Le 07 mars 2025 - RCF Radio - Décryptage

“Il faut investir dans la paix”

Depuis maintenant trois ans, la guerre est aux portes de l’Union européenne. Dès le début de l’invasion russe en Ukraine, les inquiétudes étaient palpables, et elles sont d’autant plus vives depuis que Donald Trump a décidé de privilégier la Russie. Ce revirement a poussé Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, à proposer un plan de 800 milliards d’euros, baptisé Rearm Europe, ou « Réarmer l’Europe » en français.

S’armer pour la paix

Si le réarmement semble inévitable, il est largement admis que celui-ci doit s’inscrire dans une optique de maintien de la paix. Pour le Fr. Christian Eeckhout, prieur du couvent Fra Angelico à Louvain-la-Neuve, “quand certaines voix critiques se font entendre contre les soutiens au développement et d’autres initiatives, cela bouleverse l’ordre établi et pousse à rebattre les cartes. Aujourd’hui, nous vivons un de ces moments. De fait, au lieu de pouvoir développer l’industrie civile, nous sommes contraints de développer l’industrie militaire.”

Christophe Renders, chargé de la pédagogie, de l’analyse et de l’animation au Centre Avec, abonde dans ce sens. “Cette politique doit avant tout être pensée dans une perspective de paix. Il ne s’agit pas de se réarmer pour faire la guerre, mais bien pour préserver la paix. C’est cette approche qui doit prévaloir.

Repousser, mais ne pas attaquer

Une force dissuasive semble donc recueillir l’approbation de nos décrypteurs. “Pour pouvoir aider les autres et vivre dans une certaine paix sociale, il faut aussi être assez fort pour repousser les ennemis,” commente Fr. Christian Eeckhout. “Quand Jésus triomphe du diable, c’est grâce à la force de la parole de Dieu en lui.

Quant à Christophe Renders, il souhaite que la diplomatie reste la première option pour éviter les conflits. “Si l’on se réarme, il ne faut pas pour autant négliger les efforts diplomatiques,” dit-il. “Ce réarmement doit s’inscrire dans une diplomatie renforcée, afin de poser des limites aux États avec lesquels nous devons négocier et éviter que la loi du plus fort ne l’emporte.

Du militaire pour le civil

Augmenter la production d’armements et de véhicules militaires, ainsi que les recrutements dans le secteur de la défense, comme le souhaite Théo Francken, ministre de la Défense, pourrait avoir des retombées positives pour l’économie. Toutefois, si l’on relance l’industrie militaire en Europe, il est essentiel que celle-ci profite aussi aux secteurs civils, en dehors des périodes où il est nécessaire d’assurer la protection du territoire.

Il faudrait aussi envisager un modèle où, en temps de paix, la production militaire pourrait être reconvertie vers des usages civils, comme la construction de véhicules non polluants,” propose Christian Eeckhout. “Ainsi, la recherche en défense pourrait générer des bénéfices pour la société dans son ensemble.

Ne pas désinvestir dans la justice sociale

Pour Christophe Renders, se réarmer est aujourd’hui une nécessité imposée par la situation internationale. Cependant, il demeure crucial d’investir dans d’autres domaines. “On constate aujourd’hui que l’aide au développement est gravement mise en danger. Le gouvernement américain a également décidé de réduire de 25% le budget de l’aide au développement,” remarque-t-il.

Or, l’aide au développement, ce n’est pas uniquement de l’argent donné par charité. C’est de l’argent investi pour la paix. Il n’y a pas de paix dans un monde inégalitaire, un monde où les personnes souffrent à cause du manque de ressources alimentaires ou des conflits. La coopération au développement finance des projets humanitaires, mais aussi des projets qui permettent aux populations de dialoguer et de favoriser des processus de réconciliation.”