Petit guide pratique d’initiatives locales et alternatives
(Partie 3)
Les deux premières parties de ce petit guide pratique se sont attachées à présenter des initiatives alternatives en matière de consommation d’une part et d’habitat et de logement d’autre part. Cette troisième partie s’attaque au domaine de la mobilité et des moyens de transport. Petit tour d’horizon des initiatives qui existent en la matière…
Introduction
Dans les deux premières parties de ce petit guide pratique d’initiatives locales et alternatives, nous nous sommes attachée à passer en revue la diversité d’initiatives qui existent dans les domaines de la consommation (alimentaire et autre) d’une part, et d’autre part les possibilités d’alternatives qui émergent dans le domaine du logement et de nos manières d’habiter un quartier. Cette troisième analyse s’attaque à la question de la mobilité et des moyens de transport.
Aujourd’hui, c’est plutôt le « tout à l’auto » qui prévaut. Quelques constats pour commencer… Tout d’abord, qu’en est-il du taux de motorisation[1] en Belgique ? L’Observatoire de la mobilité de la Région de Bruxelles-Capitale (RBC) nous renseigne[2] : en 2013, le taux de motorisation moyen des Belges était de 0,495 voiture par habitant, soit près de 1 voiture pour deux habitants (en 1990, ce chiffre était de 0,388, et en 2010 de 0,487). Les Bruxellois, quant à eux, possédaient en moyenne 0,441 voiture par habitant en 2013[3].
Ensuite, quelques chiffres en vrac : « 65% des déplacements sont réalisés en voiture, dont 22% font moins de 5 km ; ensemble les Belges parcourent 5.240 fois le tour de la Terre en voiture chaque jour et plus de 70% de l’espace public est consacré à la voiture (voirie, parking…) »[4]. Le mode de transport des Belges repose donc aujourd’hui essentiellement sur la voiture.
Enfin, a-t-on une idée du temps moyen d’utilisation des voitures particulières ? D’après l’Observatoire de la mobilité de la RBC[5], les Belges utilisent, en moyenne, le premier véhicule du ménage à raison de 34,5 minutes par jour. Cela donne donc un taux d’immobilisation[6] de 97,6%. Pour les résidents bruxellois, ce taux grimpe à 97,9%. En cas de possession d’un deuxième véhicule par le ménage, la durée de son utilisation baisse à 29,2 minutes par jour en moyenne pour les Belges, et à 19,8 minutes pour les Bruxellois. Ces chiffres posent question en termes d’utilisation de l’espace public consacré au stationnement, mais ouvrent aussi la réflexion en faveur du carsharing.
Tout cela pose d’énormes défis écologiques. Il y a lieu, évidemment, de porter des revendications dans l’arène publique pour que des mesures soient prises qui favorisent l’amélioration et le développement des transports en commun, l’aménagement de pistes cyclables, qui prennent en compte l’aménagement du territoire dans les réflexions au sujet de la mobilité, etc. La réglementation et la fiscalité sont certainement un aspect de la solution pour obtenir des changements vers une mobilité plus durable.
Cependant, des initiatives citoyennes alternatives existent qui tentent de relever ce défi écologique par le biais de nos manières de nous déplacer, en remettant en question la prévalence de la possession de voitures et de l’utilisation qu’on en fait. Un de leurs atouts est sans doute qu’elles suscitent de l’intérêt et de la sympathie pour les alternatives au modèle dominant de « l’autosolisme ».
Bien sûr, la situation est différente selon que l’on se situe en zone urbaine ou en zone rurale[7] et cette donnée doit être prise en compte dans les possibilités que chacun voit pour participer à l’effort de remise en question du « tout à l’auto ». Petit tour d’horizon de ces initiatives…
Les transports et la mobilité
Le carsharing
Le carsharing, c’est le partage de voitures. Plusieurs systèmes existent (voir les liens utiles), mais ce qu’ils ont tous en commun, c’est de mettre en évidence que c’est l’usage d’un véhicule motorisé dont on a besoin, pas forcément de la possession d’une voiture… Cela nécessite une réflexion sur ses besoins : le besoin essentiel derrière la possession d’une voiture, c’est celui de mobilité, et ce besoin est important à combler. Deux types de possibilité existent : 1) un système comme celui de Cambio, qui met des véhicules en libre-service à disposition de particuliers, 2) un système comme celui d’Autopia (asbl) ou CarAmigo (société privée), où un particulier met sa voiture à disposition d’autres particuliers, l’organisation intermédiaire offrant des services tels que la gestion des assurances, etc. Taxistop propose également un service de partage de véhicules adaptés pour personnes à mobilité réduite. Enfin, des initiatives existent aussi, grâce à l’engagement de bénévoles, pour les personnes « moins mobiles » (voir liens utiles).
« On utilise une voiture uniquement quand on en a vraiment besoin, et grâce à Cambio, on n’a jamais de problème de parking ! »
Myriam et Eric
Liens utiles :
Cambio : www.cambio.be
Zen-car (voitures électriques en libre-service) : www.zencar.eu
Autopia : www.autopartage.be
CarAmigo : www.caramigo.be
Avira, échange de véhicules adaptés pour personnes à mobilité réduite : www.taxistop.be/fr/service/avira/
La « Centrale des moins mobiles » : www.centraledesmoinsmobiles.be
Les vélos partagés
C’est le même principe que pour les voitures partagées. A Bruxelles, on connait bien les Villos !, ce système de location de vélos en libre-service : on loue un vélo à une station Villo !, et on le redépose dans la station de son choix, qui n’est pas nécessairement celle de départ. Il existe aussi les Blue-bike, disponibles dans les gares SNCB de nombreuses villes belges ; l’avantage principal de ce système est évidemment la complémentarité avec le train. A Namur existe Libia velo, le système local de vélos partagés. En combinaison avec les transports en commun, le système de vélos partagés présente pour certains de réels avantages en termes de facilitation de la mobilité, compte tenu des défis écologiques.
« Je n’ai pas la possibilité de parquer un vélo chez moi ; les vélos partagés sont la solution idéale pour moi »
Agnès
Liens utiles :
Villo ! : www.villo.be
Blue-bike : www.blue-bike.be
Libia velo : www.libiavelo.be
Le covoiturage
Il n’y a bien sûr pas besoin d’un organisme intermédiaire pour faire du covoiturage entre amis, entre collègues ou avec des connaissances pour se rendre dans une destination commune. La spécificité d’organismes comme Blablacar, Karzoo ou Carpool, c’est de mettre en lien des particuliers qui ne se connaissent pas, mais qui doivent effectuer un même trajet, de manière récurrente ou non. Si ces systèmes sont bien sûr intéressants d’un point de vue financier pour le conducteur qui normalement voyagerait seul, et pour la ou les personnes qui se joignent à lui, les avantages sont évidemment d’ordre écologique également.
Variantes :
EventPool, le covoiturage entre particuliers pour se rendre à un même évènement (comme un festival) :
www.taxistop.be/fr/service/eventpool
Schoolpool, le covoiturage pour partager les trajets pour emmener les enfants à l’école :
www.taxistop.be/fr/service/schoolpool
Eurostop, le système de lift pour voyager partout en Europe : www.eurostop.be
« En plus des avantages écologique et économique du covoiturage, j’aime la convivialité que cela permet »
Vincent
Liens utiles :
Blablacar : www.blablacar.fr
Karzoo : www.karzoo.be
VAP (voiture à plusieurs) : VAP : www.vap-vap.be
Les initiatives de Taxistop : Carpool, Eventpool, Schoolpool, Eurostop… : www.taxistop.be et plus particulièrement www.taxistop.be/fr/services/?subj=covoiturage
D’autres systèmes de covoiturage : www.covoiturage-belgique.be ; www.roule-ma-poule.com
Conclusion
On le constate, des initiatives alternatives en termes de mobilité existent. Cependant, n’oublions pas les circuits plus classiques, comme les transports en commun, qui représentent déjà des alternatives au « tout à l’auto ». Si on considère leur consommation en énergie, ce sont les transports ferrés (train et tram) qui viennent en premier sur la liste des moyens de transport en commun à privilégier (le bus étant plus gourmand en énergie). A Bruxelles, notons l’existence de Noctis[8] (réseaux de bus de nuit) et Collecto[9] (réseau de taxis collectifs de nuit), deux services développés par la STIB.
Pour les trajets courts, privilégions d’abord la mobilité douce (marche et vélo) quand c’est possible. Des associations existent qui se donnent comme mission la promotion du vélo comme moyen de transport et l’aide aux cyclistes : mentionnons Pro Velo[10] et le Gracq[11] (Groupe de Recherche et d’Action des Cyclistes Quotidiens), deux associations présentes à Bruxelles et en Wallonie. Le recours aux vélos pliables ou électriques est certainement une piste à envisager dans certains cas, en fonction de ses possibilités et de sa situation.
Pour les personnes qui peuvent se passer de la possession d’une voiture personnelle ou familiale, un système comme celui de Cambio mérite certainement d’être soutenu et élargi : selon l’Observatoire de la mobilité, une voiture Cambio remplace environ 8 voitures individuelles[12]. Cela présente des avantages tant en termes de réduction d’émission de gaz à effet de serre et donc d’empreinte écologique, qu’en termes d’utilisation de l’espace public (une seule voiture à parquer au lieu de 8 !).
En ce qui concerne les déplacements domicile-travail, signalons qu’il y a des entreprises qui mettent des choses en œuvre pour favoriser le covoiturage (par des incitants financiers, le développement de logiciels d’appariement des offres et des demandes, la mise à disposition de places de parking réservées aux covoitureurs, etc.), le recours au vélo (par le développement d’infrastructures comme des garages à vélos, des douches, des vestiaires, la mise à disposition de matériel de réparation, mais aussi le « bikelease » ou vélos de société) ou encore d’autres moyens d’éviter « l’autosolisme », comme des abonnements de société qui permettent de combiner train et voiture de société par exemple. Ces pratiques méritent d’être mises en valeur et, surtout, d’être généralisées[13].
Pour terminer, deux dernières réflexions. La question des transports est une problématique qui sait, à ses heures, déchaîner les passions : pensons aux polémiques qui entourent le service de partage des transports en voiture Uber[14], au – toujours futur – RER (Réseau express régional) ou encore à la question des voitures de société. Certes, ces questions sont d’une importance capitale. Néanmoins, nous ne les traiterons pas ici, étant donné qu’elles dépassent largement les objectifs poursuivis par ce petit guide pratique.
Enfin, le domaine de la mobilité et des transports provoque certainement beaucoup de résistances au changement. Ce petit guide pratique ne vise pas de la part du lecteur la mise en œuvre de changements impossibles : à chacun-e de voir ce qu’il ou elle peut faire pour réduire son empreinte écologique, en fonction de sa situation personnelle et/ou familiale. Il ne faut certainement pas que chacun revende sa voiture pour enfourcher son vélo… L’objectif de cette analyse est plutôt de promouvoir ce que l’on appelle l’intermodalité[15], c’est-à-dire le fait de combiner plusieurs modes de transport, que ce soit lors d’un même trajet (aller en vélo ou en voiture pour aller à la gare et y prendre le train pour se rendre sur son lieu de travail), ou lors de trajets différents (utiliser la marche pour aller chercher du pain, mais la voiture pour se rendre chez le médecin).
Pour aller plus loin :
Les Cahiers de l’Observatoire de la mobilité de la Région de Bruxelles-Capitale sont disponibles en ligne :
www.bruxellesmobilite.irisnet.be/articles/la-mobilite-de-demain/observatoire-mobilite
Notes :
-
[1] Ce chiffre nous renseigne sur le nombre de voitures par habitant.
[2] Kevin Lebrun, Michel Hubert, Philippe Huynen et Geoffroy Patriarche, « Les pratiques de déplacement à Bruxelles : analyses approfondies », Cahier n°3 de l’Observatoire de la mobilité de la Région de Bruxelles-Capitale, 2014, p.102.
[3] Ce taux était de 0,480 en 2010 et a donc diminué : il y a moins de voitures par habitant, mais le nombre absolu de voitures a augmenté du fait de l’augmentation de la population.
Notons que ces chiffres tiennent compte du lieu d’immatriculation ; or, bon nombre de voitures de société sont enregistrées à Bruxelles, sans forcément appartenir à des résidents bruxellois. Le taux de motorisation des Bruxellois serait donc faussé. Les données de l’enquête BELDAM (pour BELgian Daily Mobility) essayent de corriger cela et offrent une estimation du taux de motorisation réel des Bruxellois : il serait de 0,33 voiture par habitant (chiffre de 2010). Voir Kevin Lebrun, Michel Hubert, Philippe Huynen, Astrid De Witte et Cathy Macharis, « Les pratiques de déplacement à Bruxelles », Cahier n°2 de l’Observatoire de la mobilité de la Région de Bruxelles-Capitale, 2013, pp.37-38.
[4] Céline Tellier, « Moins, autrement et mieux. Comment concilier mobilité et durabilité ? », in La transition énergétique : vecteur d’émancipation ou de reproduction des inégalités sociales ?, étude du Centre Avec, coordonnée par Claire Wiliquet, p.61. Disponible sur www.centreavec.be.
[5] « Les pratiques de déplacement à Bruxelles : analyses approfondies », op.cit., p.46.
[6] Ce taux nous renseigne sur le rapport entre la durée moyenne de l’utilisation d’un véhicule et la durée moyenne de sa non-utilisation (à domicile ou à destination).
[7] Céline Tellier, op.cit., p.70.
[12] Kevin Lebrun, Michel Hubert, Frédéric Dobruszkes et Philippe Huynen, « L’offre de transports à Bruxelles », Cahier n°1 de l’Observatoire de la mobilité de la Région de Bruxelles-Capitale, 2012, p.43.
[13] Voir Service public fédéral Mobilité et Transports, Guide de bonnes pratiques en matière de mobilité durable pour le déplacement domicile-travail, 2014.
Disponible sur http://mobilit.belgium.be/sites/default/files/downloads/Guide%20des%20bonnes%20pratiques%20-%20complet.pdf.
[15] Kevin Lebrun, Michel Hubert, Philippe Huynen, Astrid De Witte et Cathy Macharis, « Les pratiques de déplacement à Bruxelles », op.cit., p.47.