Le 01 mai 2009

Le Pacte européen sur l’immigration et l’asile

Une impulsion pour quelle(s) politique(s) ?

Le Pacte Européen sur l’immigration et l’asile est un accord politique, proposé par la présidence française et adopté, moyennant quelques amendements, par le Conseil, lors de sa session des 15 et 16 octobre 2008. Ses initiateurs le présentent comme un « outil nouveau » qui fonde enfin une politique commune de l’Union en ces matières. L’analyse approfondie du document montre qu’il n’est pas aussi innovateur qu’il l’affirme, reprenant beaucoup d’orientations déjà définies et mises en pratique antérieurement. Elle montre surtout que, malgré la reconnaissance du caractère inéluctable et des aspects positifs de l’immigration, malgré la réaffirmation des principes qui font de l’Europe un espace de droit et de liberté, l’approche de la question reste frileuse, plus axée sur les intérêts économiques des pays européens et le contrôle de leurs frontières que sur la solidarité internationale et la protection des personnes. L’immigration légale est abordée uniquement sous l’angle de la « migration choisie » qui favorise les personnes très qualifiées, le regroupement familial est lié à toutes sortes de conditions qui en menacent le principe, le partenariat envisagé avec les pays d’origine et de transit risque de se réduire à des accords qui retiennent ou renvoient les candidats à l’immigration en dehors des limites de l’Europe. Ces motifs d’inquiétude ne peuvent toutefois occulter qu’il y a aussi dans ce pacte des ouvertures et des possibilités sur lesquels les défenseurs d’une politique plus soucieuse des droits humains pourront faire fond dans l’avenir.
 

Le Conseil européen des 15 et 16 octobre 2008 a adopté une version amendée du Pacte européen sur l’immigration et l’asile présenté par la présidence française.

Le Pacte n’est pas un acte juridique. C’est un accord politique qui s’inscrit dans la continuité de la politique migratoire de l’Union européenne (UE). Il vise à définir les bases du programme qui sera présenté, en 2009, par la Présidence suédoise pour succéder à celui de La Haye.

Il doit être lu en tenant compte du programme de La Haye, du travail législatif en cours et des deux communications de la Commission du 17 juin 2008 concernant une politique européenne commune d’immigration et d’asile[1].

Le Pacte : un préambule et cinq engagements fondamentaux

Les points saillants du préambule
 

« Les migrations internationales sont une réalité qui perdurera aussi longtemps que demeureront les écarts de richesse et de développement. […] Elles peuvent contribuer de manière décisive à la croissance économique de l’Union européenne et des Etats membres qui ont besoin des migrants en raison de l’état de leur marché du travail ou de leur situation démographique. Enfin, elles apportent des ressources aux migrants et à leurs pays d’origine, participant ainsi à leur développement. D’ailleurs l’hypothèse d’une immigration zéro apparaît à la fois irréaliste et dangereuse ».

« Une gestion harmonieuse et efficace des migrations doit être globale et donc traiter à la fois de l’organisation de la migration légale et de la lutte contre l’immigration illégale comme des moyens de favoriser les synergies entre les migrations et le développement. L’approche globale des migrations n’a de sens que dans le cadre d’un partenariat étroit entre les pays d’origine, de transit et de destination ».

« L’Union européenne n’a toutefois pas les moyens d’accueillir dignement tous les migrants qui espèrent y trouver une vie meilleure. Une immigration mal maîtrisée peut porter atteinte à la cohésion sociale des pays de destination. L’organisation de l’immigration doit donc prendre en compte les capacités d’accueil de l’Europe, sur le plan du marché du travail, du logement, des services sanitaires, scolaires et sociaux et protéger les migrants contre le risque d’exploitation par des réseaux criminels ».

« L’accès au territoire de l’un des Etats membres peut être suivi de l’accès au territoire d’autres Etats membres. Aussi est-il impératif que chaque Etat membre prenne en compte les intérêts de ses partenaires dans la définition et la mise en oeuvre de ses politiques d’immigration, d’intégration et d’asile ».

Après avoir  relevé les progrès accomplis sur la voie d’une politique commune d’immigration et d’asile, plus particulièrement dans le cadre des programmes de Tampere (1999-2004) et de La Haye (2004-2009), « le Conseil européen estime le moment venu de donner une impulsion nouvelle, dans un esprit de responsabilité mutuelle et de solidarité entre les Etats membres, mais aussi de partenariat avec les pays tiers, à la définition d’une politique commune de l’immigration et de l’asile qui prenne en compte à la fois l’intérêt collectif de l’Union européenne et les spécificités de chaque Etat membre ».

Cinq engagements fondamentaux

« Conscient que la mise en oeuvre complète du Pacte est susceptible de nécessiter, dans certains domaines, une évolution du cadre juridique et notamment des bases conventionnelles, le Conseil européen prend cinq engagements fondamentaux[2] dont la traduction en actions concrètes sera poursuivie en particulier dans le programme qui succédera en 2010 au programme de La Haye :

  • organiser l’immigration légale en tenant compte des priorités, des besoins et des capacités d’accueil déterminés par chaque Etat membre et favoriser l’intégration,
  • lutter contre l’immigration irrégulière, notamment en assurant le retour dans leur pays d’origine ou vers un pays de transit, des étrangers en situation irrégulière,
  • renforcer l’efficacité des contrôles aux  frontières,
  • bâtir une Europe de l’asile,
  • créer un partenariat global avec les pays d’origine et de transit favorisant les synergies entre les migrations et le développement ».

Un débat annuel sur les politiques d’immigration et d’asile sera organisé chaque année au Conseil européen à partir d’un rapport de la Commission basé sur les contributions des Etats membres et assorti, le cas échéant, de propositions et de recommandations concernant la mise en œuvre du Pacte et du programme qui succédera au programme de La Haye.  

Une impulsion  pour quelle(s) politique(s) ?

Une nouvelle impulsion
 

La version du 25 janvier 2008 du Pacte le présente comme fondateur d’une politique migratoire commune.

Dans l’éditorial de la plaquette de vulgarisation du « Pacte européen sur l’immigration et sur l’asile » publiée, après son adoption, par le ministère français de l’immigration[3], Brice Hortefeux déclare : « Grâce à ce Pacte, l’Europe passe, enfin, aux actes. En matière d’immigration et d’asile, plus rien ne sera comme avant.  Pour la première fois, une stratégie commune est établie, avec des objectifs clairs, des outils concrets, un calendrier précis. Nos engagements sont cohérents : mieux organiser l’immigration légale, mieux lutter contre l’immigration clandestine, renforcer l’efficacité des contrôles aux frontières extérieures de l’Union, bâtir une Europe de l’asile et se concerter davantage avec les pays sources d’immigration.  […] Je vous invite donc à découvrir cet outil nouveau qui montre que l’Europe peut à la fois protéger ses concitoyens (sic), honorer ses traditions et développer les partenariats ».

Retourner au texte finalement adopté par le Conseil européen des 15 et 16 octobre derniers permet de ramener à la juste réalité l’accent triomphal de ce discours. Certes le Conseil Européen « estime le moment venu de donner une impulsion nouvelle […] à la définition d’une politique commune de l’immigration et de l’asile qui prenne en compte à la fois l’intérêt collectif de l’Union européenne et les spécificités de chaque Etat membre ».

Mais ce n’est pas du tout la première fois qu’une stratégie commune est établie avec des objectifs clairs, des outils concrets et un calendrier précis. Les cinq engagements fondamentaux du Pacte font écho aux conclusions concernant une politique commune en matière d’asile et d’immigration du Conseil extraordinaire de Tampere[4] (15-16 octobre 1999) consacré à la création d’un espace de liberté, de sécurité et de justice dans l’Union européenne. Cette politique mise en œuvre par les programmes de Tampere et de La Haye a fait l’objet de plusieurs plans d’action, de déclarations du Conseil ainsi que de conclusions du  Conseil européen.

Une politique novatrice ?
 

Le Pacte contient peu d’éléments réellement innovateurs. Le concept d’immigration choisie est avant tout une trouvaille médiatique à l’effet d’annonce certain.  Il ne faut cependant pas le sous-estimer car il contribue à la mise en forme des faits migratoires selon le point de vue de la Présidence française et du Conseil européen. Les cinq engagements fondamentaux s’appuient principalement sur un inventaire de mesures existantes ou en projet qui doivent être complétées, achevées ou passer au stade de la réalisation. Le cinquième engagement qui concerne le partenariat avec les pays d’origine et de transit est nettement plus développé dans le Pacte que dans le programme de La Haye.

Une politique de gestion de l’immigration à deux vitesses
 

Alors que le point 20 des conclusions de Tampere demandait de prendre rapidement les dispositions relatives à la gestion de l’immigration légale, les Etats membres vont donner la priorité à la lutte contre l’immigration illégale et au renforcement du contrôle des frontières. 

A cet égard, le relevé des mesures législatives adoptées de 2000 à 2008 est instructif. « Si l’on divise la législation que l’UE a adoptée dans le domaine des frontières, de l’immigration et de l’asile, on compte neuf mesures adoptées en matière d’asile. Neuf autres mesures ont été adoptées dans le domaine de la migration légale. Dix-neuf mesures ont été prises en ce qui concerne les frontières et les visas (et cinq propositions sont en cours). Quant à la migration irrégulière, on dénombre 19 mesures adoptées avec ce que l’on appelle la directive retour et la soumission d’une proposition prévoyant l’imposition de sanctions aux employeurs de ressortissants de pays tiers en situation irrégulière. Onze accords de réadmission ont été signés avec des pays tiers et des négociations ont été approuvées avec cinq autres pays. Si la quantité même des mesures constitue une indication de l’importance qu’accorde l’UE à ce sujet, il apparaît alors clairement que les questions des frontières, de la migration irrégulière et des accords de réadmission prennent une connotation hautement prioritaire par rapport aux questions de l’asile et de la migration légale. L’image qui se dégage est celle d’une Union européenne d’exclusion qui s’attelle à maintenir les étrangers hors de ses frontières plutôt que celle d’une Union européenne ouverte au monde »[5].   

Le préambule du Pacte affirme qu’ « une gestion harmonieuse et efficace des migrations doit être globale et donc traiter à la fois de l’organisation de la migration légale et de la lutte contre l’immigration illégale comme des moyens de favoriser les synergies entre les migrations et le développement ».

Après avoir éveillé ainsi l’espoir du retour à une politique harmonieuse prenant en compte l’équilibre entre la gestion de l’immigration légale et la lutte contre l’immigration illégale, le Pacte  met en réalité l’accent sur l’exclusion des migrants.  L’immigration choisie, en relançant l’immigration du travail, entrouvre les frontières pour les uns, en particulier les personnes hautement qualifiées, mais renforce le contrôle pour les autres. C’est ainsi que l’effectivité du droit au regroupement familial est menacée par les dispositions qui veulent mieux le réguler.

Une politique d’immigration choisie
 

Le préambule du Pacte reconnaît que les Etats membres ont besoin des migrants en raison de l’état de leur marché du travail ou de leur situation démographique. L’hypothèse d’une immigration zéro apparaît à la fois irréaliste et dangereuse[6]. Ce rappel salutaire est contrebalancé par la déclaration suivante : « L’Union européenne n’a toutefois pas les moyens d’accueillir dignement tous les migrants qui espèrent y trouver une vie meilleure. Une immigration mal maîtrisée peut porter atteinte à la cohésion sociale des pays de destination ». 

Selon la Présidence française, la réponse à cette situation est l’organisation de l’immigration légalesur base d’une immigration choisie, accompagnée de la lutte contre l’immigration illégale et du renforcement des frontières. L’immigration choisie en fonction des besoins du marché du travail, par exemple des personnes hautement qualifiées, s’oppose à l’immigration subie, essentiellement celle des familles et des réfugiés dont les droits fondamentaux sont garantis par un ensemble de textes internationaux de protection des droits de l’homme.  Après avoir rappelé qu’il revient à chaque Etat membre de décider des conditions d’admission sur son territoire des migrants légaux et d’en fixer le nombre[7], le Conseil européen appelle les Etats membres « à mettre en œuvre une politique d’immigration choisie en fonction des besoins de leur marché du travail et concertée en tenant compte de l’impact qu’elle peut avoir sur les autres Etats membres ».

Dans la pratique, l’immigration choisie sera[8] également une immigration à plusieurs vitesses.  D’une part les travailleurs hautement qualifiés, titulaires de la « carte bleue européenne »[9], renouvelable, qui jouiront de dérogations facilitant le regroupement familial et qui pourront, à certaines conditions, obtenir le statut de résident de longue durée-CE.  D’autre part, les travailleurs saisonniers (agriculture, bâtiment, horeca) qui recevront un titre combiné (séjour/travail) valable un certain nombre de mois par année durant quatre à cinq ans. Des cachets d’entrée et de sortie devraient empêcher les abus. Une immigration précaire, de passage, à laquelle faire appel temporairement en cas de besoin et à renvoyer lorsqu’elle devient inutile.  

Le concept d’immigration choisie vient en ligne droite de la politique migratoire française.  En juin 2005, Nicolas Sarkozy s’en sert pour faire accepter à son parti (UMP)  le principe de la réouverture des frontières.  Ce sera l’un des leitmotivs de la campagne présidentielle. Le concept est mis en œuvre dans la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration[10]. Cette loi très controversée en France est légitimée par l’inscription de l’immigration choisie dans le Pacte européen.

Une politique de regroupement familial restrictive
 

Parmi les dispositions concernant l’organisation de l’immigration légale (premier engagement du Pacte), celle qui concerne la régulation du regroupement familial a été peu évoquée dans les médias et dans les communiqués de presse. Pourtant elle est particulièrement inquiétante car elle menace le droit de mener une vie familiale, droit fondamental garanti notamment par la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Au point 1,d du Pacte nous lisons : «[Le Conseil européen convient] de mieux réguler l’immigration familiale en invitant chaque Etat membre, sauf catégories particulières, à prendre en considération dans sa législation nationale, dans le respect de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ses capacités d’accueil et les capacités d’intégration des familles appréciées au regard de leurs conditions de ressources et de logement dans le pays de destination ainsi que par exemple, de leur connaissance de la langue de ce pays ».

La directive 2003/86 du 23 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial[11]reconnaît l’existence d’un droit subjectif au regroupement familial, mais certains de ses articles laissent une grande latitude d’interprétation aux Etats membres. C’est le cas de l’article 7 qui permet aux Etats membres de mettre des conditions à l’exercice du droit au regroupement familial en matière de logement, d’assurance-maladie, de ressources et d’intégration (connaissance de la langue et de la société du pays d’accueil). Le Pacte invite les Etats membres à se servir des dispositions facultatives de l’article 7 pour mieux «réguler» l’immigration familiale.

Depuis 2003, la législation concernant le regroupement familial a été modifiée dans plusieurs pays dans un sens restrictif, entre autres, en Belgique, aux Pays-Bas et en France en 2006 et en 2007.

En Belgique, nous connaissons les difficultés supplémentaires causées par l’introduction de conditions de logement dans la loi du 15 décembre 1980[12].

Les Pays-Bas sont les précurseurs de l’usage du test d’intégration[13] comme condition préalable au regroupement familial.  Depuis 2006, les migrants de 16 à 65 ans, originaires de Turquie, du Maroc et de certains autres pays  tiers qui veulent rejoindre leur famille ou se marier aux Pays-Bas doivent préalablement passer et réussir un test d’intégration (connaissance de la langue et de la société néerlandaise) dans leur pays d’origine. En cas d’échec du candidat, la décision ne peut être contestée mais le test peut être repassé pour le même coût (350 Euros). Human Rights Watch a publié un rapport à ce sujet sous le titre évocateur «Discrimination in the Name of Integration»[14].

En France, la loi du 20 novembre 2007, impose au conjoint et aux enfants âgés de plus de 16 ans qui demande(nt) le regroupement familial de se soumettre dans leur pays de résidence à une évaluation de leur degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République et, si nécessaire, de suivre une formation de 2 mois maximum dans ce même pays.  La délivrance du visa est soumise à la production d’une attestation de cette évaluation ou du suivi de cette formation.

D’autres Etats membres (Autriche, Chypre, Grèce) obligent les membres des familles à participer à des cours d’intégration ou à réussir des examens linguistiques après leur admission sur le territoire.

Le rapport de la Commission sur l’application de la directive 2003/86/CE relative au droit au regroupement familial[15] remarque que toutes ces mesures ont pour objectif de faciliter l’intégration des membres de la famille. Mais il ajoute « Leur conformité avec la directive dépend de savoir si elles servent cette finalité et si elles respectent le principe de proportionnalité.  Leur conformité peut être discutable en fonction de l’accessibilité à ces cours ou tests, de leur conception et/ou organisation (documents utilisés, prix, lieu, etc.), ou si ces mesures ou leurs effets servent d’autres buts que l’intégration (par exemple, prix élevé excluant les familles à faibles revenus).  La garantie procédurale relative au droit de contester en justice une décision de rejet doit également être respectée ».

La première version de la proposition de directive relative au regroupement familial (il y en a eu trois) présentait celui-ci comme « un moyen nécessaire pour réussir l’intégration des ressortissants de pays tiers qui résident légalement dans les Etats membres [car] la présence des membres de la famille contribue à une stabilité accrue et à un ancrage de ces personnes en leur permettant de mener une vie familiale normale ». Le Pacte inverse la problématique : il faut prouver ses capacités d’intégration (et même un début d’intégration) avant d’obtenir l’autorisation de rejoindre la famille. Ainsi, dans le cadre de l’immigration choisie, le regroupement familial au lieu d’être la mise en œuvre du droit fondamental des hommes, des femmes et des enfants de vivre en famille devient un moyen de régulation des flux migratoires.  

Une politique d’intégration ?       
 

Suite à l’opposition de plusieurs pays, dont l’Espagne, la version finale du Pacte n’a pas retenu l’obligation pour les migrants de signer un pacte d’intégration.

De par sa nature même, le Pacte ne peut entrer dans les détails. Cependant, les dispositions concernant l’intégration[16] (qui semblent être ciblées sur les «arrivants») sont bien en dessous de la politique déjà en cours dans l’Union, suite à l’adoption par le Conseil des « Principes de base communs de la politique d’intégration des immigrants dans l’Union européenne »[17] et du « Programme commun pour l’intégration » de la Commission de septembre 2005[18]. Trois rapports annuels sur la mise en œuvre de ce programme ont déjà été publiés.

Suite aux modifications récentes concernant les conditions d’intégration apportées à la législation en matière de regroupement familial aux Pays-Bas, on peut se demander si l’intégration est la cause ou la conséquence de l’octroi de certains droits.

Il est inquiétant de voir que le concept d’intégration peut être utilisé de telle sorte qu’il discrimine les étrangers au lieu de contribuer au «vivre ensemble». L’intégration est-elle un droit ou un devoir ?  Le débat sur l’intégration permet parfois de rejeter la responsabilité de la non inclusion des personnes dans la société sur les personnes elles-mêmes ou sur leur groupe d’appartenance alors qu’elles connaissent une non égalité de fait, de droits ou de chances.

Il serait nécessaire de donner une nouvelle impulsion à la politique d’intégration pour mieux prendre en compte la situation des immigrés (et de leurs descendants) installés en Europe, parfois mêmes naturalisés, qui ne sont pas confrontés à un manque d’intégration culturelle mais à des difficultés économiques et/ou sociales suite au rejet dont ils sont l’objet.  

Les atteintes aux droits fondamentaux des migrants, les discriminations, la méfiance et le soupçon sont des obstacles majeurs à l’intégration car ils risquent d’entraîner ressentiment et repli identitaire.

Le Pacte « invite les Etats membres à prendre en compte, par des mesures appropriées, la nécessité de combattre les discriminations dont peuvent être victimes les migrants ». C’est un peu faible. Il faut impérativement insister sur la nécessité et l’urgence de combattre les discriminations.

Le deuxième principe de base commun pour l’intégration déclare que « l’intégration va de pair avec le respect des valeurs fondamentales de l’Union européenne ».  Ceci vaut pour les migrants, pour les citoyens européens mais aussi pour les administrations et les institutions.

Le Pacte aurait eu tout à gagner à placer le premier principe de base commun pour l’intégration en tête de ses dispositions concernant celle-ci : « L’intégration est un processus dynamique, à double sens, de compromis réciproque entre tous les immigrants et résidents des Etats membres ».     

Une politique volontariste de lutte contre l’immigration illégale
 

Le rapport sur la mise en œuvre du programme de La Haye en 2007[19] nous apprend que « les progrès en ce domaine ont été constants et conformes à l’idée selon laquelle la crédibilité de la politique migratoire européenne sera irrémédiablement compromise si des mesures efficaces ne sont pas prises pour lutter contre l’immigration illégale ». Rien d’étonnant donc si le Pacte continue sur cette lancée. D’autant plus que la lutte contre l’immigration clandestine est un objet de consensus entre les Etats membres.

Le Pacte est catégorique : « Les étrangers en situation irrégulière sur le territoire des Etats membres doivent quitter ce territoire. Chaque Etat membre s’engage à assurer l’application effective de ce principe […] et reconnaît les décisions de retour prises par un autre Etat membre ».

Relevons une nouveauté apportée par le Pacte qui est en même temps une victoire de la Présidence française : les  Etats membres se limiteront dorénavant « à des régularisations au cas par cas et non générales, dans le cadre des législations nationales, pour des motifs humanitaires ou économiques ».

Remarquons que le Conseil européen convient de conclure des accords de réadmission, avec les pays pour lesquels cela est nécessaire, soit à titre bilatéral, soit au niveau communautaire. L’efficacité des accords communautaires de réadmission sera évaluée.  Les Etats membres mesurent sans doute l’« efficacité » au nombre de personnes reprises. Il faudrait que les conditions d’accueil et de transfert de ces personnes soient également prévues et évaluées, sans oublier la possibilité d’introduire une demande d’asile.     

Relevons également la coopération avec les pays d’origine et de transit afin de lutter contre l’immigration irrégulière et contre les filières internationales de trafic de migrants et de traite des êtres humains. Selon le HCR, les obstacles mis à l’entrée des demandeurs d’asile sont tels que 90 % d’entre eux  font actuellement appel à des passeurs. Les difficultés ou la longueur des démarches pour obtenir des visas de regroupement familial incite également certaines personnes à utiliser les services des filières. Pour lutter contre le trafic des migrants, il faut non seulement renforcer les contrôles aux frontières et s’efforcer de démanteler les filières mais aussi renforcer (ou rendre) l’accès à la mobilité de certaines catégories de migrants comme, par exemple, celles que nous venons d’évoquer, les demandeurs d’asile et les personnes qui rejoignent leurs familles.      

Il n’y a rien de vraiment neuf à signaler dans les autres dispositions concernant la lutte contre l’immigration irrégulière qui se trouvent dans le Pacte. La proposition de directive concernant les sanctions à l’égard des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour illégal[20] date de 2007.

Le Pacte manque de pragmatisme en ne tenant pas compte des nombreuses personnes en séjour irrégulier qui resteront ou qui continueront à entrer sur le territoire des Etats membres.  Sans doute, était-il impossible d’y aborder un  thème qui n’entre pas dans le cadre du discours politiquement correct.  Par contre, dans sa communication du 17 juin 2008[21], la Commission propose d’assurer l’accès des personnes en séjour irrégulier aux services qui sont indispensables au respect des droits fondamentaux (enseignement pour les enfants, soins de santé de base).

Une politique de contrôle des frontières mortifère
 

Le Conseil européen convient :

  • d’inviter les Etats membres et la Commission à mobiliser tous les moyens disponibles pour assurer un contrôle plus efficace des frontières extérieures terrestres, maritimes et aériennes ;
  • de généraliser, au plus tard au 1er janvier 2012, la délivrance de visas biométriques ; de renforcer sans délai la coopération entre consulats des Etats membres grâce au système d’information sur les visas (VIS) ; de créer progressivement des services consulaires communs ;
  • de renforcer les activités et les moyens de l’agence FRONTEX (après évaluation de l’agence, des bureaux spécialisés pourront être créés aux frontières terrestres de l’Est et maritimes du Sud) ;
  • de mieux prendre en compte les difficultés des Etats membres soumis à un afflux disproportionné de migrants et d’inviter la Commission à présenter des propositions ;
  • de mettre en place, à partir de 2012, l’enregistrement électronique des entrées et des sorties de l’espace européen et assortir celui-ci d’une procédure facilitée pour les citoyens européens et pour certains autres voyageurs ;
  • d’approfondir la coopération avec les pays d’origine et de transit auxquels une aide sera apportée pour renforcer le contrôle de leurs frontières et pour lutter contre l’immigration irrégulière.

Il est clair que le Pacte considère que les mesures de sécurité et de contrôle sont LA réponse au défi constitué par la présence des migrants aux frontières extérieures.

On n’entrera pas dans le vif du débat concernant FRONTEX ainsi que les accords de coopération avec certains pays d’origine et de transit. Mais il faut prendre conscience des conséquences de la politique de l’Union européenne  pour les personnes concernées. D’une part, il faut prendre en compte le nombre de personnes qui décèdent chaque année au cours des voyages clandestins vers l’Europe (plus de 1.500 en 2008).  D’autre part, on ne peut rejeter les rapports d’ONG et d’organismes de protection des droits de l’homme qui relèvent, depuis plusieurs années, les violations des droits fondamentaux commises dans le cadre de l’externalisation du contrôle des frontières et de la lutte contre l’immigration irrégulière : racket (parfois par les forces de l’ordre), rafles, viols, traitements inhumains et dégradants, conditions d’incarcération infrahumaines, renvoi de personnes en mer ou dans des zones désertiques, impossibilité de déposer une demande d’asile…

Notre responsabilité morale et celle des décideurs sont engagées. Ils ne peuvent pas dire, nous ne pouvons pas dire : « nous ne savons pas ».

Une politique d’asile à la croisée des contrôles migratoires
 

Après avoir rappelé que l’octroi de la protection et du statut de réfugié relève de la responsabilité de chaque Etat membre, le Conseil européen estime le moment venu d’achever la mise en place du régime d’asile européen commun prévu par le programme de La Haye.  La Commission est invitée à présenter des propositions en vue d’instaurer, si possible en 2010 et au plus tard en 2012, une procédure d’asile unique ainsi qu’un statut de réfugié et un statut de protection subsidiaire.

Le Conseil européen constate les fortes disparités, d’un Etat membre à l’autre, dans l’octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Un bureau d’appui européen sera mis en place en 2009 pour faciliter la coopération pratique entre Etats membres et rapprocher les pratiques nationales.

Le Conseil européen convient de créer des procédures pour venir en aide aux Etats membres confrontés à un afflux massif de demandeurs d’asile.

L’Union  procèdera avec le HCR à la réinstallation de réfugiés sur son territoire.

Enfin, le Conseil européen « souligne que le nécessaire renforcement des contrôles aux frontières européennes ne doit pas empêcher l’accès aux systèmes de protection des personnes fondées à en bénéficier ». En conséquence, il invite les Etats membres à donner une formation concernant l’asile et la protection au personnel chargé du contrôle aux frontières extérieures.

Le Pacte reconnaît ainsi que, suite au renforcement des contrôles aux frontières européennes, l’accès aux systèmes de protection est devenu un enjeu primordial de la politique d’asile. Pour remédier à cette situation, la seule proposition du Pacte est de donner une formation concernant l’asile et la protection aux personnes chargées du contrôle aux frontières extérieures. C’est bien peu alors que, par ailleurs, il développe une série de mesures permettant de renforcer le contrôle aux frontières ou de l’externaliser[22].

Heureusement, la Commission s’efforce de trouver une solution pour garantir l’accès aux régimes de protection : « les filières illégales constituent une importante voie d’accès à la sécurité qu’offre l’Union, les passeurs étant des intermédiaires clés pour y entrer. Il est donc primordial que l’Union axe ses efforts sur les mesures qui permettent de mieux gérer et d’ordonner l’arrivée sur le territoire des Etats membres des personnes qui demandent l’asile à bon droit, afin de garantir un accès légal et sûr au régime de protection, tout en décourageant les passeurs et les trafiquants.

A cette fin, la Commission examinera les moyens et les mécanismes qui permettent de différencier les personnes qui ont besoin d’une protection d’autres catégories de migrants avant qu’elles n’atteignent la frontière d’éventuels pays d’accueil, comme les procédures d’entrée protégée ou une application plus souple du régime des visas justifiée par des préoccupations de protection.  Ainsi que l’indiquait une étude de la Commission réalisée en 2003, « certains Etats membres appliquent ces mécanismes ou les ont expérimentés selon certaines modalités, mais leur nombre est restreint »[23].

Au cours de l’année 2008, FRONTEX a renvoyé près de 6.000 migrants interceptés au large des Iles Canaries vers le Sénégal et la Mauritanie. Le HCR recommande d’incorporer explicitement des garanties de protection des réfugiés dans les dispositions régissant les opérations coordonnées par FRONTEX.       

Le Pacte, nous l’avons vu, prévoit l’instauration d’une procédure d’asile unique d’ici 2012 et appelle à la mise en place du régime d’asile européen commun (RAEC) prévu dans le programme de La Haye.

La Commission européenne prépare la mise en œuvre de ce régime d’asile européen commun en présentant des propositions d’amélioration de la législation actuellement en vigueur[24].  Ces propositions de la Commission sont marquées  par le souci de garantir le respect de la Charte des droits fondamentaux, de la Convention européenne des droits de l’homme, de la Convention de Genève de 1951 et de la Convention des Nations unies relatives aux droits de l’enfant[25]. Elles concernent la détention des demandeurs d’asile, le respect des droits de l’enfant et du droit à l’unité de la famille, l’accès au marché de l’emploi des demandeurs d’asile six mois après l’introduction de leur demande de protection. La question primordiale est de savoir ce qu’il adviendra de ces propositions lorsqu’elles seront examinées par le Conseil et le Parlement européen. En effet, l’expérience vécue récemment lors de l’adoption de la «directive retour»[26] nous appelle à une grande vigilance.   

Une politique de partenariat global avec les pays d’origine et de transit favorisant les synergies entre les migrations et le développement
 

En adoptant le Pacte, « le Conseil européen réaffirme son attachement à l’approche globale des migrations qui a inspiré les conférences euro-africaines de Rabat et Tripoli en 2006 et le sommet euro-africain de Lisbonne en 2007.

Il est convaincu que cette approche qui traite à la fois de l’organisation de la migration légale, de la lutte contre l’immigration irrégulière et des synergies entre les migrations et le développement au bénéfice de tous les pays concernés et des migrants eux-mêmes, est une approche très pertinente à l’est comme au sud.  La migration doit devenir une composante importante des relations extérieures des Etats membres et de l’Union, ce qui suppose de prendre en compte, dans les relations avec chaque pays tiers, la qualité du dialogue existant avec lui sur les questions migratoires.        

Sur ces bases, le Conseil européen s’engage à soutenir le développement des pays concernés et à bâtir avec eux un partenariat étroit favorisant les synergies entre les migrations et le développement. »  Cette déclaration est suivie de 8 séries de mesures[27].

Il est question d’accords de réadmission, de lutte contre l’immigration irrégulière.  Il est aussi question de partenariat pour la mobilité, d’offrir des possibilités d’immigration légale adaptées à l’état du marché du travail des Etats membres[28], d’encourager les migrations temporaires ou circulaires afin d’éviter la fuite des cerveaux, de faciliter le rapatriement de l’épargne des migrants, de promouvoir les actions de co-développement pour permettre aux migrants de participer au développement de leur pays d’origine, de mieux intégrer les politiques migratoires et de développement…

Les diverses propositions de ce cinquième « engagement fondamental » constituent un immense chantier qui en est encore pour certaines au stade du projet, parfois de première(s) expérience(s) pilote(s) dont l’évaluation ne sera possible que dans quelques années[29].  Certaines propositions, comme la migration circulaire, nécessitent la mise en place d’un cadre juridique. Pour mieux cerner les différentes propositions présentées brièvement par le Pacte, on consultera utilement les documents de la Commission[30]. Nous signalons également un article de Peter Verhaeghe de Caritas Europa, dans lequel celui-ci s’interroge sur l’immigration temporaire des travailleurs hautement qualifié et sur le co-développement[31].

L’Union européenne passe ainsi de l’approche, qui a été la sienne pendant des années, basée principalement sur les accords de réadmission et de lutte contre l’immigration irrégulière à une approche plus équilibrée abordant également les questions de développement, les conditions de vie et les possibilités d’emploi dans les pays d’origine et de transit.

Il faut espérer que la mise en œuvre de ces partenariats ne se focalisera pas, comme ce fut le cas à Rabat en 2006, sur les contrôles migratoires (réadmission, renforcement des capacités de contrôle des frontières nationales, coopération policière et judiciaire, aide aux victimes) et qu’en matière de promotion du développement et de l’immigration légale on passera aussi du Pacte aux actes.

Pour conclure…
 

 Le Pacte européen sur l’immigration et l’asile reflète fidèlement la politique migratoire du Conseil européen qui n’est globale que de nom, ses priorités étant axées sur la lutte contre l’immigration illégale et son corollaire le contrôle des frontières. L’Europe entrouvre ses frontières pour les uns (immigration choisie) tout en les bétonnant pour les autres. Le message du Pacte est clair, une migration «utile» et maîtrisée par les Etats membres est tolérée, à condition que celle-ci respecte l’identité et les valeurs fondamentales des Etats membres et de l’Union européenne. Dans l’éditorial de la plaquette consacrée au Pacte, le ministre Hortefeux rassure les résidents européens : « L’Europe peut à la fois protéger ses concitoyens, honorer ses traditions et développer les partenariats »[32].

A propos des valeurs européennes, l’on ne peut s’empêcher de remarquer que les cinq engagements fondamentaux du Pacte comportent des éléments ou des dispositifs dont les conséquences sont incompatibles avec les principes fondateurs de l’Union européenne :   respect de la dignité humaine, des libertés et des droits fondamentaux, de la démocratie et de l’état de droit[33].

Le premier engagement (organisation de l’immigration légale) grignote l’effectivité du droit au regroupement familial. La lutte contre l’immigration illégale et le renforcement des contrôles des frontières donnent lieu à de nombreuses violations des droits fondamentaux, tant au sein de l’Union que dans le cadre des accords de réadmission par les pays d’origine et de transit ainsi que par l’externalisation des contrôles des frontières. Ces mesures ont également des conséquences tragiques pour les demandeurs d’asile dont 90 % doivent faire appel aux services des passeurs pour arriver en Europe. Les mesures de contrôle, les accords de réadmission, les opérations de Frontex les empêchent, trop souvent, d’introduire une demande d’asile ou produisent des refoulements en cascade.

Et nous n’avons pas encore évoqué les nombreux décès liés au passage clandestin des frontières, en mer, en passant des montagnes, en traversant des champs de mines (Grèce) ou des régions désertiques, dans des containers, dans les soutes de navires ou en s’accrochant au train d’atterrissage d’un avion[34]

Les conséquences de cette politique sont telles que le Parlement européen dans sa résolution du 14 janvier 2009 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne 2004 – 2008 interpelle la Commission et les Etats membres sur leur politique.

Le Parlement se déclare « choqué par le sort tragique des personnes qui meurent en essayant d’atteindre le territoire européen, ou qui tombent entre les mains de passeurs ou de trafiquants d’être humains.

[Il] demande à la Commission et aux Etats membres de mettre en place des politiques de migration légale, efficaces et à long terme, ainsi que de garantir aux demandeurs d’asile l’accès effectif au territoire de l’Union et à une procédure suivant des règles coordonnées et plus souples, au lieu de concentrer tous leurs efforts dans la prévention de l’immigration irrégulière, en déployant une panoplie croissante de mesures de contrôle aux frontières, qui pêchent par le manque de mécanismes nécessaires à l’identification des demandeurs d’asile potentiels aux frontières de l’Europe, ce qui conduit à une violation du principe de non refoulement, tel qu’inscrit dans la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés »[35].

L’on peut également se poser des questions sur l’efficacité des politiques menées. Le Pacte met fin au  mythe de l’immigration zéro. Il serait peut-être nécessaire de revoir certains concepts ou la manière dont certaines questions sont posées : rapport entre frontières et clandestinité, intégration, migration et développement. C’est là un travail de longue  haleine qu’il faudra envisager tôt ou tard. Dans l’immédiat, il faut se poser des questions sur l’avenir du partenariat global avec les pays d’origine et de transit, axé sur trois volets indissociables : accords de réadmission et lutte contre l’immigration irrégulière, migration légale, synergies entre migration et développement. Pour certains Etats, il n’est pas évident de « reprendre » leurs ressortissants ou de les empêcher d’émigrer, alors que ceux-ci soutiennent l’économie du pays par leurs envois d’argent.

Lors de la seconde conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le  développement, tenue à Paris le 25 novembre 2008, l’approbation du document final,  selon un journaliste de « NEA say », a été précédée de critiques sévères de la part de plusieurs dirigeants africains. Ainsi, le ministre sénégalais de l’Intérieur a déclaré : « Ce pacte est perçu comme une volonté des Européens de se bunkeriser ». Le ministre marocain des Affaires étrangère a déclaré, quant à lui : « Tant qu’il y aura des divergences entre une politique de migration européenne restrictive et les demandes des migrants, les flux d’immigration irrégulière continueront ». Le ministre burkinabé a demandé d’assouplir les conditions d’entrée « sous peine de voir les mêmes problèmes perdurer »[36].

Notes :

  • [1] « Une politique commune de l’immigration pour l’Europe : principes, actions et instruments COM(2008) 359 final » ;  « Plan d’action en matière d’asile  Une approche intégrée de la protection au niveau européen COM(2008) 360 final ». Ces communications  répondent à une demande du Conseil européen de décembre 2007.

    [2] Chacun de ces engagements se décline en un train de 5 à 8 mesures ou séries de mesures.  Le Pacte peut être téléchargé sur http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/08/st13/st13440.fr08.pdf.

    [3] Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire www.immigration.gouv.fr.

    [4] Partenariat avec les pays d’origine (11-12) ; régime d’asile européen (13-17) ; traitement équitable des ressortissants des pays tiers (18-21) ; gestion des flux migratoires, c’est-à-dire, contrôle des frontières, lutte contre l’immigration clandestine, répression de la traite des êtres humains (22-27).

    [5] E. GUILD, K. NAPLEY et le Centre d’études politiques européennes, « Un examen du débat européen sur la migration : valeur ajoutée de l’UE ou détérioration ? » in : ENARgy, août 2008, pp. 2-3.

    [6] La remise en question de l’immigration zéro n’est pas une nouveauté. A la suite de la publication, en 2000, du rapport des Nations Unies sur le vieillissement et les pénuries de main-d’œuvre, la norme de l’immigration zéro est de plus en plus fréquemment remise en cause aussi bien par certains pays membres (Allemagne et Grande Bretagne en 2001) que dans les enceintes de l’UE. En 2001, la Commission présente une proposition de directive relative aux conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi salarié ou d’une activité économique indépendante COM (2001) 386. Bien accueillie par le Parlement européen et le Comité économique et social européen, elle est rejetée par le Conseil. En janvier 2005, la Commission publie le « Livre vert sur une approche communautaire de la gestion des migrations économiques » COM (2004) 811.

    [7] Lorsque le traité de Lisbonne entrera en vigueur, les conditions d’entrée et de séjour de ressortissants de pays tiers seront de la compétence du Parlement et du Conseil. Les Etats membres conserveront le droit de fixer le nombre de ressortissants de pays tiers, en provenance de pays tiers, admis à venir chercher du travail salarié ou non salarié (art. 79,2a et 5). Le traité est publié au Journal officiel n° C115 du 9 mai 2008.

    [8] L’emploi du futur se justifie par l’attente de l’entrée en application de 5 directives concernant les conditions d’entrée, de séjour et de travail des ressortissants de pays tiers.

    [9] Directive établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié  (appelée directive carte bleue) COM (2007) 637.

    [10] Egalement appelée loi CESEDA (code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), elle instaure une carte « compétence et talents » pour les migrants hautement qualifiés et une carte de travailleur saisonnier. Elle supprime le dispositif de régularisation de plein droit après 10 années de séjour en France, durcit les règlements du regroupement familial et des mariages mixtes. Les titulaires d’une carte de séjour doivent signer un « contrat d’accueil et d’intégration ».

    [11] Journal officiel n° L251 du 3.10.2003.

    [12] Allongement (jusqu’à 6 mois maximum) de la durée de la procédure, lourde charge financière car il faut prouver avoir un logement adéquat lors du dépôt de la demande de regroupement.  Parfois le regroupement est scindé, l’Office des étrangers jugeant le logement inadapté à la composition de la famille ne délivre qu’une partie des visas nécessaires. La famille laisse alors provisoirement  une partie de ses membres au pays.

    [13] Les informations sur le test d’intégration «basisexamen inburgering in het buitenland » peuvent être consultées sur le site de l’IND (Immigratie- en Naturalisatiedienst) www.ind.nl.

    [14] “The Netherlands: Discrimination in the Name of Integration – Migrants’ Rights under the Integration Abroad Act”, Human Rights Watch, May 2008.

    [15] COM (2008) 610 du 8.10.2008.

    [16] « Favoriser l’intégration des migrants ayant la perspective de s’installer durablement par une politique équilibrant leurs droits (accès à l’éducation, au travail, à la sécurité, aux services publics et sociaux) et leurs devoirs (respect des lois et des valeurs du pays d’accueil) ; favoriser l’apprentissage des langues et l’accès à l’emploi ; mettre l’accent sur le respect de l’identité et des valeurs fondamentales des Etats membres et de l’Union européenne. Le Conseil européen invite en outre les Etats membres à prendre en compte, par des mesures appropriées, la nécessité de combattre les discriminations dont peuvent être victimes les migrants ».

    [17] Document 14615/04 du Conseil.

    [18] COM (2005) 389.

    [19] COM (2008) 373 final, par. 21 p. 6.

    [20] Com (2007) 249 final.

    [21] Une politique commune de l’immigration pour l’Europe : principes, actions et instruments COM (2008) 359 final.

    [22] Cf. plusieurs dispositions dans les deuxième, troisième et cinquième engagements du Pacte concernant respectivement « la lutte contre l’immigration irrégulière, le renforcement du contrôle aux frontières, le partenariat global avec les pays d’origine et de transit et la synergie entre migration et développement ».

    [23] Plan d’action en matière d’asile – Une approche intégrée de la protection au niveau de l’Union COM(2008) 360 final, p. 11.

    [24] Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile, COM/2008/0815 final/2 ; Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride, COM/2008/0820 final2 (Règlement de Dublin) ;  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la création du système Eurodac […], COM/2008/0825 final.

    [25] Rapport sur le fonctionnement concret de la méthodologie pour un contrôle systématique et rigoureux du respect de la Charte des droits fondamentaux,  COM  (2009) 205 final, p. 4.

    [26] Le projet de directive de la Commission prévoyait la possibilité d’enfermer, en cas de nécessité, une personne en vue de son renvoi pour une durée de 6 mois maximum. Le Parlement et le Conseil ont conjointement adopté une période de 18 mois.

    [27] Pour consulter le Pacte cf. note 2 supra.

    [28] Une fois satisfaites les conditions relatives à la conclusion d’accords de réadmission et de coopération en matière d’immigration clandestine.

    [29] Par ex. le Centre d’information et de gestion des migrations (CIGEM) inauguré en octobre 2008 à Bamako.

    [30] Notamment : « Migration et développement : des orientations concrètes » COM (2005) 390 final du 1er septembre 2005 et « Communication de la Commission relative aux migrations circulaires et aux partenariats pour la mobilité entre l’Europe et les pays tiers » COM (2007) 248 final.

    [31] « Le Pacte européen sur l’Immigration et l’Asile » par Peter Verhaeghe, in Les nouvelles, n° 133, sept.-oct. 2008,  Coordination Sud,  14 Passage Dubail, 75010 Paris.

    [32] Voir supra, note 3.

    [33] Conclusions de Tampere, par.1 ; Préambule de la Charte des droits fondamentaux de l’Union ; Version consolidée du Traité sur l’Union européenne (Traité de Lisbonne), art. 2 et art. 6.

    [34] Rappelons ici la découverte, il y a 10 ans, à l’aéroport de Zaventem, des corps de Yaguine Koita (14ans) et Fodé Tounkara (15 ans) dans le train d’atterrissage d’un avion de la Sabena en provenance de Conakry.

    [35] Points 90 et 91 de la Résolution du Parlement européen du 14 janvier 2009 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne 2004 – 2008   P6_TA(2009)0019.

    [36] Déclaration de Paris sur l’immigration et le développement, in : « NEA say n°57 », sur le site : http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=888&nea=79&lang=fra&lst=0