Le 10 mai 2007

Le terrorisme est-il une forme de guerre juste ?

Le terrorisme peut-il constituer une méthode de guerre juste?

Le terrorisme est un problème contemporain majeur. Outre son horreur intrinsèque, il a bouleversé les rapports internationaux et pèse comme une menace permanente sur l’avenir du monde. Il risque aussi de corrompre les démocraties dans la mesure où la menace qu’il représente est utilisée pour justifier des atteintes aux droits humains. La présente analyse confronte la situation qui résulte de ce phénomène nouveau avec la pensée classique sur la guerre juste, à la lumière des réflexions et controverses qui se sont multipliées sur le sujet dans le monde anglo-saxon depuis le 11 septembre 2001. L’auteur rappelle d’abord la doctrine traditionnelle de la guerre juste, telle qu’elle a été élaborée dans la pensée chrétienne, d’Augustin aux grands théologiens scolastiques, puis s’est sécularisée avec les juristes du XVIe siècle, comme Grotius. Il y a un consensus des nations sur les conditions pour qu’une guerre soit juste et sur les règles à suivre dans la conduite des guerres, un droit de la guerre. Ce consensus est aujourd’hui compromis. La Charte des Nations Unies permet aux États de faire la guerre en deux cas seulement : l’autodéfense ou sous l’autorité explicite des Nations Unies. En pratique, les Nations Unies sont souvent court-circuitées : l’OTAN au Kosovo, les États-Unis et la Grande Bretagne en Irak en 2003. Et surtout la guerre moderne devient « asymétrique », opposant des États puissants usant de moyens traditionnels et des groupes « faibles » se servant de tactiques non-conventionnelles comme l’est précisément le terrorisme. Les groupes qui usent du terrorisme, qu’il s’agisse de l’ANC en Afrique du Sud, de l’IRA en Irlande, des groupes palestiniens ou tchétchènes ou encore d’Al Qaeda, prétendent y recourir « en dernier ressort » pour défendre une juste cause. Ils sont encore fortifiés dans leur conviction par les nombreuses injustices que commettent les puissances démocratiques en contradiction avec les principes qu’ils défendent. Reste que le choix par les terroristes de cibles aveugles, ne laissant aucune possibilité d’autodéfense, viole directement le droit universel qui distingue entre combattants et non-combattants et condamne leur action. Même comme tactique particulière dans une guerre qui, sous tous ses autres aspects, serait considérée comme juste, le terrorisme n’est pas défendable parce qu’il empoisonne durablement les relations et empêche plutôt qu’il ne favorise les négociations conduisant à une paix durable. Le terrorisme paraît donc incompatible avec la notion de guerre juste mais son existence et l’interpellation qu’il représente, loin de justifier n’importe quel moyen pour le réprimer, appelle à chercher de nouvelles voies de résolution non-violente des conflits. Transformer le jeu de la guerre en un nouveau jeu de paix juste. 
 

« La guerre est ce qu’il y a de pire pour l’humanité.  Elle provoque la mort et  la mutilation d’êtres humains, la perte de leurs pouvoirs et leur défiguration.  Elle […] cause la destruction des civilisations, suscite la haine et le ressentiment dans les peuples et transmet des problèmes psychologiques aux générations futures »[1].  Ces mots d’Imam Shirazi sont typiques du langage des leaders religieux, quels qu’ils soient[2].  Le discours sur la guerre et la paix est au cœur de la foi religieuse, « profondément impliqué dans les doctrine et enseignement sociaux »[3].  Dans toutes les grandes traditions religieuses, la paix est une valeur ultime que les individus doivent rechercher, tant dans un sens eschatologique que dans la vie de chaque jour, intérieurement et collectivement ; mais c’est la mise en œuvre pratique de cette valeur dans le champ socio-politique qui a toujours suscité des difficultés, sans commun accord sur la résolution des conflits.

L’idée de « guerre juste » fut une « solution » chrétienne à ce défi et elle a été le fondement du droit international séculier.  Même si aujourd’hui les apports théoriques en matière de doctrine politique, légale et philosophique soient plus variés que la seule tradition  chrétienne, beaucoup continuent à faire référence à la guerre conventionnelle telle qu’elle a été développée par les puissances occidentales (chrétiennes).  Dans quelle mesure cette perception empêche-t-elle la réception de ces principes et fait-elle obstacle à leur application universelle, cela demeure une réelle question[4].  Une seconde question, étant donné les changements de nature de la guerre moderne, est de savoir dans quelle mesure aujourd’hui  toute guerre, même justifiée ou légitimée selon les règles traditionnelles, peut encore être considérée comme « juste » et conduire à la paix ?

Bien que le terrorisme soit un phénomène nouveau par rapport à la guerre juste, il y a entre les deux certaines similitudes.  Le terrorisme recouvre une multitude de réalités sociales et politiques et les actes terroristes semblent souvent motivés et justifiés par la religion et ne sont pas unanimement condamnés par les leaders religieux[5].  Y a-t-il dès lors un lien entre le terrorisme et la guerre juste, religieusement autorisée ?  Le terrorisme est-il une forme de guerre juste ou doit-il toujours être considéré comme mauvais ou criminel ?  Le terrorisme est-il une méthode de guerre juste ?  Jusqu’à quelles limites réalise-t-il des buts de guerre juste ?  Quelles sont ses répercussions ?  Plusieurs auteurs, horrifiés par l’implication religieuse dans les conflits contemporains, considèrent le renouveau actuel de la religion comme une menace pour la société internationale, de nature à empêcher plutôt qu’à encourager la paix[6].  Le grand rabbin britannique Jonathan Sachs semble d’accord avec cette position lorsqu’il déclare : « Si la religion ne fait pas partie de la solution, elle est certainement une part du problème »[7].  Dans la perspective de la résolution des conflits, il nous reste à voir dans quelle mesure tant la théorie de la guerre juste que le terrorisme peuvent être considérés comme conduisant à une paix durable, ce qui est la visée ultime de toute « guerre juste ».

1.1 : La théorie de la guerre juste, un compromis nécessaire 

La théorie de la guerre juste consiste en deux principes majeurs : quand est-il juste de partir en guerre (jus ad bellum) et quelles sont les règles à observer dans la conduite de la guerre (jus in bello).  Il est communément admis qu’une guerre est juste seulement s’il y a une juste cause ; si tous les efforts raisonnables pour trouver une solution ont échoué (dernier ressort) ; si elle est engagée par l’autorité légitime ; si elle n’aggrave pas la situation antécédente (proportionnalité), et si les buts de guerre peuvent être atteints, en particulier la restauration de la paix et de la justice (intention droite).  Les règles in bello concernent les cibles légitimes (discrimination) et le déploiement de forces moralement approprié ou nécessaire pour atteindre les buts de guerre (proportionnalité).  Certains auteurs ajoutent un troisième principe, l’examen des responsabilités après la guerre (jus post bellum)[8].

Le développement de la théorie de la guerre juste est attribué à Augustin, quand, au 4e siècle de notre ère, devenus membres à part entière de l’Empire romain, les chrétiens jusque là pacifistes furent appelés à défendre l’Empire contre les invasions extérieures.  La réponse d’Augustin fut un compromis pragmatique : la participation à la guerre était permise mais strictement limitée.  La violence n’était jamais un bien mais, pour parer à une menace extérieure et en dernier ressort, les autorités publiques pouvaient user de la force pour réprimer le mal.  Les théologiens et philosophes du Moyen Âge clarifièrent ces normes de base pour rencontrer les défis spécifiques de leur époque[9].  Un tournant majeur s’opère au XVIe siècle.  Dans le bouleversement religieux et politique de la Réforme, le pouvoir est transféré de l’Église aux nouveaux États-nations qui, tandis qu’ils s’affrontent les uns les autres au nom de la religion, contestent toute autorité supérieure à l’État.  Dans cette nouvelle situation, forcés d’admettre que les nations ne font pas toujours la guerre pour de justes causes, et que les hommes d’État ne discernent pas toujours quelles causes sont justes, la réponse des théoriciens fut de transférer l’attention du droit naturel au « droit des gens » et, en second lieu, des justes causes aux justes moyens, tendant à réguler la manière de faire la guerre[10].  Dans un autre important développement, Grotius distingua entre « guerre juste » et, comme moindre mal, la « guerre légale formelle publique »[11].  Le consensus des nations devint progressivement le principal critère et la base de toutes les obligations légales et la guerre fut considérée comme une forme de politique[12].  D’autres auteurs cependant essayèrent de tempérer la brutalité de la guerre et le XIXe siècle connut un consensus croissant sur les lois de la guerre, consensus qui reste la base de la guerre moderne[13].  Du moment que les guerres étaient inévitables, il était seulement possible de limiter leurs effets[14].  « L’équilibre de la terreur » résultant de l’escalade nucléaire des années de la guerre froide[15] et la terreur d’une autre sorte qui lui fait suite après le 11 septembre, nécessitent une sérieuse réflexion qui reconsidère tous les aspects de la question.

Dans ce débat, les leaders religieux ont été au premier plan[16].  La doctrine de la guerre juste aujourd’hui, tant religieuse que séculière, se partage en deux courants principaux : un courant « pacifiste-moraliste » qui cherche à proscrire toute guerre par un accord international, et un courant « réaliste » qui reconnaît qu’en l’absence d’un tel accord, « on ne peut refuser aux gouvernements le droit de se défendre légitimement lorsque les efforts de paix ont échoué »[17].  La doctrine de la guerre juste dès lors demeure un compromis, permettant la guerre mais la limitant strictement : la question est de savoir dans quelle mesure ce compromis a quelque réelle influence sur la politique et les guerres internationales contemporaines.

1.2 : La « guerre juste » au XXIe siècle : un compromis compromis ?

Le problème est que, en ce qui concerne les guerres, les choses n’ont jamais été aussi tranchées que les principes de la guerre juste le suggèrent.  Dans les conflits historiques, où est la juste cause ?  L’agression est-elle nécessairement une action ?  Que dire d’intentions clairement agressives qui provoquent une escalade de violence ou d’autres types de conflits comme des sanctions économiques qui, si elles ne sont pas « la guerre par d’autres moyens », ont toutefois une responsabilité essentielle dans la rupture des relations diplomatiques qui conduit à la guerre ?[18]  Que dire lorsque l’intention, comme dans les raids aériens agressifs de l’OTAN au Kosovo en 1999, est de prévenir des excès futurs et d’ouvrir pour les négociations de paix une perspective plus réaliste ?  Par ailleurs, la guerre traditionnelle opposait des États-nations mais depuis 1989 presque toutes les guerres sont civiles et l’autorité légitime est, soit absente, soit tyrannique[19].  Dans quelles conditions des États tiers peuvent-ils intervenir au nom d’acteurs non-gouvernementaux, spécialement quand la guerre juste permet la rébellion contre la tyrannie ?[20]

Le débat actuel sur le rôle des Nations Unies reflète les différences d’opinion concernant cette question de « l’autorité légitime ».  La Charte des Nations Unies[21] permet aux États de faire la guerre en deux occasions seulement : l’autodéfense ou sous l’autorité explicite du Conseil de Sécurité.  Les légalistes voient dans ces dispositions le chemin le plus effectif pour promouvoir la paix, tandis que d’autres dénoncent « une étrange application de ces principes [légaux] pour obliger des membres de l’Organisation respectueux de la légalité à se soumettre indéfiniment à des violations des droits reconnues et permanentes »[22].  Ce second point de vue souhaite une mise à jour de la Charte, et veut tenir compte des récents développements du droit international en ce qui concerne les droits humains[23].

« L’intervention humanitaire » est un exemple de cette extension et elle a aussi le soutien des leaders religieux.  Même s’ils doivent ainsi contrevenir aux principes légaux de la souveraineté nationale et de la non-intervention, les États n’ont pas le droit de rester indifférents quand ils sont affrontés au « devoir de prévenir, dénoncer et punir le génocide, le nettoyage ethnique et des crimes similaires, quand une population entière ou une région sont en danger »[24].  En 1999, ce fut l’OTAN qui intervint dans la crise du Kosovo.  Était-ce un échec du droit international, l’OTAN usurpant le rôle de l’ONU ?  Ou dira-t-on plutôt que, l’ONU étant incapable de parvenir à un accord pour assumer ce rôle, l’OTAN était la seule autre organisation internationale capable d’agir dans cette crise ?[25]

Quoi qu’on en pense, cette crise a mis en lumière la faiblesse constitutive de l’ONU comme ultime autorité légitime dans les situations de conflit, faiblesse que des États puissants ont été prêts à exploiter.  Dans leur invasion de l’Irak en 2003, les Etats-Unis et la Grande- Bretagne n’ont pas attendu l’approbation de l’ONU et n’ont tenu aucun compte des critères les plus élémentaires de la guerre juste : « Au lieu d’une définition rigoureuse d’une juste cause, il y a eu des mises en garde contre le danger qui menace le monde et la condamnation globale d’un ennemi dont le nom se termine en « isme ».  Au lieu de buts de guerre rigoureusement définis à la lumière de la cause, « le changement de régime » a été déclaré but de la guerre avant même que la cause de la guerre soit claire »[26].

Les deux guerres d’Irak soulèvent des questions concernant « l’intention droite »[27].  En 1991, le but déclaré de la guerre était de rejeter les forces irakiennes de Kuweit, pas de changer le régime à Bagdad.  Si cette politique n’avait pas à être poursuivie directement par le moyen de la guerre, elle n’aurait pas dû non plus être poursuivie indirectement, note O’Donovan[28].  La restauration de la paix était-elle l’intention, derrière le but du « changement de régime » en 2003.  Peut-être, mais même si on ne peut chercher ici quelque chose comme une « intention pure », on a sûrement besoin d’une plus grande transparence : le prix  de la paix et qui devra le payer, ainsi qu’une réflexion bien informée sur les responsabilités post bellum[29].

Les critères in bello sont également problématiques, en particulier la difficulté croissante de distinguer entre combattants et non-combattants[30].  Sont interdites les attaques contre des « objets civils »’ qui « par leur nature, leur emplacement, leur usage supposé, ne peuvent apporter une contribution effective à l’action militaire »[31].  Depuis que le personnel militaire et le personnel civil usent des mêmes infrastructures administratives et économiques, souvent situées dans les centres de population civile, il est difficile de les séparer.  Le bombardement des ministères de la Justice et de l’Intérieur de Bagdad en 1991 fut justifié, comme le furent aussi les attaques contre les installations de la poste et des télécommunications, par l’usage militaire qu’on pouvait en faire.  Selon les protocoles de Genève, « en aucun cas ne peuvent être entreprises des actions qui risquent de laisser la population civile dans une telle pénurie de nourriture ou d’eau potable qu’elle périsse d’inanition ou soit forcée de s’enfuir »[32] ; or, lors de la campagne de Bagdad, la ville fut privée presque totalement de son approvisionnement en eau.  Le but était de couper la production d’électricité, non de priver la population de ses ressources, mais la destruction de l’infrastructure a rendu les sanctions économiques qui ont suivi plus onéreuses et a accru la souffrance des civils.  Tout cela n’était-il pas injustement dur et disproportionné dans ses conséquences [33]?  En théorie, les guerres sont engagées pour protéger l’innocent : et en effet « nous n’avons pas de querelle avec le peuple afghan » mais c’est le peuple qui très souvent paie le prix, au-delà de toute intention raisonnable de punition ou de réparation.

À la différence de la guerre traditionnelle entre nations, on remarque une tendance croissante de la guerre contemporaine à être « asymétrique »[34].  La « guerre contre le terrorisme » en est un premier exemple, entre les Etats-Unis et leurs alliés d’une part et le supranational al-Qaeda et les groupes paramilitaires anti-Occidentaux qui lui sont alliés d’autre part.  La guerre asymétrique veut dire que le groupe le plus puissant, usant d’une puissance militaire écrasante, remporte la victoire dans une première phase conduite de façon traditionnelle mais que le groupe le plus faible continue la lutte, en se servant de tactiques non-conventionnelles comme le terrorisme.  D’après l’expérience de l’Afghanistan et de l’Irak, la manière dont la coalition américaine plus puissante a été capable de violer le droit international[35] et la manière dont elle prétend rétablir la paix, a seulement encouragé ses adversaires à continuer à user contre elle de tactiques non-conventionnelles.  Ainsi s’est prolongé le conflit, sans distinction entre les combattants et les non-combattants[36].

Tous ces exemples montrent les limites de la théorie de la guerre juste.  Si la guerre contemporaine ne répond pas aux critères clés de la guerre juste en ce qui concerne la manière dont la guerre est menée et les responsabilités post-bellum, on peut se demander quelle influence la théorie peut encore avoir.  La doctrine peut-elle évoluer ou est-elle irrémédiablement compromise ?  Quelle place la guerre asymétrique et les tactiques non-conventionnelles, comme le terrorisme, peuvent-elles trouver dans la théorie de la guerre juste ?

2.1 : Terrorisme, essais de définition

Un problème majeur dans toute discussion sur le terrorisme est qu’il n’en existe pas de définition universellement admise.  Les Nations Unies[37] parlent de « la bataille contre le terrorisme » comme « faisant partie intégrante du mandat des Nations Unies », mais si le site décrit les endroits où le terrorisme sévit et les réponses qu’on y apporte et s’il appelle à s’y opposer, il ne dit pas ce qu’il est.  S’agit-il, comme pas mal d’analystes le pensent, d’une forme de violence politique à côté de beaucoup d’autres[38]ou doit-il en être distingué ?[39]  D’autres auteurs mettent l’accent sur l’éthique du terrorisme, souvent en le voyant en termes de mal global[40], mais certains ne sont pas d’accord.  Govier par exemple dénonce le danger  d’exagérer l’importance du terrorisme[41], et la fausse conclusion qui en résulte : « si nous faisons la guerre contre le terrorisme et combattons le mal, nous sommes sûrs d’avoir raison – et le problème de la violence politique est résolu »[42].  Au vu de ces opinions contradictoires, d’autres analystes mettent l’accent sur les victimes et définissent le terrorisme comme « l’usage intentionnel ou la menace d’user de la violence contre des civils ou des cibles civiles pour atteindre des objectifs politiques »[43].  Cette définition inclut également les acteurs étatiques et non étatiques et, en reconnaissant tacitement l’existence d’autres types de violence politique, permet l’émergence de questions fondamentales sur « les circonstances dans lesquelles des groupes ou des États adoptent des méthodes terroristes, le genre de groupes ou d’États qui sont attirés par des méthodes terroristes et les conséquences des actions terroristes pour les victimes et pour les acteurs ».[44]  Ce sont ces questions fondamentales plutôt qu’une définition indiscutable qui doivent être confrontées avec les principes de la guerre juste.

2.2. Le terrorisme, une forme de guerre juste ?

Traditionnellement est considérée comme une « juste cause » une réponse défensive à un mal public grave.  Pour l’A.N.C.[45], la lutte contre les maux de l’apartheid qui excluait des droits humains fondamentaux 80 % de la population, était une juste cause et les membres d’al-Qaeda, engagés en Bosnie, au Kosovo, en Tchetchénie et en Algérie, affirmaient ne pas être là comme « terroristes » mais comme « libérateurs »[46].  Considérant la nature endémique de la violence dans la société, le théologien de la libération Segundo s’interrogeait sur la possibilité que la fin justifie les moyens : il n’y a pas d’actions intrinsèquement mauvaises mais elles doivent être jugées en relation avec leurs buts[47].  Segundo ne justifiait en aucune manière la violence aveugle associée avec le terrorisme, mais que dire si celle-ci est jugée la seule alternative, le « dernier ressort », comme l’affirmait Nelson Mandela, au sujet du combat politique de l’ANC[48].

Pour les groupes terroristes en fait, plutôt qu’une « juste cause » spécifique, le facteur crucial apparaît être l’humiliation générale dont ils souffrent et voient d’autres souffrir autour d’eux[49].  Ils tendent à s’identifier avec le groupe qu’ils considèrent humilié[50], et réagissent quand eux-mêmes se sentent menacés, insultés ou frustrés par la politique de « deux poids, deux mesures » qu’ils voient appliquer dans les relations internationales[51].  Les États-Unis et leurs alliés, à la fois dans ce qu’ils disent et dans ce qu’ils font, semblent incapables de juger des affaires du monde dans une autre perspective que la leur.  Bien que condamnée ailleurs, la violence politique interne en Turquie et au Pakistan, pays alliés des Occidentaux, est oubliée[52], et Tony Blair était incapable de comprendre l’inconsistance qu’il y avait à faire la leçon aux Syriens sur les méfaits du terrorisme et à défendre en même temps les bombardements de l’Afghanistan par les Américains et les Britanniques[53].  Outre cela, les mêmes États ont bafoué les droits qu’ils revendiquent pour eux-mêmes.  En réponse à une requête des États-Unis, la résolution 1348 des Nations Unies affirmait le droit des nations de répondre à l’agression par des actes d’autodéfense, mais dans leur ‘guerre contre le terrorisme’ qui s’ensuivit, les Etats-Unis ont refusé à leurs prisonniers le statut de prisonniers de guerre, comme l’exige la Convention de Genève sur les prisonniers de guerre, qui est une autre requête de la guerre juste.  Bien plus, en les reléguant à Guantanamo Bay, on leur déniait les droits qu’ils auraient eus s’ils avaient été internés sur le territoire américain[54].  D’après Govier, en écho à Segundo, l’humiliation punitive de ces prisonniers est pernicieuse pour toutes les parties : les moyens pour une fin sont aussi importants que la fin, car les moyens reflètent des valeurs, en ce cas-ci les droits humains, et si les moyens employés sont contraires à la fin poursuivie (liberté, paix, droits humains…), les fins seront affectées par les moyens dont on use pour les atteindre.  La violence ne peut engendrer que la violence, dont la violence terroriste est l’expression la plus spectaculaire[55].

L’humiliation et la frustration causées par les attitudes néo-colonialistes doivent aussi être jugées au prisme de l’autorité légitime des États.  Tous les États sont exposés aux attaques terroristes[56] : les États « faibles » sont exploités par des groupes terroristes qui les entraînent dans le conflit[57] et les États « forts » sont attaqués à la fois par des forces extérieures et intérieures[58].  La géopolitique d’aujourd’hui rend plus nécessaire que jamais de faire l’équilibre entre l’autorité légitime et les critères de la guerre juste.  La nouvelle flambée de terrorisme à travers le Proche Orient est en partie le résultat de la déstabilisation de la région tout entière après l’invasion américaine et la défaite de l’Irak[59].  Il ne s’agit pas seulement de savoir dans quelle mesure les États-Unis ont pris en considération la question de la proportionnalité mais aussi dans quelle mesure on peut raisonnablement attendre que des organisations comme le Hamas et le Hezbollah ne profitent pas de la situation.  Les deux organisations sont convaincues de la justesse de leur cause, en dépit des accusations de terrorisme à leur égard, toutes deux aussi font partie de leurs gouvernements légitimes, l’Autorité palestinienne et le Liban.

Une autre difficulté concernant l’autorité légitime et le terrorisme est que les États, forts ou faibles, ne sont plus en lutte avec un autre État mais, comme dans le cas d’al-Qaeda, avec une organisation terroriste supranationale, qui n’a pas autorité sur tous les groupes hébergés dans son réseau.  Plus inquiétant encore, bien que les terroristes soient de toutes sortes de nationalités et convictions politiques et religieuses, le nombre de cellules musulmanes terroristes ou d’États musulmans touchés par le terrorisme a entraîné en bien des endroits une augmentation de l’islamophobie aggravant les griefs qui existaient déjà.  Au demeurant, la question ne concerne pas l’islam plus qu’une autre religion, elle est de savoir ce qui arrive lorsqu’une religion est perçue comme conférant une autorité légitime ou est manipulées pour des fins politiques[60].  Dans le cas de l’islam, il y a confusion sur le terme jihad.  Bien que le mot recouvre beaucoup de nuances, y compris une forme de droit  international et de guerre défensive juste, les mouvements radicaux s’en sont toujours servis pour justifier la lutte contre les opposants musulmans et non-musulmans[61].  Des groupes comme al-Qaeda sont si entièrement motivés par ce qu’ils croient être juste qu’ils sont prêts à aller jusqu’aux dernières extrémités, même au martyre : « Notre jihad continuera jusqu’à ce que l’Amérique soit chassée de l’Arabie Saoudite et de toute contrée du globe.  C’est notre responsabilité de libérer le monde de leur contrôle.  Le monde non-musulman devrait savoir… qu’un musulman est toujours prêt à mourir au nom de Dieu »[62].

Pour al-Qaeda, l’autorité légitime a son fondement dans la foi religieuse qu’il interprète à sa manière particulière[63].  L’IRA a, elle aussi, une manière particulière de justifier ses actions au nom de la communauté catholique, affirmant qu’un gouvernement légitime devrait être choisi par le peuple irlandais dans son entier (Nord et Sud) et qu’à défaut de cela le pays pourrait être représenté « par une armée, flottant sans attache et politiquement insolite, vouée à des fins militaires mais pas politiques », sans autre but que de détruire l’ordre civil[64]. Des exemples de ce genre amènent O’Donovan à suggérer que les organisations terroristes, « non seulement ne sont pas des gouvernements ou soumises à des gouvernements, mais ne sont même pas des gouvernements potentiels » Pour eux la résistance est une fin en soi, pas la recherche de la paix.  Ce concept-là d’autorité légitime est étranger aux principes de la guerre juste.  Cependant la distinction entre les principes de la guerre juste et le terrorisme devient encore plus claire à la lumière du principe de discrimination.

Le choix par les terroristes de cibles aveugles, ne laissant aucune possibilité d’auto-défense, viole directement le droit universel et les distinctions morales universellement reçues entre combattants et non-combattants ; c’est la raison pour laquelle l’agression du 11 septembre, le symbole par excellence de l’action terroriste contemporaine, a été condamnée dans le monde entier.  Un message de condoléance fut même envoyé par le maire de Téhéran à celui de New York et, à la prière du vendredi, l’Ayatollah Ali Khamenei qualifia le massacre de masse de « catastrophe […], condamnable où qu’elle arrive et quels qu’en soient les auteurs »[65].  Le commentaire de Khamenei, ajoutant que la même condamnation devrait s’étendre à ce qui se passerait de semblable en Afghanistan, reflète la pensée traditionnelle de l’Islam sur la guerre.  Comme son homologue de la guerre juste, elle limite le risque pour les non-combattants[66].  Le commentaire fait aussi allusion à la relation de plus en plus difficile entre l’Amérique et le monde musulman, qui se polarise sur la question israélo-palestinienne.  Ici la distinction entre combattants et non-combattants est aussi compliquée que toutes les justifications occidentales de la situation en Irak.  Les opinions du président Assad[67]selon lequel la résistance à l’occupation est un droit international et dès lors différent d’un acte terroriste et que, « du fait qu’Israël tout entier est un ‘camp armé’, les ‘combattants’ palestiniens ne sont pas obligés de faire la distinction dans leurs attaques entre cibles militaires et civiles » trouvent des échos ailleurs au Proche Orient.  En Égypte, le recteur d’al-Azhar, Muhammed Sayyid Tantawi corrige son ancienne position sur les attaques suicides contre les civils : comme tous les Israéliens sont « forces d’occupation », l’attaque suicide est « un commandement islamique jusqu’à ce que le peuple de Palestine ait retrouvé sa terre et forcé le cruel agresseur Israël à battre en retraite ».  Le Grand Mufti, Ahlad Tayyib, l’appuie et écrivant : « La solution à la terreur israélienne réside dans une prolifération des attaques suicides qui plonge dans l’horreur les cœurs des ennemis d’Allah.  Les pays islamiques, peuple et dirigeants ensemble, doivent soutenir ces attaques martyres »[68].

Sans nier des circonstances qui crient vengeance et touchent à certains principes ad bellum, il faut encore une fois regarder les principes de la guerre juste dans leur ensemble.  Le sacrifice d’un individu n’entraîne pas nécessairement d’autres morts et, dans toutes les traditions religieuses, est distinct du suicide.  La définition des cibles « non-combattantes » et légitimes peut varier mais, quelles que soient ces variantes, les principes de discrimination et de proportionnalité ont pour but de limiter plutôt que d’encourager la violence et jugent la motivation et l’action en proportion de ce qui peut restaurer la paix.  Le droit de la guerre produit des règles et de l’ordre : le soldat qui traque des terroristes le fait pour prévenir un mal à venir et pour punir le mal déjà causé et cette juste punition a des limites et si on les outrepasse on est puni[69].  Aller au-delà est de la vengeance et dépasse toutes limites : « La mort des 6.333 victimes des attaques du 11 septembre ne guériront pas les blessures des musulmans et ne seront pas une revanche suffisante contre l’Amérique.  Pour cela, nous avons besoin d’un millier d’opérations semblables »[70].

Selon l’opinion de quelques chercheurs italiens : « Un terroriste ne calcule pas simplement les risques en fonction des chances de succès, comme c’est le cas normalement, il fait entrer dans l’équation la valeur de la cause pour laquelle il ou elle combat.  C’est la raison pour laquelle les notions traditionnelles de dissuasion sont sans effet à l’égard de telles personnes »[71].  Ces commentaires, ainsi que les exemples évoqués, montrent bien que le terrorisme fonctionne selon sa propre logique et ses propres règles, plutôt que selon les principes de la guerre juste et confirment que, quelle que soit la sympathie qu’on puisse avoir pour le contexte dans lequel le terrorisme se développe, il n’est pas une « forme » de guerre juste.  La question demeure de savoir dans quelle mesure il pourrait être une « méthode » de guerre juste.

3. Terrorisme : une méthode de guerre juste ?

Les méthodes de guerre signifient la manière dont les guerres sont menées, ce qui, en termes de doctrine de la guerre juste, concerne les principes in bello de discrimination et de proportionnalité.  Pris en lui-même le meurtre sans discrimination de civils est indéfendable mais qu’en est-il si le terrorisme est vu comme une tactique dans des guerres, qui sous tous leurs autres aspects, sont considérées comme justes ?  Qu’en est-il si, comme dans la « guerre publique légale formelle » de Grotius, le terrorisme est vu comme le moindre mal, prévenant l’escalade vers l’option nucléaire ?[72]  Dans la guerre asymétrique, étant donné la supériorité écrasante d’un des protagonistes, le terrorisme peut être considéré comme la seule option laissée au plus faible : un type de guerre adapté au milieu urbain plutôt qu’aux campagnes et une insurrection de basse intensité et capable de durer[73].  Selon Merari, le terrorisme est employé à côté d’autres méthodes : « L’importance relative du terrorisme, dans le combat global dépend des circonstances, mais il est toujours une partie de la lutte [74]».  La question est de savoir dans quelle mesure il conduit à ce qui est le but dernier de la guerre juste, la restauration de la paix.

Le terrorisme se sert d’armes psychologiques aussi bien que militaires.  Le but est de créer un climat de crainte et, par provocation, intimidation ou tout autre moyen, de garder la cause toujours présente dans l’opinion publique.  À propos de la crainte engendrée par le terrorisme des suicides, Dershowitz estime que leur but est la création d’un « cycle » de violence – ou au moins l’illusion que la violence et la contre-violence constituent un cycle d’actions et de réactions moralement équivalentes[75].  Cette opinion est fondée sur les déclarations d’intellectuels et de notables palestiniens qui ont publié un « appel urgent à mettre fin aux bombes humaines » : elles servent seulement à « approfondir la haine… entre les peuples palestinien et israélien,… elles détruisent la possibilité d’une coexistence pacifique entre eux dans deux États voisins et ne contribuent pas à réaliser notre projet national qui appelle à la liberté et à l’indépendance »[76].  Une autre constatation est que les gens, après le choc initial des attaques terroristes, restent étonnamment résistants à la violence[77], et même le massacre en Algérie des moines de Tibhérine, bien que condamné de toutes parts, est apparu tout juste comme un acte de violence particulièrement abominable dans un pays vivant depuis des années dans ce cauchemar.

Les gouvernements aussi sont pris dans cette spirale et leurs mesures antiterroristes risquent de brouiller les frontières de la démocratie et de la liberté qu’ils prétendent défendre.  Nous en trouvons des exemples dans le U.S.Patriot Act[78] et dans l’intervention russe en Tchetchénie, où les violations des droits humains par les Russes ont été si graves que « cela récuse leur prétention de contribuer par cette guerre à la campagne internationale contre le terrorisme »[79].  Il est bien difficile de justifier des actions des deux côtés qui tendent à augmenter la violence, la méfiance ou la haine en les rapportant au principe de proportionnalité conduisant à la paix.

Quoiqu’il en soit, si les gouvernements ne désirent pas paraître faire des concessions aux exigences terroristes, ils sont sensibles à l’opinion publique[80].  L’affirmation du LEHI en 1943, eu égard à l’État d’Israël, est encore valide, en particulier pour des mouvements nationalistes qui jouissent d’un support populaire : « Si la question est : est-il possible d’obtenir la libération par la terreur, la réponse est : non ! Si la question est : ces actions peuvent-elles rendre la libération plus proche, la réponse est : oui ! »[81].  Cela semble être vrai aussi pour le terrorisme palestinien. Merari et d’autres soulignent le fait que les mêmes gouvernements de l’Union européenne, qui entre 1968 et 1973 condamnaient l’OLP, lui ont accordé partout des représentations officielles et en 1974, un an après l’embargo de l’OPEP sur le pétrole et la flambée des prix, lui ont garanti un statut d’observateur à l’ONU et ont invité Yasser Arafat à parler à l’Assemblée générale !  Il est difficile de juger dans quelle mesure le terrorisme a contribué à ce changement d’attitude, spécialement quand on compare cela avec la situation des Kurdes, des Kashmiris ou d’autres dans la même période mais il semble difficile de douter que, « en fin de compte, le terrorisme a eu un effet plus bénéfique que nuisible pour la légitimation de l’OLP »[82].

En termes de guerre juste, cette légitimation doit conduire à une paix durable et à des politiques constructives.  Des idéalistes comme Frantz Fanon[83]ont pu croire que la paix émergerait de la lutte violente, mais, de l’avis de Barker, l’expérience montre bien autre chose : « Les nations qui (comme l’Algérie) sont nées dans un cycle de violence réciproque ne se sont pas montrées plus capables d’établir des pratiques réalistes de contact politique pacifique que celles qui ont obtenu l’indépendance par la négociation.  Il est permis de penser qu’elles le font moins bien »[84].  On peut penser que c’est parce que « le contact politique pacifique » n’est pas ce que recherchent les groupes terroristes contemporains.  Rapoport, par exemple, souligne que les terroristes eux-mêmes « peuvent être tellement pris par l’expérience de perpétrer la terreur que tout le reste devient secondaire »[85], tandis que Juergensmeyer, dans son étude sur le terrorisme religieux, insiste sur sa nature symbolique[86].  Si l’on ajoute tout cela aux observations d’autres auteurs qui soulignent l’importance du mythe et de la tradition pour soutenir l’identité et le raisonnement terroriste, il est clair, une fois encore, que le terrorisme, quel qu’il soit, fonctionne selon une autre logique que les principes de la guerre juste.

Conclusion

S’il a été démontré que le terrorisme ne peut être considéré ni comme une forme ni comme une méthode de guerre juste, on a montré aussi que les États n’ont pas cessé de manipuler la guerre juste à leur avantage, sapant ainsi son rôle comme instrument de paix.  Certains commentateurs affirment que la théorie de la guerre juste n’a jamais été de quelque pertinence dans les affaires politiques, tandis que d’autres insistent encore sur ses mérites comme guide clair et sans passion.[87]  Avec la résurgence globale de la religion et la montée du « terrorisme religieux », un pareil guide peut être précieux.

L’arrière-plan moral et religieux de la théorie de la guerre juste est en fait sa plus grande force.  Les leaders religieux ont souvent une plus grande crédibilité que les politiciens et ils ont un devoir moral de parler, que leurs paroles soient entendues ou non.  Ce n’est pas seulement une question de moralité contre réalisme mais il faut montrer que la théorie est crédible et a quelque chose à offrir en termes d’issue acceptable pour l’avenir.  Cela apparaît le plus clairement en termes de proportionnalité et de responsabilité assumée dans les actions. Parlant par exemple du bombardement des Talibans, l’archevêque-élu de Canterbury, Rowan Williams, arguait que l’action menée, par son caractère de tuerie aveugle, n’était pas clairement différente de la terreur qu’elle prétendait punir.  Les actions morales ne peuvent se permettre d’être ambiguës et ont besoin d’être réalisées avec neutralité.  Ce n’est pas qu’une intervention punitive ne se justifiait pas mais une action moralement et politiquement responsable aurait dû être menée autrement, avec le souci qu’elle puisse conduire vers un avenir plus juste et pacifique pour la région dans son ensemble.[88]

Il y a en effet du travail à faire parmi les leaders religieux eux-mêmes pour voir comment ils pourraient augmenter leur influence morale sur la scène du monde.  Les leaders des principales traditions religieuses sont habitués à travailler en partenariat avec la société pluraliste aussi bien qu’à l’intérieur de leurs propres institutions.  Donc, comme le suggèrent Jewett et Shelton Lawrence, en référence aux suites du 11 septembre, plutôt que de lancer des appels à une croisade contre le terrorisme islamique, une réponse pacifique et durable aurait été que, tout en mettant en œuvre toutes les options de renforcement du droit international, « nous mettions à l’épreuve nos propres traditions religieuses, employant les outils de la recherche historico-critique pour trouver les ressources qui puissent transformer le fanatisme et le jihad dans des dimensions humaines et responsables qui rejoignent les valeurs politiques que nous professons ».[89]

Plusieurs des moyens pour avancer sont au cœur des traditions religieuses elles-mêmes.  Tout d’abord, les leaders religieux apprécient la logique des rituels, des mythes et des symboles tout comme les groupes terroristes ; les uns et les autres utilisent les mêmes formes de pensée et de langage et cela donne une compréhension de la manière dont le terrorisme fonctionne.  S’il n’est pas possible de dialoguer avec les plus fanatiques d’entre eux, il doit être possible de le faire avec leurs supporters.  En second lieu, pour emprunter les termes d’Edward Said, « le terrorisme est l’outil du faible et jamais celui du fort, nous devons à partir de là rencontrer avec notre pensée et nos actions ceux qui sont derrière les terroristes ».[90]  La religion a une vision de tolérance, de justice, de compassion et de respect pour la dignité de toute vie humaine ; bien plus encore le pauvre et l’exclus sont au cœur du symbole, du rituel et de la foi religieuses.  Cela donne aux traditions religieuses un rôle spécial pour comprendre les causes et les contextes du terrorisme et leurs victimes.

Dans une phrase souvent citée, Tony Blair déclarait : « Que personne n’en doute.  Les règles du jeu sont en train de changer ! »[91]  Ce n’est pas que le terrorisme disparaîtrait soudain, ni que les dilemmes moraux de la violence politique s’évanouiraient, [92]mais la guerre contemporaine a changé les règles traditionnelles.  Politiquement et militairement il est difficile de trouver une « solution » sans l’aide de grandes traditions religieuses.  Un récent communiqué de presse du Vatican met l’accent à la fois sur cette responsabilité des religions et sur l’importance des Nations Unies pour obtenir ce résultat : « […] quand la vraie nature de la religion est comprise et vécue correctement, elle peut devenir une partie de la solution et non plus le problème ».  La clé est à trouver dans la promotion de la dignité de la personne humaine, qui passe avant « toute autre considération ou principe méthodologique, même ceux du droit international » et fait partie de l’héritage commun de toutes les religions.  Les religions ont à promouvoir cela à travers « toute forme de rencontre, de dialogue, […], de compréhension mutuelle, de pluralisme et de différence culturelle »[93]  Le terrorisme ne peut pas être reconnu comme une partie de la tradition de la guerre juste mais peut-être ce changement d’accent pourra-t-il avec le temps transformer le jeu de la guerre, de la résolution violente des conflits en une résolution non-violente, un nouveau jeu de « paix juste » !

Notes :

  • [1] Imam Muhammed Shirazi, War, Peace and Non-Violence, an Islamic Perspective, (trans. A Ibn Adam et Z. Olyabek), London : Fountain Books, 2001, p. 5.

    [2] Le pape Jean Paul II disait  de la guerre qu’elle était « toujours une défaite pour l’humanité ».  Cité par D. Francis, Rethinking War and Peace, London et Ann Arbor MI : Pluto Press, 2004, p. 78.

    [3] P. Schmitt-Leukel (ed.), War and Peace in World Religions, Gerald Weisfeld Lectures 2003, London : SCM Press, 2004, p. 3.

    [4] Cf. les différents débats sur l’universalité et l’application de la Déclaration Universelle des Droits Humains, à l’occasion de son 50e anniversaire, 1998.

    [5] Voir par exemple la défense de la doctrine bouddhiste du Dharma par certains moines Theravada aujourd’hui pour justifier la violence contre les Tamils Hindous au Sri-Lanka, P. Schmitt-Leukel (ed) ,op.cit., p.6, note 3..

    [6] S. Thomas, « Religion and International Conflict », in K.R. Dark (ed), Religion and International Relations, Basingstoke : Macmillan, 2000, p.18.  Ceci ressortirait d’une récente enquête du journal The Guardian : 82 % des sondés pensent que la religion entraîne la division et la tension entre les peuples (Agence ICM pour The Guardian, édition du week end, 23/12/06, pp. 1, 12-13, 30.

    [7] J. Sachs, The Dignity of Difference : How to Avoid the Clash of Civilisations, London et New York : Continuum, 203, p. 9.

    [8] www.utm.edu/research/iep/j/justwar.htm, A. Moseley, The Internet Encyclopaedia of Philosophy, 2006, p .5. Cf. M. Quinlan, « Britain’s Wars since 1945 », dans R. Sorabji et D. Rodin (eds), The Ethic of War, Aldershot : Ashgate, 2006, p. 235-243.  Même si  le jus post bellum est un concept plus moderne, de Vitoria était déjà attentif à la responsabilité du vainqueur à l’égard de la nation conquise dans son livre Sur le droit de la guerre (1532), voir « Just War from Ancient Origins to the Conquistadors Debate and Modern Relevance », R. Sorabji, ibid, p. 22.

    [9] Principalement le Décret de Gratien (1140) et au XIIIe siècle, la Somme Théologique de Thomas d’Aquin.  Le monde médiéval était européocentrique et jusqu’à la conquête du Nouveau Monde quand de Vitoria entreprit d’étendre ses critères aux non-Européens, la guerre juste était avant tout un instrument pour régler les conflits entre chrétiens.

    [10] Francisco de Vitoria (1486-1546) et Francisco Suárez (1548-1617) furent les principaux contributeurs à l’élaboration de la théorie à cette époque.

    [11] Le théologien Hugo Grotius (1583-1645) dans De Iure Belli ac Pacis, P.P. Remec, ‘Hugo Grotius’, New Catholic Encyclopaedia, Farmington Hills, Mi and Thomson Gale, in association with the Catholic University of America, Washington D.C., 2003  (2nd edition), Volume 6, pp. 539-541.

    [12] « La guerre n’est pas seulement un acte politique mais aussi un instrument de la politique, une continuation du jeu politique, la poursuite des mêmes buts par d’autres moyens », Von Clausewitz . C., On war, (Von Kriege, publié en 1832, traduction J.J. Graham, 1908), A. Rapoport (ed.), Middlesex: Penguin, 1968, N° 24, p. 119.

    [13] Voir A. Roberts et R. Guelff (eds), Documents on the Laws of War, Oxford University Press : Oxford, 1982.

    Les conventions et protocoles recouvrent de nombreux aspects de la guerre et de l’armement, du personnel militaire et des populations civiles.

    [14] C’était l’opinion de la majorité des penseurs, tant religieux que séculiers, p.ex. Reinhold Niebuhr, An Interpretation of Christian Ethics (1936), dans « The Moral Dilemma of War », dans Peace in the Twenty-First Century, Fellowship of Reconciliation including the Methodist Peace Fellowship, N° 13, été 2003, p. 3.

    [15] J. Glover, Causing Death and Saving Lives, London : Penguin, 1977, p. 284.

    [16] Rien que dans la tradition de l’Église Catholique Romaine, l’encyclique pontificale Pacem in  Terris (1963) et la Constitution conciliaire Gaudium et Spes (1965) furent publiées dans l’ombre de la crise des missiles cubains et Centesimus Annus (1991) après la chute du mur de Berlin.  La lettre pastorale de la Conférence des Évêques des Etats-Unis sur la guerre nucléaire, The Challenge of Peace : God’s Promise and Our Response (1983) et leur exposé, The Harvest of Justice is Sown in Peace, ont eu un retentissement bien au-delà des Etats-Unis. Voir R.A. McCormick et D. Christiansen, « The Morality of War », New Catholic Encyclopaediaop.cit., p. 642.

    [17] Gaudium et Spes, § 79-82, voir M. McCabe S.M.A., « Towards a New Paradigm in the Theology of the Just War », Rome : SEDOS, 27 juin 2002, p. 3 (www.sedos.org/english/mccabe_4htm).

    [18] Tant le Vatican que les évêques catholiques américains ont mis en garde contre les sanctions économiques en Irak utilisées « comme un prélude et plus tard comme une extension de la guerre, causant d’énormes dommages au peuple irakien.  [Ce sont] des formes illégitimes de diplomatie coercitive qui violent le principe de l’immunité des civils », R.A. Mc Cormick et D. Christiansen, op.cit., p. 639.

    [19] Exemple du premier cas : le Sierra Leone, du deuxième, les pays de l’ex-Yougoslavie.

    [20] Le cas complexe des Kurdes irakiens en 1991 illustre plus d’un de ces problèmes. Les Kurdes, effectivement privés d’État, espéraient obtenir l’indépendance de leur patrie, promise depuis longtemps ; ils demandèrent aux autres États (qui s’étaient engagés à cet établissement) de les assister contre le gouvernement d’Irak, un gouvernement que les mêmes pays reconnaissaient encore comme légitime quoique tyrannique.  Le tyrannicide a été envisagé par Thomas d’Aquin, Summa Theologica, 2 2ae. Q.42, art. 2 ad 3 : il n’est pas légitime s’il doit entraîner pour la population plus de mal que de bien (proportionnalité), R. Sorabji, « Just War from Ancient Origins to the Conquistadors’ Debate and its Modern Relevance » en R. Sorabji et D. Rodin, op.cit., p.17.

    [21] Chapitre 1, art.2 § 4, cité par G. Reichberg, « Just War or Perpetual Peace », Journal of Military Ethics, 1 (1), 2002, p. 18.

    [22] J. Stone, Aggression and World Order, London, Stevens and Son, 1958, p. 97, dans G. Reichberg, ibid., p. 18.

    [23] Le prologue de la Charte des Nations Unies a été développé dans la Déclaration Universelle des Droits Humains (1948), A.C. Arend et R.J. Beck, International Law and the Use of Force, London and New York : Routledge, 1993, ibid., p. 19.

    [24] R.A. McCormick et D. Christiansen, op.cit., p. 638 et M. McCabe, op.cit., p. 4.

    [25] L’intervention de l’OTAN est défendable dans la théorie traditionnelle de la guerre juste.  C’était une question de nécessité « dès lors que le mandat moral d’engager une guerre offensive peut être transféré d’une autorité plus haute à une autorité inférieure, en cas de négligence de la première », (G. Reichberg, op.cit., pp. 23-24).  Voir aussi P. Beinart, « Essay », Time Magazine, 2 oct. 2006, p. 68, où, étant donné le refus du gouvernement soudanais d’autoriser l’engagement de forces des Nations Unies au Darfour, il plaide pour une intervention de l’OTAN pour arrêter un génocide.

    [26] O. O’Donovan, The Just War Revisited, Cambridge : Cambridge University Press, 2003, p. 126. Cf. M. Quinlan, « Britain’Wars Since 1945 », dans R. Sorabji et D. Rodin, op.cit., p. 240 ss.  On est tenté d’être d’accord avec J.Glover qui assure que des enthousiastes « réalistes » sont capables de défendre n’importe quelle guerre ou atrocité pour servir leurs intérêts nationaux, op.cit., p. 284.

    [27] Depuis les temps d’Augustin, « l’intention droite consistait à viser la restauration de la paix, la réparation de l’injustice que la violation de la paix a constituée et, dans certaines circonstances, la punition de l’offenseur ».  En conséquence, elle exclut comme buts de guerre « la conquête d’un territoire et l’exercice de la vengeance » et ‘requiert le rétablissement de relations pacifiques quand le conflit armé est terminé.  L’intention droite exclut aussi comme actes in bello : les actes inutilement destructifs et des actes individuels criminels tels que les tueries aveugles, les viols et les pillages.

    [28] La poursuite des troupes irakiennes au-delà de la frontière et les sanctions subséquentes, O. O’Donovan, op.cit. p. 52.

    [29] « Pourrait-on considérer comme ‘ intention pure’ en termes chrétiens la défense de ce qu’on appellerait ‘ intérêts vitaux’ (tels que l’approvisionnement en pétrole) pour maintenir un niveau de vie qui ne peut être obtenu qu’aux dépens des pauvres ailleurs dans le monde ?  Beaucoup de citoyens musulmans…étaient convaincus que la réelle intention de la coalition était d’assurer la domination de l’Occident sur la région du golfe et ses ressources pétrolières en divisant le monde islamique. La présence supposée d’armes de destruction massives et la menace du terrorisme international fournirent une justification pour l’intervention », B.Wicker, « War » dans A. Hastings, A. Mason et H. Pyper (eds), The Oxford Companion to Christian Thought ; Intellectual, Spiritual and Moral Horizons of Christianity, Oxford : OUP, 2000, p. 747.

    [30] Les pertes civiles lors de la seconde guerre mondiale furent estimées à 45 % du nombre total des victimes. Pendant la guerre du Vietnam, cette proportion monte à 65 % et dans les années 90 à 90 %.  Cette augmentation est due en partie au développement de la guérilla ainsi qu’à la transformation des tactiques militaires conventionnelles, cf.  R.A. McCormick et D. Christiansen,  op.cit., p. 639.

    [31] Premier protocole de Genève, 52-56, dans A. Roberts et R. Guelff (eds), op.cit., p. 416-419.

    [32] O’Donovan, op.cit. , p. 41.

    [33] R.A. McCormick et D. Christiansen, op.cit., p.640.  Qu’on pense au dommage pour l’environnement causé par la nappe de pétrole créée par les Irakiens dans le Golfe en 1991.  Bien que cette action, dirigée contre les militaires et non contre les non-combattants, puisse ne pas être considérée comme indiscriminée, elle apparaît en tout cas comme disproportionnée par rapport à son intention politico-militaire, O’Donovan, op.cit., p. 42.

    [34] Pour une discussion de la guerre asymétrique, voir D. Rodin, « The Ethics of Asymmetric War », dans R. Sorbaji et D. Rodin (eds), op.cit., p. 153-168.

    [35] L’intervention des Etats-Unis et de leurs alliés en Afghanistan a été vue par beaucoup comme « pure agression » de la part des superpuissances. L’invocation par les Etats-Unis de l’article 51 pour justifier une action militaire contre l’Afghanistan est une comédie.  Ils n’étaient pas sous la menace d’une attaque armée de la part de l’Afghanistan et ne pouvaient engager une guerre sur la base de menaces imaginaires », K. Ahmad, « The Violation of International Law and the UN Charter », dans  The Quest for Sanity. Reflections on September 11th and the Aftermath, London : Muslim Council of Britain, 2002, p. 105.

    [36] « Il y a beaucoup de chances que l’action militaire ait déjà réactivé la disponibilité à aider les terroristes qui couve en Iran, Syrie, Libye et Arabie Saoudite et contribué à la destruction d’un unité arabe déjà bien fragile, quand les éléments les plus extrêmes se retournent et s’en prennent à tout gouvernement arabe allié des Etats-Unis », D.J. Whittaker, Terrorists and Terrorism in the Contemporary World, London : Routledge, 2004, p. 16.

    [37] Selected United Nations Activities to Address Terrorism, September 2001-2002, Introduction, www.un.org/News/dh/infocus/overview.htm

    [38] « Le terrorisme est une tactique, qu’il soit employé par un gouvernement établi, un groupe révolutionnaire ou un individu.  La caractérisation d’une action comme ‘terroriste’ dépend de ce qui est fait, pas de qui le fait’, R. Jewett et J. Shelton Lawrence, Captain America and the Crusade against Evil. The Dilemma of Zealous Nationalism, Grand Rapids Michigan and Cambridge UK : William B.Eeerdmans Publishing Company, 2003, p.20.  Àcomparer avec l’opinion de M. Crenshaw selon lequel le terrorisme est une stratégie, qui change selon les temps pour s’adapter aux circonstances nouvelles qui offrent différentes possibilités d’action dissidente’, dans W.Reich (ed.), Origins of Terrorism:psychologies, ideologies, theologies, states of mind, Cambridge : Woodrow Wilson International Center et Cambridge University Press, 1990, p. 13.

    [39] « Si nous souhaitons employer le terme de ‘terrorisme’ dans une analyse politique scientifique, nous devons le limiter à un type bien spécifique de phénomènes distinct des autres formes de violence politique », A. Merari, « Terrorism as a Strategy of Emergency », dans Terrorism and Political Violence, Vol.5, N° 4, hiver 1993, pp. 213-251, London : Frank Cass, www.un.org/depts/dhl/dhlrus/resources/terrorism/elinks.htm p. 4.

    [40] Ce type de discours sur le terrorisme met en relief « un trait psychologique (la terreur), une structure organisationnelle (le réseau terroriste) et une catégorie (le terrorisme) de manière à définir un règne autonome et aberrant de mal gratuit qui défie toute compréhension », J. Zulaika et W.A. Douglas, Terror and Taboo : the Follies, Fables and Faces of Terrorism, London et New York : Routledge, 1996, p. 22.

    [41] Govier compare le nombre des victimes du terrorisme avec les 36.000 enfants qui meurent chaque jour de malnutrition et des maladies qui en résultent et les 500.000 qui sont morts en Irak à cause des sanctions des dix dernières années, T.Govier, A Délicate Balance ; What Philosophy Can Tell Us About Terrorism, Boulder Co. : Western Press, 2002, p. 13.

    [42] T.Govier, ibid., p.86.  Zulaika et Douglas sont d’accord, op.cit. p. 239. Ils considèrent cette conception du terrorisme comme particulièrement dangereuse à la lumière des études sur la nature et la durée de la guerre asymétrique.  Cf. D. Rodin, op.cit., p. 153-168.

    [43] B. Ganor, faisant écho à Reich, Laqueur et Johnston dans « Defining Terrorism : Is One Man’s Terrorist another Man’s Freedoom Fighter ? », The International Policy Institute for Counter-Terrorism, 23rd September 1998, (http://www.ict.org.il/), en J.Barker, The No-Nonsense Guide to Terrorism, Oxford : New Internationalist Publications, 2003 [reprinted 2005], p. 23.

    [44] J. Barker, ibid., p. 24.

    [45] Le Congrès National Africain (ANC) a été reconnu comme ‘un des groupes terroristes les plus notoires du monde’, J. Zuleika et W.A. Douglas, op.cit., p. 12.

    [46] Leur tâche comme libérateurs comprend aussi le nettoyage des terres sacrées d’Arabie, en référence aux 20.000 G.I.s américains cantonnés en Arabie Saoudite depuis 1991-92, D.J. Whittaker, op.cit., p. 34.

    [47] Juan Luis Segundo était un des théologiens latino-américains de la libération qui, dans les années 1960 et 1970 furent interpellés par le dilemme de la violence comme juste réponse à l’injustice.  Ses écrits doivent être jugés par rapport à une situation où la majorité des citoyens n’avait ni voix ni influence sur le gouvernement et où prendre les armes, comme le fit Camillo Torres, était jugé par beaucoup comme la seule alternative, D.J.E. Attwood, « Terrorism », dans D.J. Atkinson et D.J. Field (eds), New Dictionary of Christian Ethics and Pastoral Theology, Leicester : Inter-Varsity Press, 1995, p. 840.

    [48] Dans un discours prononcé aux États-Unis, à la suite du 11 septembre, en 2001, T. Govier, op.cit., p. 88.

    [49] En référence au conflit Israëlo-Palestinien, le Prince héritier Abdullah déclarait dans une interview au Washington Post : « Nous voyons des enfants (palestiniens) abattus, des maisons détruites, des arbres arrachés, un peuple encerclé, des territoires bouclés et des femmes tuées, des enfants morts-nés accouchés aux check-points. Ce sont des images insupportables.  Et quand nous nous inquiétons de l’avenir et des raisons qui poussent les gens à être violents, qui les poussent à des attentats suicides, c’est pour ces raisons qu’ils font cela », Washington Post, 30 janvier 2002, dans D. Hiro, War Without End. The Rise of Islamist Terrorism and Global Response, London et New York : Routledge, 2002 [Édition revue en 2002, reprise trois fois en 2003], p. 408-409.

    [50] « Les commentateurs qui affirment que la souffrance matérielle n’a rien à voir avec le terrorisme, sous prétexte que les terroristes appartiennent à la classe moyenne, ne voient pas que la connexion entre les conditions de vie misérables et l’action politique passe par le sentiment que le groupe avec lequel on s’identifie est méprisé », J. Barker, op.cit., p. 124.

    [51] Cf. la réaction du prince héritier d’Arabie Saoudite Abdullah à une remarque faite par George Bush en août 2001 : « Je rejette les gens qui disent quand un Israélien tue un Palestinien, c’est de la défense et quand un Palestinien tue un Israélien, c’est un acte terroriste », D. Hiro, op.cit., p. 327.

    [52] Le président du Pakistan Musharif était très conscient des conséquences qu’aurait pu avoir un non-engagement aux côtés des États-Unis dans le combat contre les Talibans en Afghanistan.  Pour reprendre les termes d’un haut fonctionnaire pakistanais : « Si nous n’avions pas opté pour Washington, ils ne nous auraient pas seulement coupé les aides économiques, y compris celles du FMI, mais ils nous auraient considéré comme une cible potentielle ».  Le Pakistan aurait rejoint l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Soudan en particulier, considérés comme « les États voyous » et les 45 États accusés par G.W.Bush de « sponsoriser les terroristes » ou d’héberger des cellules d’al-Qaeda ou de groupes affiliés, dans D. Hiro, op.cit., pp. 315, 305 et 386.

    [53] T. Govier, op.cit., C’était en novembre 2001, dans une tentative de rallier le soutien syrien à une coalition contre le terrorisme.

    [54] R. Jewett et J. Shelton Lawrence, op.cit., p. 320-321.

    [55] T. Govier, op.cit., p. 154.

    [56] Il est donc trop simpliste de penser qu’il suffit qu’un État rejette la domination économique et politique de l’Occident pour échapper au terrorisme. Cf. E. Herman et G. Sullivan, The Terrorism Industry, dans J. Barker, op.cit., p. 105.

    [57] B. Milton Edwards, Islamic Fundamentalism since 1945, London et New York : Routledge, p. 95.  Les États à propos desquels elle tirait ses conclusions étaient la Somalie, l’Afghanistan, l’Algérie et le Pakistan, tous « caractérisés par plusieurs des indicateurs économiques les plus bas dans le monde contemporain ».

    [58] L’IRA en Irlande et l’ETA en Espagne sont les exemples typiques de groupes terroristes « idigènes ». Parmi les autres pays avec gouvernements stables et « forts », on peut citer l’Algérie, les États-Unis et l’Égypte, J. Barker, op.cit., p. 120.

    [59] D.J. Whittaker, op.cit., p. 39.

    [60] Cf. « Notre terrorisme est un terrorisme béni pour empêcher la personne injuste de commettre l’injustice et mettre fin au soutien américain à Israël qui tue nos fils », ainsi s’exprime une vidéo passée à la télévision al-Jazeera, 27 déc. 2001, dans D. Hiro, op.cit., p. 372.  Comme exemples de mouvements chrétiens qui soutiennent des activités terroristes pour atteindre leurs buts, citons Christian Identity aux Etats-Unis et la Lord’s Resistance Army en Uganda, J. Barker, op.cit., pp. 44-52.

    [61] Le mot jihad ne désigne par une « guerre sainte », ce qui est un terme chrétien datant des Croisades.  Son sens peut varier depuis le combat personnel ou le combat au nom de la société islamique jusqu’aux interprétations les plus littérales de la loi islamique classique ; de réformateurs comme Abduh et Rida aux XIXe et XXe siècles jusqu’aux idéologues conservateurs et radicaux d’aujourd’hui, R.Peters, Jihad, dans J.L.Esposito, (éditeur en chef), The Oxford Encyclopaedia of the Modern Islamic World, New York et Oxford : Oxford University Press, 1995, pp. 369-373.

    [62] Pour Osama ben Laden, l’Amérique est l’ennemi par excellence.  Ces paroles sont extraites d’un poster qui circulait dans la Province de la Frontière du Nord-Ouest au Pakistan et qui montre les drapeaux américain, indien et israélien en proie aux flammes et un Kalashnikov armé, prêt à tirer : un des nombreux exemples de la même veine, R.Gunaratna, Inside Al Qaeda. Global Network of Terror, London, Hurst and Company, 2003 [2e édition augmentée], p. 91.

    [63] Pour une réfutation sévère des interprétations fon0damentalistes contemporaines du jihad, voir D. Dadake, « The Myth of Militant Islam », dans A.A. Malik (ed), The State We are in. Identity, Terror, and the Law of Jihad, Bristol : Amal Press, 2006.

    [64] O. O’Donovan, op.cit., pp. 30-31.

    [65] The International Herald Tribune, 13 et 17 sept., The Sunday Telegraph, 23 sept. et Washington Post, 25 sept. 2001, D. Hiro, op.cit., p. 311 et note 29, p. 455.

    [66] « La Shari’ah (la loi divine) n’excuse pas l’usage de la violence sauf pour combattre l’injustice et l’immunité du non-combattant est un trait caractéristique de la pensée islamique sur la guerre religieuse du jihad.  Dans la guerre, la nécessité peut justifier de faire courir un risque à des non-combattants, mais le dommage causé à des innocents ne devrait jamais être ni intentionnel ni excessif », A.R. Norton, « Terrorism » dans J.L. Esposito (ed.en chef), Oxford Encyclopaedia of the Modern Islamic World, op.cit., p. 205.  Voir aussi les chapitres de Laher, Dadake, Hellyer et Haddad dans A.A. Malik (ed) The State We Are In, op.cit., 2e partie.

    [67]Agence France Press, 31 oct. 2001 et Washington Press, 28 mars 2002, D. Hiro, op.cit.,pp. 414 et 430, respectivement.

    [68] New York Times, 15 avril 2002, D. Hiro, ibid., p. 430.  D’autres leaders religieux musulmans tiennent à condamner de telles opinions: « … si un musulman commet une pareille attaque volontairement, il devient un criminel et non un martyr ou un héros, et il sera puni pour cela dans l’autre monde », Muhammad Shaykh Afifi al-Akiti, ‘Fatwa’, dans A.A.Malik (ed.), op.cit., p. 105.

    [69] Ce qui est arrivé aux marines américains accusés du massacre d’Haditha, Irak.

    [70] Ramzo Binal Shibh, membre d’al-Qaeda.  Le chiffre de 6.333 est fortement surévalué. M. Bell, Through Gates of Fire. A Journey into World Disorder, London : Wiedenfeld et Nicholson, 2003 [éd..revue 2004], p. 65.

    [71] C. Townsend, Terrorism : A Very Short Introduction, Oxford : OUP, 2002, p. 22.

    [72] « Étant donné le risque grave qu’une guerre limitée puisse conduire à une conflagration nucléaire, la guerre internationale est forcément une option moins attractive et, selon des spécialistes de la politique comme Wilkinson et Jenkins, il existe une probabilité que la violence internationale prenne la forme de la guérilla et du terrorisme », J. Zulaika et W.A. Douglass, op.cit., p. 80.

    [73] Georges Habasch, leader du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP) a clairement défini les objectifs et les tactiques : « Le point principal est de choisir les cibles où le succès est assuré à 100%.  Harceler, déranger, agir sur les nerfs par de petits dommages inattendus…  C’est une question d’intelligence. Principalement quand on est pauvre comme l’est le Front Populaire.  Ce serait fou de notre part de penser à mener une guerre régulière ; l’impérialisme est trop puissant et Israël est trop fort.  Le seul chemin pour le détruire est de donner un petit coup par ci, un petit coup par là ; d’avancer pas par pas, pouce par pouce, pendant des années, des décades, avec détermination, ténacité, patience », A.M. Derschowitz, Why Terrorism Works. Understanding the Threat, Responding to the Challenge, New Haven et London : Yale University Press, 2002, pp. 20-21.

    [74] A. Merari, op.cit., p. 31.  C’est aussi l’opinion de Hiro : « …en renforçant les lois nationales et en augmentant la coopération internationale, les pays membres de l’ONU peuvent décourager le terrorisme.  Mais le terrorisme comme outil tactique –ou même stratégique pour atteindre des buts personnels, sociaux ou politiques ne peut jamais être éliminé », dans D. Hiro, op.cit., p. 411.

    [75] A.M. Dershowitz, op.cit., p. 79.

    [76] 20 juin 2002, J. Barker, op.cit., p. 38.

    [77] « Le choc s’atténue ou au moins les effets du choc sont relativisés ; l’idée initiale que la situation est intolérable et que quelque chose va casser […] est remplacée par la prise de conscience que ce n’est pas nécessairement gagné.  Les gens ordinaires arrivent probablement plus vite à cette évidence que les terroristes.  En Grande- Bretagne, dans les années 1970, on a connu une illustration de ce phénomène avec l’idée mi-acceptée, mi-répudiée – mais absolument sans précédent dans la rhétorique officielle – d’un niveau acceptable de violence de la part de l’IRA », C. Townsend, op.cit., p. 89.

    [78] Il « a mis en place des changements internes si radicaux que même les conservateurs religieux ont trouvé qu’on avait été trop loin », de ACLU (American Civil Liberties Union), « Civil Liberties after 9/11 », ACLU Report 2002, dans B. Milton Edwards, op.cit., note 16, p. 128.

    [79] Human Rights Watch, Into Harm’s Way, New York, Jan 2003, dans B. Milton Edwards, ibid., Note 10, p. 104.

    [80] L’Espagne a décidé de garantir plus d’autonomie à la région basque.  Le Royaume Uni a été dans le même sens en Ulster, jusqu’à accepter l’implication jusqu’ici inouïe du gouvernement de la République irlandaise dans l’avenir de l’Ulster.

    [81] De Hechazit, tract publicitaire due LEHI (Lohamei Heruth Israël ou Combattants pour la Liberté d’Israël), 1943, C. Townsend, op.cit., p. 89.

    [82] A. Merari, op.cit., p. 27.  Voir aussi Barker, op.cit., p. 42 et A.M. Dershowitz, op.cit., pp. 57-58.

    [83] Dans Les damnés de la terre, (1963), Frantz Fanon exprimait son espoir et sa foi qu’une lutte violente pourrait conduire à la création d’une identité commune de tous ceux qui résistaient au pouvoir colonial, qui pourrait leur servir une fois que les Français seraient partis comme en Algérie.  Dans J. Barker, op.cit., pp. 88-89.

    [84] J. Barker, ibid., p. 89.

    [85] D.C. Rappoport, “Fear and Trembling : Terrorism in Three Religious Traditions’, American Political Science Review, Vol.78, pt.3, p.675.

    [86] M. Jurgensmeyer, Terror in the Mind of God. The Global Rise of Religious Violence, Berkeley, Los Angeles et London : University of California Press, 2000 [first paperback printing, 2001].

    [87] Comparez l’avis de Paul Ramsey : « Ce corps de doctrine, dans tous ses détails, n’a jamais été largement connu et n’a probablement jamais eu d’influence particulière sur les décisions politiques et celles des magistrats » (dans M. McCabe, op.cit., p.2), avec celui de D.J.E. Attwood, « La tradition de la guerre juste ne prétend pas pouvoir  satisfaire toutes les plaintes et contre-plaintes en justice ou  concernant les valeurs et les décisions politiques. Ce qu’elle peut faire, c’est fournir un cadre dans lequel ces questions puissent être prises en compte et évaluées », (« War », dans New Dictionary of Ethics and Pastoral Theology, op.cit., p. 886).

    [88] « For God’s sake stop this talk of war », Rowan Williams 2002, dans D.J. Whittaker, op.cit., p. 107.

    [89] R. Jewett et J. Shelton Lawrence, op.cit., p. 165.

    [90] D.J. Whittaker, op.cit., p. 29.

    [91] Notebook, Time Magazine, 15 août 2005, p. 11.

    [92] « La vérité gênante et dévastatrice concernant la violence politique, c’est que ce sont les gens innocents qui sont tués… et beaucoup de ceux qui ne sont pas tués sont vulnérables et terrorisés dans le grabuge général.  Et les dilemmes moraux autour de la violence politique surgissent quand on veut soutenir que ce meurtre de l’innocent est quelquefois – mais seulement quelquefois – justifié.  Les questions sur le mal du terrorisme ne supprimeront pas ce problème’, Govier, op.cit., p. 92.

    [93] Archevêque Celestino Migliore, observateur permanent du Saint Siège près de l’ONU, Consultation informelle de l’Assemblée Générale plénière sur la stratégie anti-terroriste, Service d’Information du Vatican, 12 déc.2006, DELSS/ANTITERRORUSM/MIGLIORE, VIS 060512 (450)