Pour dépasser nos peurs
La peur est une émotion qui accompagne la conscience d’une menace. Ce sentiment paradoxal, nous le connaissons tous. Paradoxal parce qu’il mène souvent à des réactions disproportionnées. Paradoxal aussi parce que nous n’aimons pas avoir peur, mais qu’en même temps, celle-ci approfondit notre sensation d’exister. La peur, et les réactions qu’elle suscite, sont aujourd’hui partout. Au moment d’écrire ces lignes, les journaux annoncent qu’il est de nouveau possible d’enfermer des familles d’illégaux avec enfants pour s’assurer de leur expulsion. Quelles peurs ces enfants provoquent-ils en fait ?
Aujourd’hui, dans une Europe objectivement prospère, nous nous divisons en projetant sur les autres les peurs que nous avons en nous. Dans notre monde globalisé, chaque peuple se sent victime – d’un autre, des immigrés, d’une injustice… Si, fort heureusement, les discours racistes sont devenus de plus en plus inacceptables, les discours vantant la supériorité d’un peuple sur un autre semblent les remplacer sans trop créer d’émoi. Nous n’ignorons pourtant pas ce que cela a provoqué il n’y a pas si longtemps !
Face à cela, le pessimisme n’est pas une option. Chacun a en lui ce pouvoir de résister. Cette force doit se réaliser dans l’art de la rencontre. C’est dans la rencontre que nous arrivons à vaincre nos peurs et à donner à la globalisation cette âme qui lui manque tant. Cette expérience, je l’ai faite avec tant d’autres, au sein de la Communauté de Sant’Egidio qui fête cette année ses cinquante ans. Nous y avons appris à ne pas avoir peur des autres, en disant oui à ceux qui se sont si souvent entendu dire non. C’est sur la base de cette rencontre que s’est créée une famille sans frontières, présente dans le monde entier, là où l’humanité est blessée. Il y a définitivement plus de bonheur à se sentir vivre à travers les autres qu’en alimentant ses propres peurs.