Nous avons tort de tenir la démocratie pour acquise
carte blanche
Il faut bien sûr se battre contre les inégalités, les peurs, la violence sur les réseaux et les extrémismes. Mais, moi, à mon niveau, je peux aussi regénérer la démocratie. En commençant par « sortir de moi » et m’intéresser au monde qui m’entoure.
Une carte blanche de Simon-Pierre de Montpellier. Rédacteur en chef de la revue En Question.
Il y a quelques jours, le 23 mai 2021, aux portes de l’Europe, les autorités biélorusses détournaient un avion Ryanair pour arrêter un journaliste et sa compagne, critiques envers le régime du président Loukachenko. Les jeunes Roman Protassevitch et Sofia Sapega ont ainsi rejoint les centaines d’opposants politiques actuellement emprisonnés au Bélarus. Il ne faut pas chercher très loin pour réaliser la chance que nous avons de vivre en démocratie. Une chance que nous mesurons pourtant trop peu. Il est vrai qu’on se préoccupe souvent davantage de ce qui nous manque. Mais nous aurions tort de tenir la démocratie pour acquise.
Une démocratie fragilisée
Plusieurs menaces planent en effet sur la démocratie. La principale, sans doute, est la montée des extrémismes idéologiques, politiques ou religieux, qui se nourrissent de peurs, de frustrations, de suspicions, de sentiments d’injustice, d’exclusion et d’isolement social. La prégnance du néolibéralisme y a en grande partie contribué, par l’accroissement de la concurrence, des inégalités et de l’individualisme. La complexité du paysage institutionnel belge (et européen) et les scandales de mauvaise gouvernance ont réduit la confiance envers les élus, ce dont différents populistes ont pu profiter. De surcroît, alors qu’ils étaient censés nous rapprocher, les réseaux sociaux ont participé à exacerber ces sentiments négatifs, en nous enfermant dans des bulles cognitives, tout en nous entraînant dans une logique de clash entre clans plutôt que de débat d’idées. La pandémie de Covid-19 a ensuite mis le feu aux poudres. Les États démocratiques européens, affaiblis par le néolibéralisme, se sont rapidement retrouvés désarmés pour lutter efficacement contre la propagation du virus et ont dû mettre en place des mesures sévères de restriction de libertés[…]