En Question n°117

Travail : Passionément, à la folie?

A la folie ou passionnément, le travail occupe une grande partie de nos vies, parfois même de nos nuits. Le besoin d’en faire toujours plus, plus vite et avec moins de moyens, nous brûle quotidiennement. Tel un feu intérieur alimenté des multiples injonctions portées par la société, ce besoin consume littéralement certains jusqu’à ne laisser d’eux qu’une enveloppe vide. Notre dossier tente d’esquisser des éléments de réponses aux questions posées par le syndrome du burn-out. Les auteurs y décrivent notamment comment ce syndrome d’épuisement vient questionner le sens que nous donnons à notre travail comme à nos vies.

edito

À la folie ou passionnément

Saskia Simon

A la folie ou passionnément, le travail occupe une grande partie de nos vies, parfois même de nos nuits. Le besoin d’en faire toujours plus, plus vite et avec moins de moyens, nous brûle quotidiennement. Tel un feu intérieur alimenté des multiples injonctions portées par la société, ce besoin consume littéralement certains jusqu’à ne laisser d’eux qu’une enveloppe vide. Quels mécanismes sociaux et individuels nous poussent à nous laisser consumer, parfois jusqu’à l’épuisement total ? Quelles formes particulières ce besoin prend-t-il selon les domaines d’activité et quelles sont ses formes partagées ? Quelles métamorphoses personnelles et sociétales appelle-t-il ? Notre dossier tentera d’esquisser des éléments de réponses à ces questions posées par le syndrome du burn-out.

Plus largement, celui-ci nous incite à réfléchir sur ces deux dimensions centrales de toute vie humaine que sont la relation au temps et la relation entre l’individu et la société. Se déployant en filigrane de l’ensemble de ce numéro, ces réflexions en amènent une autre, plus fondamentale encore : celle du sens que nous donnons à notre vie. Au-delà de l’épuisement, c’est en effet le sens (du travail, de la vie, etc.) qui est consumé dans le burn-out, comme le montrent les articles de notre dossier.

Mais cette perte de sens transparait aussi dans l’article d’actualité rédigé par Aurore Vermylen et Xavier Briqué et relatant l’expérience déshumanisante vécue par les personnes coincées dans la « Jungle » de Calais. Reléguées aux marges de la société, loin du regard de ceux qui ont la chance d’y participer, ces personnes attendent sous les humiliations l’autorisation de poursuivre leur vie.

L’analyse d’Emeline de Bouver propose une piste de réponse à ces défis. Elle nous présente l’allocation universelle comme un moyen d’offrir à chacun du temps pour construire une relation pacifiée avec soi-même comme avec le monde. Le temps devient ici l’élément permettant à chacun de trouver ses propres repères de sens, ceux-là même que le burn-out consume, et, partant, d’inventer de nouvelles alternatives à cette société qui parquent des personnes dans des lieux de désespérance. L’analyse que je propose poursuit la réflexion de la relation de l’individu à la société en partageant ma propre expérience militante au sein de Tout Autre Chose. La participation active au débat démocratique y apparait comme indispensable au libre déploiement de chacun.

Quant à notre dossier consacré au travail, il s’ouvre sur une réflexion de Pascal Chabot autour du burn-out présenté comme « trouble miroir » de notre civilisation dans lequel se reflètent ses potentialités autodestructrices. Lui répondent l’article d’Anne-Catherine de Nève et l’entretien avec Laurent Ledoux qui, par le partage de leur expérience personnelle, nous conduisent à nous interroger sur ce qui compte dans nos vies et les manières, tant structurelles qu’individuelles, de prendre soin de ce sens. Suivent deux études de cas : l’article de John Cultiaux nous confronte aux difficultés rencontrées par les travailleurs sociaux dans leur travail, mettant en lumière celles qui remettent en question le sens de ce dernier ; l’article de Laurence Blésin et John Cultiaux, pour sa part, nous plonge au cœur de l’univers militant pour interroger les dynamiques d’engagement et d’épuisement chez de jeunes syndicalistes.

Dans une société qui nous pousse à combler tous les vides, ces contributions nous enjoignent à ne plus nous adapter au temps, mais plutôt à s’en donner afin d’accueillir l’inattendu et de se créer une vie intérieure foisonnante, surprenante…

L’épuisement des militants débutants

Laurence Blésin - John Cultiaux

« Il n’y a pas de burn-out sans engagement » : comme nous le rappelle la contribution de Pascal Chabot dans ce dossier, le burn-out n’affecte en général pas ceux qui renoncent, qui ne tiennent pas le coup mais, au contraire, prioritairement, ceux qui tiennent trop longtemps.

De « l’engagement détaché ». Ou du « détachement engagé » ?

équipe du Centre Avec

Dans son livre, Pascal Chabot présente le burn-out comme une pathologie de civilisation. Or il est aussi souvent considéré comme une pathologie liée à un syndrome individuel.

Un travail social trop « compliqué » ?

John Cultiaux

En presque une dizaine d’années de recherches et d’interventions auprès de professionnels et de responsables enthousiastes, engagés dans l’innovation de leurs pratiques de soin et d’accompagnement social, nous avons aussi dû, en contrepoint, constater la persistance d’un malaise qui traverse l’ensemble du secteur non-marchand et de l’économie sociale et solidaire.

L’engagement à l’épreuve du travail

Anne-Catherine de Neve

« Et toi ? Qu’est-ce que tu fais ? » A un tournant de ma carrière, j’ai expérimenté l’absence de travail. Cette question, sur toutes les lèvres des personnes bien intentionnées qu’on croise dans les contextes les plus anodins…

Transition post-burn-out

Pascal Chabot

Le burn-out est une pathologie de civilisation. Il n’est pas seulement un trouble individuel qui affecte certaines personnes mal adaptées au système, ou trop dévouées, ou ne sachant pas (ou ne pouvant pas) mettre des limites à leur investissement professionnel.