En Question est la revue du Centre Avec. Tous les trois mois, elle vous propose ses analyses, reportages, interviews et prises de position. Notre objectif ? Vous aider à comprendre le monde et vous donner le désir de vous engager.
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Renoncer : un verbe qui n’a pas vraiment bonne presse. Dans nos imaginaires, il est généralement associé à la privation et à la morosité. Pourtant, certaines voix aujourd’hui veulent réhabiliter le renoncement, non seulement comme attitude mais encore plus comme politique. Pour faire du commun, une certaine forme de renoncement […]
Le renoncement : voilà un thème que l’on pourrait juger désespérant. Face aux nombreux défis de notre temps, serions-nous en train de vous suggérer de… laisser tomber ? Bien sûr que non, au contraire ! Renoncer n’est ni se résigner, ni abandonner, ni laisser faire. C’est, plutôt, poser un choix éclairé, prendre une décision en conscience, consentir à la vie, refuser de collaborer aux injustices, résister aux dominations et se libérer des aliénations. C’est, en somme, exercer activement sa liberté et sa citoyenneté.
En outre, il ne s’agit pas de renoncer pour renoncer. Le renoncement, seul, ne suffit pas. Selon le dictionnaire Le Robert, il se définit comme le « fait de renoncer (à une chose) au profit d’une valeur jugée plus haute ; attitude qui en résulte ». Renoncer, c’est donc avoir le courage de dire « non » à ce qui nuit pour pouvoir dire « oui » à ce qui ravive – moi-même, l’autre, la communauté et la société.
Toutefois, pour un certain nombre de personnes, précarisées, marginalisées, voire opprimées, le renoncement est rarement un choix, mais souvent une souffrance subie. Il est inacceptable que certains soient contraints de renoncer à leurs besoins essentiels, à leurs droits fondamentaux. Dès lors, il n’est évidemment pas question ici de promouvoir la misère. Bien au contraire, notre démarche vise (notamment) à nourrir une réflexion – et une action ! – collective sur la redistribution des richesses et le partage du pouvoir, qu’il soit politique, économique ou symbolique. Au nom de notre quête infatigable de justice sociale et du bien commun.
Dans une société où tout semble s’accélérer inexorablement, où le béton et les machines colonisent le vivant, où les richesses se concentrent entre les mains d’une minorité tandis que les inégalités se creusent au détriment de la majorité, où l’État-providence est détricoté aux dépens des plus faibles et au bénéfice des plus forts, où la guerre et la terreur semblent (re)prendre le dessus sur la diplomatie et le droit, où les violences sexistes et sexuelles explosent au grand jour, où le fossé entre élus et citoyens se creuse, où les idées et discours discriminatoires, de haine et de rejet se répandent… Renoncer à ce qui alimente ces tendances sociétales mortifères, c’est faire acte de résistance. Œuvrer à des alternatives justes, écologiques, démocratiques et solidaires, c’est semer l’espérance.
Le renoncement a mauvaise presse. Pourquoi le réhabiliter ? En quoi peut-il être porteur de vie ? Devons-nous tous et toutes renoncer, et à quoi ? À rebours du discours ambiant, le philosophe Matthieu Peltier propose une vision désirable du renoncement, qu’il voit comme une nécessité pour répondre au bouleversement écologique, mais aussi et surtout comme une occasion de croître en sagesse, de gagner en liberté et d’accéder à une vie plus grande.
Au cœur de ce dossier, nous avons souhaité donner la parole à des « experts » (principalement des expertes) du renoncement. Maria, Marie-France, Isabelle et Julie vivent dans la précarité (subie). Adeline a fait le choix de renoncer au consumérisme. Simon-Pierre est en situation de handicap. Claude vit l’interculturalité au cœur de son couple. Ces personnes témoignent de leur(s) renoncement(s) : ce qui est difficile ou lourd pour elles, la joie qu’elles y trouvent, et les réflexions et engagements que cela leur inspire.
En écho aux témoignages qui précèdent, nous avons demandé à Étienne Grieu, théologien jésuite engagé aux côtés de personnes en situation de pauvreté, de lire et réagir aux récits de Maria, Julie, Isabelle, Marie-France, Adeline, Simon-Pierre et Claude. Ce faisant, il nous aide à déployer ce que l’expérience du renoncement peut contenir et annoncer[…]
Pratiquer la démocratie ne nécessite-t-il pas des formes de renoncement ? À partir de l’expérience du discernement en commun, Franck Janin démontre que construire des décisions communes en vue d’un « bien supérieur » implique de renoncer à ses préjugés, à interrompre, à ce que sa propre idée soit celle qui prévaut, à aller (trop) vite… mais sans jamais renoncer à sa liberté intérieure. À rebours de l’image négative généralement accolée à cette idée, il voit dans le renoncement « un gain, une victoire, une libération »[…]
Par « discernement », il faut entendre une démarche – libre d’attachements aliénants – qui s’efforce de reconnaître et distinguer avec rigueur les éléments constitutifs de la réalité, en détectant leur importance respective, en vue d’opérer les choix d’action, de prendre les décisions qui permettront de poursuivre au mieux la finalité de notre vie (personnelle, collective…), dans la perspective du bien commun[…]
L’annulation (partielle) des dettes publiques des pays exsangues est-elle une folie ? Pourrait-elle encourager d’autres gouvernements à emprunter de manière irresponsable ou à mal gérer leurs finances, dans l’espoir de futurs renflouements ? Au nom de quoi les emprunteurs pourraient-ils s’exempter d’avoir à honorer leur engagement ? Gaël Giraud répond à ces interrogations émanant des milieux d’affaires. Arguments à l’appui, il soutient l’invitation du pape François aux pays riches à annuler les dettes des pays insolvables. Selon l’économiste jésuite, « la justice climatique exigerait [même] bien davantage que la seule annulation de ces dettes publiques ».
Le personnalisme est familier aux lecteurs et lectrices de cette revue. En décembre 2023 (n°147), Thierry Vuylsteke signait ici un très beau texte sur Emmanuel Mounier, philosophe catholique et figure canonique du mouvement. Il y soulignait notamment le besoin d’articuler toujours avec justesse l’existence intime et le geste public, car l’œuvre de personnalisation suppose « d’une part recueillement, silence et ralentissement, et d’autre part présence au monde, action et engagement ».
Olivier De Schutter
Pluto Press, 2024.
Anne Alombert et Gaël Giraud
Fayard, 2024, 198 p.
Jean-Baptiste Ghins, Matthias Petel, Timothée de Rauglaudre
Éditions du Cerf, 2024, 280 p.
Quand j’étais étudiant et fauché, j’habitais à Paris, je fricotais avec les trotskistes et j’étais un brin facétieux. Ainsi, les dimanches où on lisait le texte de l’Évangile de Luc 16, 1-13, avec sa sèche et catégorique affirmation « Vous ne pouvez pas servir deux maîtres à la fois, Dieu et l’argent », j’aimais bien aller assister à la messe dans une paroisse des beaux quartiers. En général, soucieux de ne pas trop inquiéter son auditoire de privilégiés,[…]
En Question est la revue trimestrielle du Centre Avec. Elle éclaire les questions de société et nourrit la quête de sens de ses lecteurs. Traitant d’écologie, de démocratie et d’interculturalité, elle donne des clés pour comprendre et nourrit le désir de s’engager. À travers ses analyses, reportages, interviews, elle entend combattre les injustices, mais toujours en choisissant l’optimisme. En Question défend les valeurs de solidarité, d’égalité, de tolérance, de soin pour l’environnement et la recherche du bien commun.
Rédacteur en chef : Simon-Pierre de Montpellier.
Comité de rédaction : Claire Brandeleer, Guy Cossée de Maulde, Jean-Baptiste Ghins, Manon Houtart, Frédéric Rottier et Vincent Vancoppenolle.
Assises d’En Question : Une fois par an, nous réunissons des personnes engagées sur le terrain social, associatif et académique pour croiser leurs savoirs et nourrir la construction de nos dossiers pour l’année à venir.