condamnation et peuvent rendre inéligible un représentant de parti. De plus, en voulant désormais toucher un public plus large, l’extrême droite emploie un discours plus lisse qu’autrefois et donc ne parlera plus explicitement de race mais dira plutôt : « Une société multiculturelle est un magma d’individus sans racines, sans destin commun et donc sans avenir »[36]. La difficulté s’accentue encore lorsque d’autres formations politiques, comme des partis de droite, utilisent les arguments de l’extrême droite pour rallier à elles son électorat : c’est le cas, par exemple du Parti Populaire, dont le président Mischaël Modrikamen n’hésitait pas à déclarer en 2009 que plutôt que de louer des prisons en Hollande, il faudrait construire des prisons au Maroc pour « nos » prisonniers[37]. Ces partis donnent alors toute la légitimité nécessaire à l’extrême droite pour tenir leurs discours extrémistes.

Il est donc devenu plus que nécessaire de se rappeler :

  • que l’extrême droite existe toujours bel et bien en Belgique : l’extrême droite se confond avec la droite traditionnelle pour quelques idées mais met l’accent à l’extrême en ce qui concerne certaines matières ;
  • que voter pour l’extrême droite, c’est voter pour l’ensemble de son programme ;
  • que les solutions qu’elle propose sont mauvaises puisqu’elles sont souvent basées sur des constats biaisés ;
  • et que trouver les boucs émissaires idéals à une crise ne résoudra pas cette crise, bien au contraire : cela renforce les discriminations entre citoyens (lorsque le bouc émissaire ne sera plus musulman, qui sera-t-il ?) et n’apporte pas de réelles alternatives aux problèmes qui, eux, existent mais auxquels  l’extrême droite ne s’attache pas à trouver des solutions qui, pourtant, existent.

Notes :