La Libre Belgique - Le 29 septembre 2023

Face aux défis écologiques, (se) former pour transformer la société

La Libre Belgique - Opinion

L’éducation est-elle dépassée par les enjeux écologiques ? Sommes-nous formés pour affronter ce qui nous arrive(ra) ? Quel modèle éducatif promouvoir dans un monde climatiquement et environnementalement bouleversé ? Vu l’ampleur des défis écologiques de notre époque, ces questions ne peuvent être prises à la légère.

Les données scientifiques attestant de l’ampleur des défis écologiques se multiplient. Sur neuf limites planétaires étudiées qui conditionnent la vie de l’humanité, six sont déjà dépassées : le climat, la biodiversité, les cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, l’occupation des sols (dont le taux de déforestation), l’utilisation mondiale de l’eau, la présence d’entités nouvelles dans la biosphère (pollution chimique). Ce simple constat devrait nous alerter et nous inciter à bifurquer. Or, quel meilleur lieu pour favoriser l’esprit critique, repenser les modèles, stimuler l’émergence de paradigmes radicalement différents, développer de nouvelles compétences… que les institutions éducatives ?

Un peu partout, des pédagogies alternatives font florès, comme les écoles du dehors. Des écolieux cherchent à développer de nouveaux modèles d’organisation, comme le Campus de la Transition en France. Des établissements plus « classiques » tentent de se transformer de l’intérieur, notamment grâce aux labels « Eco-Schools » et « École durable ». Cependant, ces initiatives, aussi importantes soient-elles, restent trop marginales.

L’ensemble des acteurs et actrices du monde de l’éducation devraient clarifier leur rôle face aux bouleversements écologiques (en étant soutenues par les instances politiques dans cet élan). Une base intéressante pour mener à bien cette réflexion nous vient de la Charte pour un enseignement à la hauteur de l’urgence écologique[1]. Cette initiative collective, soutenue par plus de 1.000 signataires, invite l’ensemble de la profession éducative à s’engager à (1) aider les élèves et étudiants à comprendre les enjeux écologiques, (2) aborder les thématiques environnementales dans leur complexité/globalité, (3) débattre pour développer la pensée, (4) accompagner les élèves et étudiants à devenir des citoyens, (5) ancrer l’enseignement dans le réel, (6) sortir d’un enseignement anthropocentré, (7) oser explorer des approches pédagogiques différentes, (8) valoriser l’implication et la collaboration plutôt que la compétition, (9) offrir une place aux émotions et cultiver les imaginaires, (10) motiver avec plaisir, (11) faire de l’École un lieu d’inspiration, (12) être un enseignant engagé.

Les conditions de la formation

Chacune et chacun de nous, où que nous soyons, pouvons endosser un rôle actif et engagé d’éducatrice ou d’éducateur, pour prendre part à la métamorphose dont notre société a besoin. Avec enfants, parents, familles, proches, collègues et autres, et en particulier les plus vulnérables de nos communautés et de nos sociétés, favorisons l’émancipation ! Dans nos lieux de vie, de travail, d’ancrage et d’engagement, favorisons la transformation !

Pour ce faire, se former est indispensable. À (au moins) trois conditions, toutefois. Primo, la formation doit permettre d’acquérir des clés de compréhension des enjeux, de leurs raisons et de leurs implications. Secundo, elle doit amener à développer de nouveaux savoirs, savoir-faire et savoir-être pour répondre adéquatement aux enjeux – c’est-à-dire, en ce qui concerne les bouleversements écologiques, les atténuer et s’y adapter. Tertio, elle gagne à être pensée à la fois comme un processus collectif et dans le respect de la singularité de chacune et chacun, du fait de son contexte, de sa personnalité, de ses connaissances, de ses émotions et de son expérience propres. Bref, une co-formation où chaque personne a quelque chose à apprendre de l’autre et à l’autre.

Pour conclure ce billet, je voudrais remercier les enseignants et enseignantes, de même que plus largement, les acteurs et actrices du monde de l’éducation. Bien qu’il soit insuffisamment valorisé par notre société, vous savez que vous exercez le plus beau métier du monde.


[1] www.charteenseignantsecologie.be

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