La Libre Belgique - Le 24 avril 2019

Pourquoi il faut maintenir l’obligation de vote

Carte blanche - La Libre Belgique

Comme toujours, il y a ceux qui râleront. Comprenons-les : le dimanche, ils ont foot. Ou « Téléfoot ». Ils doivent conduire leurs enfants au poney. Ou chez les scouts. Voire à la caté… Trouver du temps pour aller voter ? Ce sera compliqué. Il faudra s’organiser, se dépêcher. Ou alors, ils choisiront de décliner. Après tout, il paraît que l’on ne punit pas ceux qui ne se déplacent pas. Et puis, au fond, obliger les gens à voter, n’est-ce pas franchement dépassé ? Voilà un refrain qui revient. De plus en plus même. Au Centre Avec, pourtant, nous pensons que l’obligation de voter est un bien particulièrement précieux. Et voici pourquoi.

En Belgique, l’obligation de voter ne date pas d’hier. Ni même du siècle dernier. C’est en 1893 que le législateur a estimé nécessaire de contraindre les électeurs à se rendre aux urnes. C’est la même année que la Constituante remplace le suffrage censitaire par le suffrage universel (masculin) tempéré par vote plural[1]. Les deux événements sont liés. Catholiques et libéraux, alors les maîtres du jeu politique, craignent que cette modification du suffrage profite aux « extrémistes » – à l’époque, les socialistes. Ils pensent qu’en rendant le vote obligatoire, ils limiteront leurs pertes. Auguste Beernaert, le chef du gouvernement, ne s’en cachait pas : l’obligation se justifiait par le fait que « les modérés n’étaient pas naturellement enclins à prendre part à des élections, en sorte que les partis et candidats modérés gagneraient à ce qu’ils y soient légalement obligés ». A côté de cet argument stratégique, un autre élément joue : pour que les votes reflètent clairement la volonté de la Nation, il convient que tous les électeurs se déplacent. Dès lors, rien de tel que d’instaurer l’obligation[…]


[1] Dans le système de vote censitaire, seuls les plus riches avaient droit de vote. Dans le système de suffrage universel tempéré par vote plural, tous les hommes pouvaient voter, mais certains d’entre eux (principalement les plus riches et les plus instruits) disposaient de voix supplémentaires.

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