L’espace, la poubelle de demain
Comment motiver un jeune à l’heure actuelle ? Voilà bien la question qui hante l’esprit de tout enseignant. Le professeur Pierre Bolly, du Collège Saint-Michel à Bruxelles propose à ses élèves plusieurs projets susceptibles de les enthousiasmer. Cet article coécrit par un groupe d’élèves présente un travail de fin d’études pas comme les autres.
Le monde est en mouvement, de plus en plus complexe, les moyens techniques sont de plus en plus efficaces, l’école n’est plus le centre de la vie. À l’école, dans la plupart des cas, les travaux des élèves ne sont lus que par le professeur avant d’atterrir aux archives. Dans ce contexte, l’enseignant est appelé à faire preuve de créativité.
Depuis quelques années, je me suis dit qu’il faut donner des défis aux élèves, leur proposer un projet qui leur permette d’être valorisés en étant vus et en produisant un écrit qu’ils peuvent montrer.
Aussi, dans le cadre du cours de mathématique 6 périodes/semaine (+2), je les engage à participer au colloque dédra-math-isons organisé par le professeur Ben Naoum de l’École Polytechnique de Louvain-la-Neuve où ils font un exposé devant un auditoire de centaines de jeunes de leur âge avant de présenter un atelier. Ou encore de participer à l’Expo-Sciences des Jeunesses Scientifiques de Belgique où ils tiennent un stand pendant deux jours pour présenter leur recherche (en plusieurs langues) à un public varié de très jeunes aux très vieux, de néophytes à des adultes spécialistes.
Il faut donner des défis aux élèves, leur proposer un projet qui leur permette d’être valorisés.
Voilà une manière de les mettre en vitrine à travers des projets où le travail final doit forcément être bon puisqu’il sera au vu de tous. Le professeur devient alors une aide plus qu’un juge. Les élèves ne peuvent gagner que la possibilité d’aller à une autre Expo-Sciences dans un autre pays (accompagné d’un membre des Jeunesses Scientifiques).
De nombreux sujets ces dernières années ont un aspect citoyen. L’évolution du monde, la pauvreté, le développement durable interpellent les jeunes. Par exemple, un groupe a conçu une pharmacie-frigo pour les pays ensoleillés. Ici, les jeunes se sont inquiétés des dangers de trop d’engins (parfois en petits morceaux) dans l’espace.
Voici le récit de leur aventure
Dans le cadre de notre TFE (Travail de fin d’études) du cours de mathématiques, nous nous sommes intéressés à la problématique des déchets spatiaux qui orbitent autour de notre planète. C’est un travail que nous avons pris réellement à cœur et nous avons même eu la chance de participer à l’Expo-Sciences qui s’est déroulée les 28 et 29 avril 2017 à Bruxelles. Des milliers de jeunes passionnés de sciences, belges mais aussi internationaux se sont retrouvés pour partager leur(s) projet(s) préparé(s) tout au long de l’année.
Nous aimerions ici présenter brièvement notre sujet mais également le cheminement qui nous a permis d’arriver à cette expo-sciences, la démarche pédagogique que notre professeur de mathématiques a adoptée avec nous…
Notre travail a commencé vers octobre quand notre professeur nous a expliqué que nous serions amenés à réaliser, d’ici la fin de l’année, un travail de fin d’études. Nous devions former des groupes de 3 à 5 personnes et prendre soit une thématique imposée par le professeur soit une de notre choix ; du moment que nous puissions y inclure des mathématiques ou plus généralement des sciences pour pouvoir l’expliquer et la traiter.
L’évolution du monde, la pauvreté, le développement durable interpellent les jeunes.
Après avoir formé notre groupe, nous nous sommes donc demandé ce que nous pourrions bien analyser au moyen des connaissances scientifiques dont nous disposions. Il s’est vite avéré que « l’espace » était un excellent choix. Cependant, ce thème restait très vaste et surtout très vague. Il fallait donc absolument cibler le plus possible pour arriver à quelque chose de précis et d’exploitable sans bêtement survoler le sujet. L’un de nous est alors tombé sur une émission qui parlait de pollution… spatiale. Il nous en a fait part et nous nous sommes directement dit que nous pourrions le creuser : il y avait là de quoi produire un excellent travail et notre professeur a immédiatement approuvé notre choix.
C’est à ce moment que l’aventure a vraiment commencé ! Il a fallu réunir toute la documentation accessible (internet, bibliothèque de l’école, livres scolaires, etc.). Nous avons commencé à nous réunir chaque semaine pour commencer à ébaucher une structure de notre travail. Après quelques réunions et de longues heures de travail minutieux, nous avons montré notre « premier jet » à monsieur Bolly. Grâce à ses précieux conseils, nous l’avons peaufiné, amélioré et sommes arrivés à un résultat concluant. Certes, le TFE était terminé (d’un point de vue purement scolaire du moins) mais il fallait se préparer à l’Expo-Sciences de Tours et Taxis. Nous nous sommes alors attardés à penser la décoration d’un stand qui attirerait directement l’œil des visiteurs. Nous ne disposions que de deux grands panneaux et d’une table pour présenter notre matériel et les décorations. Nous avons pris les quelques après-midis précédant l’exposition pour préparer le matériel ! Dessins, écrans, animations, schémas, maquettes furent aussi soigneusement mis en place. Nous étions fin prêts pour que l’Expo-Sciences se déroule dans les meilleures conditions possibles.
Le fait d’avoir travaillé en groupe pour mener à bien ce projet et ensuite d’avoir participé à cette Expo fut une expérience plus qu’enrichissante et ce à plusieurs points de vue.
Tout d’abord, ce travail en groupe était l’occasion de tester nos capacités à travailler en groupe. Dans notre vie universitaire, nous allons surement être amenés à réaliser des travaux de ce genre. Il fut donc intéressant de voir ce qui fonctionnait dans le groupe et ce qui restait à améliorer. En effet, notre cohésion nous a permis de mener ce travail dans un esprit très productif, il devenait à la fin même très agréable d’être en groupe et de voir les chapitres se construire…
Ensuite, nous avons dû utiliser le matériel ou les logiciels scientifiques adaptés pour écrire nos équations, calculer des dérivées ou intégrales, etc. Ce sont également de grands apports pour nos futurs travaux… Ils sont aujourd’hui un apprentissage quasi-indispensable pour ceux qui veulent entamer des études scientifiques.
Enfin, nous avons appris à vulgariser un sujet qui peut paraître un peu compliqué à expliquer. En effet, le travail que nous avons rendu à notre professeur était plein de calculs, de notions scientifiques et mathématiques précises qui requièrent certaines bases pour être comprises entièrement. Or, le public allait de petits enfants de 6-7 ans à des adultes de plus de 70 ans. C’est pourquoi, il fallait s’adapter à chaque personne, chaque public, en allant plus ou moins loin dans des raisonnements abstraits. Ce fut un excellent exercice et nous pensons qu’il a été plutôt bien mené !
Notre cohésion nous a permis de mener ce travail dans un esprit très productif, il devenait à la fin même très agréable d’être en groupe et de voir les chapitres se construire…
Venons-en à présent au vif du sujet, « Les Poubelles de l’Espace » …
Depuis le début de la conquête spatiale qui a commencé vers la fin de la seconde guerre mondiale avec le lancement des V2 allemands, l’homme n’a cessé d’envoyer des objets dans l’espace (satellites de télécommunication, militaires, pour faire fonctionner les GPS, navettes spatiales, etc.). Tout ceci peut sembler incroyable mais nous regardons sans cesse de l’avant sans jamais nous rendre compte de tout ce que nous laissons derrière nous. Par exemple, lorsqu’une fusée est lancée en dehors de notre atmosphère pour y amener un satellite ou pour acheminer du matériel jusqu’à l’ISS (Station Spatiale Internationale), elle se sépare tout au long de son vol : la fusée est divisée en plusieurs étages qui contiennent du carburant. Quand un des étages n’a plus de carburant, il est séparé de la fusée et retombe éventuellement sur terre (si la fusée est toujours dans l’atmosphère) mais les derniers étages resteront en orbite après s’être séparés de la fusée en dehors de l’atmosphère. Ces « déchets » présentent alors un grand risque de collision étant donné qu’ils sont lancés à des milliers de kilomètres/heure. Il y a d’ailleurs déjà eu plusieurs collisions dans l’espace, qui n’ont fait qu’augmenter le nombre de débris présents autour de notre planète. Les dégâts qu’ils peuvent occasionner sont impressionnants. À titre d’exemple, une petite bille d’un millimètre en acier peut transpercer 18 cm d’aluminium quand elle est lancée à près de 15 km/s !
Les scientifiques sont assez inquiets de cette « pollution spatiale », vu qu’elle pourrait complètement bloquer l’espace et même aller jusqu’à perturber les satellites de télécommunication, dont on ne peut se passer actuellement ! On nous parle aujourd’hui d’aller sur Mars, mais comment y arriverons-nous si nous ne pouvons même plus sortir de notre orbite terrestre ?
Ils ont donc commencé à se pencher sur des solutions qui permettraient de nettoyer l’espace afin de pouvoir continuer l’aventure spatiale. Nous avons analysé plusieurs de ces solutions mais nous sommes arrivés à la conclusion qu’elles sont toujours en phase d’essais. En effet, il n’y a pas, aujourd’hui, une recette miracle. Néanmoins, les propositions sont assez prometteuses.
Par exemple, une université suisse a imaginé un « camion poubelle de l’espace » doté d’une pince pour attraper les déchets qui seraient renvoyés dans l’atmosphère pour y être consumés. Les Japonais ont inventé un énorme câble qui peut être déployé derrière un satellite pour capter les objets aimantés au moyen d’un champ magnétique que l’on ferait passer à l’intérieur de celui-ci. Dernier exemple (déjà en place sur l’ISS), un bouclier composé de plusieurs couches d’aluminium espacées de quelques millimètres. Il peut arrêter pas mal de projectiles, mais il prend beaucoup de place et reste assez lourd.
L’excellence, c’est cela, c’est permettre à chacun d’aller le plus loin par rapport à ses qualités propres et, pour cela, chaque élève mérite un soin particulier.
Voilà, plutôt que le détail de leur travail, les élèves ont présenté leur parcours. Je suis très fier de ce que les jeunes d’aujourd’hui parviennent à réaliser. Cela démontre qu’il ne faut pas être pessimiste par rapport à demain. Mais il faut demander aux jeunes de s’engager, de prendre position, d’agir.
Une dernière chose : ce ne sont pas nécessairement les élèves les plus scolaires qui ont produit les meilleurs travaux. J’ai de nombreux cas où des élèves moyens se sont transcendés pour aboutir à de merveilleux projets. L’excellence, c’est cela, c’est permettre à chacun d’aller le plus loin par rapport à ses qualités propres et, pour cela, chaque élève mérite un soin particulier (la cura personalis des jésuites).