Le 21 décembre 2011

Environnement & justice sociale.

Invitation à une spiritualité engagée

ntroduction
 

Aujourd’hui, la prise de conscience des dangers liés au réchauffement climatique et aux dégradations de l’environnement gagne du terrain dans la conscience collective : dangers pour la planète, dangers pour l’humanité. Dans la première partie de cette étude, nous montrons en quoi la crise écologique constitue un enjeu de justice sociale. Nous montrons aussi que les pays industrialisés ont une responsabilité de taille dans cette crise. Responsabilité : c’est bien sur le ton de la responsabilisation – et non de la culpabilisation – que nous nous engageons dans cette étude. La culpabilité n’est pas constructive et ne pousse pas à l’action positive. La responsabilité, elle, demande une réponse de notre part. Or, force est de constater que notre réponse n’est que trop rarement à la hauteur des défis. Dans la deuxième partie de cette étude, nous analysons donc deux éléments qui nous freinent voire nous empêchent d’y répondre de façon juste et déterminée : le consumérisme (que nous abordons sous un angle économique mais aussi anthropologique) et l’anthropocentrisme. Ces deux caractéristiques de nos modes de vie et de pensée constituent selon nous des résistances, aussi bien intérieures qu’extérieures, qui nous verrouillent dans des habitudes destructrices tant pour la planète que pour l’humanité. Enfin, dans la troisième partie de cette étude, nous voulons proposer une approche spirituelle de la crise socio-écologique. Notons d’emblée que nous comprenons la spiritualité dans un sens très large et délié de toute religion ou philosophie religieuse. A l’heure actuelle, on entend énormément parler des problèmes environnementaux et des injustices sociales que ces derniers engendrent. La spécificité de cette étude réside dans cette approche spirituelle, que nous jugeons essentielle. Nous pensons effectivement qu’aborder les défis d’aujourd’hui sous cet angle-là peut non seulement enraciner nos réponses plus profondément et dans un terreau plus porteur, mais également apporter un souffle et un élan nouveaux à notre action et à notre engagement. Car c’est bien une spiritualité engagée que nous voulons promouvoir, comme le titre de cette étude le propose. Nous espérons que le lecteur y trouvera une réflexion porteuse de sens pour son cheminement humain sur cette planète-terre.

1. La crise écologique, une question de justice sociale
 

1.1.       Introduction
 

Dans cette étude, nous voulons réfléchir à l’articulation entre problèmes environnementaux et justice sociale[1]. Comme point de départ, nous prenons les dégradations de l’environnement : sécheresses, épuisement des ressources naturelles, appauvrissement et pollution des sols, pollution de l’air et de l’eau, élévation du niveau des mers, appauvrissement de la diversité biologique, disparition d’espèces, modification des écosystèmes, multiplication des événements météorologiques extrêmes… C’est un fait : les dégâts que subit notre environnement sont multiples. Beaucoup d’entre eux sont liés, directement ou indirectement, au changement climatique. Notre objectif ici n’est pas d’entrer dans les détails techniques et scientifiques. Il suffit de se référer au consensus scientifique formulé par le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) : « Le réchauffement du système climatique est sans équivoque »[2]. Et ce changement climatique a et aura des effets pour l’humanité, c’est inéluctable ! Par exemple, les sécheresses vont se multiplier, provoquant disettes et famines. Par ailleurs, le GIEC l’affirme, le réchauffement du climat constaté depuis 1950 est essentiellement dû à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et est donc en grande partie d’origine anthropique : l’être humain est bel et bien en train d’abîmer, si pas de détruire, sa propre maison-terre ! Un autre constat affligeant est le fait que ces problèmes environnementaux sont le résultat et en même temps la source d’inégalités et d’injustices sociales criantes. Certes, tout comme « le smog est démocratique »[3], selon l’expression du sociologue Ulrich Beck, il est vrai que le réchauffement climatique met en relief le sort commun de l’humanité. Cependant, si les conséquences du réchauffement climatique sont globales, les menaces encourues ne sont et ne seront certainement pas les mêmes pour tous les êtres humains. A titre d’exemple, alors qu’en Suisse l’industrie du ski alpin investit dans des canons à neige, les conséquences de la sécheresse en saison sèche dans la Corne de l’Afrique seront tout simplement qu’il faudra marcher plus longtemps pour trouver de l’eau[4]. Jean-Pascal van Ypersele, climatologue belge, parle ainsi de « l’injustice fondamentale des changements climatiques »[5]. Ces injustices sociales sont révélatrices de la domination occidentale sur le reste du monde. En effet, ce sont les pays du Nord de la planète qui, par leur industrialisation, ont contribué et contribuent le plus à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, alors que, de manière générale, ce sont les pays du Sud[6] qui souffrent et souffriront le plus des problèmes écologiques résultant du réchauffement du climat. Le GIEC pointe par exemple la grande vulnérabilité, à long terme, de l’Afrique[7], continent d’ores et déjà durement frappé par les conséquences du changement climatique. Or, ce continent n’a participé à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre qu’à hauteur de 7,8%[8]. Le rapport mondial sur le développement humain 2007/2008 du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) avertissait : « Le changement climatique ralentit les efforts visant à réaliser les OMD [les objectifs du Millénaire pour le développement]. Regardant vers l’avenir, le danger, c’est qu’il ralentisse puis inverse les progrès accomplis de génération en génération, non seulement pour éliminer l’extrême pauvreté, mais aussi en matière de santé, de nutrition, d’éducation et dans bien d’autres domaines »[9].

Résumons ces premières données : en Occident, nous nous sommes développés grâce à l’industrialisation. Cette industrialisation a comme conséquence le réchauffement planétaire, dont d’autres populations paient le prix (sécheresses, etc.). La crise écologique se manifeste ici donc clairement comme un enjeu de justice sociale.

En creusant un peu plus loin, nous constatons qu’à ce premier conflit de justice s’ajoute le fait que ce sont les pays du Sud qui ont le moins de moyens pour faire face à la crise écologique et pour s’y adapter. A titre d’exemple, on peut facilement imaginer que les Pays-Bas sont plus à même de s’adapter à l’élévation du niveau de la mer que ne l’est le Bangladesh. Le rapport mondial sur le développement humain cité ci-dessus prend l’exemple très éloquent de la construction de maisons pouvant flotter sur l’eau dans le village de Maasbommel en Zélande alors que dans le hameau de Hoa Thanh, dans le delta du Mékong au Vietnam, les maisons sont construites sur des pilotis de bambou et que, grâce à un programme « vie avec les inondations », des leçons de natation sont dispensées[10] !

Articuler le lien entre justice sociale et crise écologique implique également de parler de « dette écologique ». Même s’il est probable, si l’on en croit le développement des pays émergents, que la tendance s’inverse d’ici une bonne dizaine d’années et que les pays du Sud deviennent de plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, les pays du Nord resteront, historiquement[11], les principaux responsables des quantités de dioxyde de carbone (CO²) accumulées jusqu’à présent dans l’atmosphère. Même si le Sud dépasse les émissions produites par le Nord, ce dernier en émet depuis bien plus longtemps et sans discontinuer. C’est ainsi que l’on peut parler d’une « dette écologique » dont le Nord est débiteur et le Sud créditeur[12]. De plus, si aujourd’hui les émissions de certains pays émergents, comme la Chine ou l’Inde, explosent et deviennent presque tout aussi importantes que celles des pays industrialisés – voire les dépassent[13] –, il ne faut pas oublier de mettre les chiffres en perspective, et considérer que les émissions par habitants restent moindres, et de loin[14] ! Ainsi, les pays riches, qui ne représentent que 15 % de la population mondiale, sont responsables de près de la moitié des émissions de dioxyde de carbone… Soulignons aussi l’hypocrisie des pays Occidentaux qui délocalisent leurs entreprises – et la pollution qui l’accompagne –, en Chine notamment, et pointent du doigt cette dernière dont les émissions de gaz à effet de serre explosent[15].

A ces injustices qui se manifestent par l’écart géographique entre responsables et victimes, il faut encore ajouter un autre élément essentiel : l’écart temporel. En effet, à côté des victimes qui souffrent aujourd’hui des changements climatiques et des dégâts causés à l’environnement sans les avoir provoqués, il y a celles qui en souffriront demain : les générations futures, qui se voient saper les conditions pour une vie digne en héritant de notre dette écologique, et qui, tout comme les pauvres d’aujourd’hui, ne peuvent pas faire entendre leur voix. La dette écologique est donc également une dette intergénérationnelle.

Après avoir dressé le tableau de ces constats – assez noir, il faut l’avouer –, nous pouvons conclure avec Jean-Marie Faux : « justice sociale et environnement sont devenus deux notions, deux réalités et deux préoccupations inséparables »[16]. Considérant le triple constat des impacts des changements climatiques (1) sur la nature elle-même, (2) sur les populations pauvres du Sud, et (3) sur les générations futures, les évêques allemands parlent du changement climatique comme étant « au carrefour de la justice globale, de la justice intergénérationnelle et de la justice écologique »[17].

Si, dans la suite de cette étude, nous serons par moment très pointue et que nous taperons plusieurs fois sur le même clou, c’est parce que nous sommes animée par « l’option préférentielle pour les pauvres », pour ceux qui subissent les injustices.

1.2.       Une prise de conscience progressive (1972-2012)
 

La première conférence des Nations Unies sur l’environnement a eu lieu à Stockholm il y aura bientôt quarante ans, en 1972. C’est ce premier « Sommet de la Terre » qui a donné naissance au Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). En 1972 également, est publié le rapport Meadows, commandité par le Club de Rome[18], qui, c’est une première, met en cause le principe de la croissance économique comme modèle de développement. Ce rapport, plus connu sous le nom « Halte à la croissance ? »[19], fait le lien entre croissance économique et dangers écologiques.

En 1987, la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU publie le rapport Brundtland (du nom de son auteure), dont le titre est évocateur : « Notre avenir à tous »[20]. Ce rapport donne une définition de la notion de développement durable (qui est devenue la référence en la matière) et en déduit deux idées clés : « Le développement soutenable est un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : (1) le concept de ‘besoins’ et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité et (2) l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir »[21]. Ce rapport servira de base aux négociations qui ont lieu au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992, où la communauté internationale en adopte les principes, en les appliquant à trois domaines : croissance économique, protection environnementale et justice sociale. Sont signés, suite au Sommet de Rio, la Convention Cadre des Nations Unies pour les Changements Climatiques (CCNUCC), la Convention sur la diversité biologique ainsi que l’Agenda 21[22]. La CCNUCC, notamment, « met en place un cadre global de l’effort intergouvernemental pour faire face au défi posé par les changements climatiques. Elle reconnait que le système climatique est une ressource partagée dont la stabilité peut être affectée par les émissions industrielles de CO² ainsi que les autres gaz à effet de serre »[23]. Son objectif est de « stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique »[24]. La CCNUCC distingue les pays selon leur engagement[25] : objectif quantifié de limitation et réduction des émissions de gaz à effet de serre, ou objectif non quantifié d’atténuation – le développement économique nécessitant une augmentation des émissions.

En 1990, le GIEC (mis sur pied en 1988 par l’Organisation météorologique et le PNUE) publie son premier rapport qui alerte la communauté internationale sur les risques liés à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et le lien avec le réchauffement climatique. Depuis lors, les rapports du GIEC se sont succédés (1995, 2001 et 2007), montrant avec de plus en plus de certitude le lien entre l’activité humaine et le changement climatique. Le dernier en date stipule que le réchauffement climatique atteindra un niveau dangereux si des mesures fortes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas prises rapidement : plus les mesures de réduction des émissions sont retardées, plus les possibilités de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre à un niveau relativement bas diminuent et plus les risques encourus augmentent.

En 1997, lors de la troisième conférence des Nations Unies sur le climat, est établi le protocole de Kyoto, qui n’entrera en vigueur qu’en 2005, après avoir été ratifié par les pays signataires[26] – mais il ne le fut pas par les Etats-Unis, pays pourtant signataire et surtout le plus gros émetteur d’émissions de gaz à effet de serre. Comportant des engagements contraignants, l’objectif du protocole de Kyoto est d’atteindre en 2012 une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 5 % par rapport au niveau de 1990.

Dès 2007, lors de la conférence de Bali, la communauté internationale s’attache à préparer l’après-Kyoto, le protocole prenant fin en 2012. Une feuille de route y est élaborée, structurée autour de quatre enjeux fondamentaux liés au changement climatique : (1) l’atténuation des changements climatiques, c’est-à-dire la réduction des émissions de gaz à effet de serre, (2) l’adaptation aux changements climatiques, (3) le développement et la dissémination des technologies propres du Nord vers le Sud et (4) le financement de la lutte contre les changements climatiques, c’est-à-dire des mécanismes pour financer les trois premiers points.

Fin 2008, en adoptant le « paquet énergie-climat », l’Union européenne s’engage pour un objectif des « 3 fois 20 » d’ici 2020 : réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre, augmentation de 20% de l’efficacité énergétique et un total de 20% d’énergies renouvelables dans l’ensemble des énergies utilisées.

A la conférence de Copenhague[27], en 2009, les quelques pays signataires s’accordent à ne pas dépasser un réchauffement de plus de deux degrés Celsius, sans donner de point de référence (!) et sans s’engager sur les détails de comment y parvenir. Pour beaucoup, c’est un échec. En 2010, l’accord de la conférence de Cancún, plus légitime que celui de Copenhague, ajoute le point de référence : il faudra tout faire pour limiter le réchauffement du climat à deux degrés Celsius par rapport à la période pré-industrielle. Des efforts gigantesques restent à mettre en œuvre : le GIEC affirme aujourd’hui qu’il faut une diminution de 25 à 40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020 par rapport à 1990, et de 95% d’ici 2050, toujours par rapport à 1990. Malheureusement, l’accord péniblement atteint au sommet climatique de Durban à la fin de cette année 2011 ne donne pas de signes montrant que la communauté internationale est prête à s’engager dans ces efforts rapidement et à bras le corps : l’objectif des deux degrés Celsius est loin d’être pris réellement en compte. Par ailleurs, un des enjeux des négociations était de préparer la suite du protocole de Kyoto, celui-ci prenant fin en 2012. Ce qui a finalement résulté des négociations est une feuille de route vers un accord à signer par tous les pays en 2015 mais n’entrant en vigueur qu’en 2020. Cette feuille de route prévoit notamment la poursuite de Kyoto par les pays signataires, mais le Canada, la Russie et le Japon ont refusé de renouveler leur engagement.

La prise de conscience progressive effectuée depuis une quarantaine d’années nous montre bien un besoin d’action de plus en plus urgent. Car il s’agit bien d’une urgence : le rapport publié par Nicolas Stern en 2006 chiffrait les coûts liés au changement climatique et comparait les coûts de l’inaction aux coûts de l’action en termes de PIB. Les chiffres sont édifiants : si l’on ne fait rien, les meilleurs scénarios prévoient une perte de 5% du PIB mondial chaque année – les pires estimant la perte jusqu’à 20% ! Le coût de l’action quant à lui ne dépasserait pas 1% du PIB mondial chaque année, et ce, à la condition que cette action soit entreprise rapidement[28]. Notons que deux ans après avoir publié son rapport, Nicolas Stern a affirmé avoir gravement sous-estimé l’ampleur des risques liés au changement climatique.

Dans ce lent processus de prise de conscience, les Eglises chrétiennes, bien qu’elles ne soient pas en position de précurseurs, ne sont pas en reste : en 1987, le Conseil Œcuménique des Eglises (COE) a initié son programme « Justice, paix et sauvegarde de la création » lors de son assemblée mondiale de Vancouver. L’objectif est d’encourager les Eglises à prendre des engagements sérieux en faveur de la justice, de la paix et de la création. Les assemblées européennes de Bâle (1989), Graz (1997) et Sibiu (2007), ainsi que l’assemblée mondiale de Séoul (1990) sont des étapes importantes de cette dynamique lancée par le COE. En 2008, ce dernier a publié une note sur le réchauffement planétaire et les changements climatiques[29].

De son côté, l’Eglise catholique a tardé à prendre la parole et est loin d’utiliser son potentiel mobilisateur[30]. Les documents romains traitant de cette question capitale, écrits par Jean-Paul II et puis Benoit XVI, introduisent et puis implémentent le concept d’écologie humaine. En 1991, Jean-Paul II écrit dans son encyclique Centesimus Annus : « […] il y a un certain dû à l’homme parce qu’il est homme. Ce dû comporte inséparablement la possibilité de survivre et celle d’apporter une contribution active au bien commun de l’humanité »[31]. En 2010, dans son message pour la 43ième journée de la paix, Benoit XVI met en évidence le lien entre construction de la paix et protection de la création. Il y écrit que « l’usage des ressources naturelles devrait être tel que les avantages immédiats ne comportent pas de conséquences négatives pour les êtres vivants, humains et autres, présents et futurs […] »[32]. Le point d’ancrage de l’écologie reste l’homme, et Benoît XVI insiste sur la « différence ontologique et axiologique qui existe entre la personne humaine et les autres êtres vivants »[33].

1.3.       La crise écologique, la crise d’un modèle ?
 

« Il a fallu à la Grande-Bretagne la moitié des ressources de cette planète pour parvenir à ce niveau de prospérité. De combien de planètes l’Inde aurait-elle besoin pour son développement ? »
Mahatma Gandhi

Si les dégradations diverses de l’environnement sont essentiellement dues aux activités humaines et si le changement climatique est largement imputable à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre émis par les pays industrialisés, c’est notre mode de vie occidental qui est mis sur la sellette, ainsi que l’idée que nous nous faisons du progrès et du développement. Ne tenant compte ni des contraintes écologiques ni du caractère limité des ressources naturelles, notre mode de vie moderne est pourtant présenté au reste du monde comme le modèle de développement à suivre et aujourd’hui en voie de mondialisation. Cependant, si ce modèle était généralisé à l’échelle du globe, nous aurions besoin de bien plus d’une planète pour répondre aux exigences insatiables de notre mode de vie à l’occidentale ! En réalité, le niveau mondial actuel des émissions de gaz à effet de serre nécessite déjà deux planètes. La notion d’empreinte écologique[34] est très parlante : il s’agit de « l’estimation de la superficie de la terre dont une population ou un individu a besoin pour subvenir à ses besoins (nourriture, transports, logement, déchets), selon son mode de vie »[35]. A titre d’illustration, si la population mondiale s’alignait sur les émissions produites par les Etats-Unis ou le Canada, il nous faudrait pas moins de neuf planètes ! Si l’humanité suivait l’exemple de l’Allemagne, du Japon, des Pays-Bas ou du Royaume-Uni, il nous en faudrait quatre. Par contre, si tout le monde vivait comme les Burundais, il suffirait d’une demi-planète.

Dès lors, on peut dire que notre manière de vivre en Occident est dépendante de la pauvreté ailleurs sur le globe. Or, ce modèle, basé sur le capitalisme et s’appuyant sur l’industrialisation et la consommation de masse, est adopté en force par les pays dits émergents : les pays regroupés sous l’appellation BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine[36]) sont effectivement engagés, chacun à leur manière, dans une industrialisation relativement brutale, sans vergogne pour les préoccupations environnementales. Sans adaptation et réorientation de ce modèle, l’humanité va donc droit dans le mur ! Il ne s’agit pas de dire, hypocritement, au reste du monde : « Ne vous développez pas comme nous, car notre opulence est dépendante de votre indigence », mais il s’agit de remettre ce modèle en question et de le réorienter en premier lieu chez nous afin de libérer de « l’espace écologique » pour que les pays dits en développement puissent sortir de la pauvreté et que l’humanité entière puisse vivre dans les limites écologiques. Car si nous n’arrivons pas à transformer ce modèle de façon crédible, les pays du Sud, émergents ou en développement, refuseront, comme c’est le cas actuellement, de limiter leurs émissions de gaz à effet de serre, avec pour objectif – tout à fait légitime et compréhensible – de ne pas mettre à mal leur développement économique afin de sortir de la pauvreté. En effet, ces pays peuvent facilement mettre en avant l’argument de la dette écologique du Nord envers le Sud. Notons d’ailleurs que notre dette écologique continue de grossir : malgré l’engagement dans le protocole de Kyoto, les émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés ont continué d’augmenter de façon significative.

Il est important d’ajouter que l’accumulation des richesses ne résout pas le problème de leur répartition. D’abord, dans les pays dits développés, le scandale intolérable des inégalités socioéconomiques ne fait que se renforcer, ce qu’ignore le PIB. Il en va de même dans les pays émergents, dont seule une mince partie de la population profite du processus de mondialisation. Enfin, dans les pays en développement, on peut parler de ce qu’on appelle la « malédiction des ressources », c’est-à-dire le fait que l’exploitation des ressources ne bénéficie pas aux pays producteurs, victimes des logiques de prédation, et encore moins aux populations locales. Ainsi, l’écart entre riches et pauvres ne fait que s’accentuer, les riches devenant scandaleusement de plus en plus riches et les pauvres scandaleusement de plus en plus pauvres… et ce phénomène s’observe donc non seulement entre pays, mais également en leur sein, y compris au sein des pays occidentaux[37].

Par ailleurs, notre mode de vie individualiste et consumériste reposant sur la croissance sans fin est loin d’être la panacée. Paradoxalement, le bien-être n’augmente pas à mesure de la croissance économique. A l’inverse, notre mode de vie occidental génère une « récession sociale »[38] : anxiété, dépressions cliniques, perte de confiance au sein de la société, rupture des communautés, etc.[39] Bref, derrière la croissance économique plus ou moins soutenue sont dissimulées toute une série de détériorations qualitatives qui, en plus d’être environnementales, sont aussi sociales, relationnelles et psychologiques[40]. Si la civilisation occidentale a permis l’individuation et l’autonomie des individus, cela va souvent de pair avec leur atomisation et la solitude. Ce qui se perd en chemin, c’est le tissu social, qui peu à peu se détricote. En résulte un sentiment diffus de mal-être.

1.4.       La crise écologique, une crise complexe et mondiale
 

« Je pensais d’abord que je luttais pour sauvegarder des arbres à caoutchouc avant de réaliser quej’essayais de protéger la forêt tropicale amazonienne.Je comprends maintenant que je me bats pour l’humanité. »
Chico Mendes, environnementaliste brésilien


« Il nous faudra changer de mode de pensée pour que l’humanité survive. »
Albert Einstein

Il y a plusieurs raisons supplémentaires de céder au fatalisme dès lors que l’on est confronté à ces constats, somme toute déjà accablants. Premièrement, la crise écologique est complexe et son échelle est mondiale. Il s’agit de prendre conscience que notre manière de vivre ici a des conséquences à l’autre bout de la planète : la famille humaine est réellement « écologiquement interdépendante »[41]. Deuxièmement, il y a des perceptions très différentes de la crise écologique, selon qu’on en souffre ou non, selon que l’on est à même de faire face ou non. Dès lors, il apparaît difficile d’avoir une action commune et globale. Troisièmement, la crise écologique est imbriquée dans d’autres crises, toutes interdépendantes les unes des autres : crises économique et financière, sociale, alimentaire, géopolitique,… La crise écologique s’inscrit en réalité dans une crise globale, dont les facettes sont multiples. Or, les connaissances sont séparées les unes des autres : la science est segmentée et l’on comprend une crise secteur par secteur (le social, le biologique, le géologique, l’économique, etc.), alors que tous ces secteurs sont interdépendants dans les crises. Ainsi, en pleine crise économique, c’est le retour à la croissance économique qui est préconisé. « Relancer la machine » donc, sans se poser la question des limites écologiques et de l’épuisement des ressources naturelles. Les connaissances n’apparaissent pas alors comme un ensemble qui fait sens.

Plus fondamentalement, on peut dire de la crise écologique qu’il s’agit d’une crise paradigmatique[42], dans le sens où ce sont nos représentations et notre vision du monde, nos valeurs, nos systèmes de pensée, nos croyances, etc., qui sont remis en cause et qu’il nous faut aujourd’hui questionner. Envisagée de la sorte, la crise environnementale peut également être considérée comme une crise de sens.

1.5.       La crise écologique, une opportunité
 

La dimension planétaire et la complexité que revêt la crise écologique ne font qu’accentuer notre sentiment d’impuissance. La tentation de fuir ou de rester paralysé face à l’ampleur des défis est grande. Toutefois, selon Jacques Haers, une autre possibilité existe : c’est d’envisager la crise environnementale comme un don. Mais il s’agit d’un don qui coûte et qui nous met à la tâche ![43] En effet, plutôt que de considérer la crise comme une fatalité ou une menace, elle peut aussi bien être considérée comme une opportunité, une chance à saisir pour s’engager dans un processus de changement. L’étymologie du mot crise nous le donne à penser : krisis en grec signifie « moment du jugement, du discernement, de la décision ». Et comme le suggère le philosophe Michel Serres, la décision (couper en deux en latin) est le moment de la bifurcation, où naît la possibilité d’inventer du nouveau, de tracer d’autres voies[44]. Tracer d’autres voies : c’est bien de cela que l’humanité a besoin. Certes, la prise de conscience de l’urgence d’agir gagne du terrain dans la conscience collective. Cela ne nous amène pourtant pas à répondre de façon déterminée aux défis. Pour trouver les causes de notre indécision et de notre tiédeur, il semble nécessaire de creuser plus profondément et de discerner les résistances et les freins, tant extérieurs qu’intérieurs, qui nous empêchent de proposer des alternatives crédibles et de vivre la crise comme un don.

2.   Les résistances au changement
 

Dans la première partie de cette étude, nous avons fait le constat que notre modèle de développement occidental et ses paradigmes devaient être remis en question. Suivant la démarche qui va du discernement jusqu’à la décision, l’étape suivante, qui nous aide à réaliser à quel point nous sommes complices de ce modèle, est nécessaire avant d’en venir au choix d’une voie nouvelle : dans cette deuxième partie, nous tenterons d’analyser deux dynamiques qui nous empêchent de répondre de façon responsable et juste aux défis que l’humanité est appelée à relever sans tarder. Il s’agit du consumérisme et de l’anthropocentrisme, deux « paires de lunettes » occidentales qui conditionnent les représentations que nous nous faisons du monde et de l’être humain, et qui façonnent la relation que ce dernier entretient avec son environnement. Nous proposons d’en questionner le sens et les valeurs sous-jacentes.

2.1.       Le consumérisme
 

« Le capitalisme n’est pas seulement un système de production, d’accumulation et de distribution des richesses ; il est aussi un esprit, un imaginaire, une vision du monde, de l’être humain et du temps qui réduit le réel au visible, le visible au matériel, le matériel à l’économique. »
Michel Maxime Egger

C’est un fait : trop d’êtres humains consomment trop. La planète est en voie d’épuisement tant ses ressources sont exploitées avec démesure, sans égard ni pour leur caractère non renouvelable ni pour les déchets qu’elles génèrent  (pollution, CO2, etc.). La crise environnementale montre que le modèle de la consommation de masse atteint aujourd’hui ses limites. Le paradigme du consumérisme n’est pas durable et la généralisation de ce modèle d’hyperconsommation n’est pas supportable pour la planète. Et pourtant, il faut être réaliste : il semble bien que le consumérisme a de beaux jours devant lui… Y serions-nous donc pieds et poings liés ? Pour répondre à cette question, nous abordons le consumérisme sous deux angles distincts et complémentaires : une approche économique et une approche anthropologique.

2.1.1.   Approche économique
 

L’asservissement à la croissance
 « Une terre finie peut-elle supporter un projet infini ? »Leonardo Boff
« Quiconque croit qu’une croissance exponentielle peut durer toujours dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. »Kenneth E. Boulding, économiste

Notre système économique est entièrement construit sur la logique de croissance. Sa survie même en dépend. La croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) est devenue l’indicateur par excellence de la bonne santé d’une société. Le PIB mesure l’activité économique comptabilisée dans la comptabilité nationale, c’est-à-dire la « création de richesse ». Pour les Etats, il y a une obligation devenue presque morale de générer un supplément de croissance chaque année ; un constat assez paradoxal quand on réalise que l’indicateur du PIB se porte mieux quand surviennent des catastrophes écologiques, des accidents, quand on est malade, etc. En effet, faire un accident de voiture est bon pour la croissance du PIB : cela fait fonctionner les hôpitaux et stimule le marché des automobiles ! Par ailleurs, sous le PIB se cachent des activités aussi diverses que l’armement et la guerre, la publicité, les soins de santé ou l’enseignement… Il ne reflète donc en rien l’état des relations humaines et de la cohésion sociale, ni l’état de l’environnement et de l’exploitation des ressources naturelles non renouvelables, etc. Il ne dit rien non plus sur la question du sens (ou de son absence) que les citoyens donnent à leur vie. Lui échappe aussi la création de valeur qui relève du champ de la gratuité : don, bénévolat, économie domestique, etc.[45]

Cette croissance, qui est devenue un impératif, suppose une consommation sans fin et une production en expansion infinie. Or, si la planète a des limites écologiques, la croissance économique, et donc la production et la consommation, ne peuvent logiquement pas être illimitées. Ce constat ne relève-t-il pas du bon sens-même ? Pourtant, nous continuons à exploiter les ressources naturelles, tablant aveuglément sur leur abondance infinie, sans beaucoup d’égards ni pour la planète ni pour les populations qui souffrent déjà du changement climatique ni pour les générations futures, qui voient se miner les conditions pour un développement durable. L’asservissement de notre système économique à la croissance nous mène donc droit dans le mur.

Ajoutons que, comme le rappelle l’économiste Christian Arnsperger, la croissance a un sens en deçà d’un certain niveau : si sa répartition entre les individus est juste, alors elle est corrélée positivement au bien-être et à la satisfaction des personnes[46]. En Europe, dans les années d’après-guerre, la redistribution des bénéfices de la croissance par l’Etat social a permis à la population d’accéder à la classe moyenne, caractérisée par un mode de vie confortable. Si l’on en croit David Petit[47], dans les années 70, la France avait à la fois une empreinte écologique soutenable et un mode de vie confortable. La création de richesse traduite par la croissance du PIB a donc un sens si elle permet à la population d’améliorer sa qualité de vie et de réduire les inégalités au sein de la population. C’est le rôle de l’Etat d’assurer cette redistribution. Or, dans les années 80, Reagan et Thatcher ont confié le soin de la redistribution aux marchés. Le rôle de l’Etat, considéré comme un frein aux libertés individuelles, est depuis lors réduit au minimum. Or, si les marchés ne sont pas régulés, des agents économiques, profitant de leur position dominante, accaparent les richesses au détriment du reste de la population et cela mène à un accroissement des inégalités. En résumé, l’économie du « beaucoup avoir » n’est pas une économie du « bien-être »…

Croissance versus décroissance ?

« Agissons de telle sorte que les effets de nos actes soient compatibles
avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur Terre. »

Hans Jonas, Le Principe responsabilité, 1979
 

Si nous nous positionnons de manière très critique par rapport au « tout à la croissance » qui est de mise aujourd’hui, ce n’est cependant pas pour rejoindre sans discernement les tenants de la décroissance. Pour qu’il soit reçu, nous pensons qu’il faut nuancer le discours. Nous sommes d’avis qu’il faut distinguer ce qui doit croitre de ce qui doit décroitre. Certes, en prenant une position critique sur la croissance à tout prix, c’est le cœur de la théorie économique classique que nous mettons en question. Toutefois, c’est la surconsommation que nous mettons en cause formellement, à savoir l’accumulation de biens matériels, toujours plus beaux, plus neufs, meilleurs et moins chers – dont l’obsolescence est programmée –, et qui nécessitent l’exploitation démesurée des ressources naturelles et sont trop souvent liés  à l’extraction minière criminelle[48]. La consommation de biens matériels doit bien évidemment décroitre pour que l’humanité puisse vivre dans les limites écologiques de la planète. Par contre, les biens immatériels n’impliquent pas la prise en compte des limites écologiques, et leur production ne doit donc pas nécessairement entrer dans une logique de décroissance, en tout cas pas pour des raisons de contraintes environnementales. Cependant, il est important de ne pas mettre, par exemple, les budgets consacrés à des biens immatériels comme la publicité et le marketing dans le même sac que ceux consacrés à la coopération au développement. Si l’on met ces chiffres en perspective, on constate effectivement l’indécence : à titre d’exemple, dix fois plus d’argent est consacré aux dépenses de publicité par rapport à ce qui est nécessaire pour réduire drastiquement la faim dans le monde, pour rendre possible l’accès à l’eau potable et aux soins de base[49]. Ni le « tout à la croissance » donc, ni à la décroissance, mais plutôt un discernement qui nécessite des débats publics pour déterminer ce qui doit croitre et ce qui doit décroitre.

Le consumérisme : une expression postmoderne du capitalisme

Comme l’explique le politologue Benjamin Barber, le consumérisme « n’est pas synonyme de capitalisme, mais est une expression des anomalies postmodernes de celui-ci »[50]. Le consumérisme rompt l’équilibre traditionnel du capitalisme entre production et consommation. Au départ, l’objectif de la production de biens et services était effectivement de répondre à des besoins de base bien réels. Cependant, une fois que ces besoins ont été satisfaits – en tout cas pour une large partie de la population des pays industrialisés –, il a fallu en créer de nouveaux pour la survie du système. La dynamique s’est ainsi inversée : au lieu de produire des biens et services pour rencontrer des besoins essentiels et très réels, il a fallu créer de nouveaux (faux) besoins pour pouvoir écouler l’offre de biens et services qui continuaient d’être mis sur le marché. C’est ainsi que le capitalisme est entré dans sa phase consumériste. Pour le capitalisme consumériste, dont le ressort principal est la recherche de la maximisation du profit, il n’est pas intéressant d’essayer de rencontrer les besoins de base des populations pauvres (que ce soit dans les pays développés ou en développement), tout simplement parce qu’elles sont non solvables. Il lui a dès lors fallu créer de nouveaux besoins, superflus, chez les riches. Comme le résume  le philosophe et psychanalyste Maurice Bellet, « nous consommons trop pour nos besoins ; mais il faut trouver moyen de faire éclater nos besoins ! »[51]. Ainsi, la machine tourne et le système fait pression sur les consommateurs pour qu’ils consomment toujours plus. Comme l’avait déjà démontré John Kenneth Galbraith en 1967, « nous devenons, dans nos pensées et nos actes, les serviteurs de la machine que nous avons créée pour nous servir »[52]. C’est un comble : le capitalisme consumériste a besoin des consommateurs pour sa propre survie ! Comme le dit bien Benjamin Barber, « les consommateurs ‘avaient moins besoin’ d’acheter les marchandises que le capitalisme n’avait besoin d’eux pour acheter les marchandises »[53]. On voit là la relation de servitude que le système capitaliste a réussi à instaurer entre consommateurs et consommation. L’économiste Tim Jackson, empruntant une expression de Max Weber, va jusqu’à parler de la « cage de fer » du consumérisme[54].

2.1.2.   Approche anthropologique

Aborder le consumérisme sous un angle anthropologique, c’est affirmer que le consumérisme n’est pas seulement, d’un point de vue économique, un stade de l’évolution du capitalisme, mais qu’il est également une manière de répondre à des besoins, des réflexes et des pulsions profondément ancrés dans l’être humain.

Le consumérisme : tout un mode de vie, toute une culture

« Quand le dernier arbre sera abattu,
La dernière rivière empoisonnée,
Le dernier poisson pêché,
Alors vous découvrirez
Que l’argent ne se mange pas. »
Proverbe Cree (Indiens du Canada)

 

Comme le souligne justement le sociologue et philosophe Jean De Munck, le suffixe -isme du mot consumérisme le distingue de la consommation. La consommation est biologiquement indispensable à la vie et elle désigne, d’un point de vue économique, l’achat et l’usage de biens et services. Le consumérisme quant à lui est un mode de consommation « culturellement surdéterminé, […] historiquement daté et géographiquement situé »[55]. Ce qui fait passer de la consommation au consumérisme, c’est la dimension symbolique que les consommateurs accordent à la consommation dans la construction de soi : Tim Jackson explique que les biens de consommation jouent un rôle symbolique dans nos vies et constituent un « langage » qui nous permet de communiquer avec autrui pour lui parler de notre statut, de notre identité, de notre affiliation sociale, de nos sentiments, du sens de la vie, de ce qui compte vraiment. Cette idée expliquerait l’insatiabilité de notre désir de biens matériels[56].

En d’autres mots, on peut dire que le consumérisme est devenu un mode de vie et de pensée, et plus largement toute une culture dont nous sommes imprégnés et qui nous façonne, qui structure et trace les contours de ce que nous pensons, désirons, rêvons, etc. Le consumérisme a tout simplement « colonisé » notre sphère quotidienne[57] et envahi tous les domaines de la vie : les relations sociales, la culture, la santé, voire la spiritualité, et même la sexualité ! C’est une spirale : il faut travailler plus, pour gagner plus, pour pouvoir consommer plus. Cela diminue le temps disponible pour les échanges gratuits qui ont lieu en famille, etc. La vie culturelle est elle aussi régentée par une logique marchande : les fêtes sont commercialisées à outrance, la culture devient une véritable industrie. Nous en sommes même venus à adopter les logiques de rentabilité et d’efficacité propres à la sphère économique dans notre gestion du temps par exemple. Ainsi, « l’aspiration à consommer fait travailler, vendre, migrer et rêver »[58].

Le philosophe Maurice Bellet synthétise en un mot la prégnance et la primauté de ce système où tout est subordonné à l’économique, que nous adoptons volontiers : il s’agit de l’« écorègne », c’est-à-dire le règne de l’économie[59], qui a ses principes propres : « Principe technologique : ‘tout ce qui est possible, nous le ferons’. Principe économique : ‘tout ce qui nous fait envie, nous l’acquerrons’. Principe de croissance continue : ‘toujours plus, toujours plus vite’ »[60]. Comme il l’exprime très bien, « le règne de l’économie ‘avale’ tout ; tout désir peut y trouver sa place »[61], « l’écorègne permet tout – et dévore tout »[62]. Mais si tout désir peut y trouver sa place, ce n’est certainement pas en restant intact : « L’écorègne absorbe tout en apparence ; mais c’est en dénaturant »[63]. Maurice Bellet cite l’exemple de l’écologie, que le règne de l’économie récupère à son compte et selon ses propres lois[64] : surconsommation, compétitivité, rentabilité, maximisation du profit.

La sphère économique instrumentalise ainsi la sphère sociale et la sphère politique et, pour reprendre les termes de l’historien de l’économie Karl Polanyi, en est totalement « désencastrée »[65]. Et comme le dit le sociologue et philosophe Edgar Morin, il faut « ‘ré-enchâsser’ l’économie dans le social, le culturel, l’humain, ce qui signifie fondamentalement remettre l’économique à sa juste place comme moyen et non comme fin ultime de l’activité humaine »[66]. Les marchés doivent être remis à leur place et soumis à l’ordre politique, qui lui, doit être orienté vers le bien commun et la justice sociale[67].

Illustrons concrètement notre propos : Fernando Lopez[68] montre bien que l’Amazonie est le théâtre de cette logique du règne de l’économie, au détriment et de la justice sociale (en particulier pour les peuples indigènes) et de l’environnement. Tout est subordonné au pouvoir économique : il en va ainsi également de la politique, qui ne respecte pas la convention fixée par l’Organisation Internationale du Travail concernant la protection des sociétés indigènes[69]. Les indigènes y sont victimes de la logique de prédation des industries minières qui font de l’extraction intensive. La progressive déforestation de l’Amazonie, l’extraction minière, la plantation d’agrocarburant se font dans une logique de maximisation du profit à court terme, sans tenir compte ni du respect des populations ni des contraintes environnementales. Cet exemple illustre à merveille à quel point environnement et justice sociale sont intrinsèquement liés : là où pour nous Occidentaux, toucher à la terre, c’est toucher à la propriété privée, pour les peuples indigènes, toucher à la terre revient à toucher à leur vie même[70]. Pour eux, c’est la « matrice de la vie ». Essayer d’appréhender les choses avec ce regard-là, c’est réaliser la terrible violence au cœur de l’écorègne.

Le consumérisme ou la confusion besoins-désirs-envies
 « Il y a assez de ressources sur cette planète pour répondre aux besoins de tous, mais pas assez pour répondre aux désirs de convoitise et de possession de quelques-uns. » Mahatma Gandhi« Si vous en avez envie, dites que vous en avez besoin. »« Saupiquet crée l’envie. »« Delhaize, vivez comme vous voulez. »PublicitésLui : « Mais qu’est-ce que tu cherches en fait ? » – Elle : « Je vais à la rencontre de mes envies. »Conversation entendue chez Ikea

Selon l’économiste Christian Arnsperger, le consumérisme est une manière de répondre à des angoisses existentielles profondément ancrées dans l’être humain : nos angoisses de mort, de manque, de perte et de souffrance. Il soutient l’idée que ces angoisses influencent de façon décisive nos comportements sociaux et économiques, que « tout système économique […] est une façon de gérer collectivement des angoisses existentielles profondément ancrées dans chaque individu »[71] et que la gestion capitaliste de nos angoisses engendre chez l’être humain, l’homo œconomicus, une confusion entre désirs et besoins[72]. Si on peut déterminer les besoins de base des êtres humains et dire qu’ils sont plus ou moins semblables d’un être humain à l’autre, et s’ils sont limités en étant satisfaits, les désirs, étant « relatif[s] à un manque qu’aucun objet ne saurait combler »[73], ne sont quant à eux jamais assouvis. Or, si le propre de la gestion capitaliste de l’angoisse du manque est de faire passer nos désirs pour des besoins insatisfaits, cette logique veut qu’il y ait une consommation toujours croissante[74]. C’est la spirale, inévitable dans l’écorègne, du « toujours plus ». Ainsi, ce qui était considéré comme un luxe devient une absolue nécessité et ce qui était de l’ordre du superflu devient tout à fait indispensable…[75]. Comme le détaille Maurice Bellet[76], l’écorègne a un maitre du jeu : le désir des masses. Mais l’écorègne ne fait pas la distinction entre besoin et désir. Il y a confusion entre ces deux réalités, toutes deux perverties et transformées en « envie ». Le besoin de base de se nourrir prend ainsi la figure de l’envie et devient « envie de chocolat, de viande rouge, etc. ». Le désir, lui aussi, est réduit à l’envie, ce qui induit une brutalité qui est de l’ordre de la compulsion : « Je veux ça et tout de suite ! ». En prenant la figure de l’envie, le désir est avili. Une caractéristique essentielle des besoins-envies ou des désirs-envies, c’est de pouvoir être étendus à l’infini, puisque la logique de l’envie, c’est de vouloir toujours plus : « Toujours plus ! Un désir-envie multiforme en expansion infinie, et par le déplacement continu de l’objet désiré : tout repose là-dessus. Homo insatiabilis ! »[77], comme le dénonce Maurice Bellet. Laurent de Briey met en relief le fait que le système nous maintient dans un état de frustration et d’insatisfaction permanentes et nous fait miroiter que la consommation pourra les combler[78]. Avec le philosophe Patrick Viveret[79], nous pouvons compléter cette idée en relevant la proximité entre société de consommation et société de consolation. Mais si la consommation console, c’est de façon bien éphémère. La frustration n’en est qu’aggravée.

Bien sûr, l’écorègne a ses failles et certaines choses lui échappent : la générosité, la solidarité, l’entraide, le désintéressement, l’art, la mystique, ce qui est beau, le goût de bien vivre, etc. Mais pour l’écorègne, soit c’est de l’ordre de l’insignifiance, soit c’est l’occasion de créer un nouveau marché. En somme, ce qui relève de la gratuité et du désintéressement n’a pas de valeur, puisque dans l’écorègne, ce qui donne et mesure la valeur, c’est l’argent.

Le capitalisme consumériste, ou l’écorègne, repose sur un ressort clé pour nous entretenir dans une relation d’asservissement avec la consommation de masse : la publicité. En effet, la stratégie de la publicité est d’orchestrer et d’entretenir la confusion entre besoins, envies et désirs. Ainsi, elle « court-circuite le désir soit en jouant sur l’angoisse du besoin insatisfait pour attiser la compulsion de l’envie immédiate, soit en jouant sur la compulsion de l’envie immédiate pour déclencher l’angoisse du besoin insatisfait »[80].

La question essentielle est donc finalement de savoir ce que nous faisons de notre désir. Comme le suggère Patrick Viveret[81], s’il est de l’ordre de l’avoir, de la possession et du paraitre, cela ouvre la porte à la consommation sans fin pour ceux qui y ont accès, produisant de la sorte des inégalités car cela engendre de la rareté artificielle.

Le consumérisme, l’individualisme et la perte de lien social

« Le trop de quelque chose est un manque d’autre chose. »
Proverbe arabe

 

Le consumérisme est aussi un moyen individuel de répondre à nos angoisses existentielles. Le résultat, c’est une société atomisée où les communautés disparaissent. On ne voit plus que la consommation pour répondre à nos angoisses existentielles. Le tissu social, la solidarité, qui permettaient de répondre autrement à nos angoisses existentielles, se perdent. Prenons notre besoin de sécurité, à titre d’exemple : ce besoin essentiel peut soit être satisfait par un compte en banque bien garni, des systèmes d’alarme et autres assurances vie, soit par nos relations, amis et famille, qui peuvent nous aider en cas de difficultés. Notre opulence matérielle induit souvent une pauvreté relationnelle[82]. Ainsi, la logique très individuelle du consumérisme détruit nos réflexes collectifs d’entraide et de solidarité. Or, cette dimension collective est nécessaire au changement et à la création d’alternatives : il est difficile de changer seul, et si c’est le cas, cela n’a pas une portée sociale très large.

Le consumérisme ou l’exercice d’une fausse liberté

Le consumérisme, c’est aussi une culture du primat de la liberté individuelle : celle du consommateur qui a le choix[83]. La souveraineté du consommateur est présentée comme la figure accomplie et absolue de la liberté. En réalité, il s’agit d’une fausse liberté, d’une liberté tout à fait illusoire. Car le consumérisme, c’est aussi et avant tout la standardisation des normes et des modèles : le consommateur croit avoir le choix, mais en réalité, le système lui dicte ce qu’il doit désirer, ce dont il doit avoir envie, ce dont il doit rêver, ce qu’il doit acheter. Le consumérisme entraine une homogénéisation des objets et des modes de vie : on assiste, en complice aveuglé, à la « McDonaldisation » du monde ! Le consommateur croit être parfaitement libre, mais il est en réalité cadenassé par une pléthore de normes, de conseils et d’injonctions : le client-roi est en fait un client esclave et soumis. De plus, la pseudo-liberté du consommateur s’accompagne de la soumission du travailleur. Le système nous fait également croire que nous avons le choix entre une multitude de produits et d’options, parmi lesquels nous devons incontestablement trouver ce qui coïncide avec nos envies. En réalité, le choix se situe toujours entre consommer et… consommer ! De plus, nombreuses sont les personnes qui se sentent « schizophrènes » dans ce système, car elles se sentent prisonnières d’un système qui ne leur permet pas de vivre en accord avec leurs valeurs.

L’illusion du progrès technologique sans fin ou les impasses d’un capitalisme « vert »


 « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »Rabelais

« La voiture la plus verte est celle que l’on n’utilise pas. »« C’est l’histoire d’un agriculteur qui épandait des pesticides dans son champ. Un jour un coup de vent les lui renvoya dans la figure et il devint aveugle. Plus tard, racontant cette histoire, il se rappelle : ‘Fichu vent’. »Anonyme

On assiste aujourd’hui à la création de nouveaux marchés « verts », à l’émergence de politiques de stimulation de la consommation « verte ». Certes, c’est nécessaire pour une transition vers une société pauvre en carbone. On peut même dire que c’est d’une urgente nécessité. Cependant, cela ne remet pas en cause la logique de la consommation et de la croissance sans fin. On ne fait qu’approfondir la contradiction entre consommation illimitée et ressources limitées[84]. De la sorte, on se donne bonne conscience, sans réaliser qu’il faut un changement plus profond. Prenons un exemple du quotidien : la voiture. Certes, oui, il est indispensable que nos voitures consomment moins. Mais l’essentiel est de changer d’habitudes et de quitter la logique du « tout à l’auto ». Nous nous reposons sur la croyance que la technologie pourra régler le problème écologique. Mais « cet optimisme technologique est une forme de fuite en avant. Les apparentes solutions apportées créent de nouveaux problèmes, et souvent encore plus graves »[85]. Un exemple : la production d’agrocarburant se fait sur des terres arables, confisquant ainsi de l’espace nécessaire pour l’alimentation humaine.

La foi dans le progrès, qui constitue un pilier essentiel du paradigme capitaliste, est une illusion. Concrètement déployé par la science et la technologie, le mythe du progrès sans fin qui nous mènera vers des lendemains toujours meilleurs, est un leurre : la technologie crée autant de problèmes qu’elle n’en résout, si pas plus ! Ce mythe du progrès, mû par nos envies insatiables de biens matériels, s’apparente à une recherche du toujours plus et non du toujours mieux. Cependant, il faut prendre conscience que notre imaginaire, nos représentations et nos rêves sont structurés par l’idée du progrès. Certes, la foi dans le progrès anime les scientifiques à la recherche d’un vaccin qui permettra de réduire les inégalités. Notre propos n’est pas de rejeter l’idée de tout progrès. Nous voulons plutôt insister sur le fait que ce ne sont pas les progrès scientifiques et technologiques qui nous sortiront à eux seuls de la crise écologique[86].

Cela pose aussi la question du développement durable. Celui-ci est souvent représenté par un diagramme de Venn, où le développement durable est à l’intersection de trois cercles représentant les trois piliers classiques du développement durable : le développement économique, la justice sociale, la protection de l’environnement. Cela peut faire penser que les logiques ne feraient que se superposer. Or, pour que le développement soit soutenable, il ne suffit pas de « verdir » le capitalisme en ajoutant une couche environnementale à des logiques économiques classiques. Il ne suffit pas non plus d’y juxtaposer une touche sociale. Pour que le développement soit réellement soutenable, il faut que les trois dimensions soient imbriquées, c’est-à-dire que l’économique tienne compte de la contrainte sociale et en même temps de la contrainte environnementale[87].

2.2.       L’anthropocentrisme
 

Une autre caractéristique essentielle de la manière dont nous nous représentons le monde, l’être humain et la nature de la relation que ce dernier entretient avec son environnement, est l’anthropocentrisme : il s’agit d’une part d’un regard qui appréhende la réalité seulement à partir de l’être humain et le place au centre ; et d’autre part, il s’agit d’un regard implicitement dualiste, c’est-à-dire un regard qui divise la réalité en opposant les termes deux à deux, comme par exemple la nature et l’être humain, ou la nature et la culture.

2.2.1.   Une vision occidentale de l’être humain et de la nature
 

Avec les progrès des sciences déployés par la technologie, l’être humain occidental est devenu, selon l’expression de Descartes, « maître et possesseur de la nature ». Ainsi, « érigé en mesure de toutes choses, l’être humain se place hors et au-dessus de la nature pour la connaître, la conquérir et la dominer par sa puissance rationnelle et […] technologique. Quant à la création, disséquée et mise en équations, elle est ramenée à une réalité matérielle et mécanique, vidée de tout mystère »[88]. Le terme « environnement » parle de lui-même : c’est ce qui est autour. Dans nos sociétés occidentales, l’être humain apparaît comme le seul être à avoir une valeur intrinsèque, la nature n’ayant qu’une valeur instrumentale : l’être humain est devenu sujet, et le monde est devenu son objet. En d’autres mots, on peut dire que la vision de la nature en Occident est une vision de type marchand : nous en sommes venus à la considérer comme un stock de ressources naturelles exploitables à merci et mis à notre disposition pour la satisfaction de nos désirs-envies et de nos besoins-envies en expansion infinie. D’ailleurs, le mot ressource lui-même induit une logique marchande. En Quechua, langue parlée dans la région des Andes, ce terme n’existe pas, on parle de biens naturels et non de ressources naturelles[89].

2.2.2.   Des dualismes nés de la modernité
 

Notre modernité occidentale est également caractérisée par une vision dualiste du monde et de la condition humaine qui oppose les termes deux à deux : nature et culture, individuel et collectif, corps et âme, homme et nature, matériel et spirituel, humain et divin, foi et raison, etc. Ce qui nous caractérise, êtres humains occidentaux, c’est que nous ne savons plus vivre la tension entre ces réalités désormais divisées : un des deux termes est privilégié au détriment de l’autre, qui va jusqu’à disparaitre, absorbé qu’il est par le premier[90]. Pour s’épanouir véritablement, l’être humain devrait toujours effectuer un choix de pondération entre les deux composantes d’un couple de dimensions, plutôt qu’un choix exclusif[91]. Or aujourd’hui, notre civilisation occidentale privilégie l’individuel au détriment du collectif, le matériel au détriment du spirituel, l’être humain au détriment de la nature, etc.

Loin de nous cependant l’idée de rejeter la modernité et de promouvoir un retour en arrière. Il ne faudrait pas perdre le positif que ces scissions ont apporté : l’être humain comme individu et sujet, autonome, émancipé, exerçant sa liberté de conscience et capable de raison. Cependant, il est nécessaire de repenser notre mode d’être au monde et notre rapport à la nature. Il ne s’agit pas de tomber dans un biocentrisme comme le font les tenants de la deep ecology qui situe les êtres humains sur le même plan que tous les organismes vivants, mais d’opter pour un anthropocentrisme modéré qui distingue l’être humain de la nature sans l’en séparer pour autant. L’être humain garde « un statut particulier à l’égard des autres espèces puisqu’il dispose d’une liberté, d’une intelligence réflexive, d’un pouvoir créateur qu’elles n’ont pas »[92]. Comme le propose la philosophe Charlotte Luyckx, il n’y a pas que l’être humain et la nature (l’être humain étant délié de la nature), mais il y a l’être humain, la nature et la relation entre les deux[93]. Ainsi, ce n’est pas ou l’être humain ou la nature, mais et l’être humain et la nature. Dans la partie suivante, nous proposons une voie spirituelle pour vivre ces tensions et dépasser cette posture dualiste.

3.   Approche spirituelle du problème écologique
 

« Le point d’Archimède à partir duquel je peux, en mon lieu,
mouvoir le monde est la transformation de moi-même. »
Martin Buber,
in Le chemin de l’homme

« Là où croît le danger croît aussi ce qui sauve. »
Hölderlin

 

3.1.       La crise écologique comme problème spirituel
 

Les origines de la crise écologique que nous connaissons se situent à différents niveaux. En d’autres mots, la crise écologique peut être appréhendée de plusieurs manières, toutes différentes et complémentaires. Ainsi, elle peut être abordée sous un angle technologique et scientifique, économique, politique, éthique, anthropologique, etc. Les solutions avancées pour résoudre la crise écologique dépendront de l’angle par lequel elle est approchée. Toutes ces approches sont certes nécessaires, et même essentielles. En effet, il est urgent de mener des politiques de régulation du système capitaliste, d’introduire de nouveaux indicateurs de prospérité, de trouver des accords internationaux contraignants concernant le réchauffement climatique, d’appliquer le principe de subsidiarité à cette matière qu’est le climat et donc de trouver des moyens pour une gouvernance mondiale effective et efficace à ce sujet, de mener des politiques de soutien à l’économie « verte », de systématiser le transfert de technologies respectueuses de l’environnement du Nord vers le Sud, etc. Bref, de mener une action politique, collective et structurelle pour trouver des issues à la crise socio-écologique.

Cependant, nous pensons que ce n’est pas suffisant et qu’il faut aller au-delà et creuser plus profondément dans les origines de la crise pour que les réponses soient justes et responsables. Comme le dit Charlotte Luyckx, plus nous creusons loin pour trouver les racines du problème, plus les solutions seront enracinées profondément[94]. C’est pour cela que nous estimons qu’il faut également aborder la crise écologique sous un angle spirituel et existentiel. A ce propos, notons tout d’abord que nous comprenons la spiritualité dans un sens très large, sans la relier exclusivement à une religion ou à une philosophie religieuse. Nous entendons la spiritualité comme espace d’intériorité et lieu de discernement, où l’être humain répond à ses questions existentielles, s’interroge sur le sens de l’existence, « gère » ses angoisses existentielles, et in fine se pose la question suivante : « Quelle vie vaut la peine d’être vécue dès lors que je suis un être-pour-la-mort ? ». Nous envisageons la spiritualité comme espace de liberté où l’être humain, conscient de sa finitude, fait des choix, pose des décisions et finalement, oriente son désir. Précisons deux choses : (1) nous sommes consciente que tout le monde n’utiliserait pas le mot spiritualité pour nommer cet espace intérieur, mais c’est bien cela que nous mettons sous ce mot dans la suite du texte et (2) c’est bien la spiritualité envisagée comme espace de liberté intérieure que nous entendons promouvoir pour trouver des réponses justes à la crise socio-écologique.

Si nous comprenons ainsi la spiritualité, nous voyons bien que la crise écologique – et plus largement la crise globale et systémique qui se décline en différentes crises – est aussi d’ordre spirituel et peut donc être abordée par ce biais-là : tout projet de société repose effectivement sur des présupposés idéologiques[95] et formule, directement ou indirectement, ce qu’est une vie qui vaut la peine d’être vécue. La question pour nous est dès lors de savoir si c’est bien du projet de société mis en œuvre par la civilisation occidentale que nous voulons (ou non), pour nous comme individus, et pour nous comme humanité. C’est donc s’interroger sur la nature désirable de nos modes de vie et de pensée.

3.2.       De l’orientation de notre désir
 

Le constat des injustices générées par la crise écologique, mis en relief dans la première partie de cette étude, nous a mené à mettre en cause notre mode de vie occidental. Dans la deuxième partie, nous avons détaillé deux dynamiques de notre civilisation occidentale (le consumérisme et l’anthropocentrisme), et nous avons montré en quoi ces dynamiques constituaient des freins, tant extérieurs qu’intérieurs, à la formulation de réponses adéquates aux défis qui se posent à l’humanité aujourd’hui, aux niveaux de la justice sociale et de l’écologie. Nous avons besoin d’un nouveau rapport à la nature, d’une nouvelle manière d’être au monde, de nouveaux modes de vie, moins gaspilleurs, moins pollueurs et moins gourmands en ressources naturelles et minières.

Nous estimons qu’une réponse spirituelle est appropriée pour contrecarrer ces dynamiques. Certes, comme nous l’avons déjà dit, des réponses structurelles et politiques sont urgentes. Cependant, si ces transformations à un niveau collectif et politique ne s’accompagnent pas de transformations à un niveau individuel et personnel[96], ce sera vain, ou en tout cas, d’une portée réduite. Si elles ne sont pas portées par une nouvelle culture, les actions structurelles ne seront pas possibles. Comme l’affirme le théologien orthodoxe Michel Maxime Egger, « […] tout en étant de caractère collectif et structurel, les grands défis planétaires sont également des questions d’ordre éminemment personnel. […] Ils concernent non seulement les visions, stratégies et pratiques des grands acteurs politiques et économiques, publics et privés, mais aussi ma vie spirituelle, ce que je fais de mon ego, des mes passions et désirs […] »[97]. Comme le propose Patrick Viveret, la crise écologique est d’abord et avant tout une crise égologique[98].

C’est là qu’intervient la question du désir et de son orientation, qui relève du champ de la liberté spirituelle. Cette question est pour nous centrale. C’est pour cela que nous pensons que la spiritualité peut constituer un formidable levier. La société de consommation de masse nous conditionne à placer notre désir dans le domaine de l’avoir, de la possession, de l’accumulation et du paraitre. Cependant, nous croyons qu’il y a autre chose en l’être humain. Considérer l’être humain à travers l’unique prisme de l’homo œconomicus est trop réducteur. L’être humain est bien plus qu’un individu égoïste, avide et calculateur, à la recherche de son intérêt individuel et aveuglé par des logiques de court-terme. Certes, nous sommes captifs de l’écorègne. Certes, nous sommes structurés et conditionnés par la culture consumériste, mais nous voulons croire que nous pouvons la façonner également[99] et nous affranchir de ce système aliénant. Des tas d’initiatives alternatives existent, et montrent qu’il est possible de résister à la culture consumériste ambiante, qu’il est possible d’orienter son désir ailleurs que vers une logique d’accumulation ou de maximisation du profit, qu’il est possible de se laisser désinstaller du confort de nos habitudes et de la sécurité de notre routine. Cela demande de poser des choix, de prendre des décisions pour orienter son désir vers le champ de l’être, de la relation, de la solidarité, du service aux autres, de la convivialité, du don, de la gratuité et du désintéressement. Résister n’est pas suffisant : il s’agit de faire appel à sa créativité pour générer des alternatives[100], ou tout simplement d’encourager et/ou de prendre part à celles qui existent déjà. Ces alternatives sont le signe qu’il est possible de vivre en accord avec ses valeurs, ou en tout cas beaucoup plus.

Ces initiatives peuvent prendre différentes formes : elles peuvent opérer au sein du marché en modifiant ses modalités (investissements responsables, responsabilité sociale des entreprises, microfinancements pour les démunis, etc.)[101], être initiées par la société civile (groupes d’achat commun[102], réseau d’échange de savoirs, systèmes d’échange locaux, potagers collectifs[103], etc.), par des acteurs du secteur de l’économie sociale[104] (commerce équitable, coopératives financières, entreprises d’insertion par le travail et de travail adapté[105], monnaies alternatives et locales[106], etc.) ou encore par le secteur public (composts collectifs, « agenda 21 » locaux, etc.). Certaines existent depuis longtemps (économie domestique[107]) quand d’autres n’en sont qu’au stade du balbutiement et de l’expérimentation (écovillages[108], quartiers durables[109], mouvement des « Villes en transition »[110], systèmes de voiture partagée). Ce qui est sûr, c’est que par le simple fait d’exister elles « ôtent à la logique de consommation le monopole du réel »[111] et mettent à mal le principe TINA (there is no alternative) cher à Thatcher. Elles sont autant d’espaces où l’individu se libère de l’emprise du marché et de son asservissement au consumérisme. Elles confirment que l’économie est plurielle et qu’il existe une pluralité de logiques socio-économiques. Certes, ces initiatives peuvent paraître périphériques. Cependant, par leur existence-même, elles questionnent fermement le fonctionnement de l’économie de marché et peuvent l’inspirer voire le renouveler. Elles témoignent également qu’il est possible d’orienter son désir vers d’autres horizons que ceux de la frénésie de la possession, de la maximisation du profit, du toujours plus et du toujours plus vite.

3.3.       Une transformation de l’ordre de la conversion
 

« La plus grande découverte de ma génération est que l’être humain,
en changeant son mental et son attitude intérieure,
peut changer tous les domaines de sa vie. »
William James

 

Le changement intérieur qui doit s’opérer en chacun est, nous pensons, de l’ordre de la conversion : conversion de nos cœurs, de notre désir, de notre conscience, de nos modes de pensée, de nos représentations, de nos modes d’être au monde, de nos modes de vie et de nos habitudes dans lesquelles nous sommes comme verrouillés. Edgar Morin parle d’une « réforme de l’être »[112] et d’une « réforme de vie »[113].

Nous envisageons cette conversion comme une profonde et progressive transformation personnelle intérieure, qui résulte d’une démarche de liberté. Le terme de conversion peut faire penser qu’il s’agit d’une révolution qui exigerait que tout change en un instant, comme par magie. Nous l’envisageons plutôt comme un processus dans lequel nous sommes invités à faire un pas après l’autre, à tâtons, mais où, petit à petit, ce sont tous les domaines de notre vie qui seraient touchés : notre manière de nous alimenter, de concevoir notre habitat, de nous déplacer, de travailler, d’épargner, de passer nos vacances. Mais aussi notre manière « d’habiter » notre temps libre, notre façon de faire la fête, de passer du temps ensemble et d’être en relation.

Un chemin à entamer donc, mais qui nous transforme dès que nous nous y engageons. Une première étape serait tout simplement de prendre conscience de nos freins intérieurs et de ce qui, en nous, nous rend, consciemment ou non, complices du système de l’écorègne. Il s’agit d’une démarche de discernement pour prendre conscience que nous ne sommes pas libres, mais sous l’emprise de nos désirs-envies, que notre mode de vie et notre manière d’être au monde sont à la source d’un mal-être ambiant et que, comme l’affirme Edgar Morin, nos sociétés dites développées souffrent en réalité d’un sous-développement humain, moral et psychique[114]. Il s’agit bien d’une question de liberté. Car l’enjeu est de retrouver sa liberté et d’en user pour réorienter son désir et de ne pas le laisser être perverti en désir-envie, désir-envie qui prend finalement la figure du besoin. C’est donc aussi tout un travail de discernement pour identifier ses besoins et ses désirs et les purifier en les distinguant des envies passagères qui relèvent d’une dynamique pulsionnelle.

Nous insistons sur le caractère personnel et intérieur de cette démarche : c’est à chacune et chacun de faire un cheminement intérieur pour orienter son désir. Toutefois, il est difficile de changer seul dans son coin. Comme le dit Christian Arnsperger, « l’expérimentation personnelle et spirituelle n’est pas séparable de l’expérimentation collective et communautaire »[115]. D’où l’importance de mettre le nez dehors, de s’informer sur ce qui se passe dans sa région, dans sa ville, dans son quartier. De s’intéresser aux alternatives existantes. Il y a certainement des initiatives qui valent la peine d’être connues, soutenues, et pourquoi pas, qu’on s’y engage ? Bien souvent, ces initiatives mettent un point d’honneur à donner une place de choix à la convivialité dans leur fonctionnement. Beaucoup s’organisent autour d’un groupe à taille humaine, à l’échelle d’un quartier. Cela permet de recréer du tissu social, et dès lors d’être porté dans son cheminement personnel par la dimension collective que donne le groupe. Nous pensons aux groupes d’achat commun, aux réseaux d’échange de savoirs, aux Villes en transition, aux potagers et composts collectifs, dont les membres organisent des moments de convivialité (repas, apéros, etc.) pour se coordonner, mais aussi tout simplement pour se retrouver et faire la fête.

« Moins de biens pour plus de liens », telle est la maxime portée par le mouvement de la Simplicité volontaire. Moins pour plus, donc. Tel est bien l’enjeu de la conversion. Il s’agit en effet de vivre simplement, pour que d’autres puissent se développer et pour alléger la pression que notre mode de vie exerce sur l’environnement. Comme le synthétise superbement Gandhi, il s’agit de « vivre simplement pour que d’autres puissent simplement vivre ». Mais il s’agit également de vivre plus simplement, de se désencombrer du superflu, – et de désencombrer son agenda notamment –, pour que quelque chose d’autre puisse surgir.

Comme le suggère l’étymologie du terme frugalité, simplifier son mode de vie porte fruit. Nous pensons que cela porte doublement du fruit : d’une part pour soi-même, on récolte les fruits d’une vie en accord avec ses valeurs et certainement une joie de vivre retrouvée contrastant avec le mal-être diffus de nos sociétés, et d’autre part pour les autres, par l’espace écologique ainsi libéré. Les décisions à prendre pour réorienter son désir et le purifier ne sont certainement pas faciles à tenir. Cependant, les renoncements qu’implique le choix de la frugalité sont à mettre en regard de cette double perspective de fécondité pour soi et pour les autres. Et comme le dit Philippe Lamberts[116] arguant qu’« une société plus égalitaire est une société où il fait le mieux vivre pour tous »[117], si on ne le fait pas pour les autres, qu’on le fasse au moins pour soi !

3.4.       Le « bien vivir » des peuples indigènes d’Amérique latine
 

Dans ce cheminement intérieur, il peut être stimulant de s’inspirer d’autres cultures. Nous pensons particulièrement à la culture et à la spiritualité des peuples indigènes d’Amazonie. Le mode d’être au monde des indigènes peut nous inspirer tant au niveau de notre rapport à la nature qu’au niveau de nos modes d’être en relation ou nos modes de consommation, les uns étant bien sûr intrinsèquement liés aux autres. Sans idéaliser les peuples indigènes, nous estimons que nous avons des choses à apprendre de leur ontologie.

La réciprocité est au cœur de la relation qu’entretiennent les peuples indigènes avec la nature. Pour illustrer cela, Fernando Lopez[118] donne l’exemple de sa rencontre avec une femme donnant le sein à un petit animal, un pécari. La femme lui explique que les hommes de la communauté, partis à la chasse, n’avaient rien trouvé à manger, sauf la mère de ce petit. Ils ont été obligés de la tuer pour nourrir la communauté. Ils ont ramené les petits, pour qu’ils puissent être nourris et ainsi survivre. Car plus tard, ces petits rendront service à leurs propres enfants. Il ne s’agit pas d’angélisme vis-à-vis de la nature, mais de réciprocité qui s’inscrit dans le respect du cycle de la vie.

Chez les indigènes, la réciprocité est aussi au cœur du mode d’être au monde et d’être en relation. L’être humain n’existe que dans la réciprocité : entre l’homme et la femme, entre le couple et l’enfant, entre la famille et la communauté, entre la communauté et le cosmos. Ce qui fait vivre, c’est la relation[119].

Le mode d’être au monde des peuples indigènes ne cadre pas avec nos logiques de prédation et d’accumulation. Il suffit de ce qui est nécessaire pour « bien vivre ». L’idée du « bien vivir » se distingue de notre « vivre mieux » occidental qui engendre des inégalités puisque, pour que certains vivent sans cesse mieux, cela implique que d’autres vivent mal. Le paradigme du « bien vivre » comporte l’idée que je ne peux pas vivre bien si d’autres vivent mal. C’est donc la recherche d’un équilibre, tant au niveau de la communauté humaine qu’entre êtres humains et nature. Je ne vis bien qu’à la condition que tu vives bien et que nous vivions bien. Le « bien vivre » implique effectivement de sortir des logiques de l’individualisme et de penser en termes de communauté. Il suppose également de sortir de la dichotomie êtres humains/nature et de quitter les lunettes de l’anthropocentrisme : les êtres humains font partie de la Pachamama, la Terre-Mère, « matrice de la vie », et cherchent à vivre en harmonie avec le cosmos.

Ce que nous voulons proposer ici n’est pas de vivre comme les indigènes. Cependant, cette façon de vivre et de penser peut nous inspirer considérablement dans notre démarche spirituelle, si nous nous laissons questionner dans notre rapport à la nature et dans nos modes de relation aux autres. Fernando Lopez, que nous avons déjà mentionné et qui est comme un pont entre notre culture occidentale et la culture indigène, insiste : nos jungles respectives que sont la jungle amazonienne et la jungle occidentale, ont besoin l’une de l’autre ! Laissons donc la culture et la spiritualité indigènes nous bousculer dans nos habitudes, dans notre imaginaire collectif, dans nos modes de vie et de penser.

3.5.       Pour une spiritualité de l’engagement
 

« Soyez le changement que vous souhaitez voir dans le monde.[…] Il y a une loi mystérieuse, mais bien réelle, qui relie la transformation des structures économiques et politiques et la transformation personnelle. » Mahatma Gandhi

Si nous pensons qu’une démarche de type spirituel est nécessaire pour répondre aux défis planétaires que sont les conflits de justice et la crise écologique, loin de nous l’idée de promouvoir une spiritualité déconnectée d’un engagement d’ordre collectif. Les deux sont à articuler en profondeur. Nous n’entendons pas le cheminement spirituel comme quelque chose qui nous cloisonnerait dans une bulle, et qui nous couperait du monde. Si cette démarche nécessite une « descente » vers ce qui est profondément ancré en nous, et bien souvent caché ou étouffé, il est nécessaire de faire une « remontée » vers l’action politique et l’engagement collectif. Il s’agit en effet de « mettre en boucle transformation spirituelle et transformation structurelle »[120]. Il ne suffit pas de les juxtaposer en ajoutant une couche de l’une à l’autre… Il s’agit de les connecter l’une à l’autre, afin qu’elles entrent en relation dialogique. Comme l’explique Edgar Morin, « tout en étant indissociable d’incitations extérieures, la réforme de vie est une aventure intérieure ; tout en étant indissociable de processus sociaux et collectifs, la réforme de vie est un processus personnel »[121]. C’est donc une spiritualité de l’engagement que nous voulons encourager, une démarche intérieure et personnelle, qui ne prend sens que si elle se traduit et se nourrit par un engagement et prend corps dans une lutte au niveau collectif et une action militante pour un monde habitable pour toute la famille humaine. A son tour, l’engagement s’alimente du cheminement intérieur, sans lequel il est voué à l’épuisement. L’engagement devient de la sorte plus ancré et plus cohérent. C’est donc une spiritualité engagée que nous voulons promouvoir et encourager, qui ferait de nous des « méditants-militants », comme le suggère Thierry Verhelst[122].

3.6.       Une manière de se tenir dans la vie qui est contagieuse
 

« Ne doutez jamais qu’un petit groupe d’individus conscients et engagés puisse changer le monde. C’est même de cette façon que cela s’est toujours produit. »
Margaret Mead
 

Une fois ce cheminement spirituel engagé, comment appeler d’autres à le rejoindre ? Il est important pour cela de trouver le « ton » juste. Non pas tenir un discours moralisateur qui jouerait sur la culpabilité, mais plutôt un ton qui serait de l’ordre de l’invitation. Ce processus intérieur ne saurait effectivement pas s’imposer de l’extérieur. Il ne peut d’ailleurs pas l’être, sans quoi il ne résulterait plus de la liberté spirituelle de celui qui s’y engage. En quelque sorte, il s’agirait d’un témoignage par la vie. Vivre de telle manière que cela pose question à ceux qui nous entourent, car voir d’autres vivre en accord avec leurs valeurs et en être heureux, ça donne envie. C’est en quelque sorte une certaine manière de se tenir dans la vie qui est contagieuse : la joie intérieure qui nait des logiques de sobriété et de gratuité est communicative. Enfin, terminons par cet appel significatif et mobilisateur : « Sans enthousiasme, pas de transition »[123] !

3.7.       Et les chrétiens dans tout ça ?
 

« Un jour, quand nous aurons maîtrisé les vents,les vagues, les marées et la pesanteur,nous exploiterons l’énergie de l’Amour.Alors, pour une seconde fois dans l’histoire du monde, l’homme aura découvert le feu. »Pierre Teilhard de Chardin s.j.

Après avoir considéré la possibilité d’un cheminement spirituel délié de toute religion, nous voulons à présent l’appréhender d’un point de vue chrétien et nous voulons interpeller l’Eglise catholique à ce propos. Dans ces paragraphes, le lecteur non chrétien trouvera, nous l’espérons, une source de réflexion supplémentaire.

3.7.1.   Les ressources de la foi chrétienne
 

Pour faire une place de choix à la spiritualité et proposer des espaces de discernement, les ressources de la foi chrétienne sont énormes. Notons à ce propos que la définition large de la spiritualité que nous avons proposée n’est pas en contradiction avec une perspective chrétienne. Avec un regard chrétien, nous envisageons la spiritualité de la même manière, en ajoutant qu’elle est vie de l’Esprit en l’être humain, c’est-à-dire expérience intime de la vie de Dieu en soi. Nous choisissons ici de mettre en relief certaines des ressources de la foi chrétienne car elles répondent comme en écho aux résistances intérieures que nous avons analysées plus haut. Nous n’avons certainement pas la prétention d’être exhaustive.

L’une de ces ressources, et non des moindres, est la foi dans le message d’amour de l’Evangile. Cette ressource est d’une grande envergure : se savoir aimé de Dieu nous permet de quitter nos égoïsmes et nos préoccupations pour notre petite personne, et ainsi être libres pour suivre notre conscience[124]. L’appel à aimer son prochain nous invite aussi à nous faire proche de ceux qui souffrent et souffriront de la crise écologique : les populations du Sud, les plus vulnérables et les générations futures.

Une deuxième ressource essentielle est la possibilité de parler de la mort. Alors que, dans la société occidentale, ce sujet et cette réalité sont évités à tout prix, la foi chrétienne offre un espace pour apprivoiser la mort et en faire notre sœur, selon le mot de St François d’Assise[125]. C’est une question centrale dès lors que l’on réalise que la peur de la mort et de notre vulnérabilité est à la source-même de l’avilissement de notre désir.

Une troisième ressource dont les chrétiens disposent est la possibilité d’expérimenter une vie de communauté et d’interdépendance, contrastant avec l’individualisme ambiant et la solitude dont souffrent nombre de nos contemporains.

Enfin, dans l’Evangile se trouve un appel à la conversion. Cet appel est radical et peut être relu à la lumière des défis planétaires d’aujourd’hui[126]. Avec toutes les femmes, tous les hommes et tous les enfants de bonne volonté, les Chrétiens sont appelés à être levain dans la pâte pour faire advenir une nouvelle humanité, un monde nouveau, le Royaume de Dieu, le monde « selon le cœur de Dieu »[127].

3.7.2.   Le rôle de l’Eglise catholique
 

Tout comme dans la société civile, il existe au sein de l’Eglise catholique des initiatives qui invitent à repenser en profondeur nos modes de vie et d’être au monde, et le font en mettant en relief l’importance d’une démarche spirituelle. A un niveau local, signalons par exemple toute la réflexion menée par le réseau Justice et Paix en Flandre qui a abouti à un livre développant une « écospiritualité »[128] et à une campagne « De aarde op vakantie » (« La terre en vacances »). A un niveau plus large et universel, signalons à titre d’exemple le document « Guérir un monde brisé »[129], publié par les jésuites, qui est le signe qu’une congrégation religieuse peut s’emparer des questions liées à la crise socio-écologique et mobiliser ses membres[130]. Dernièrement, le secrétariat jésuite pour la justice sociale est d’ailleurs devenu le secrétariat pour la justice sociale et l’écologie.

Si les initiatives de ce types ne sont pas isolées et essaiment, nous pensons que l’Eglise catholique, en tant que communauté porteuse de sens, n’utilise pas suffisamment son potentiel mobilisateur pour proposer des lieux de réflexion, d’échange et de discernement à propos de la nature désirable de nos modes de vie et de penser. Nous estimons également que l’Eglise pourrait faire plus de place à la spiritualité.

Par ailleurs, ajoutons quelques réflexions à propos du positionnement de l’Eglise par rapport à notre mode de relation avec la nature. Certes, d’aucuns incriminent le récit de la Genèse et son « Remplissez la terre et dominez-la » (Gn 1, 28). Cependant, cette accusation doit être nuancée. Dans le Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise (CDSE), le Magistère de l’Eglise est clair : « une conception correcte de l’environnement ne peut pas […] réduire de manière utilitariste la nature à un simple objet de manipulation et d’exploitation […] »[131]. Le passage de la Genèse doit donc plutôt être lu comme un appel à l’être humain  à être un bon intendant de la création au service du Bien commun. En effet, un peu plus loin, le CDSE souligne « la responsabilité qui incombe à l’homme de préserver un environnement intègre et sain pour tous »[132]. La position de l’Eglise est claire. Pourquoi est-elle dès lors si frileuse à prendre la parole pour dénoncer les abus du système économique, la violence qui en résulte ainsi que le non respect du « principe de la destination universelle des biens »[133] ? Osons espérer que la récente prise de position – sans langue de bois – du département Justice et Solidarité du CELAM[134] (le conseil épiscopal latino-américain) à propos des industries extractives est un signe de bonne augure pour l’Eglise, qui est appelée à s’engager clairement et sans tiédeur pour, ensemble avec toute la famille humaine, faire de la terre une maison où il fait bon vivre pour tous.

Encore un dernier mot à propos de notre rapport à la nature. Dans cette étude, nous avons mis en question l’anthropocentrisme. Nous estimons que, pour trouver des réponses justes à la crise socio-écologique, nous avons besoin d’un certain « déplacement » : non pas pour tomber dans un biocentrisme, mais bien pour déplacer l’être humain du centre de la réalité et le positionner en interdépendance avec le reste de la création. Or, l’Eglise est peu encline à mettre l’anthropocentrisme en question, par peur d’une sacralisation de la nature : « [Une conception correcte de l’environnement] ne doit pas […] absolutiser [la nature] et la faire prévaloir sur la personne au plan de la dignité »[135]. C’est ainsi qu’elle insiste sur la nécessité d’une écologie humaine. Ce faisant, elle reste centrée sur l’humain, en omettant que cette posture est à l’origine de bien des maux environnementaux, dont souffrent des peuples entiers. Certes, on pourra dire que l’anthropocentrisme peut être évangélique en étant centré sur les plus faibles et en se traduisant par une option préférentielle pour les pauvres. A l’heure actuelle, l’Eglise doit cependant se laisser interpeller par la destruction de l’environnement pour être conséquente avec son option préférentielle pour les pauvres[136]. La situation de la planète aujourd’hui donne à penser : l’Eglise aussi a à repenser certains de ses positionnements. Comme le dit Thorsten Philipp, « plus que jusqu’ici l’Eglise doit se comprendre comme une communauté d’apprentissage, dans laquelle différentes manières de voir et appréciations peuvent s’exprimer. La protection de l’environnement n’est donc pas seulement un terrain d’action et de travail, mais un lieu d’expérimentation de l’identité ecclésiale »[137].

De quelles ressources spirituelles disposent les chrétiens pour effectuer ce déplacement dans notre manière d’appréhender le rapport de l’être humain à la nature ? Parmi d’autres ressources, et sans passer à une perception holiste de la création, nous pourrions reprendre et méditer l’objectif ultime de la démarche de discernement proposée par la spiritualité ignatienne, qui est de « découvrir Dieu en toutes choses ».

Conclusion
 

Arrivée au bout de ce parcours, nous voulons conclure en mettant en exergue certains éléments de notre réflexion. Le constat du conflit de justice lié à la crise écologique nous a amenée à mettre en cause nos modes de vie et de pensée consuméristes et anthropocentristes, dont il faut questionner la nature désirable. Au regard des crises qui se posent à l’humanité aujourd’hui, nous avons insisté sur le fait que notre manière d’être au monde est appelée à changer. C’est un défi essentiel pour notre temps. Un défi majeur, certes, mais il ne va pas de soi de le relever : nos résistances au changement nous retiennent captifs de nos habitudes.

L’analyse approfondie de certaines de ces résistances au changement nous a permis de mettre en lumière, entre autre, la centralité de la question du désir. La compréhension de cette question apporte des éléments nous permettant d’expliquer en partie notre ancrage dans l’« écorègne », et notre asservissement au consumérisme. Une approche lucide de notre confusion entre désirs, besoins et envies nous éclaire sur notre difficulté à sortir de logiques privilégiant l’avoir et l’accumulation, au détriment des valeurs de gratuité, de convivialité et de service aux autres. Cela nous aide à mieux comprendre également la tiédeur et la défaillance de notre action et de notre réponse à la crise socio-écologique.

Considérant cela, et comprenant la spiritualité de façon très large et comme espace intérieur de liberté où l’être humain se pose la question du sens de la vie et oriente son désir, nous avons montré que le champ spirituel est important à prendre en compte dès lors que l’on veut proposer des solutions à la crise socio-écologique. Pour toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté voulant œuvrer à plus de justice sociale, la question du désir est un champ d’action important dans lequel la spiritualité a toute sa place. Nous pensons que plusieurs angles d’approche sont nécessaires et complémentaires pour trouver des solutions à la crise : économique, technologique et scientifique, politique, etc. Nous estimons cependant qu’aborder aussi la crise dans une perspective spirituelle permettrait d’ancrer nos réponses de manière plus assurée. C’est donc un cheminement d’ordre intérieur, personnel et spirituel que nous voulons encourager, c’est à un processus de conversion que nous voulons inviter : conversion du cœur et conversion de notre mode d’être au monde. Ce cheminement spirituel ne nous exempte cependant pas de nos responsabilités pour faire advenir un changement d’ordre structurel et politique. Bien plus, il nous y pousse et nous permet de découvrir le sens des orientations à lui donner. Transformation intérieure, personnelle et transformation collective sont à articuler absolument !



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Sites internet

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http://www.lalibre.be/societe/planete/article/705751/adoption-d-une-feuille-de-route-a-durban.html



Sigles
 

BRIC : Brésil, Russie, Inde et Chine (Groupe)
CCNUCC : Convention Cadre des Nations-Unies pour les Changements Climatiques
CELAM : Conseil épiscopal latino-américain
COE : Conseil œcuménique des Eglises
GIEC : Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat
OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement
PIB : Produit intérieur brut
PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
PNUE : Programme des Nations Unies pour l’Environnement

Notes :

  • [1] Pour une analyse sur la notion de justice sociale et ses implications, voir Guy Cossée de Maulde, « Justice sociale. Un engagement personnel et public aux dimensions planétaires », analyse du Centre Avec, mai 2010. Disponible sur www.centreavec.be.

    [2] GIEC, Bilan 2007 des changements climatiques : Rapport de synthèse, Genève, 2008, p. 72. Disponible sur http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar4/syr/ar4_syr_fr.pdf.

    [3] Ulrich. Beck, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Paris, Ed. Flammarion, 2001, p.65.

    [4] PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 2007/2008. La lutte contre le changement climatique : un impératif de solidarité humaine dans un monde divisé, édité pour le Programme des Nations Unies pour le Développement, New York, 2007, p. 13. Disponible sur http://hdr.undp.org/en/media/HDR_20072008_FR_Complete.pdf.

    [5] Jean-Pascal van Ypersele, Les changements climatiques et la politique belge de coopération au développement : défis et opportunités, rapport réalisé à la demande de Mr Charles Michel, Ministre de la Coopération au développement, Institut d’astronomie et de géophysique Georges Lemaître, Université Catholique de Louvain, 2008, p. 23. Disponible sur http://diplomatie.belgium.be/fr/binaries/RapportClimat_vanYpersele_tcm313-67482.pdf.

    [6] Notons que, dès lors que l’on parle en termes de développement, le Nord et le Sud ne sont pas des concepts géographiques : le Nord inclut l’Australie par exemple.

    [7] A propos de la vulnérabilité du continent africain, voir le document « Climate Change and Security in Africa. Vulnerability Discussion Paper » publié par le réseau ACCES (« Africa, Climate Change, Environnement and Security »). Disponible sur http://www.gcca.eu/usr/ClimateChangeSecurity_Africa_VulnerabiltyDiscussionPaper.pdf.

    [8] GIEC, op.cit., p. 37.

    [9] PNUD, op.cit., pp. 1-2.

    [10] Idem, p. 165.

    [11] Notons que les conséquences des émissions des gaz à effet de serre se font sentir pendant très longtemps. Les gaz émis aujourd’hui auront des conséquences au XXIIème siècle, tout comme l’atmosphère actuelle subit les conséquences du CO² émis depuis la révolution industrielle. Voir PNUD, op.cit., p. 4.

    [12] Quelques graphiques et tableaux très parlants sont disponibles sur le site du PNUD. Voir http://hdr.undp.org/fr/statistiques/acceder/changementclimatique/.

    [13] C’est le cas de la Chine, en termes absolus. Notons que c’est tout à fait logique : la Chine compte 1.300.000.000 habitants !

    [14] Ainsi, « le bilan carbone des Etats-Unis est cinq fois plus grand que celui de la Chine et quinze fois plus grand que celui de l’Inde. En Ethiopie, le bilan moyen par habitant est de 0,1 tonne de CO², contre 20 tonnes au Canada ». Voir PNUD, op.cit., p. 7.

    [15] Olivier Lardinois s.j., discussion en groupe restreint au Centre Avec, le 23/11/2011.

    [16] Jean-Marie Faux, « Pour une justice environnementale », analyse du Centre Avec, juin 2011, p. 7. Disponible sur www.centreavec.be.

    [17] Die deutschen Bischöfe – Kommission für gesellschaftliche und soziale Fragen sowie Kommission Weltkirche, « Der Klimawandel. Brennpunkt globaler, intergenerationeller und ökologischer Gerechtigkeit», 2006, 2e éd., cités par Markus Vogt, « Climate Justice. An ethical analysis of the conflicts, rights and incentives surrounding CO² », Munich, 2009, p. 4. Disponible sur http://www.kaththeol.uni-muenchen.de/lehrstuehle/christl_sozialethik/personen/1vogt/texte_vogt/vogt_climate_justice.pdf. Pour une analyse approfondie du lien entre ces trois types de justice, voir Jean-Marie Faux, op.cit.

    [18] Le Club de Rome est un groupe de réflexion fondé en 1968 et se composant d’économistes, de scientifiques, ainsi que de personnalités issues du monde politique et des sphères académiques et de l’industrie.

    [19] En anglais « The Limits to Growth ». Trad. fr. : Halte à la croissance ? Le Club de Rome présenté par Jeanine Delaunay. Rapport Meadows, Paris, Fayard, coll. Écologie, 1972.

    [20] En anglais « Our Common Future ».

    [21] Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Notre avenir à tous, Montréal, Ed. du Fleuve, 1988, p. 51.

    [22] L’Agenda 21 est le plan d’action pour le 21ème siècle détaillant les différents secteurs où le principe de développement durable doit s’appliquer.

    [24] GIEC, op.cit., p. 78.

    [25] Il y a les « parties visées à l’annexe I » (comprenant les pays de l’OCDE en 1992 et certains pays à économie en transition), les « parties visées à l’annexe II » (comprenant les pays de l’OCDE en 1992) et les « parties non visées à l’annexe I » (principalement des pays en développement). Voir le site internet de la CCNUCC : http://unfccc.int/parties_and_observers/items/2704.php.

    [26] Signature et ratification sont deux étapes distinctes. La signature du protocole n’engage pas les Etats mais montre leur volonté d’y souscrire, tandis que, par la ratification, un Etat s’engage à le respecter.

    [27] Pour une réflexion sur la conférence de Copenhague, voir Jacques Haers s.j., « Les défis climatiques après Copenhague : quelques réflexions… », analyse du Centre Avec, mars 2010. Disponible sur www.centreavec.be.

    [28] Le rapport « Stern Review on the Economics of Climate Change » est accessible à l’adresse suivante : http://webarchive.nationalarchives.gov.uk/+/http:/www.hm-treasury.gov.uk/sternreview_index.htm. Un résumé en français est disponible : http://webarchive.nationalarchives.gov.uk/+/http://www.hm-treasury.gov.uk/d/stern_shortsummary_french.pdf.

    [30] Pour ce paragraphe, nous nous inspirons de Henri Madelin s.j., « Une écologie humaine ». Disponible sur http://www.jesc.net/2010/07/une-ecologie-humaine/#more-855.

    [31] Jean-Paul II, Centesimus Annus, n°34, 1991.

    [32] Benoît XVI, « Si tu veux construire la paix, protège la création », n°8, message pour la 43ième journée pour la paix, 1er janvier 2010.

    [33] Benoît XVI, op.cit., n°13.

    [34] Faites le test et calculez votre empreinte écologique personnelle sur http://wwf-footprint.be/fr/.

    [35] Voir Michel Maxime Egger, « La double transformation. Réorienter son désir pour changer le monde », in La Chair et le Souffle, 2006, vol.1, n°1, note 1.

    [36] On parle parfois des BRICS en ajoutant à cette liste l’Afrique du Sud–South Africa.

    [37] Ainsi, en Belgique, l’inégalité de revenu (après impôt) a augmenté entre 1990 et 2008 comme l’indique l’évolution du coefficient de Gini qui est passé de 0,319 à 0,382 (voir le site officiel : http://statbel.fgov.be/fr/statistiques/chiffres/travailvie/fisc/inegalite_de_revenu/).

    [38] L’expression est de Tim Jackson. Voir T. Jackson, Prospérité sans croissance. La transition vers une économie durable, Bruxelles, De Boeck, 2010, p. 148.

    [39] Tim Jackson, op.cit., p. 148.

    [40] Christian Arnsperger, « Science économique et anthropologie de la croissance : Que fait l’homo œconomicus de ses angoisses existentielles ? », in Alexandra de Heering et Stéphane Leyens (éds.), Stratégies de développement durable. Développement, environnement ou justice sociale ?, Namur, Presse universitaires de Namur, 2010, p. 216.

    [41] L’expression est utilisée dans PNUD, op.cit., p. 2-3.

    [42] Un paradigme peut être comparé à une paire de lunettes (même inconsciente) : c’est un modèle cohérent de vision du monde, un système de représentations, de théories et de concepts qui influencent notre perception de la réalité, un ensemble d’expériences, de valeurs et de croyances par lequel nous sommes conditionnés. Voir Michel Maxime Egger, « Sept propositions pour un réenchantement de la création », in La Chair et le Souffle, 2008, vol.3, n°1, p. 34.

    [43] Jacques Haers s.j., « Les défis environnementaux : le don d’une crise », conférence donnée à la Maison Bellarmin, Montréal, le 16/11/2009. Disponible sur http://www.jesuites.org/jacques_haers.htm.

    [44] Michel Serres, Temps des crises, Paris, Le Pommier, 2009, pp. 7-10.

    [45] Signalons le travail remarquable d’Isabelle Cassiers et ses collègues qui remettent en question notre conception de la prospérité. Voir Isabelle Cassiers et alii, Redéfinir la prospérité. Jalons pour un débat public, La Tour-d’Aigues, Ed. de l’Aube, 2011.

    [46] Christian Arnsperger, op.cit., pp. 215-216.

    [47] Voir Claire Wiliquet, « Le développement durable, un concept multiforme. Entretien avec David Petit », in En question n°98, septembre 2011, p. 8.

    [48] Sans parler ici des conditions de travail qui en maints endroits portent atteinte à la dignité humaine.

    [49] Patrick Viveret, « Vers une sobriété heureuse. Du bon usage de la fin des temps modernes », Leçon inaugurale du Groupe ESA, 2009, p.19-20. Disponible sur http://www.vintagemaster.com/article1247.html. Il cite le rapport du PNUD 1998.

    [50] Benjamin Barber, « Le consumérisme dans la culture américaine. Les origines de la crise fiscale et l’avenir du capitalisme », in En question n°95, décembre 2010, p. 22.

    [51] Maurice Bellet, La seconde humanité. De l’impasse majeure de ce que nous appelons l’économie, Paris, Ed. Desclée de Brouwer, 1993, p. 44.

    [52] John Kenneth Galbraith, Le Nouvel Etat industriel. Essai sur le système économique américain, Edition Gallimard-NRF, Bibliothèque des sciences humaines, 1967, p. 20.

    [53] Benjamin Barber, op.cit.

    [54] Tim Jackson, op.cit., pp. 94-109.

    [55] Jean De Munck, « Les critiques du consumérisme », in Isabelle Cassiers et alii, Redéfinir la prospérité. Jalons pour un débat public, La Tour-d’Aigues, Ed. de l’Aube, 2011, p. 103-104.

    [56] Tim Jackson, op.cit., pp. 107 et 148.

    [57] Claire Wiliquet, « Les voies des alternatives », analyse du Centre Avec, novembre 2011, p. 6. Disponible sur www.centreavec.be.

    [58] Geoffrey Pleyers, « Introduction », in Geoffrey Pleyers (dir.), La consommation critique. Mouvements pour une alimentation responsable et solidaire, Paris, Ed. Desclée de Brouwer, 2011, p. 7.

    [59] Voir Maurice Bellet, La seconde humanité. De l’impasse majeure de ce que nous appelons l’économie, Paris, Ed. Desclée de Brouwer, 1993.

    [60] Maurice Bellet, cité par Michel Maxime Egger, « La double transformation. Réorienter son désir pour changer le monde », in La Chair et le Souffle, 2006, vol.1, n°1.

    [61] Maurice Bellet, op.cit., p. 28.

    [62] Idem, p. 58.

    [63] Idem, p. 56.

    [64] Idem, p. 46.

    [65] Karl Polanyi, La grande transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Ed. Gallimard, 1983. Originla paru en 1944.

    [66] Edgar Morin, La voie. Pour l’avenir de l’humanité, Ed. Fayard, 2011, p. 123.

    [67] Frank Turner s.j., « Drongen – Convergences et divergences ». Disponible sur http://sjweb.info/sjs/pjnew/PJShow.cfm?pubTextID=9010.

    [68] Fernando Lopez est un jésuite espagnol vivant en Amazonie. Il fait partie de l’« équipe itinérante », qui parcourt le fleuve Amazone et travaille avec les communautés indigènes y vivant à proximité. Voir Environnement et justice sociale. Regards croisés Nord-Sud, actes d’un séminaire organisé par le Centre Avec le 8/11/2011, à paraître dans la Collection ‘Perspectives’ du Centre Avec.

    [69] Il s’agit de la convention 169 relative aux peuples indigènes et tribaux. Voir http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/convdf.pl?C169 (consulté le 21/11/2011).

    [70] Marco Arana, discussion en groupe restreint organisée par le Centre Avec, le 23/03/2011.

    [71] Christian Arnsperger, op.cit., p. 202.

    [72] Christian Arnsperger, op.cit., pp. 203 et 209.

    [73] Maurice Bellet, op.cit., p. 49.

    [74] Christian Arnsperger, op.cit., p. 209.

    [75] Edgar Morin, op.cit., p. 235.

    [76] Pour le paragraphe qui suit, nous nous inspirons largement de son analyse du besoin : Maurice Bellet, op.cit., p. 49-62.

    [77] Maurice Bellet, op.cit., p. 53.

    [78] Laurent de Briey, « Prospérité et crise du politique », in Isabelle Cassiers et alii, Redéfinir la prospérité. Jalons pour un débat public, La Tour-d’Aigues, Ed. de l’Aube, 2011, p. 224.

    [79] Patrick Viveret, « Vers une sobriété heureuse. Du bon usage de la fin des temps modernes », Leçon inaugurale du Groupe ESA, 2009, pp. 21-22. Disponible sur http://www.vintagemaster.com/article1247.html.

    [80] Christian Arnsperger, op.cit., p. 223.

    [81] Patrick Viveret, « Une vie plus simple, une société plus durable », conférence donnée à Saint Gérard, le 26/04/2010, p. 3. Disponible sur http://www.gben.be/spip.php?article170.

    [82] Songeons à ces quartiers riches qui s’élèvent des murs de protection, qui détruisent les relations avec le voisinage…

    [83] Pour ce paragraphe, nous nous inspirons largement de Jean De Munck, op.cit., pp. 101-126.

    [84] Amélie Descheneau-Guay, « Les racines d’un Québec vert », in Relations, n°749, p. 11.

    [85] Serge Mongeau, « L’urgence d’un changement de société », in Relations, n°749, p. 14.

    [86] Pour une réflexion plus approfondie sur le rôle et le statut du savoir et de la science, voir Jean-Marie Faux, « Savoir(s) et responsabilité. Pour une nouvelle prise en charge du Bien commun », analyse du Centre Avec, novembre 2011. Disponible sur www.centreavec.be.

    [87] Nicolas Van Nuffel, in Environnement et justice sociale. Regards croisés Nord-Sud, actes d’un séminaire organisé par le Centre Avec le 8/11/2011, à paraître dans la Collection ‘Perspectives’ du Centre Avec.

    [88] Michel Maxime Egger, « La création, lieu des énergies divines », in Dominique Bourg et Philippe Roch, Crise écologique, crise des valeurs ?, Genève, Labor et Fides, 2010, p. 79.

    [89] Marco Arana, discussion en groupe restreint organisée par le Centre Avec, le 23/03/2011.

    [90] Maurice Bellet, op.cit., p. 106.

    [91] Christian Coméliau, « Pour une éthique du développement mondialisé », in Alexandra de Heering et Stéphane Leyens (éds.), Stratégies de développement durable. Développement, environnement ou justice sociale ?, Namur, Presse universitaires de Namur, 2010, p. 122.

    [92] Michel Maxime Egger, « L’éveil est une bombe », in Hervé René Martin et Claire Cavazza, Nous réconcilier avec la terre, Paris, Flammarion, 2009, p. 98.

    [93] Charlotte Luyckx, lors d’un midi du développement durable : « Liberté humaine, respect de la nature : faut-il choisir ? », organisé par la Maison du développement durable de Louvain-la-neuve, le 19/05/2011.

    [94] Charlotte Luyckx, in Environnement et justice sociale. Regards croisés Nord-Sud, actes d’un séminaire organisé par le Centre Avec le 8/11/2011, à paraître dans la Collection ‘Perspectives’ du Centre Avec.

    [95] Nous ne donnons pas un sens péjoratif au mot idéologie, mais, selon l’éthymologie, celui de vision du monde.

    [96] Dans le cadre de ce travail, nous nous sommes intéressée à la spiritualité personnelle des individus. Notons cependant qu’un groupe (formation politique, syndicat, association, etc.) est animé par une pensée spirituelle puisqu’il se base sur un socle de valeurs. Et, bien sûr, celle-ci est également en jeu.

    [97] Michel Maxime Egger, « La double transformation. Réorienter son désir pour changer le monde », in La Chair et le Souffle, 2006, vol.1, n°1.

    [98] Patrick Viveret, « Vers une sobriété heureuse. Du bon usage de la fin des temps modernes », op.cit., p. 45.

    [99] Nous reprenons ici l’idée de Frank Turner, en la prolongeant : « De même que nous sommes façonnés par notre société, mais qu’aussi, ensemble, nous façonnons la société, il en est ainsi de l’économie ». Voir Frank Turner s.j., « Rétablir la confiance et la solidarité. Réflexions jésuites sur la crise financière », op.cit., p. 11.

    [100] Pour une analyse approfondie des voies et formes des alternatives, voir Claire Wiliquet, « Les voies des alternatives », analyse du Centre Avec, novembre 2011. Disponible sur www.centreavec.be.

    [101] Frank Turner s.j., op.cit., p. 11.

    [102] Pour une analyse approfondie des groupes d’achat commun, voir Claire Wiliquet, « Les groupes d’achat commun, une initiative socialement juste et écologiquement durable », analyse du Centre Avec, janvier 2011. Disponible sur www.centreavec.be.

    [103] Pour une analyse approfondie des potagers collectifs, voir Xavier Leroy, « Potagers collectifs : un panier de cultures… », analyse du Centre Avec, juin 2011. Disponible sur www.centreavec.be.

    [104] Pour une analyse de l’évolution du secteur de l’économie sociale ces vingt dernières années, voir Claire Brandeleer, « Economie sociale ou entreprise sociale ? La conceptualisation du tiers-secteur en question », analyse du Centre Avec, janvier 2011. Disponible sur www.centreavec.be.

    [105] Pour une analyse présentant le projet de production de vins biologiques au sein de la Communauté de l’Arche de la Rebellerie, voir Hélène Laigneaux, « L’Arche de la Rebellerie. Une expérience d’économie solidaire et de développement durable », analyse du Centre Avec, décembre 2011. Disponible sur www.centreavec.be.

    [106] Pour une analyse à ce sujet, voir Laure Malchair, « Recréer du lien social autour d’un jardin ? L’expérience des Torekes en milieu précarisé », analyse du Centre Avec, septembre 2011. Disponible sur www.centreavec.be.

    [107] C’est-à-dire le travail domestique : biens que l’on confectionne soi-même ou services que l’on n’achète pas sur le marché (jardinage familial, bricolage et petites réparations, garde d’enfants ou de personnes âgées, etc.).

    [108] Pour une réflexion à propos des écovillages, voir Charlotte Luyckx, « Vivrons-nous demain en écovillages ? », in En question n°98, septembre 2011, pp. 17-20.

    [109] Pour une réflexion sur les quartiers durables, voir Claire Wiliquet, « L’avenir est dans les quartiers. Entretien avec Oliver Jung », in En question n°98, septembre 2011, pp. 21-24.

    [110] Pour une analyse du mouvement des « villes en transition », voir Claire Wiliquet, « Les villes en transition. Vers une économie conviviale post-pétrole », analyse du Centre Avec, août 2011. Disponible sur www.centreavec.be.

    [111] Claire Wiliquet, « Les villes en transition. Vers une économie conviviale post-pétrole », analyse du Centre Avec, août 2011, p. 14.

    [112] Edgar Morin, « La réforme de la pensée suppose une réforme de l’être », entretien avec Laurence Baranski, Transversales Sciences Culture, décembre 2001.

    [113] Edgar Morin, La voie. Pour l’avenir de l’humanité, op.cit., pp. 257-296.

    [114] Edgar Morin et Anne Brigitte Kern, Terre-patrie, Paris, Seuil, 1993, p. 122.

    [115] Christian Arnsperger, « Quelle action collective pour repenser la prospérité ? Enjeux démocratiques de la transition écologique et économique », in Isabelle Cassiers et alii, Redéfinir la prospérité. Jalons pour un débat public, La Tour-d’Aigues, Ed. de l’Aube, 2011, p. 248.

    [116] Philippe Lamberts (député européen Ecolo), discussion en groupe restreint organisée par le Centre Avec, le 22/09/2011.

    [117] Allusion au livre de Richard G. Wilkinson et Kate Pickett, The Spirit Level : Why More Equal Societies Almost Always Do Better, Allen Lane, 2009.

    [118] Fernando Lopez s.j., in Environnement et justice sociale. Regards croisés Nord-Sud, actes d’un séminaire organisé par le Centre Avec le 8/11/2011, à paraître dans la Collection ‘Perspectives’ du Centre Avec.

    [119] Simon Pierre Arnold, discussion en groupe restreint organisée par la Commission Justice et Paix, le 06.05.2011.

    [120] Michel Maxime Egger, « La double transformation. Réorienter son désir pour changer le monde », op.cit., p. 11.

    [121] Edgar Morin, La voie. Pour l’avenir de l’humanité, op.cit., p. 274.

    [122] Thierry Verhelst, Des racines pour l’avenir. Cultures et spiritualités dans un monde en feu, Paris, Ed. L’Harmattan (Collection Economie plurielle), 2008.

    [123] Nicolas Van Nuffel, in Environnement et justice sociale. Regards croisés Nord-Sud,  actes d’un séminaire organisé par le Centre Avec le 8/11/2011, à paraître dans la Collection ‘Perspectives’ du Centre Avec.

    [124] Voir « God is no argument for ecological claim », interview de Peter Knauer s.j. in Ecology and Jesuits in Communication, Octobre 2011. Voir http://ecojesuit.com/god-is-no-argument-for-ecological-claim/1530/

    [125] Voir le Cantique des créatures de St François d’Assise. Par exemple sur le site : http://ecologiechretienne.free.fr/saint.francois.d.assise_le.cantique.des.creatures.php.

    [126] A titre d’exemple, voir l’actualisation du récit de la triple tentation de Jésus au désert dans Jean-Marie Faux, « Le chemin de la vie. Un programme pour l’être humain du XXIème siècle ? », analyse du Centre Avec, avril 2011. Disponible sur www.centreavec.be.

    [127] Voir Jean-Marie Faux, Au cœur du monde. L’engagement du chrétien dans la société, Bruxelles, Ed. Lumen Vitae, (Collection Trajectoires), 2008.

    [128] Netwerk Rechtvaardigheid en Vrede, Zorg voor de schepping. Inspiratieboek voor eco-spiritualiteit, 2007.

    [129] « Rapport spécial sur l’écologie. Guérir un monde brisé », Promotio Iustitiae n°106, 2011/2. Disponible sur http://www.sjweb.info/documents/sjs/pjnew/PJ106FRA.pdf.

    [130] Pour une présentation de ce document, voir José Ignacio García s.j., « Guérir un monde brisé. Une lecture de la crise écologique par la Compagnie de Jésus », in En question n°99, décembre 2011.

    [132] CDSE, n°465.

    [133] CDSE, n°482.

    [134] Département Justice et Solidarité du CELAM, « Les industries extractives et la mission de l’Eglise » (juin 2011). Une traduction française de ce document a été réalisée par le Centre Avec, collection ‘Perspectives’. Egalement disponible sur www.centreavec.be.

    [135] CDSE, n°463.

    [136] Thorsten Philipp s.j., « La protection de l’environnement comme expérience d’apprentissage : orientations éthiques de l’Eglise au temps de la destruction mondiale de la nature », in En question n°99, décembre 2011, p. 13.

    [137] Thorsten Philipp s.j., op.cit., p. 13.