Le 01 décembre 2009

L’enseignant & la politique de mixité sociale en Communauté française de Belgique

Réflexion sur l’engagement de l’enseignant dans la mixité sociale à l’école

Introduction générale
 

1. Préambule
 

L’enseignement en Communauté française de Belgique est « reconnu » pour être l’un des plus discriminants et des moins performants des pays de l’OCDE (cfr, par exemple, les enquêtes PISA[1]). Depuis un peu plus d’une dizaine d’années (à partir du « décret Missions »[2] en 1997), une réflexion est menée et des mesures politiques sont prises pour rendre l’enseignement à la fois plus performant (enseignement par compétences, …) et plus égalitaire (décrets « inscriptions », …). Cela se traduit par un souci d’uniformisation des pratiques pédagogiques et institutionnelles, afin d’éviter que l’école ne contribue à maintenir ou à créer des inégalités. Mais peut-on raisonnablement demander et attendre de l’institution scolaire de réduire les inégalités socio-économiques et culturelles[3] présentes au sein de la société ?  Et si tel était le cas, ne doit-on pas se demander à quelles conditions l’école peut remplir ce rôle ?

De manière générale, les recherches universitaires sur le sujet et les décisions politiques qui en découlent mettent en évidence la « nécessité d’agir sur le système pour réduire les disparités »[4]. D’où les fameux « décrets inscriptions » défilant depuis plusieurs mois… Mais, on le voit, ces mesures semblent vouées à l’échec car l’on bute sur les mentalités présentes au sein de la société (cfr les  réactions des associations de parents, etc.).
 

« [On] ne peut (…) se contenter d’appréhender la lutte contre les inégalités scolaires uniquement par le haut. (…) On peut souhaiter toutes les modifications structurelles que l’on veut, si les acteurs de terrains n’adhèrent pas, c’est peine perdue. »

R. Wattiez, « Une machine à exclure », CGé[5], 2008.

Sensibles à promouvoir la « mixité sociale » à l’école comme moyen de réduire l’exclusion dans notre société, nous nous trouvons devant une double interrogation :

  • Comment agir sur et avec les acteurs, en les impliquant davantage et en prenant en compte leur point de vue ?
  • Un changement de mentalité, « par le bas », n’est-il pas requis pour rendre l’école plus égalitaire ?  Car si l’école peut contribuer à réduire les inégalités, « changer l’école » ne passe-t-il pas aussi par une certaine « déconstruction » ou interrogation de nos convictions, y compris extra muros ?[6]

Il y aurait donc à trouver des solutions pour enrayer un certain esprit conservateur, présent chez les différents acteurs de l’école (conservatisme « pédagogique, institutionnel, bourgeois, … »[7]), mais tout en tenant précisément compte des aspirations légitimes[8] que ces conservatismes mettent éventuellement en lumière.

Le changement doit ainsi tenir compte des multiples acteurs en présence :

  •  Les décideurs politiques, globalement appuyés par les chercheurs universitaires, qui endossent un rôle d’opérateur de la mixité, en instaurant depuis 1997 (décret « Missions ») un ensemble de règles (notamment à l’inscription) pour rendre le système plus égalitaire et moins générateur d’exclusion(s).
  • Les directions d’établissements scolaires (et les pouvoirs organisateurs), généralement attachées à leur « public cible » (élément déterminant de leur « recrutement » ou de leur « identité d’école »), dans un contexte de concurrence entre les écoles et de marché scolaire.
  • Les enseignants et le personnel éducatif, se présentant régulièrement comme submergés par toutes les missions auxquelles ils doivent répondre (d’un point de vue éducatif, didactique, administratif et disciplinaire) et réduits à un rôle d’exécutants. Ils sont au cœur d’un enjeu important car ce sont les acteurs principaux de la politique de mixité sociale à l’école telle que promue par la Communauté française. Or, ils ont souvent le sentiment d’être « oubliés » de la réflexion politique, en termes de reconnaissance et d’écoute de leurs attentes, avis et besoins.
  • Les parents d’élèves, majoritairement attachés au principe belge de la liberté de choix de l’établissement scolaire. Ceux qui font entendre leur voix au sein des « associations de parents » sont généralement issus de milieux aisés. Ceux qui par contre rencontrent des difficultés pour inscrire leur enfant dans l’école de leur choix ne se font guère entendre sur la place publique[9].
  • Les élèves qui, bien que représentant le principal enjeu des positions des acteurs susmentionnés, ne sont pas réellement partie prenante du débat en cours. Une question intéressante serait de voir comment les y impliquer davantage[10].

2. Angle d’approche
 

Pour notre étude, nous entendons aborder la question de la mixité sociale à l’école à travers le regard d’un type d’acteurs : les enseignants.

D’une part, nous avons constaté que les enseignants, pourtant acteurs centraux de l’institution scolaire, sont la plupart du temps oubliés de la réflexion sur la mixité scolaire, en tant qu’acteurs ayant un angle de vue privilégié. Dans les nombreuses études récentes comme dans les dernières mesures politiques, les enseignants se voient le plus souvent réduits à un rôle d’exécutants, ce qui contribue au sentiment de bon nombre d’entre eux de ne pas être entendus ni considérés ou reconnus comme des acteurs à part entière. S’ils sont aujourd’hui en première ligne pour l’exécution de la politique de mixité, les enseignants ont globalement été peu partie prenante de l’élaboration de cette politique[11]. Beaucoup perçoivent ainsi les différents décrets comme quelque chose qui leur est imposé « par le haut », sans tenir compte de la réalité du terrain. En juin 2009, Christian Dupont, alors ministre de l’enseignement obligatoire, a lui-même pointé du doigt cette lacune de base du décret « Missions » : « Les enseignants ont été à peine impliqués dans la rédaction […]. La réforme n’a pas été assez expliquée, elle ne s’est pas exposée à leur regard critique pour qu’ils l’adoptent pleinement, alors que le décret dit que le savoir doit s’approprier ! »[12].

D’autre part, et de façon parallèle, on perçoit souvent – y compris dans l’opinion publique – une tendance à la stigmatisation du corps professoral, souvent fustigé pour ses « mauvaises » pratiques pédagogiques, sa résistance spontanée ou son inertie supposée. Tantôt jugés « trop laxistes», tantôt  « trop élitistes», les enseignants se sentent souvent écartelés entre les exigences de la Communauté française, celles de la direction de leur établissement, les attentes de certains parents et la « réalité » telle qu’elle se présente à eux en classe. De manière générale et comme déjà évoqué, le sens que l’enseignant donne lui-même à sa pratique, à travers les difficultés qu’il rencontre au quotidien, semble peu pris en considération dans le débat public sur la mixité sociale à l’école.

Pourtant, les enjeux de la mixité sociale dans la pratique de l’enseignant sont complexes. Ainsi, depuis 1997, c’est la nature même du métier d’enseignant qui se trouve bouleversée : le décret « Missions » « en cherchant à rendre le système éducatif plus équitable et plus efficace a aussi largement redéfini la teneur du travail des enseignants »[13]. Dans ce contexte, les difficultés auxquelles les enseignants sont confrontés sont multiples et doivent être prises en compte dans leur complexité, si l’on veut une politique de mixité efficiente à l’école. De même, aider les enseignants à comprendre et à appréhender de manière la plus objective possible la question de la mixité sociale est indispensable pour enrayer certains freins « spontanés » existant au sein du corps professoral.

3. Objet de l’étude
 

Cette étude se veut donc une analyse aussi poussée que possible du rôle des enseignants dans la question de la mixité sociale à l’école, et plus particulièrement dans l’enseignement secondaire, en s’appuyant sur leurs propres vécus et perceptions.

En amont, nous tâcherons d’observer quelles sont les convictions et mentalités présentes au sein du corps professoral à l’égard de la mixité sociale et dans quelle mesure celles-ci sont confortées ou renforcées par l’expérience au quotidien dans l’école. Nous serons particulièrement attentifs à la manière dont l’enseignant conçoit son rôle au sein de l’institution scolaire et de la société, en tant qu’acteur de première ligne vis à vis des élèves. Nous entendons mettre en lumière quels sont selon lui les obstacles – idéologiques ou « pragmatiques » – à la mixité sociale au sein de l’école, et quels sont les éléments qui pourraient la rendre plus « profitable » sur les plans relationnel et pédagogique.

En aval, dans la perspective d’un possible changement de mentalité(s), nous envisagerons sur base des expériences entendues comment envisager une meilleure conscientisation et formation des enseignants aux enjeux de la mixité sociale. Nous tenterons de poser certaines conditions du nécessaire travail sur les acteurs, tel que préconisé par de nombreuses études pour rendre les directives politiques plus efficientes.

De manière générale, croyant au rôle prépondérant des enseignants dans l’établissement d’une politique de mixité sociale qui ne serait pas uniquement un vernis ou une façade, nous voulons comprendre quels sont les freins qui, au sein du corps professoral, rendent l’entreprise laborieuse.  Identifier ainsi clairement les obstacles pourra, nous l’espérons, permettre d’envisager comment les dépasser.

4. Questionnement
 

Pour comprendre la position de l’enseignant par rapport à la question de la mixité sociale à l’école, n’est-ce donc pas ses propres convictions qu’il faut interroger ?
 

« Si l’on souhaite [donner] une fonction importante [à la mixité sociale], il faut accompagner les divers acteurs qui y sont confrontés, leur permettre d’en comprendre les enjeux et de dépasser les tensions qu’elle recèle. »

J. Hébrard, « La mixité sociale à l’école et au collège », rapport au ministère de l’Education nationale, Paris, mars 2002.
 

Dans quelle mesure les enseignants sont-ils convaincus par la pertinence des missions pédagogiques qu’on leur assigne ?

Dans quelle mesure pensent-ils que la mixité sociale puisse être un « plus » pour l’institution scolaire ?

Quelles difficultés, quels obstacles rencontrés sur le terrain contribuent-ils à renforcer leurs « croyances » de départ ?

Le fait qu’enseignants et directions soient très majoritairement issus de milieux socio-économiques aisés et culturellement porteurs ne fixe-t-il pas une fois pour toutes leur système de pensée ? N’assiste-t-on pas, dans le face à face entre les enseignants et certains élèves, à une confrontation entre deux mondes (ou plus) qui ne s’entendent pas et/ou qui ne se comprennent pas ?

Quelles sont leurs inquiétudes face à cette politique menée pour plus de mixité sociale à l’école ?

Seuls les élèves issus de milieux « porteurs » sont-ils capables de comprendre et d’intégrer le contrat pédagogique, c’est-à-dire ce que l’école attend d’eux et le sens que l’institution se donne ?

Sur le terrain, les malentendus sont-ils tangibles entre ce que certains élèves croient comprendre de l’institution scolaire et le contrat implicite que l’école entend faire respecter ?

Au-delà de la question de la mixité sociale, les méthodes d’enseignement ont fortement évolué depuis une décennie, sous l’impulsion des nouveaux programmes : pour l’enseignant, le changement de méthode pédagogique a-t-il été de pair avec une attention plus grande à l’égalité des chances ?  L’exigence grandissante de la Communauté française en termes de respect des programmes de cours permet-elle réellement une harmonisation des pratiques ?  Au contraire, l’enseignant a-t-il le sentiment de devoir moduler ses exigences en fonction du niveau réel ou supposé de ses élèves ?

De manière générale, comment adapter les décisions politiques à la pratique des enseignants au quotidien ?  Comment tirer profit de l’expérience de terrain des enseignants pour élaborer une politique d’égalité plus efficace ?
 

« Finalement, l’engagement professionnel de l’enseignant se reconnaît à sa réflexion sur ses pratiques, mais également sur le système dans lequel il se trouve. L’enseignant est l’expert du système éducatif. Chaque enseignant doit donc avoir la possibilité de prendre le temps de la réflexion et également de prendre position sur ce système. Cela participe de l’éthique de pouvoir actionner ses réflexions pour les porter dans les lieux de pouvoir. Ainsi, force est de constater que l’enseignant reste trop souvent infantilisé : la critique, au sens politique et scientifique, n’est pas encouragée. Elle peut même être pénalisée par les acteurs de la formation initiale, par les directions. Peu d’acteurs scolaires encouragent  en effet réellement les enseignants à effectuer des analyses sur autrui, à prendre leur plume pour décrire leur quotidien. Trop peu d’enseignants osent effectuer cette démarche par peur ou tout simplement parce que tout au long de leur formation, peu de personnes leur auront présenté ces possibilités de démarches proactives d’analyse. Or, qui est l’expert ? »

N. Dauphin, « Enseignant : aider une profession à se repenser », in « Paradoxale école », Étopia, semestriel n° 06, avril 2009, p. 33-49.

I. La politique de mixité sociale à l’école en Communauté française : éléments contextuels
 

I.1. Toile de fond
 

Nous assistons à une remise en question profonde des missions assignées à l’école, avec un certain déclin et une remise en cause de sa fonction de transmission du savoir et l’accentuation de sa mission plus sociétale. Ces deux missions ont toujours coexisté, à des degrés divers selon les époques. Ainsi, « l’enseignement (…) a une mission à la fois transéculaire et séculière. Transéculaire dans le sens où il s’agit de transmettre un capital culturel accumulé (…) [et] sa mission séculière (qui) est de s’adapter aux nécessités contemporaines, à ce qui va advenir des élèves, des étudiants quand ils entreront dans la vie civile et professionnelle. Donc l’école doit essayer de s’adapter pour être utile à ces carrières, à ces professions, et s’adapter aux techniques qui elles-mêmes peuvent servir à l’enseignement (…)»[14]. A ce dernier aspect, nous pouvons aussi ajouter le rôle purement « éducatif » de l’école, dans une certaine transmission des valeurs indispensables à la vie en société – ce que d’aucuns appellent aujourd’hui l’éducation à la citoyenneté[15]. Nous voyons aujourd’hui que c’est la mission « séculière » et « éducative » qui est au cœur de la réflexion autour de l’école. Ceci interroge le regard porté sur cette vieille institution scolaire, dans une société en profonde mutation.

A cet égard, le message envoyé par le politique à l’école est paradoxal : les réformes se sont succédées tant pour rendre l’enseignement plus adapté à notre système de société que pour contrer les inégalités que ce dernier engendre. Ainsi, l’école devrait-elle être capable de freiner les disparités socio-économiques que l’ultralibéralisme ambiant génère, tout en rendant les élèves le plus compétents[16] possible – ç’est à dire « adaptés» – dans cette même société ultralibérale et consumériste. Si nous admettons que ces deux attentes pourtant en partie contradictoires peuvent chacune contenir leur pertinence, la question de fond est surtout de savoir si l’on peut raisonnablement attendre tellement de l’institution scolaire sans prise en compte réelle des acteurs qui la composent ou en réduisant ces acteurs à un rôle de simples exécutants. Il s’agit d’une question d’autant plus cruciale que de telles attentes vont de pair avec une certaine « désacralisation » de l’école, ce qui ne peut se faire qu’avec le concours de l’ensemble des acteurs en présence.
 

« L’école a quelque chose de sacré (…), sa réforme, son changement pose toujours un problème supplémentaire, théologique en quelque sorte. Les Scandinaves ou les Américains ont pu faire des réformes scolaires parce qu’ils n’ont pas une conception sacrée de l’école. Eux disent que l’école est comme une industrie et que si elle ne fonctionne pas, il faut la changer et ils la changent sans fracas. [Chez nous,] comme institution sacrée, l’école (…) considère qu’elle doit se préserver des demandes profanes. »

F. Dubet, « L’école, cette désillusion », in Politique, numéro 60, juin 2009, p. 11-15.

I.2. Complexité institutionnelle
 

Le système scolaire belge est d’une grande complexité. D’une part, l’organisation en réseaux[17]  d’enseignement fait co-exister deux « mondes » parallèles : le réseau officiel, où le pouvoir organisateur est une personne de droit public (la communauté, la province ou la commune), et le réseau libre où le pouvoir organisateur est une personne de droit privé. D’autre part, l’organisation en filières (général, technique et professionnel) cloisonne les élèves, reléguant structurellement les élèves considérés comme plus « faibles » du général vers le technique et le professionnel. S’ajoute à ces deux paramètres un troisième, plus difficile à définir : celui du niveau réel ou supposé de chaque établissement scolaire. En effet, on observe en Belgique, et particulièrement en Communauté française (cfr les études PISA et autres), de grandes différences en termes d’exigences pédagogiques et disciplinaires (et donc aussi de publics) d’une école à l’autre, au sein même de chaque réseau et filière.

Tous ces éléments constituent des facteurs d’inertie : chaque réseau aspire à garder ses spécificités – notamment pour les programmes de cours – ce qui est un frein à l’uniformisation des pratiques ; l’organisation en filières a, dans la pratique, été perçue comme un système de relégation, forgeant de lourds préjugés dans l’esprit des élèves et des parents à l’égard du technique et du professionnel et n’encourageant pas l’édification d’un véritable projet personnel de l’élève ; les différences de « niveaux » entre établissements ont créé un esprit de marché scolaire, au sein duquel chaque école s’accroche à certaines pratiques afin de conserver son « public cible ».

Par une analyse trop rapide de cette situation, on pourrait penser que ce sont ces complexités institutionnelles qui sont à l’origine des réticences des acteurs de l’école à l’égard de la politique de mixité sociale. C’est en partie le cas, car changer une machine à la fois si rigide et si complexe effraie bon nombre de directions, d’enseignants, de parents d’élèves et de décideurs politiques. Mais plus qu’un mauvais fonctionnement systémique, et à l’origine même de ces nœuds institutionnels, ce sont les mentalités présentes dans la société (dont les acteurs de l’école sont le reflet) qui entretiennent le caractère discriminant – et peu performant – de notre enseignement. Ces mentalités sont principalement façonnées par les clivages socio-économiques et culturels qui traversent la société et dont nous ne pouvons pas faire fi.

I.3. Historique de la politique de mixité sociale en Communauté française
 

Afin de comprendre la manière avec laquelle a été menée cette politique de mixité sociale en Communauté française, il importe de rappeler les principales mesures prises en ce sens depuis la fin des années 1980.

Pour rappel, dans le courant des années 1970 et 1980, sous l’impulsion de diverses études sur le plan international, on prend de plus en plus conscience dans les milieux universitaires et politiques belges du problème de la concentration d’élèves d’un même milieu socio-économique dans une même école. On assiste ainsi à l’émergence d’une conviction forte : « l’école ne peut pas servir à révéler des potentialités principalement innées ou tributaires d’avantages liés aux ressources familiales qui cautionnent la logique des « héritiers »(…) Il convient, si l’on souhaite atteindre les objectifs déclarés, d’accroître les moyens et de les attribuer de manière appropriée en fonction de besoins aussi correctement identifiés que possible de manière à éviter d’encore renforcer les inégalités »[18]

C’est ainsi qu’est lancé, fin des années 1980, un ensemble de politiques visant à « compenser les effets d’une inégale répartition des élèves entre écoles »[19], en donnant plus de moyens aux écoles concentrant des publics « défavorisés ». Un premier essai est réalisé avec les ZEP (zones d’éducation prioritaire) en 1989[20], mais c’est surtout avec l’établissement de la « discrimination positive » en 1998 que les choses se mettent en place. Tout le mécanisme décrit dans le décret du 30 juin 1998 consiste à « identifier des établissements dont les élèves constituent des populations qu’il faut aider davantage que d’autres pour avoir des chances raisonnables d’atteindre les mêmes objectifs pour tous »[21]. L’identification se fait en fonction de la population qui fréquente les établissements scolaires, c’est-à-dire sur base des caractéristiques socio-économiques des quartiers où habitent les élèves inscrits. Le décret du 28 avril 2004 relatif à la différenciation du financement des établissements d’enseignement fondamental et secondaire fixe ce que l’on va appeler la « différenciation des subventions de fonctionnement ». Désormais, les subventions de fonctionnement seront octroyées aux établissements de l’enseignement obligatoire selon un mécanisme de différenciation qui prend en compte la taille et l’indice socio-économique de chaque implantation[22].

De manière parallèle, une réforme d’envergure sur les plans pédagogique et structurel est inaugurée par le « décret Missions » du 24 juillet 1997. A partir de là, une ligne politique est inaugurée pour tenter de modifier la répartition des élèves entre écoles.
 

Le décret « Missions »[23] assigne quatre rôles principaux à l’école :

  • Promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun des élèves.
  • Amener tous les élèves à s’approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle.
  • Préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures.
  • Assurer à tous les élèves des chances égales d’émancipation sociale.

La ligne directrice du décret est en fait de limiter l’autonomie des écoles tout en veillant à respecter la liberté des parents en matière de choix et de changement d’école. L’objectif général est d’introduire non seulement plus de mixité sociale dans les écoles mais aussi une plus grande mixité « académique », en vue d’une plus grande uniformisation des écoles quant au profil scolaire de leurs élèves. La perspective est double : la mixité sociale, certes,  mais aussi (cfr PISA) l’amélioration des résultats des élèves et la diminution des inégalités de résultats, ce qui est très ambitieux !  A cet effet, un des grands chantiers qui est lancé consiste à prolonger jusqu’à la fin du premier degré de l’enseignement secondaire le tronc commun indifférencié pour tous les élèves[24].

C’est dans cette optique également que naît toute la réflexion sur les règles d’inscription, comme moyen d’agir sur la population d’élèves au sein des établissements scolaires. Si l’on fixe des règles d’inscription communes à tous les réseaux en 2001, lors des accords de la St Boniface, c’est à partir de 2007 que le législateur va déclencher une véritable « révolution » en la matière. Se succéderont les décrets « inscriptions » du 8 mars 2007 et « mixité sociale » du 18 juillet 2008, tous deux applicables au 1er degré de l’enseignement secondaire.

Ainsi, le premier décret « inscriptions » vise trois objets : agir sur les exclusions (pénaliser les écoles qui excluent et favoriser celles qui réinscrivent), limiter les changements d’école en cours de cycles et enfin établir des règles drastiques en matière d’inscriptions (définition de catégories d’élèves « prioritaires » ; pour les autres élèves, application de la règle « premier arrivé, premier inscrit » à partir d’une date commune à toutes les écoles ; instauration de règles précises pour la gestion des listes d’attentes). Devant les difficultés engendrées par les files d’attente devant les écoles, un deuxième décret voit le jour en 2008. Si l’objectif général reste le même, les modalités diffèrent : désormais, les élèves prioritaires s’inscrivent dans une première période d’inscription commune à toutes les écoles ; une autre période est réservée pour les élèves non prioritaires ; pour les élèves surnuméraires parmi les non prioritaires, on prévoit d’opérer un tri des demandes selon des règles combinant le tirage au sort et le classement en fonction de deux critères : le lieu de domicile et les caractéristiques socio-économiques des écoles primaires d’origine. Suite à ce décret, les réactions de certains parents sont vives, et beaucoup d’entre eux  multiplient les inscriptions, pour s’assurer d’obtenir une place dans l’une des écoles de leur choix : cela donne ce que l’on va appeler la « bulle des inscriptions », avec plusieurs milliers d’élèves  restant potentiellement sur le carreau. La gestion de ces difficultés débouchera d’ailleurs sur un nouveau décret et montre de manière plus générale que la législation en la matière est encore loin d’être aboutie…

II. Enquête de terrain auprès des enseignants : éléments de réflexion
 

II.1. Méthode et présentation de l’échantillon
 

II.1.1. Méthode : une étude de terrain
 

Ayant la volonté de baser notre étude sur le vécu et les croyances des enseignants en Communauté française, nous avons choisi de sonder le terrain par l’intermédiaire d’un questionnaire écrit[25] envoyé à une centaine de professeurs de l’enseignement secondaire.

Le questionnaire se voulait essentiellement un instrument visant à mieux appréhender la position de l’enseignant vis à vis de la politique de mixité sociale à l’école, et ce en lien avec son vécu et son expérience de terrain. A cette fin, divers angles d’approche ont été privilégiés : la conviction de l’enseignant quant à la mixité sociale, les caractéristiques de l’établissement scolaire de l’enseignant interrogé, la relation entre l’enseignant et ses élèves, la pratique de l’enseignant en classe et la position de l’enseignant sur les décisions politiques prises depuis le décret « Missions » (1997). A travers une dizaine de questions, nous entendions ainsi cerner les convictions des enseignants et mesurer en quoi celles-ci étaient ancrées dans leur quotidien professionnel. Nous avons donc été particulièrement attentifs au lien entre le point de vue exprimé par l’enseignant et le « type » d’établissement dans lequel il travaille.

II.1.2. L’échantillon : une approche qualitative
 

Nous avons reçu 23 questionnaires complétés, parmi lesquels nous en avons retenu 20 pour notre analyse[26]. Vu ce petit nombre, nous n’avons fait aucun traitement quantitatif des informations collectées. Nous avons privilégié une approche qualitative portant sur le contenu des réponses des différents enseignants. Celles-ci ont nourri notre réflexion, appuyée également sur l’analyse d’autres études récentes.

Il est donc important d’indiquer que nous ne prétendons aucunement relayer le point de vue de l’ensemble des enseignants de la Communauté française. A cet égard, nous tenons d’emblée à signaler un biais de cette enquête : les enseignants interrogés proviennent tous du réseau libre[27]. Si un équilibre relatif est présent quant au sexe des personnes interrogées, à leurs âge et ancienneté, le type d’établissement dans lequel elles travaillent et la localisation de cet établissement, il n’en est donc pas de même pour l’appartenance aux réseaux.

Les données issues du dépouillement des questionnaires ont donc été « prétextes » à une réflexion plus approfondie sur la position de l’enseignant vis à vis de la politique de mixité sociale à l’école et sur les pistes pouvant être dégagées en vue d’une mise en œuvre effective de cette mixité sur le terrain. Il s’agit donc, sur base des témoignages recueillis, de tenter de poser les conditions pour un meilleur engagement des enseignants en faveur de la politique de mixité, après avoir mis en lumière les tensions qu’elle recèle.

II.2. L’enseignant dans le « système » scolaire
 

Comme nous l’évoquerons un peu plus loin dans notre étude, le métier d’enseignant a profondément évolué ces dernières années. Ainsi, si le quotidien de l’enseignant d’aujourd’hui n’a plus grand chose à voir avec celui d’il y a trente ans, cela est notamment dû aux évolutions du système scolaire en Communauté française de Belgique. Un contexte grandissant de dualisation des écoles et de « marché scolaire » a créé avec le temps deux « profils d’enseignants » tendant à être distincts : celui, peut-être plus traditionnel, correspondant aux écoles « huppées », l’autre sans doute moins orienté vers la pure « transmission de savoir » correspondant aux écoles jugées « à plus faible niveau ». Pour tous, de nouvelles exigences venues du politique ont aussi inauguré un nouveau rapport avec l’institution scolaire, devenue plus « contrôlante » et « supervisante » qu’auparavant. C’est cette relation de l’enseignant, telle que ce dernier la perçoit, au « système scolaire » que nous allons ici examiner.

II.2.1. L’enseignant et la dualité du système scolaire en Communauté française
 

Une des caractéristiques du système scolaire en Communauté française est sa dualité : les élèves se partagent entre les « bonnes » et les « mauvaises » écoles, étiquetées comme telles par les classes sociales dominantes. Cette ligne de fracture se situe à deux niveaux : d’abord entre les écoles d’enseignement général et celles d’enseignement technique et professionnel ; ensuite au sein même de l’enseignement général avec des écoles « élitistes » et d’autres considérées comme « d’un faible niveau », voire comme des écoles « poubelles », parmi lesquelles les écoles dites en « discrimination positive »[28]. Ainsi, notre système scolaire « a plus que d’autres tendance, via des mécanismes de redoublement et d’orientation, à différencier de manière précoce les parcours des élèves en fonction des formes, des filières et des établissements »[29].

C’est pour contrer cette réalité que le politique, depuis l’application du décret « Missions » et dans une perspective d’ « égalisation » des niveaux entre établissements scolaires, poursuit une visée d’uniformisation des pratiques enseignantes. Il s’agit d’une « stratégie de conversion identitaire des enseignants »[30], en vue d’accompagner l’introduction d’une plus grande mixité sur le terrain.

Or, selon les éléments de réflexion issus de notre enquête, les différences de niveaux semblent trouver leur racine non pas d’abord dans la pratique de l’enseignant, mais bien dans le « public » d’élèves fréquentant l’une ou l’autre école. Plus encore, les inégalités entre établissements semblent, pour la plupart des enseignants interrogés, inévitables, voire souhaitables. En effet, si l’on retrouve chez les enseignants des convictions différentes en fonction du « type » d’école dans lequel ils travaillent, se dégage toutefois une croyance assez partagée : la « dualité » de notre enseignement, le fossé entre établissements seraient incontournables. Les enseignants des écoles au public « favorisé » craignent l’introduction d’une plus grande mixité, tandis que ceux des écoles dites « défavorisées » ne l’imaginent pas possible. Ainsi, émerge chez la plupart d’entre eux une conviction forte : « Tous les élèves n’ont pas les mêmes capacités et n’auront pas besoin de la même formation intellectuelle. Uniformiser ne (…) semble pas une solution. » – Q12[31]. C’est le caractère incontournable des inégalités qui est ici mis en avant : « Il existe (…) des intelligences inégales, qui ne sont pas toujours liées au niveau socio économique, et (…) il faut qu’il y ait des écoles de niveaux différents pour satisfaire tout le monde et mener chacun le plus loin possible. » – Q2 ; ou encore : « Il y aura toujours des écoles « fortes » où l’on peut exiger beaucoup et des écoles « moyennes » pour ceux qui ont moins de possibilités intellectuelles. Et cela est mieux pour le jeune !  Il lui faut une école où il se sente bien, où les exigences sont en rapport avec ce qu’il peut donner. » – Q20.    

Derrière cela, il y a souvent un double constat : dans les « bonnes » écoles, les enseignants mettent en avant le sentiment que les élèves issus de milieux socio-économiques plus faibles « ne suivent pas » ; dans les écoles plus « difficiles » (notamment en  discrimination positive), les enseignants imaginent difficilement l’arrivée de « bons » élèves, issus d’un milieu « porteur ». Ainsi, un enseignant d’une école au public « aisé » confie : « Les élèves qui ne s’en sortent pas ou plus, vont bien souvent commencer à perturber les classes et baisser les bras, n’attendant qu’une chose : appliquer la loi du moindre effort et aller dans une école à niveau plus faible. » – Q1. En miroir, un enseignant d’une école en discrimination positive rapporte : « Dans l’état actuel des choses, je vois mal des parents belges nantis inscrire leur enfant chez nous, ne fût-ce qu’à cause du niveau de français de la majorité de nos élèves. » – Q16. On peut voir dans ces différents propos une tendance « naturelle » – que nous aborderons dans le point suivant – des établissements scolaires à l’« homogénéisation » de leur population scolaire, tendance qui se répercute dans les convictions des enseignants. L’homogénéité permet en effet d’établir plus facilement un projet éducatif clair, et des exigences communes vis à vis des élèves, notamment en termes de communication envers les parents.

Mais au-delà de ce « penchant naturel », pourquoi s’attacher  tellement à une structure si contestée et porteuse d’inégalités ? C’est ici que nous devons évoquer un élément problématique et difficilement remis en cause tant par les acteurs de terrain que par le politique : la situation de « marché scolaire ».

II.2.2. Le marché scolaire : un blocage structurel ?
 

Si notre système scolaire est à ce point dualisé, c’est qu’il s’est organisé avec le temps en véritable « marché ». Nous savons que les parents d’élèves tiennent énormément – pour une grande partie d’entre eux – au libre choix de l’établissement scolaire de leur enfant. A l’origine, cette liberté s’ancrait avant tout dans le contexte d’un clivage Eglise-Etat qui divisait véritablement la Belgique en deux. Pour les parents, le choix se faisait donc avant tout sur base idéologique, entre une école officielle ou une école catholique. Avec le temps, la tendance des pouvoirs organisateurs a été de renforcer cette dualité, en spécialisant l’offre de chaque établissement scolaire, établissant ainsi un véritable climat de concurrence. Aujourd’hui, malgré les décrets concernant l’inspection et les évaluations externes, on peut dire que chaque établissement scolaire a toujours tendance à établir ses propres critères de « niveau », en lien avec le « public-cible » d’élèves qui est visé. L’offre des écoles s’ajuste ainsi à la demande des parents, ce qui a pour résultat de « rigidifier » les populations scolaires de chaque établissement, en les homogénéisant[32].

Pour notre étude, nous nous sommes interrogés sur la position des enseignants face à cette situation de « marché scolaire ». Nous l’avons vu, la rigidité du système est fréquemment décriée. Pourtant, et de manière parallèle, l’ « identité » de chaque établissement et le « public-cible » qui y est lié sont difficilement remis en question par les enseignants eux-mêmes.

Ainsi, plus qu’un « simple » blocage structurel, on assiste à la persistance de certaines mentalités, que l’on pourrait décrire ici comme un réflexe « nimby »[33] (à traduire dans ce contexte : « La mixité : oui, mais pas chez moi ! »), à l’instar de ce que l’on observe habituellement chez les parents d’élèves (« la mixité : oui, mais pas pour mes enfants ! »). Il est par ailleurs intéressant de noter que cette réaction émane tant d’enseignants d’écoles « huppées » (« Je ne veux pas de cela [problèmes engendrés par la mixité] pour mon cours, ni pour mon école. » – Q1) que d’autres travaillant dans des établissements plus « difficiles » (« Quant à la mixité sociale, je n’imagine pas certains types d’élèves – à commencer par nos propres enfants en tant que professeur – dans mon école. » – Q8). On observe là des réactions récurrentes des acteurs d’une institution face aux changements imposés par le politique : crainte de perdre certains privilèges, peur de l’inconnu et des futurs désagréments possibles, appréhensions que les enseignants partagent par ailleurs avec bon nombre de parents ; mais aussi incrédulité devant l’hypothèse que le système puisse changer. A travers ces positionnements, il y a soit un réel attachement à l’ « identité » – donc au public – de l’école, soit un certain « fatalisme » devant la réalité d’un établissement souvent figé dans son « recrutement » socio-économique et culturel.

Il est par ailleurs pour l’enseignant, à côté de ces facteurs d’inertie que nous avons décrits, d’autres craintes, liées aux exigences grandissantes de la Communauté française en termes de « charges » ou « contraintes » qui lui sont assignées.

II.2.3. L’enseignant face aux « nouvelles » contraintes du métier : impuissance devant le « système » ?
 

C’est une réalité, l’enseignant doit aujourd’hui appliquer des directives structurelles de plus en plus contraignantes : exigences administratives, application de programmes devenus très « techniques », nouvelles règles concernant le passage des élèves d’une année à l’autre (au premier degré), inspections plus fréquentes, nouvelles exigences en termes de formation initiale et continuée, etc.[34] Depuis le décret « Missions », on a ainsi vu se développer de multiples outils pédagogiques auxquels les enseignants doivent se référer, et apparaître de nouveaux agents de supervision et de conseil, afin de « faciliter » l’application du décret pour les praticiens. Sur le terrain, cette incursion d’une « knowledge elite »[35] dans le travail de l’enseignant a engendré un contrôle grandissant de ses pratiques pédagogiques et une formalisation de plus en plus grande des tâches qui lui sont assignées.

Une question se pose donc : ces contraintes grandissantes pour l’enseignant peuvent-elles aller de pair avec l’introduction d’une plus grande  mixité ?  Ou encore « plus de mixité sociale » n’engendrera-t-il pas « plus de contraintes », pas toujours cohérentes vis à vis des précédentes ?  En d’autres mots, l’enseignant ne se retrouve-il pas là devant une situation permanente de « double contrainte » ?

 « Les enseignants sont actuellement soumis à un système généralisé de doubles-contraintes (ou injonctions paradoxales). Cela veut dire que la société, via leur système hiérarchique, et les parents, au nom de leurs droits légitimes de parents, leur adressent des commandes contradictoires et donc impossibles à honorer. Et ce qui leur est commandé est tellement fort, légitime, incontestable, qu’il leur est impossible de dénoncer le système qui les place dans l’impossibilité d’exercer leur métier. »

 « Les enseignants n’ont pas le droit d’en convenir : ils doivent faire réussir tous les enfants également (école de la réussite). Et en même temps, pour mes enfants à moi et pour les vôtres à vous, ils doivent assurer des chances supérieures d’accéder à un niveau supérieur. Ils doivent faire réussir tout le monde et assurer une sélection scolaire équivalente à la compétition économique. Mission impossible. »

J. Cornet, « Enseigner : mission impossible », CGé (article paru dans Le Ligueur en décembre 1999), 1999.
 

Ainsi, comme nous nous posions la question en début d’étude :

Est-il « raisonnable » de demander à l’enseignant à la fois d’adapter sa pratique à notre système de société et de contrer les inégalités que ce dernier engendre ?  Peut-on à la fois élever le niveau d’exigence – en termes de programmes de cours notamment – tout en rendant l’enseignement accessible à un public plus mixte ?  Car c’est bien là que cela « coince » pour beaucoup d’enseignants : « Avoir des élèves de niveaux différents n’est vraiment pas du tout facile à gérer, si on veut suivre correctement les programmes » – Q1.

Revient bien entendu la question de l’attribution de moyens suffisants (financiers, humains, en termes de formation, etc.) pour que ces deux injonctions apparemment paradoxales puissent coexister. Mais, à travers cette réflexion, il s’agit également de déceler quels freins issus du « système » semblent empêcher les enseignants de répondre à ces missions qui leur sont confiées. Comment en effet permettre à tout le monde de suivre un enseignement de qualité, quand certaines filières sont mises au ban du système scolaire ?  De même, peut-on à la fois « faire réussir » un maximum d’élèves tout en élevant le niveau d’enseignement ?

Il est question ici de défis qui dépassent largement le champ d’action de la « bonne volonté » des enseignants : le plus souvent, c’est la structure même du système qui semble constituer un frein pour la mise en œuvre des missions qui leur sont assignées. Ainsi, beaucoup ont le sentiment de « subir » un système, qui est « en retard » sur les nouvelles injonctions du politique en termes de mixité et d’uniformisation. Sont pointées du doigt, parmi d’autres : la question de l’enseignement fondamental (« Au 1er degré, le fossé est déjà trop grand. Il est déjà présent dans l’enseignement fondamental. » – Q14), l’organisation du secondaire en filières, et la disparité  au sein même de chaque filière, créant des mécanismes de relégation et de ghettoïsation (« La population de mon école est composée d’élèves venant d’autres écoles suite à des échecs, d’élèves faibles mal orientés, qui auraient dû être arrêtés et qu’on a laissé passer, d’élèves difficiles non motivés, chahuteurs ou renvoyés. » – Q20), ainsi que la rigidité de certaines règles (« Un système où l’on redouble même ce qu’on a réussi… Un système qui donne plus envie à celui qui a des difficultés de tout laisser tomber que de se battre. » Q9).

A ceci s’ajoute ce qui est perçu comme de nouvelles « contraintes », telles que l’application des « nouveaux » programmes (« Il reste parfois des problèmes purement pédagogiques comme boucler le programme car beaucoup d’heures se perdent et les exigences du programme sont nombreuses. » – Q5), la mise en œuvre de l’« école de la réussite »[36] (« Pourquoi le passage quasi-automatique de 1ère en 2ième alors qu’il y a des lacunes ?» – Q20 ; « Pour faire « réussir » tout le monde on est obligé de descendre le niveau d’exigence et les élèves travailleurs et/ou doués sont freinés. » – Q10) et, bien entendu, les nouvelles règles d’inscription liées à la politique de mixité.

Pour l’enseignant, la question n’est donc pas avant tout financière, pas plus qu’il n’y a d’emblée une opposition à tout changement. Ce qu’il met en lumière, c’est surtout son sentiment d’impuissance face à la complexification et au renouvellement constant des tâches demandées dans un système qui, lui, se caractérise par une extrême rigidité. Pour la mise en œuvre d’un vrai changement, les propositions ne manquent pas : « Former les profs en gestion mentale, PNL [programmation neuro-linguistique]… Diminuer radicalement le nombre d’élèves par classe, ne  doubler que les branches en échec. Enlever les systèmes [de filières] et permettre une formation à la carte pour chacun et définir un certain niveau à atteindre pour l’obtention du CESS [certificat d’enseignement secondaire supérieur] et d’une qualification. » – Q9. Si ces pistes émanant des enseignants eux-mêmes ne sont d’emblée pas entendues, le risque est que le législateur engendre ce qu’il voudrait éviter : une crispation des acteurs de terrain face à la politique de mixité, perçue comme allant de pair avec de nouvelles contraintes imposées par le « système » et complexifiant leur travail au quotidien.

II.2.4. Transformer le système,  mieux accompagner l’enseignant : quelles perspectives ?
 

« L’engagement des professionnels de l’école dans la transformation du système ne s’obtiendra que si les responsables politiques relancent avec eux un dialogue plus cohérent, condition fondamentale pour une certaine confiance (…). Les responsables doivent comprendre que des réformes se réussissent sur le terrain, dans leur confrontation au système de contraintes dans lesquelles les acteurs chargés de les mettre en œuvre se trouvent plongés. »

D. Carlier, « Réformer la manière de réformer l’école », in « Paradoxale école », Étopia, semestriel n° 06, avril 2009, p. 17-27.
 

Il y a, nous l’avons observé, une attitude paradoxale chez l’enseignant face à la « machine scolaire » : cohabitent vis à vis du « système » à la fois un attachement et un sentiment d’étouffement. Comment dès lors trouver des pistes pour à la fois « décloisonner » notre système scolaire, le rendre plus égalitaire, tout en étant attentif au vécu de l’enseignant, se percevant comme constamment « pressé » par de nouvelles exigences ?

Si les « solutions » structurelles sont fréquemment évoquées[37] (nouvelles règles d’inscription, « bassins scolaires »[38], « revalorisation » de l’enseignement technique et professionnel, limitation du redoublement d’élèves, etc.), on se doit également de s’interroger sur les pistes envisageables en termes d’écoute et d’appui envers les enseignants dans cette position fréquente de « double contrainte ». Il est question d’accompagner les mesures structurelles par l’élaboration d’un cadre pédagogique et organisationnel optimal à leur mise en œuvre. A cette fin, un travail au sein même de chaque établissement nous paraît indispensable : « un modèle d’établissement valorisant le travail en équipe, la participation de tous les acteurs, la concertation entre enseignants [pour] faire face aux nouveaux défis que rencontre le système scolaire »[39]. Il s’agirait ainsi d’opérer le changement tant sur le plan structurel qu’en partant de la « base » et des acteurs eux-mêmes. Dans cette optique, le cadrage et la régulation venant du « haut du système » doivent coexister, dans un climat de confiance, avec la créativité des enseignants et des membres des établissements scolaires dans leur ensemble.

L’enquête TALIS (Enquête internationale sur les enseignants, l’enseignement et l’apprentissage) parue le 16 juin 2009 sur les conditions d’enseignement dans le secondaire inférieur dans 23 pays de l’OCDE peut à cet égard se montrer très instructive[40]. Les conclusions de ce rapport mettent notamment en lumière que les politiques menées en matière d’enseignement seraient plus efficaces si elles s’attardaient moins à contrôler des ressources et des contenus éducatifs et se préoccupaient davantage des retombées de l’enseignement : « Il faut abandonner la gestion des moyens et les approches bureaucratiques de l’enseignement pour adopter un système où les responsabilités sont déléguées et où la direction des établissements scolaires soutient les enseignants. En bref, il faut arrêter de parler d’équité en termes d’offre de services éducatifs, et établir l’équité en termes de résultats »[41].
 

« TALIS identifie (…) un lien étroit entre les facteurs tels qu’un bon climat en classe, les principes des enseignants, la coopération entre enseignants, la satisfaction des enseignants, le développement professionnel et l’adoption de différentes techniques d’enseignement (…). Ainsi, en abordant les attitudes, principes et pratiques des enseignants de façon globale, il est possible d’améliorer significativement l’enseignement et l’apprentissage mais cela nécessite un soutien personnalisé pour les enseignants plutôt que des interventions au niveau de l’établissement ou du système. »

OCDE, « Créer des environnements efficaces pour l’enseignement et l’apprentissage: premiers résultats de l’enquête internationale sur les enseignants, l’enseignement et l’apprentissage (TALIS) », Résumé en français, juin 2009.
 

Le rapport TALIS révèle ainsi plusieurs constats éclairants pour notre réflexion[42] :

  • Les enseignants qui ont suivi davantage de formations de « développement professionnel » tendent à se sentir mieux équipés pour gérer les défis posés. Quand ce critère n’est pas satisfait, la raison principale est, selon les enseignants eux-mêmes, « le manque de temps dû aux programmes chargés ».
  • Les évaluations et commentaires sur le travail des enseignants peuvent constituer des outils déterminants pour améliorer la perception des capacités personnelles.  En effet, « les évaluations et commentaires reçus par les enseignants se reflètent dans la croyance qu’ils ont en leurs propres capacités en tant qu’enseignants ».
  • Dans les écoles où les chefs d’établissement ne se limitent pas à une gestion « qui se situe au centre du paradigme actuel d’un essentiellement efficace », mais qui adoptent au contraire un rôle de direction pédagogique fort, on constate « une plus grande collaboration entre les enseignants, de meilleures relations élèves/enseignants, une plus grande reconnaissance des pratiques innovantes et un accent porté sur le développement professionnel suite aux évaluations des enseignants ».

Certes, il ne s’agit pas ici directement de la question spécifique de la mixité sociale à l’école, mais ces observations donnent des pistes intéressantes :

  • la formation de l’enseignant (en ce compris la « formation continue ») semble être un facteur déterminant de l’adaptation aux nouveaux défis qui lui sont posés ;
  • la reconnaissance du travail accompli, ainsi qu’une évaluation régulière augmentent chez l’enseignant la conviction en sa capacité d’accomplir de nouvelles tâches ;
  • le soutien pédagogique au travail de l’enseignant au sein de chaque établissement scolaire, grâce au rôle privilégié du directeur d’établissement permet, entre autres choses, une plus grande ouverture à l’innovation des pratiques d’enseignement.
     

Tout ceci semble indiquer que si les mesures visant à transformer le système sont indispensables pour enrayer certains mécanismes de fond (relégation dans certaines filières, redoublements trop nombreux, etc.), il est parallèlement primordial de penser à l’accompagnement individualisé des enseignants. Ainsi la réflexion n’est pas uniquement à mener au niveau global (Communauté française), mais elle doit également se faire à l’échelle de chaque établissement, afin d’assurer le meilleur soutien et suivi.

II.3. L’enseignant et la mixité dans les classes au quotidien
 

Comme nous venons de le souligner, l’accompagnement de l’enseignant dans ses tâches au jour le jour est primordial pour parvenir à rendre effective la politique de mixité. C’est dans cette optique qu’après avoir vu l’enseignant comme acteur au sein du « système » scolaire, il importe de poser un regard sur le quotidien de l’enseignant dans sa pratique. Nous analyserons ce vécu dans les classes à travers trois aspects, envisagés sous le regard de l’enseignant : la question récurrente de la « qualité » de l’enseignement, le « rapport à l’école » des élèves et enfin les « richesses » de la mixité telles que l’enseignant les perçoit. Cette approche nous permettra d’appréhender les inquiétudes et les enthousiasmes prenant racine dans son expérience de terrain.

II.3.1. Mixité sociale et « qualité » d’enseignement
 

A l’intérieur comme à l’extérieur de l’école, on associe souvent la mixité sociale à la « perte de qualité » de l’enseignement. L’hétérogénéité sociale à l’école conduirait-elle à un « nivellement par le bas » en termes d’apprentissage ?  Avant toute chose, il conviendrait de parvenir à définir ce que signifie un enseignement de « qualité ». Existe-il des critères objectivables qui permettraient d’évaluer la « qualité » d’un système éducatif ?  Observerait-on aujourd’hui sur des bases objectives une « baisse de niveau » dans certains établissements ?

Il n’existe pas de théorie générale sur les déterminants de la « qualité » d’un enseignement qui soit validée de manière incontestable par la recherche empirique, ou « labellisée » par les experts de l’éducation. Généralement, on énonce deux principes[43] pour tenter d’appréhender une définition de la « qualité » de l’enseignement : l’un à propos du « développement cognitif des élèves comme objectif explicite des systèmes d’éducation », l’autre mettant l’accent sur le « rôle de l’éducation dans la promotion de valeurs communes, de la responsabilité civique et du développement créatif et émotionnel » (aspect plus normatif). Or, ces deux principes – et à plus forte raison le deuxième – sont très difficilement « mesurables » sur le terrain. Dans le cadre de notre étude, il nous a surtout semblé intéressant d’examiner quelles sont les perceptions des enseignants sur l’évolution possible de la « qualité » de l’enseignement dans un contexte de plus grande mixité sociale. Nous le verrons, c’est encore une fois la possibilité de se retrouver devant un public moins homogène, tant d’un point de vue cognitif que « normatif », qui fait craindre, à conditions égales, qu’une certaine « qualité » ne puisse être maintenue. Cette crainte trouve racine dans des situations vécues en classe et perçues par bon nombre d’enseignants interrogés comme révélatrices d’une évolution déjà en cours.

II.3.1. a. Mixité et « qualité » : les perceptions des enseignants
 

Même si l’on évoque fréquemment le cas de « l’école islandaise », à la fois très « mixte » et très « performante » (cfr PISA), il est une conviction bien ancrée chez de nombreux enseignants : le mélange d’élèves de différents « niveaux » ne pourrait conduire qu’à une revue « à la baisse » des exigences. De manière générale, on remarque que les enseignants issus de « bonnes écoles » craignent une baisse de la « qualité » de leur établissement, principalement sur le plan de l’apprentissage stricto sensu, c’est à dire de la transmission des connaissances – « La mixité n’est pas possible dans mon école car la tradition fait que les exigences d’étude placent la barre assez haut ; ce qui n’empêche pas une minorité de s’intégrer avec réussite. » – Q17. On perçoit ainsi la crainte que l’introduction d’une trop grande mixité entraîne une hétérogénéité scolaire dans les classes, qui conduirait de facto à revoir les exigences de départ à la baisse. « Ce n’est (…) pas toujours vrai de dire que des élèves plus faibles vont progresser grâce à la présence d’élèves plus doués, c’est malheureusement bien souvent le contraire qui se passe : on constate une baisse de niveau ! » – Q1. La conviction que la « qualité » de l’enseignement serait battue en brèche devant un public trop hétérogène trouve souvent sa source dans des situations vécues en classe tant au niveau pédagogique que « disciplinaire »[44]. Pour l’enseignant, « l’inconfort et l’incertitude  peuvent être doubles : comment transmettre telle ou telle matière à quelqu’un qui possède des références culturelles tout autres que le public habituel ?  Mais aussi comment tenir en main des groupes d’élèves dont « le niveau d’éducation » serait plus disparate et moins policé ? »[45].

Ainsi, les craintes portent à la fois sur le maintien d’un niveau d’exigence suffisant en termes pédagogiques (« Avoir des élèves de niveaux différents n’est vraiment pas du tout facile à gérer, si on veut suivre correctement les programmes et maintenir un niveau correct.  On n’a pas le temps de s’occuper des élèves en difficulté. » – Q1) et sur la capacité de faire face aux problèmes éventuels qu’une situation de mixité engendre sur le plan du « comportement » des élèves (« Le problème est que le quotidien d’une école mixte est plus difficile : cela engendre beaucoup de conflits, de problèmes et d’interrogations, davantage que dans une école [homogène] (…) où les valeurs sont forcément communes.» – Q2). Non que les enseignants assimilent de manière automatique les élèves issus de milieux « défavorisés » à des élèves turbulents, mais bien que le « rapport à l’école » et à l’autorité leur semble différer selon l’environnement familial – nous reviendrons sur cette question un peu plus loin dans notre étude.

A propos de ces craintes, un travail de « déconstruction » de certaines convictions communément partagées par les enseignants semble incontournable. En effet, comme nous le soulignions, la question de la « qualité » est difficilement « objectivable ». Comment en effet mesurer le « niveau de connaissances » des élèves en évitant l’écueil de se focaliser sur seulement certains aspects cognitifs, au détriment d’autres ?  De même, sur quelles bases « indiscutables » pourrait-on réellement évaluer le « niveau de savoir vivre » en classe ?  Mais si ces inquiétudes en terme de « qualité » sont récurrentes, il convient d’en tenir compte, avant tout pour en saisir la pertinence en termes de perceptions des enseignants à l’égard de leur pratique. A leur écoute, il paraît important d’examiner quelles sont les conditions pour qu’une école puisse allier « exigence » en termes d’apprentissage et de vivre ensemble d’une part et « mixité  sociale » d’autre part. A ce sujet, ce que les spécialistes appellent le « modèle scandinave » peut être éclairant. Nous mettrons ensuite ces propositions en parallèle avec celles recueillies auprès des enseignants.

II.3.1. b. Mixité et « qualité » : quelles conditions pour l’enseignant ?
 

Selon le « Bureau International d’Education »[46] de l’Unesco, la réussite du « modèle scandinave » – notamment en termes de résultats aux études PISA – est celle d’un enseignement à la fois de grande « qualité » et capable d’intégrer la mixité sociale. Ce que le BIE appelle « l’éducation intégratrice » mise à la fois sur la formation des professeurs, les structures de « remédiation » (y compris l’engagement de personnel pour cette tâche) et l’implication des parents dans le suivi de l’élève.

« La mise en place d’une éducation intégratrice efficace nécessite des changements systémiques. (…) Il est très intéressant de noter qu’un groupe de pays [les pays scandinaves] se distinguent par leur progrès et leurs succès à intégrer tous les enfants dans leur système éducatif. (…) Afin de mieux comprendre leurs avancées, il est indispensable d’analyser trois points importants de l’éducation intégratrice.
 

1. Les professeurs, qui jouent un rôle central dans l’apprentissage, sont très qualifiés et sont prêts à enseigner selon une stratégie de groupe (…) [= travail en coordination]

2. La présence et le soutien pédagogique des assistants d’éducation permettent de faire face aux difficultés liées à l’hétérogénéité des élèves. (…)

3. Une éducation intégratrice doit évidemment intégrer les parents de l’élève. (…)  [Le] pouvoir décisionnel doit être accompagné d’une communication ouverte entre chaque partie, professeurs, parents et élèves. »

Bureau International d’Education de l’UNESCO, « L’éducation intégratrice dans les pays scandinaves », 2005.
 

A ce propos, il intéressant de constater que, malgré leurs craintes face à la politique de mixité et à ses éventuelles conséquences sur le « niveau » d’étude, de nombreuses revendications des professeurs vont dans le sens de ce modèle d’ « éducation intégratrice » (revalorisation de la fonction enseignante, meilleur encadrement des élèves, collaboration avec les parents). Il semble en effet que c’est principalement le caractère jugé trop « artificiel » de la politique de mixité que les enseignants fustigent : « Créée artificiellement, la mixité sociale risque de créer plus de problèmes que d’en résoudre. (…) Cela nécessiterait davantage que des décrets (baguette magique) mais des réflexions de fond sur les stratégies à adopter, les philosophies et projets d’écoles, sur la communication aux élèves et parents, etc. » – Q13.

De manière générale, il importe de se demander dans quelle mesure les différents acteurs de l’école sont assistés dans leurs tâches au quotidien. L’écueil à éviter serait de laisser les personnes de terrain seules face à des défis qu’ils ne pourraient relever. Offrir à l’enseignant l’infrastructure nécessaire à un véritable accompagnement individualisé des élèves, lui permettre de travailler avec le matériel adéquat aux missions qui lui sont confiées, lui octroyer le temps nécessaire à sa formation durant l’année scolaire ; autant de pistes nécessitant des décisions structurelles et qui faciliteraient l’application concrète des décisions perçues avant tout comme « venant d’en haut »[47].

Malgré leurs réticences, peu d’enseignants semblent foncièrement hostiles à l’idée d’une plus grande mixité sociale à l’école. Les conditions nécessaires à l’efficience d’une telle politique sont par contre mises en exergue : « Tout dépend de moyens mis en place pour encadrer cette mixité. (…) Ce n’est pas la mixité sociale qui baisserait le niveau mais le manque d’accompagnement. » – Q12. Parmi les revendications en termes de moyens, l’importance de la « remédiation » revient de manière récurrente (« De trop grandes différences sans moyens de remédiation supplémentaire amèneront de plus en plus au décrochage scolaire, côté élève, et soit à l’élitisme, soit à l’abandon du navire « enseignement », côté professoral.» – Q6), la nécessité également d’un encadrement optimal (« La condition est que les élèves ne soient pas trop nombreux. Le prof peut alors s’occuper des élèves qui éprouvent plus de difficultés de compréhension ou d’image négative d’eux-mêmes. Dans une classe trop nombreuse, le prof doit se transformer en gendarme et la mixité sociale devient nuisible alors qu’elle peut être une richesse. » – Q9), la possibilité enfin d’adapter les méthodes aux différents « types » d’élèves (« Les méthodes doivent être différentes et adaptées suivant les capacités et les niveaux des élèves. Cela ne peut se faire dans une même classe. » – Q20).

On perçoit ainsi une crainte fondamentale chez les enseignants : celle de devoir payer, seuls, le « prix » de la mixité dans les classes. Cette crainte semble être à la base de certaines crispations « affectives » vis à vis du modèle d’école promu par le décret « Missions ». Toutefois, en poussant la réflexion plus loin, la question pour l’enseignant n’est peut-être pas tant d’adhérer ou non à la mixité, mais bien de savoir quel appui structurel, en termes d’accompagnement, d’encadrement et d’outillage pédagogique, est envisagé pour leur rendre la tâche possible.

II.3.2.  Mixité et « rapport à l’école» des élèves
 

«  Le comportement des élèves en classe et la création d’un environnement d’apprentissage sûr et productif sont deux facteurs importants dans de nombreux établissements et peuvent constituer l’un des aspects les plus difficiles du travail des enseignants. À titre d’exemple, l’enquête TALIS montre que dans la plupart des pays, un enseignant sur quatre perd au moins 30% de son temps de classe à la gestion de ces deux facteurs, voire plus de 50% dans certains cas. (…) Il s’agit là d’un problème pour tous les pays, dans une proportion relativement élevée d’établissements et cela pose un défi de taille à l’efficacité de l’apprentissage. »

OCDE, « Créer des environnements efficaces pour l’enseignement et l’apprentissage: premiers résultats de l’enquête internationale sur les enseignants, l’enseignement et l’apprentissage (TALIS) », Résumé en français, juin 2009.

II.3.2. a. Mixité et « rapport à l’école » des élèves : les perceptions des enseignants
 

Il est une réalité dont la politique de mixité – qui se veut une mixité « sociale » avant tout – parle peu et que nous avons déjà évoquée précédemment : celle de l’hétérogénéité en termes de « rapport à l’école» qui, aux dires des enseignants, n’est pas toujours fonction de l’origine sociale. « Ce n’est pas le  « milieu social » qui détermine le ‘niveau scolaire’ mais plutôt  la façon d’accorder de  l’importance à l’école dans tel ou tel milieu. (…) Ce n’est pas une question de milieu social mais de pratiques éducatives. Il y a des milieux soi-disant très élevés où les enfants sont complètement livrés à eux-mêmes. » – Q8. Ainsi, quel que soit le type d’école, il est une évolution qui semble perceptible pour l’enseignant ces dernières années : « Quand les enfants n’ont plus cette stabilité et ces repères dans le milieu familial, [il n’y a] plus de différence, les élèves peuvent être aussi difficiles peu importe leur milieu social d’origine. » – Q17. Ainsi, « que ce soit en milieu ouvrier ou bourgeois, il y a des familles où on valorise l’école et le savoir et des familles où on ne leur attache qu’une importance secondaire. » – Q4.

En cause d’après de nombreux enseignants ?  Le rapport à l’autorité et l’importance donnée par la famille aux études, dans le contexte d’une société poussant sans cesse à l’individualisme et à une consommation effrénée. « La génération des enfants « moi je » est arrivée en secondaire : les jeunes veulent faire ce qu’il veulent quand ils veulent et ont du mal à tenir compte des autres. (…) Il y a des difficultés pour comprendre la situation hiérarchique à l’école : (…) les élèves vivent la relation professeur–élèves comme une égalité. Ils ne comprennent pas qu’on ne s’adresse pas à l’adulte comme à ses copains. » – Q8.

Ce qui est ici mis en évidence est l’écart entre les comportements attendus de la part des enseignants et les comportements « réels » de certains élèves, décrits comme de plus en plus nombreux. Ainsi, au delà de la question de la mixité sociale, les enseignants pointent du doigt les nouvelles difficultés qui se posent au sein même d’un public homogène d’un point de vue socio-économique. Dès lors, la conviction que l’école « fait les frais » d’une certaine évolution de société, à laquelle les nouvelles exigences en termes de mixité sociale viennent se superposer, est largement partagée. Dans ce qu’ils rapportent, beaucoup d’enseignants font implicitement écho à l’analyse de Philippe Meirieu, « la question scolaire ne peut être pensée indépendamment même de notre société et, plus précisément, du statut que cette société donne à l’enfance. Nous sommes face à un phénomène complètement inédit : le caprice, qui n’était qu’une étape du développement individuel de l’enfant, est devenu le principe organisateur de notre développement collectif »[48].

A travers cette question du milieu familial et du rapport à l’autorité, c’est un constat global de « démotivation » des élèves vis à vis du savoir et de l’institution scolaire qui est largement mis en avant par les enseignants interrogés : « L’école n’apparaît plus comme une opportunité mais comme une obligation contraignante. Dans ce contexte, il est illusoire de compter sur le sens de l’effort, la curiosité intellectuelle des élèves. » – Q2.
 

« Dans mes recherches auprès des lycéens, à la question de savoir ce qui était difficile à l’école, la réponse n’a pas varié depuis 20 ans : se motiver. Autrement dit, on n’est plus dans un système qui vous impose des catégories auxquelles vous adhérez, on est dans un système qui vous met en face d’épreuves et qui vous dit : débrouillez-vous, motivez-vous. Ensuite, s’est constituée, à côté de l’école, une offre culturelle considérable qui fait qu’un enfant de 15 ans peut dire que l’essentiel qu’il apprend, il ne l’apprend plus à l’école. Donc, l’école se désenchante culturellement. »

F. Dubet, « L’école, cette désillusion », in Politique, numéro 60, juin 2009, p. 11-15.

II.3.2. b. Mixité et « rapport à l’école » des élèves : quelles solutions pour l’enseignant ?
 

Comment, dans ce climat, envisager une mixité sociale efficiente pour le travail en classe ?  « La mixité est possible à condition que les élèves (…) aient tous l’envie de progresser et de s’améliorer » – Q1. Derrière les appréhensions des enseignants vis à vis de la politique de mixité sociale, se cachent ainsi principalement des craintes en matière d’attitude des élèves envers le travail scolaire, et un constat d’impuissance vis à vis d’une société qui fait de plus en plus « concurrence » – à travers les nouvelles technologies notamment –  à l’institution scolaire.  Il est par ailleurs observable que, si le « rapport à l’école» des élèves semble en crise tous milieux confondus, il dépend aussi au moins partiellement de la composition sociale d’une école. En effet, les écoles au public « favorisé » ont généralement davantage d’élèves ayant une attitude favorable vis à vis de l’apprentissage. Et l’on sait que mettre ensemble des élèves ayant des difficultés d’apprentissage accroît le plus souvent les problèmes pour l’enseignant. Ainsi, ce n’est peut-être pas tant l’origine sociale elle-même qui fait peur que la probabilité qu’une certaine démotivation ambiante se généralise dans les classes.

Nous revenons ici à la question de l’accompagnement des enseignants, face à cette évolution du « comportement » de l’élève moyen dans un contexte d’apprentissage. Notons à cet égard que, selon les premiers résultats de l’enquête TALIS, « lorsque les enseignants considèrent que l’enseignement efficace est une compétence qui peut s’acquérir, la perception des capacités personnelles les aide à mieux analyser et résoudre les problèmes »[49]. Il est dès lors question d’un travail de fond sur le renouvellement des méthodes pédagogiques, des approches disciplinaires et donc, encore une fois, de la formation des enseignants. Il importe, tant dans la formation initiale que continuée, d’accorder une place privilégiée à l’analyse de l’évolution du « rapport à l’école » chez les élèves, c’est-à-dire également à la prise en compte de la dimension socioculturelle de l’apprentissage. L’enjeu est en effet de taille : il s’agit pour l’enseignant, à travers ses pratiques, de parvenir à « redonner sens » à l’apprentissage aux yeux de l’élève. Signalons à cet égard les propositions particulièrement intéressantes  de l’APED[50] :
 

« Nous préconisons une large autonomie pédagogique pour les enseignants, à condition que les objectifs d’apprentissage soient strictement définis et contrôlés. Nous observons néanmoins que certaines pratiques ‘marchent’ mieux que d’autres, permettent mieux d’atteindre les objectifs fixés, et/ou sont plus respectueuses du rapport au savoir des enfants d’origine populaire. Les sciences pédagogiques ont à cet égard une grande importance, comme la connaissance des différentes caractéristiques psychologiques des enfants. Il faut également privilégier les pédagogies qui donnent du sens aux apprentissages, celles qui assurent l’accès à la compréhension et pas uniquement à la mémorisation ou au savoir-faire. (…) Nous n’insisterons jamais assez sur la nécessité d’une formation des enseignants – initiale et continuée – solide et en cohérence avec les quelques principes que nous venons d’énoncer. »

Programme de l’Aped pour un enseignement démocratique en Belgique : « Vers l’école commune », avril 2007.

II.3.3. L’enseignant et les richesses de la mixité
 

Afin de rendre la politique de mixité vraiment efficace, il faut aussi examiner quelles sont chez les enseignants les dispositions favorables à cet égard. Faire de l’enseignant un acteur a priori « anti-mixité » serait en effet une erreur : d’une part parce que beaucoup d’entre eux sont au moins en partie convaincus par le projet de mixité à l’école ; d’autre part parce que cela engendrerait une position « agressive » du législateur, croyant devoir ramer à contre-courant. Il est ainsi nécessaire d’« identifier peu à peu et mettre en valeur des motivations positives, chez les acteurs dominants [ici : les enseignants], pour devenir des agents de transformation sociale responsables dans le sens d’une plus grande mixité et pour accepter que l’école y prépare leurs enfants »[51].

Beaucoup d’enseignants reconnaissent à l’école une mission de « préparation à la vie en société », et envisagent la mixité comme un élément incontournable de ce vivre ensemble : « Il est en effet essentiel que dans nos démocraties, où la mixité sociale va généralement de pair avec la différentiation culturelle et/ou religieuse, que l’on puisse de plus en plus favoriser la multiplicité des contacts entre classes et entre cultures lors de la période critique de la construction identitaire. » – Q11. Ainsi, sans pour autant faire de la mixité une fin en soi, plusieurs enseignants interrogés la reconnaissent comme une réalité à intégrer dans l’institution scolaire : « Parce que l’époque dans laquelle on vit est tournée vers la mixité et la multiculturalité. L’école doit donc s’y adapter également. » – Q3. En allant plus loin encore, certains pensent que l’introduction d’une plus grande mixité dans leur établissement aura des répercussions positives sur la qualité de l’enseignement : « Je pense que les jeunes, lorsque la mixité existe, ont une capacité d’ouverture beaucoup plus grande, ce qui se répercute sur tout leur comportement. » – Q18 ; « Je crois fermement que les différences aident au contraire à surmonter l’échec pour les élèves « faibles » et pour les élèves « doués » à développer leur sens de la solidarité. » – Q6.

Il serait ainsi une erreur à ne pas commettre : assimiler l’ensemble du corps professoral à des conservateurs réfractaires à toute évolution. Comme nous l’avons souligné, non seulement ce n’est pas le cas, mais plus encore, il existe chez les enseignants des appuis indéniables à la politique de mixité : des convictions en faveur d’une société démocratique et bigarrée, une appréhension des difficultés mais aussi des richesses de la mixité et, à travers cela, une véritable « pratique » de la mixité, grâce à un ancrage dans une réalité de terrain. L’enjeu est de taille : comment éviter que la politique de mixité sociale ne soit imposée de manière artificielle, mais faire qu’elle s’appuie au contraire sur les expériences positives préexistantes ?  Comment engager les enseignants dans ce processus de mixité qui est déjà en cours ?  Il s’agit-là d’un défi dont l’enjeu est important à relever. En effet, de l’avis de certains enseignants, « si l’effort est commun et bien mené alors la récompense le sera tout autant. » – Q5.

Cette réflexion de fond, « cet effort commun », ne doivent-ils pas avant tout être menés à l’échelle de chaque établissement scolaire ?  La « mixité sociale » ne peut-elle prendre plusieurs teintes, et être enrichie par l’expérience des enseignants et le projet pédagogique de chaque école ?  N’est-ce pas aussi cette autonomie – non dans les fins mais dans les moyens – qui peut faire de la mixité une réalité vivante et efficiente à l’école ?  Il s’agit pour l’école d’oser « poser clairement et au grand jour cette question de la justice sociale, de façon qu’elle ne soit réservée ni au pouvoir organisateur ni à un cénacle de convaincus. »[52]. En effet, les convictions favorables existant à ce sujet – à côté des craintes – au sein du corps professoral sont à mobiliser pour faire de la mixité un véritable projet collectif au sein de chaque établissement. L’uniformisation des pratiques et des règles (à l’inscription notamment) recherchée par le politique risquerait en effet, si elle tendait à s’ « absolutiser », de mettre à mal certains enthousiasmes du terrain.

Dans cette optique, il nous semble, comme déjà évoqué, que la politique de mixité doit veiller à laisser un espace à la liberté pédagogique des enseignants. L’enjeu est de ne pas considérer ces derniers comme de simples exécutants d’emblée récalcitrants au changement, mais bien comme de véritables professionnels de l’éducation capables de trouver à travers leur pratique leurs propres réponses aux défis posés par la mixité. Dans ce contexte, le rôle des autorités scolaires serait avant tout de fixer les objectifs communs à atteindre, tout en veillant à octroyer les ressources nécessaires aux enseignants et aux établissements en termes de formation et d’outillage pédagogique pour faciliter leur travail de conception et de coordination.

II.4. Enquête de terrain : un bilan provisoire ?
 

Quels enseignements peut-on tirer des témoignages des participants à notre enquête ?

Soulignons d’abord la diversité des points de vue exprimés : il ne peut s’agir de mettre en avant une seule « thèse » ou un seul « remède », pas plus qu’il n’est possible de parler d’un système de pensée typiquement « enseignant ». Néanmoins quelques constats semblent presque unanimement partagés par les enseignants interrogés : l’impression d’être emprisonnés dans un système rigide et porteur d’inégalités et d’être pressés de toutes parts par des demandes de plus en plus contraignantes ; le sentiment de devoir faire face à un réel changement de société dans le « rapport à l’école » de l’élève et d’en faire les frais ; plus globalement, la crainte de voir la « qualité » éducative de l’enseignement en Communauté française de Belgique mise au bûcher de la mixité.

De la même manière, un besoin est régulièrement souligné : celui d’être soutenus au quotidien tant humainement – en termes de soutien pédagogique – qu’en termes de moyens. Parallèlement, est mise en avant la nécessité d’une cohésion entre les enseignants et les autres acteurs en présence  (directions d’écoles et parents d’élèves), afin que les efforts soient conjoints pour l’élaboration d’un projet pédagogique fort[53], au service des élèves, autour de la mixité.

Par ailleurs, malgré les craintes fréquemment exprimées, nous n’avons pas perçu à travers notre enquête une foncière hostilité envers la politique de mixité sociale à l’école : les nuances et les réserves portent généralement sur le « comment », et non sur la pertinence intrinsèque de cette nouvelle mission. Plus encore, un certain « idéal » en faveur de la mixité semble exister… contré par un sentiment d’impuissance que seules de nouvelles perspectives et une réflexion plus large tant en en amont qu’en aval peuvent permettre d’enrayer.

III. Quelles pistes pour conclure ?
 

Nous l’avons vu, la question de la position de l’enseignant vis à vis de la mixité sociale à l’école se pose dans le cadre plus général du sens de l’institution scolaire dans une société en pleine transformation. Dans ce contexte de profonde mutation, alors que l’école est remise en question tant sur le plan sociétal que politique, il convient de redonner « corps » à la pratique de l’enseignant, en s’interrogeant à la fois sur le sens des missions qui lui sont assignées et sur leur concrétisation dans une pratique quotidienne.
 

« Le sens pour les profs ?  Voilà une matière pour plusieurs articles, recherches, mémoires ou doctorats. Au risque d’être simpliste, je considère que ce n’est rien de moins que l’image du métier et son sens qui doivent changer. Normal dans un monde qui bascule. (…) Il [leur] faudra le plus souvent ramer à contre-courant (…). Refuser (…) de se laisser envahir par l’amertume (…). Accepter de jouer plusieurs ‘rôles’ et s’y former. (…) Inutile de préciser que, dans ces perspectives, les formations initiale et continuée sont à réformer de fond en comble.»

J. Liesenborghs, « Pour des assises de l’éducation », in Politique, numéro 60, juin 2009, p. 20-21.
 

Ainsi, s’il est bien sûr indispensable, comme nous l’avons évoqué, de s’attaquer aux raisons structurelles qui « freinent » l’adhésion des enseignants à la politique de mixité, il est aussi nécessaire de penser cette politique dans une réflexion plus profonde encore : comment peut-elle « faire sens » pour l’enseignant, et plus largement comment « redonner sens » à sa pratique ?  A travers notre étude, nous avons évoqué plusieurs pistes : formation en adéquation avec les missions assignées ; projet pédagogique fort dans chaque établissement veillant à intégrer la mixité, afin d’éviter de créer des écoles « standardisées » où chaque enseignant serait réduit à un rôle d’exécutant ; évaluation de la pratique de l’enseignant non dans une optique de contrôle, mais pour une plus grande reconnaissance et un meilleur dialogue, etc. L’enjeu réside donc dans la création d’espaces où les défis posés par la mixité au quotidien dans l’école peuvent être discutés, explorés, partagés. La vie des établissements scolaires, les moments de formation pour enseignants, mais aussi les liens interpersonnels entre acteurs de l’école doivent devenir occasions d’une réflexion vivante s’ancrant dans une pratique de terrain.

Il s’agit ainsi d’élaborer des nouvelles « méthodes » qui permettent d’inclure l’enseignant dans la réflexion et la mise en œuvre de la mixité à l’école. Les questions soulevées par la politique de mixité sociale dépassent en effet largement le « bon vouloir » des acteurs en présence : c’est l’école dans ses fondements mêmes qui est interrogée.
 

 « Ce qui est en crise aujourd’hui, c’est le sens des apprentissages. Pendant très longtemps, l’école avait un projet éducatif vigoureux. (…) Pour les plus grands, existait une sorte de motivation culturelle, les grands étaient déjà des « croyants », ils croyaient à la culture et à l’éducation scolaire.

Quand vous êtes dans une école de masse, c’est le désajustement complet. (…)

Nous sommes donc face à un déficit du projet éducatif. On est tellement obsédé par l’égalité des chances, l’égalité des performances, la rentabilité de l’école, la recherche d’un emploi, qu’on a quasiment perdu de vue que l’école avait une fonction éducative ; c’est-à-dire qu’elle devait transmettre une morale, un plaisir d’être ensemble, une manière de collaborer avec d’autres, bref transmettre un ensemble de vertus sociales. »

F. Dubet, « L’école, cette désillusion », in Politique, numéro 60, juin 2009, p. 11-15.
 

Dans ce contexte, ouvrir de nouvelles perspectives passe notamment par une écoute attentive des convictions et perceptions des acteurs de l’école, comme nous avons tenté de l’ébaucher à travers cette étude. Cette entreprise a pour fin de déconstruire certaines de ces « croyances » et de prendre appui sur d’autres, afin de rendre effective la mixité sociale à l’école. Une telle tâche peut sembler, si elle est menée jusqu’au bout, d’une ampleur considérable. Elle est pourtant nécessaire pour nourrir la réflexion politique et rendre les mesures « pro-mixité » mieux acceptées et intégrées sur le terrain que par le passé. Il est à cet égard intéressant de signaler de récentes initiatives du politique qui sont encourageantes, principalement en ce qui concerne l’amélioration de la formation des enseignants (allongement des études à 5 ans, nouvelles exigences en terme de formation continuée).

Ainsi, si le système scolaire en Communauté française de Belgique est aujourd’hui encore trop complice d’inégalités et d’exclusions, il est un travail de fond à entreprendre pour faire de l’enseignant un véritable allié de la mixité sociale à l’école : il s’agit de  promouvoir, soutenir et accompagner toute initiative et tout projet allant dans le sens d’une meilleure qualité du travail pédagogique des enseignants. Le défi est de taille : devant la crise identitaire que traverse l’enseignant au sein d’une institution en perte de sens, il s’agit de « recréer » un modèle de professionnalité et d’outiller l’enseignant en conséquence. L’optique du décret « Missions »  –  qui est de rendre l’enseignement en Communauté française de Belgique plus équitable et plus efficace – ne peut être poursuivie que si l’on prend la mesure du changement  opéré dans la teneur du travail de l’enseignant. C’est à ce prix seulement que la mixité sociale pourra devenir une réalité profitable à la qualité de l’enseignement.

Nous ne pourrons le contourner, l’instauration de la mixité sociale à l’école passera inévitablement par un changement de système, en s’attaquant aux logiques de ségrégation qu’il engendre. Mais le véritable défi ne se situe-t-il pas dans la co-responsabilisation de l’ensemble des acteurs concernés ?  Aucune réforme ne pourra être efficiente sans le concours de tous : d’un pouvoir politique plus « régulateur » qu’ « opérateur », de directions d’école – appuyées par les pouvoirs organisateurs –  porteuses au sein de leurs établissements de vrais projets pédagogiques et capables de soutenir les enseignants dans leurs multiples tâches, d’enseignants mieux formés et considérés comme de véritables « praticiens réflexifs», de parents d’élèves soucieux de prendre part à la mission « éducative » de l’institution scolaire. Ainsi, pour l’enseignant comme pour les autres acteurs de l’école, il s’agira de faire de la mixité une réalité vivante, au sein d’une institution bénéficiant des moyens nécessaires au renouvellement de ses missions.

L’actualité récente a encore une fois montré combien la question du financement de l’enseignement et des conditions de travail des enseignants était un sujet sensible et crucial. Il est plus que jamais important de se pencher sur l’adéquation entre objectifs à poursuivre – dont la mixité sociale fait partie – et moyens mis en œuvre. Une écoute des besoins réels des enseignants est indispensable, si nous voulons que la question de la mixité sociale se pose dans un climat apaisé, pour arriver à cette « transformation par le bas » d’une école encore trop complice d’inégalités et d’exclusions.



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Notes :

  • [1] Le programme PISA (acronyme pour « Programme international pour le suivi des acquis des élèves ») est un ensemble d’études de l’OCDE visant à mesurer les performances des systèmes éducatifs des pays membres. Leur publication est triennale.

    [2] A propos du décret « Missions », voir point I.3.

    [3] Bien que nous y fassions allusion, nous avons choisi de ne pas nous étendre au long de cette étude sur la dimension « culturelle » de la « mixité sociale », considérant qu’il s’agit d’une question trop complexe pour être traitée en même temps que la dimension « sociale ».

    [4] M. Demeuse et C. Monseur, « Analyse critique des mécanismes déterminant l’attribution des moyens destinés à la politique de discrimination positive en Communauté française de Belgique », Communication présentée au XIIIe Colloque de l’Association pour le Développement des Méthodologies de l’Evaluation en Education. Dijon (France), 1999.

    [5] Le CGé : « Changements pour l’Egalité », mouvement sociopédagogique en Communauté française de Belgique (http://www.changement-egalite.be/).

    [6] A cet égard, il est aussi intéressant de se pencher sur le rôle des institutions autres que l’école dans la lutte contre les inégalités (administration, média, etc.).

    [7] E. Mommen, « Pour l’égalité, pensons une stratégie », in Traces n°179, CGé, 2007.

    [8] Parmi ces aspirations, revient souvent le souci d’un enseignement de « qualité » : « Cette peur de voir décliner la qualité  de l’enseignement est présente chez beaucoup de professeurs et [de] parents (…). Elle est tout à fait compréhensible : quel formateur et quel parent trouveraient peu important d’assurer chez un jeune le meilleur progrès intellectuel possible et de lui permettre de poursuivre des études, au-delà du secondaire, dans la voie qu’il choisira ? » (F.-X. Druet et M. van der Bremt, « Il n’est pas si dangereux de se pencher par la fenêtre. Invitation à la mixité sociale », cahier pédagogique de Interfaces, février 2009.)

    [9] Voir à ce sujet l’étude de B. Galand, « Inscriptions scolaires et mixité sociale, beaucoup de bruit pour rien ? », CGé, décembre 2007 : « Ces difficultés concernent un nombre non négligeable de familles, qui ne peuvent inscrire leur enfant dans l’école de leur choix. Elles ne se manifestent pas sous forme de files devant les écoles mais conduisent à des ségrégations, à des inscriptions dans des options non désirées ou à des relégations, qui peuvent être lourdes de conséquences : démotivation, découragement, « maladie », décrochage, … ».

    [10] Notons qu’il existe certains projets en ce sens, notamment « l’école démocratique » dont nous reparlerons plus loin.

    [11] Hormis bien sûr la présence des organisations syndicales dans l’élaboration de cette politique.

    [12] Christian Dupont cité dans « Décret ‘Missions’ : ambitions utopiques ? », in Politique, numéro 60, juin 2009, p. 34-37.

    [13] B. Cattonar et C. Maroy, « Les effets des politiques scolaires sur la (dé)professionnalisation des enseignants », in Y. Frenay et C. Maroy, C. (dir.), « L’école, six ans après le décret missions. Regards interdisciplinaires sur les politiques scolaires en Communauté française de Belgique », Presses Universitaires de Louvain, 2004, p. 99-119.

    [14] E. Morin, « Pour penser l’école de demain », conférence prononcée en ouverture des « 50 ans des Cahiers pédagogiques », 1995.

    [15] Ces trois aspects font par ailleurs partie de la définition des « compétences » telles que promues dans les nouveaux programmes : « savoir, savoir-faire, savoir être ».

    [16] L’enseignement par « compétences », en place depuis le début des années 2000, est inspiré directement du langage de l’entreprise et de son fonctionnement. A ce sujet, on peut lire : P. Zarifian, « L’émergence du modèle de la compétence », in F. Stankiewicz dir. Les stratégies d’entreprises face aux ressources humaines, l’après-taylorisme, Paris, Economica, 1988, p. 77 ;  et M. Romainville, « L’irrésistible ascension du terme compétence », in Enjeux n°37/38, mars/juin 1996, p. 134-138.

    [17] L’organisation en réseaux a été fixée par le « Pacte scolaire », voté le 29 mai 1959.

    [18] M. Demeuse, « La politique de discrimination positive en Communauté française de Belgique : une méthode d’attribution des moyens supplémentaires basée sur des indicateurs objectifs », Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale, Université de Liège, janvier 2000.

    [19] B. Delvaux, « Régularisation des inscriptions et réalité bruxelloise », in Agenda Interculturel n°271, mars 2009.

    [20] On peut lire à ce sujet : J. Beckers, « Comprendre l’enseignement secondaire. Evolution, organisation, analyse », De Boeck université, 1998.

    [21] M. Demeuse, « La politique de discrimination positive en Communauté française de Belgique : une méthode d’attribution des moyens supplémentaires basée sur des indicateurs objectifs », Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale, Université de Liège, janvier 2000.

    [22] Dans la lignée de cette politique, la question de l’encadrement différencié est aussi envisagée pour le futur.

    [23] On peut lire l’intégralité du décret sur : http://www.segec.be/fedefoc/podiro/cf_d%E9cret%20missions.htm

    [24] C’est ce que l’on appelle le « continuum pédagogique ».

    [25] Pour une présentation sommaire des « profils » des enseignants sondés : voir annexe 1. Le questionnaire tel qu’il a été envoyé aux enseignants se trouve en annexe 2.

    [26] Nous avons écarté les personnes qui n’étaient manifestement pas/plus enseignantes.

    [27] Nous avons tenté d’interroger des enseignants du réseau officiel, mais les contacts pris n’ont pas abouti.

    [28] On parle depuis la rentrée scolaire 2009 d’écoles à « encadrement différencié et renforcé ».

    [29] D. Carlier, « La dualisation des résultats scolaires à Bruxelles », in Agenda Interculturel n° 271, mars 2009.

    [30] L’expression est empruntée à : B. Cattonar et C. Maroy, « Les effets des politiques scolaires (…), op. cit.

    [31] Les réponses individuelles au questionnaire sont numérotées de Q1 à Q20 – voir annexe 1.

    [32] A ce sujet, on peut lire : R. Wattiez, « Réduire les inégalités ou comment passer contrat avec l’école … sans oublier les parents ! », in Le Ligueur, 27 avril 2005.

    [33] L’acronyme « nimby » provient de l’anglais « Not In My Back Yard » qui signifie « pas dans mon arrière-cour ».  Nimby désigne une position éthique et politique, qui veille à ne pas tolérer de problèmes dans son environnement proche.

    [34] A ce sujet, notons également qu’au sein de chaque établissement, une « culture de réunions » s’est parallèlement imposée, suscitant chez l’enseignant l’impression d’avoir peu de liberté, et peu de temps pour faire son « vrai » travail.

    [35] Expression empruntée à Freidson, E., dans « Professionnalism Reborn. Theory, Prophecy and Policy», Chicago, The University of Chicago Press, 1994.

    [36] Depuis septembre 1994, une organisation par cycle de deux ans a été généralisée dans le premier degré où les professeurs tiennent compte du rythme d’apprentissage et du niveau de l’élève. Ce n’est qu’au terme du degré qu’intervient l’évaluation certificative. Celle-ci vérifie l’acquisition de socles de compétences pour l’admission de l’élève en troisième année.

    [37] Voir à cet égard l’accord gouvernemental pour la Communauté française (à consulter ici : http://www.enseignons.be/actualites/2009/07/15/olivier-enseignement-programme/).

    [38] A propos des « bassins scolaires », le « plan Marshall 2. Vert » parle de « découpage du territoire wallon en bassins de vie au sein desquels les écoles seront invitées à se parler et à collaborer pour éviter les doubles emplois et optimaliser les moyens : prêt de matériel, échange de professeurs… » (cfr Le Soir, 26 juin 2009).

    [39] C. Maroy, « L’enseignement secondaire et ses enseignants »,  De Boeck, 2002, p. 258.

    [40] L’enquête ne porte malheureusement pas sur la Communauté française. Un résumé en français des résultats de l’enquête est consultable ici : http://www.oecd.org/dataoecd/1/14/43049958.pdf

    [41] Extrait de la conférence de presse lors de la parution du rapport « Creating Effective Teaching and Learning Environments », par M. Angel Gurria, Secrétaire général de l’OCDE, juin 2009. http://www.oecd.org/document/27/0,3343,fr_2649_39263231_43056795_1_1_1_1,00&&en-USS_01DBC.html

    [42] Ces éléments sont issus du résumé en français des résultats de l’enquête TALIS, Ibid.

    [43] Voir à ce sujet : C. Guttman, « Définir la qualité et l’inégalité dans l’éducation », in Chronique ONU, 2005.

    [44] Nous développerons la question de la « discipline », c’est-à-dire de l’attitude de l’élève vis à vis du savoir et de l’école en général, dans le point suivant.

    [45] F.-X. Druet et M. van der Bremt, « Il n’est pas si dangereux de se pencher par la fenêtre. Invitation à la mixité sociale », cahier pédagogique de Interfaces, février 2009.

    [47] Voir à ce sujet : N. Dauphin, « Enseignant : aider une profession à se repenser », in « Paradoxale école », Étopia, semestriel n° 06, avril 2009, p. 33-49.

    [48] P. Meirieu, « L’école face à la barbarie consommatrice », in Le Monde, 22 mars 2007.

    [49] OCDE, « Créer des environnements efficaces pour l’enseignement et l’apprentissage : premiers résultats de l’enquête internationale sur les enseignants, l’enseignement et l’apprentissage (TALIS) », Résumé en français, juin 2009.

    [50] L’ Appel pour une école démocratique (Aped) est un « mouvement Belge de réflexion et d’action qui milite en faveur du droit de tous les jeunes d’accéder à des savoirs porteurs de compréhension du monde et à des compétences qui leur donnent force pour agir sur leur destin individuel et collectif », né en 1995. Site Internet : http://www.skolo.org/

    [51] F.-X. Druet et M. van der Bremt, « Il n’est pas si dangereux de se pencher par la fenêtre. Invitation à la mixité sociale », cahier pédagogique de Interfaces, février 2009.

    [52] F.-X. Druet et M. van der Bremt, « Il n’est pas si dangereux de se pencher par la fenêtre. Invitation à la mixité sociale », cahier pédagogique de Interfaces, février 2009.

    [53] Dans le même ordre d’idées, nous pouvons citer les propos de Claude Paquette : « La responsabilité collective se construit quand des projets concrets se mettent en œuvre, projets porteurs de résultats et de fierté. Dans les établissements scolaires, je trouve que l’on manque désespérément de projets ambitieux qui ont des répercussions dans chacune des classes et dans l’établissement lui-même. (…) La responsabilité collective se développe par des projets collectifs significatifs et ambitieux. » C. Paquette, « Les valeurs qui habitent un vieux rêve » in Vie Pédagogique 126, février-mars 2003, p. 23-25.

    [54] On parle depuis la rentrée scolaire 2009 d’écoles à « encadrement différencié et renforcé ».

    [55] GT = « général de transition » / TT = « technique de transition » / TQ = « technique de qualification » / P = « professionnel ».