Le 01 avril 2011

Potagers collectifs : un panier de cultures…

Cultiver son jardin ou, à défaut, participer à un potager collectif fait désormais partie du profil « IN » des gens branchés. Phénomène de mode ? Il y a sans doute quelque chose de cela dans l’émergence d’une activité qu’il n’y a pas si longtemps l’on considérait comme relevant d’un autre âge ou que l’on croyait réservée à quelques poètes du retour à la terre. Et si c’était plus que cela ? 
 

Pourquoi ces nouveaux agriculteurs se sont-ils armés de binettes, houes et racloirs ? Notez au passage qu’ils ne se servent plus d’une bêche comme faisaient leurs parents. Si vous ne le savez pas, apprenez qu’en retournant la terre avec cet instrument, vous brisez la structure du terrain. Cette méthode est à proscrire.

Une activité qui est saine et procure du plaisir, ou au moins du contentement, à ceux qui s’y livrent volontairement n’a aucun besoin d’être justifiée. C’est un peu comme les confitures. Dans les Contes du lundi, André Maurois met en scène une personne en train de préparer des confitures. Elle  reçoit la visite d’un marchand qui lui démontre que la confiture industrielle  est meilleure et moins coûteuse que celle qu’elle prépare. Elle lui répond alors du tac au tac : « Mais, monsieur, nous faisons de la confiture uniquement pour le parfum, pour que la maison en soit embaumée. Après, nous la jetons ».

Pour celui qui s’y livre, l’activité de jardinage a du sens. Une fois qu’on la pratique à plusieurs et que ce  jardin, collectif ou non, prend place dans l’espace urbain, elle entretient des relations avec le cadre de vie dans lequel elle s’insère. Comment le fait-elle aujourd’hui ? Notre intention est d’abord d’écouter ce que ces jardiniers disent de leur travail. Car c’est quand même un travail. Ensuite nous verrons que ces initiatives, apparemment spontanées, ont une histoire et qu’elles font l’objet de prises de position officielles et parfois d’un soutien  de la part des pouvoirs publics. Enfin, constatant que de nombreuses études ont été consacrées à l’analyse de ce phénomène, à l’évaluation de son importance et à son impact par rapport à des questions telles que le développement urbain, l’agriculture urbaine et les besoins alimentaires de la population, nous nous efforcerons d’en faire une brève présentation et d’en tirer quelques conclusions.

Le jardin collectif vécu par ses jardiniers
 

Pour une première prise de contact, écoutons comment le potager collectif  est présenté par l’asbl « Le début des haricots » lorsqu’elle lance un  appel à projets soutenu par  Bruxelles Environnement en 2011[1].
 

Un potager collectif en ville, c’est d’abord un coin de verdure, un lieu où la nature a son mot à dire et où on se sent bien ! Qu’est-ce qu’on y fait ? On y cultive toutes sortes de choses : des légumes de toutes les variétés (qui sont parfois impossibles à trouver en supermarché), des fruits succulents, des plantes aromatiques et médicinales, des fleurs et puis surtout, on y cultive la convivialité ! Quel plaisir de se retrouver sur le potager, de mettre les mains dans la terre et de se réapproprier son alimentation. Le potager collectif est avant tout un lieu de partage et d’échanges : chacun apporte ses connaissances et sa motivation et c’est le mélange de toutes ces ressources qui rendra le projet possible… Sur un potager collectif, on travaille généralement la terre tous ensemble et les récoltes sont partagées, mais ce n’est pas une recette universelle : c’est à chaque groupe de trouver son mode de fonctionnement !

En bref, un potager collectif, c’est un lieu où il fait bon vivre, avec la nature et avec les autres jardiniers.
 

Ce texte exprime ce qui se fait en potager collectif ; à savoir travailler la terre et cultiver toutes sortes de choses. L’insistance y est mise sur l’expérience personnelle.

Le ressenti :

  • Un lieu où l’on se sent bien, un lieu où il fait bon vivre.
  • Quel plaisir … de mettre les mains dans la terre.
  • Des fruits succulents, des plantes aromatiques.

Le contact avec la nature :

  • Un coin de verdure, un lieu où la nature a son mot à dire.
  • Un lieu où il fait bon vivre avec la nature.

Etre soi-même :

  • Se retrouver…, se réapproprier son alimentation.

En se démarquant de la société de consommation :

  • Des variétés que l’on ne trouve pas en supermarché.

Etre avec les autres :

  • Cultiver la convivialité.
  • Un lieu de partage et d’échanges.
  • Un lieu où il fait bon vivre avec les autres jardiniers.

Réaliser un projet commun :

  • Chacun apporte ses connaissances et sa motivation.
  • Le mélange de toutes ces ressources rendra le projet possible.

On en décide en groupe :

  • A chaque groupe de trouver son mode de fonctionnement !
  • On travaille la terre tous ensemble (généralement).
  • Les récoltes sont partagées (généralement).
     

Tous les éléments de cette présentation sont typiques du discours des adeptes actuels du potager collectif, y compris l’affirmation qu’il n’y a pas de recette universelle et que donc chaque groupe décide de sa propre organisation. Nulle part on n’essaie de prouver quoi que ce soit en fonction d’objectifs à atteindre. C’est comme cela ; si tu aimes, tu t’y mets. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y ait pas de motivations sous-jacentes. Que du contraire ! Mais elles sont rarement exprimées, ni même toujours conscientes. Pour certaines personnes, dont nos jardiniers font partie, ces valeurs de référence font partie de l’air du temps, de leur temps : l’écologie, le bio, le développement durable. Tout cela, à des doses diverses et décliné selon de multiples modalités. De plus, ce développement personnel, cette recherche de plaisir, voire de bonheur, passent par un « être avec les autres », une convivialité, un partage, une gestion démocratique.

On en oublierait presque que le jardinage effectue une production de biens principalement orientés vers l’alimentation. Les modalités en sont diverses et elles ont une histoire.

Le potager collectif comme mode de production
 

Le potager se distingue de l’entreprise agricole par sa taille modeste et sa proximité avec  l’habitat. Il est généralement conçu pour répondre aux besoins propres de l’habitant et de sa famille. En ville, potagers et jardins semblent avoir toujours fait partie du paysage urbain. Toutefois, l’urbanisation qui a accompagné la révolution industrielle au XIXe siècle a profondément modifié la donne. D’une part, la concentration et la densité de l’habitat réduisent l’espace disponible autour de l’habitat alors que d’autre part la pauvreté du prolétariat ouvrier génère un déficit alimentaire. Il devient vital de cultiver par soi-même des produits de première nécessité. Fin XIXe, début du XXe, on voit notamment que les cités ouvrières construites autour des charbonnages, des mines de fer et des entreprises sidérurgiques, en Wallonie et en Lorraine notamment, dotent les maisons de potagers en vue d’une production domestique. C’est aussi à cette époque que se sont développées différentes formes de jardin collectif.

Une organisation appelée « Coins de terre » va promouvoir la diffusion des jardins familiaux et ouvriers[2]. Un prêtre français, l’abbé Gruel, curé d’Oignies (Pas-de-Calais), avait encouragé la châtelaine de son village à morceler une partie de ses terres en petits lots, créant en quelque sorte des « jardins à bon marché ». Cette expérience avait valu à ses promoteurs une médaille d’or à l’exposition internationale de Paris en 1867. Un jeune imprimeur belge, Joseph Goemaere, conseiller communal de Saint Josse ten Noode, commune faisant maintenant partie de la Région de Bruxelles-Capitale, ayant eu connaissance de cette réalisation, acheta un hectare de terre, le lotit et publia en 5.000 exemplaires une brochure d’information à ce sujet, distribuée gratuitement par ses soins. Ces jardins ouvriers se multiplièrent en France, en Belgique et dans les pays voisins ; des fédérations nationales les rassemblèrent pour promouvoir l’idée, les soutenir et les représenter devant leurs gouvernements respectifs. En 1926, l’Office international des Coins de terre et des Jardins Ouvriers était créé à Luxembourg avec pour membres sept pays : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la France, la Grande-Bretagne, le Luxembourg et la Suisse. Il connut un grand développement, fédérant jusqu’à 5.000.000 de jardins familiaux. Les années de guerre 39-45 arrêtèrent son activité internationale, mais par contre les jardins familiaux continuèrent de se développer en raison de la pénurie alimentaire. Le siège de l’Office international est toujours à Luxembourg et, depuis 1990, il jouit d’un statut consultatif auprès du Conseil de l’Europe.

Tous ces jardins familiaux ne sont pas des potagers collectifs ou communautaires. Cependant un grand nombre d’entre eux sont gérés par des groupes de jardiniers constitués en associations et jouissant souvent de terrains mis à leur disposition par des organismes publics. L’Office du Coin de terre de Bruxelles compta ainsi jusqu’à 37.500 lopins pendant la guerre 39-45, loués par le service « Cultures » de l’Assistance Publique de Bruxelles[3]. Dans l’après guerre, la crise alimentaire étant peu à peu résolue, la demande diminua tandis que par ailleurs les besoins en logements nécessitèrent l’occupation de beaucoup de terrains disponibles. L’Office fut dissous en 1966.

Les jardins collectifs aujourd’hui
 

Dès le début des années ‘70, une nouvelle génération de potagers collectifs urbains voit le jour, en Belgique comme à l’étranger. Aux USA et au Québec, des initiatives populaires investissent les friches urbaines et les transforment en jardins de quartier, ainsi à New York et à Montréal[4]. En Afrique, l’ONG « Jardins et Elevages de Parcelle » (J.E.E.P.) est créée en 1989 à Kinshasa. Aujourd’hui encore elle amène la population à « se prendre en charge à partir des potentialités du milieu »[5]. En Europe, la tradition des Coins de terre est maintenue mais évolue. Il s’agit toujours de produire de quoi se nourrir, mais l’accent principal se déplace vers la volonté de se retrouver sur un terrain commun et de construire un projet collectif. Aux objectifs de sécurité alimentaire, viennent se joindre d’autres perspectives de développement social, et de développement durable, environnemental et urbain. Des chercheurs s’intéressent à la place de l’agriculture urbaine tant dans l’alimentation mondiale que dans l’équilibre du cadre de vie urbain[6].

L’Office International du Coin de Terre et des Jardins Familiaux regroupe aujourd’hui les fédérations nationales d’Allemagne, d’Autriche, de la Belgique, du Danemark, de la Finlande, de France, de Grande-Bretagne, du Luxembourg, de Norvège, des Pays-Bas, de Pologne, de Slovaquie, de Suède et de Suisse et, depuis 2006, il est lié par un accord d’association avec la Fédération des jardiniers associés du Japon. Elle compte parmi ses membres plus de 3.000.000 d’amis jardiniers individuels et de familles d’amis jardiniers membres[7].

En France, l’actuelle Fédération nationale des jardins familiaux et collectifs, dont le siège est à Paris, garde la tradition des Coins de terre. Parallèlement à cette organisation, un mouvement d’opinion s’est développé au milieu des années 80. Des animateurs sociaux, militants de terrain et autres jardiniers se sont intéressés aux pratiques d’appropriation collective développées en Amérique du Nord par les « nouveaux » jardins communautaires. Dès 1997, un réseau informel se met en place et s’organise rapidement sous le nom de : « Jardin dans tous ses Etats »[8]. Unis par des valeurs communes[9], ses membres représentent la plupart des régions de France métropolitaine dans lesquelles ils agissent pour favoriser la mise en œuvre, par les habitants, de jardins partagés et développer ainsi le lien social.

En Belgique, la Ligue Nationale belge du Coin de Terre et du Foyer – Jardins populaires est une Société Royale fondée en 1896. Elle s’est ensuite constituée en association sans but lucratif. Les statuts les plus récents datent de 1981. La Ligue Nationale est l’organisation de coordination de la VZW De Volkstuin – Werk van de Akker en de Haard in de Vlaamse Gemeenschap, de l’ASBL Ligue du Coin de Terre et des Jardins populaires de Wallonie, et de la VZW Verbond Brusselse Volkstuinen en Tuinliefhebbers / ASBL Ligue régionale des Coins de terre et Amateurs d’horticulture de Bruxelles-Capitale. En Flandre, on dénombre  environ 40.000 membres ; en Wallonie, quelque 6.400 et 4.800 à Bruxelles-Capitale[10].

Dans la Région de Bruxelles-capitale, l’IBGE[11] gère 5 sites de potagers comprenant au total 160 parcelles (Parc de Scheutbos, bois de Wilder, site de Rouge-Cloître, parc Tournay-Solvay, parc de la Héronnière). Une centaine d’autres sites appartiennent à la SNCB, aux communes, aux CPAS et aux privés La plupart se situent dans la seconde ceinture de la Région où la densité du bâti est moins forte.

Bruxelles Environnement a pris, par ailleurs, diverses initiatives en vue de soutenir les  potagers collectifs. Un site a été créé pour centraliser et diffuser l’information[12]. Depuis 2008, un appel à projets est lancé en vue de la création de « Quartiers durables ». Annuellement, cinq projets sont retenus, accompagnés et soutenus par un petit budget. Il ne s’agit pas nécessairement de potagers collectifs, mais cette dimension y est souvent reprise. Voici comment le projet est conçu[13] :
 

Un Quartier durable s’appuie sur une démarche citoyenne des habitants et des usagers du quartier. Ensemble, ils se mobilisent à l’échelle de leur territoire, autour de divers enjeux : économies d’énergie, diminution des déchets, rationalisation des consommations, qualité de l’air, utilisation mieux réfléchie de l’espace, valorisation du patrimoine naturel, renforcement de la cohésion sociale…     
Sur cette base, les participants mettent en œuvre des projets et prennent part à des activités concrètes afin de sensibiliser le plus grand nombre à ces problématiques.

 

La disponibilité de terrains pour développer des potagers collectifs demeure un problème crucial, non seulement pour leur création mais aussi pour leur durabilité. Certains disparaissent pour faire place à des immeubles. Récemment, la Commune d’Ixelles a consacré un vaste site de potagers à la construction d’habitations sociales et elle compte vendre un autre site à un promoteur immobilier privé, soulevant ainsi une forte contestation de la part des jardiniers et des riverains[14]. Il est vrai que le besoin de logements est une nécessité criante à Bruxelles. Cette concurrence entre priorités sociales menace-t-elle l’avenir des potagers collectifs ?  D’une certaine manière, oui ! Comme toute entreprise, les potagers sont soumis à l’épreuve du temps et il ne s’agit pas seulement de la pluie et du beau temps. Néanmoins, conscience est prise que les espaces verts et les jardins collectifs font partie du cadre de vie urbain. Leur existence est devenue un enjeu pour la viabilité de la ville. Cette conscience est-elle présente parmi les responsables politiques et les promoteurs immobiliers ? Les Bruxellois, (gens réalistes, s’il en est) n’ont pas l’habitude de prendre des vessies pour des lanternes. Ils attendent plus de cohérence de la part de nos responsables politiques. A quoi bon  consacrer quelques millions d’Euros à la promotion d’espaces verts et de potagers collectifs si, d’autre part, on laisse une Commune compromettre le cadre de vie de ses habitants en vendant quelques hectares de terrain pour équilibrer son budget.

Il y a loin entre les paroles et les actes.

Des paroles et des déclarations d’intention, il n’en manque pas. 

En 1992, la première Charte urbaine européenne a été adoptée par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe[15]. Ce texte évoque, en milieu urbain, l’apport des jardins familiaux dans les domaines de l’environnement et de la nature, de l’aménagement du logement, des sports et loisirs. Le Conseil de l’Europe a remis cette charte à toutes les villes et agglomérations importantes (trente mille habitants) et les a priées de mettre en pratique les principes contenus dans la charte.

Des actes suivent parfois. Le mouvement Energy Cities[16] a d’intéressantes réalisations à son actif. Centré sur les économies d’énergie, il occupe un champ très large de préoccupations relatives au cadre de vie urbain, y compris celui des potagers collectifs. Celui qui veut découvrir comment Bruxelles Environnement envisage l’évolution de Bruxelles peut se brancher sur un site où il découvrira la cité de ses rêves[17] (à dormir debout) !

Conclusion
 

De cette trop superficielle exploration dans un domaine aussi varié et aussi riche de développements, nous retiendrons que les jardins collectifs font partie intégrante du cadre de vie urbain tant du point de vue environnemental que social. Les « jardiniers » en utilisent les ressources naturelles et se soumettent à la temporalité du vivant et au rythme des saisons. Leur travail n’a pas seulement du sens pour eux-mêmes (ce qui n’est déjà pas mal). Ils s’inscrivent dans une culture, ils continuent à l’inventer, ils la transmettent à leurs enfants.

Le caractère local des potagers collectifs, leur petite dimension, la modestie de leurs produits peuvent suggérer que leur importance est dérisoire face à des enjeux actuels, tels que le réchauffement climatique, le trou dans la couche d’ozone, la violence endémique des milieux urbains, la faim et l’injustice dans le monde. Sans aucun doute. Il nous apparaît cependant que l’existence de ces jardiniers, l’intérêt qu’ils suscitent et l’amélioration de la qualité de vie qu’ils apportent vont dans le bon sens. Leurs comportements sont de nature à alimenter l’indignation face à l’inacceptable et mener à s’engager dans la construction d’un monde meilleur, ainsi que le propose le manifeste de Stéphane Hessel[18]. Cela peut mener très loin.

Annexe 1
 

ARCHIVES DE LA VILLE DE BRUXELLES – INVENTAIRE N°11

Archives de l’Assistance publique et des Affaires sociales de Bruxelles[19]

Par Virginie COUMANS, Collaboratrice scientifique aux Archives de la Ville de Bruxelles

Bruxelles 2005, p.20

3.2.3.5. Office des Cultures

L’Œuvre du Coin de Terre (ou Office du Coin de Terre de Bruxelles), fondée en 1915, loua des terrains pour la culture potagère à des travailleurs nécessiteux et leur facilita l’acquisition d’outils, semences et d’engrais. Aux sorties de la guerre, la crise de l’alimentation devenue moins pressante et la reprise de l’activité industrielle enlevèrent au Coin de Terre une partie de ses adhérents.

Afin d’empêcher la disparition de cette œuvre, la Ville de Bruxelles la communalisa en 1921 en Œuvre communale du Coin de Terre ou Office des Cultures qui relevait désormais de la direction de l’Assistance publique et des Œuvres sociales. Elle sollicita la location en 1922 de terrains en friche situés sur le territoire des communes annexées et appartenant à la Société des Domaines et à la Société anonyme du Canal et des Installations maritimes de sorte que la superficie des terrains mis à la disposition des colons passa de 8 hectares en 1921 à 37 hectares en 1922.

Le 23 mai 1923 se constitua entre colons la société horticole « Nos Loisirs » afin de leur permettre l’achat en commun à des conditions favorables d’engrais et de semences. Son administration releva de la direction de l’Assistance publique et des Œuvres sociales. La société permit à l’Office des Cultures de recevoir une part des subsides mis par l’Etat à la disposition de l’Œuvre nationale du Coin de Terre ainsi que de ceux votés par le conseil provincial du Brabant en vue de l’utilisation des loisirs des travailleurs. Installée dans l’ancien hôtel communal de Laeken, la société organisa depuis 1925, sous les auspices de l’administration communale et avec la collaboration de la Société royale d’Horticulture et d’Agriculture de Belgique, des cycles de conférences agricoles ainsi qu’une exposition annuelle en rapport avec la culture maraîchère et florale. La Ville de Bruxelles et la province de Brabant, par des subventions importantes, encouragèrent l’activité de la société horticole Nos Loisirs.

Entre 1928 et le milieu des années 1930, l’Office des Cultures groupa 400 familles de petits employés et ouvriers représentant plus de 2.000 personnes. La superficie des terrains cultivés par les colons varia entre 19 et 20 hectares, soit en moyenne 4 ares par famille. Dès le milieu des années 1930, l’office se vit retirer la disposition d’une assez grande superficie de terres par suite de la création de quartiers ou bien reprises par l’Etat dont elles étaient la propriété, de sorte qu’à partir de 1935, la superficie devint très fluctuante : 14 hectares en 1935, 20 hectares en 1939 et 30 hectares en 1940.

Durant la Seconde Guerre mondiale, la Ligue nationale du Coin de Terre rassemblait sept sections ou ligues (Anderlecht, Ixelles, Schaerbeek, Molenbeek, Uccle, Woluwé-Saint-Pierre et Bruxelles). L’insuffisance du ravitaillement incita la population à adhérer à la Ligue. La Ligue nationale du Grand-Bruxelles compta environ 37.500 colons et disposa d’une superficie supérieure à 1.130 hectares. Après la libération, chaque ligue reprit son autonomie. En 1944, l’Office des Cultures de Bruxelles groupait environ 2.870 familles, soit plus de 11.400 personnes pour une superficie de 65 hectares.

Annexe 2
 

CHARTE URBAINE EUROPÉENNE 

Adoptée (1992) par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux[20] du Conseil de l’Europe[21].

4.2 THEME : L’environnement et la nature dans les villes

Trop souvent, bon nombre de villes sont aujourd’hui des assemblages de pierre, de béton, d’acier, de verre et d’asphalte avec, éventuellement, des parcelles de gazon ou des terrains vagues de peu d’utilité.

Leur atmosphère et leur sol sont pollués par les émissions et rejets toxiques de l’industrie, des centrales électriques, de la circulation et des activités domestiques. La faune et la flore ont été refoulées hors des villes et des quartiers résidentiels.

La création de zones de conservation de la nature s’impose plus que jamais, et la végétation doit prendre une place plus importante dans l’aménagement des espaces publics et des quartiers. Ces éléments confèrent un caractère et une dimension intéressante à chaque ville; ils ont un impact décisif sur le paysage urbain, sans lequel la ville perd une partie de sa personnalité.

Les villes doivent disposer de « poumons » pour que les citadins et citadines puissent quitter l’environnement bâti et faire l’expérience de la nature. La faune et la flore sont nécessaires à l’épanouissement personnel, et permettent aux enfants des villes d’entrer en contact avec la nature.

Les pouvoirs locaux doivent se montrer bons gestionnaires du patrimoine naturel qui leur est confié. Leur responsabilité est engagée, aussi bien dans l’amélioration de la gestion des ressources que dans la création d’un environnement de qualité et la protection des écosystèmes à travers les mesures qu’ils sont susceptibles de prendre, au plan local, en faveur de modes de production, de transport et de consommation propres et salubres.

En tout premier lieu, il convient que chacun et chacune prenne conscience de ce que les concepts de nature et de ville ne s’excluent pas mutuellement.

PRINCIPES

1. Les pouvoirs publics sont responsables de la gestion économe, cohérente et rationnelle des ressources naturelles et énergétiques

Le principe du développement durable exige que les autorités locales et régionales endossent pleinement leurs responsabilités dans l’utilisation des ressources limitées (énergie, eau, air, sol, matières premières, nourriture) et dans le traitement de leurs propres déchets, industriels et domestiques, sur leur propre territoire, plutôt que de s’en débarrasser dans d’autres régions ou de les stocker pour que les générations futures s’en chargent.

Un nombre croissant de villes vont puiser leurs ressources à l’extérieur, ce qui provoque des ruptures de stock à la source. Dans la mesure du possible, ces ressources sont à rechercher sur place, en considérant la ville comme un écosystème. Des améliorations techniques et des mesures telles que jardins familiaux, aires de compostage, petites centrales thermiques ou électriques, ainsi que l’exploitation de l’énergie éolienne ou solaire, peuvent contribuer à la bonne gestion des ressources et à l’allégement des budgets municipaux.

2. Les pouvoirs locaux devraient adopter des politiques de prévention de la pollution

Les villes souffrent des émissions produites par l’industrie, la circulation et les activités domestiques, principalement le chauffage.

Des mesures temporaires et à court terme telles que le déversement des déchets et effluents dans les rivières et les lacs, ou l’incinération et le recyclage des déchets, sont à remplacer par une réduction des émissions à la source grâce à l’utilisation de technologies propres, de combustibles et de systèmes de transport plus appropriés.

Les pouvoirs locaux doivent demander aux nouvelles entreprises de sélectionner certains matériaux et d’en éviter d’autres, de réutiliser les emballages, et d’avoir recours à des sources d’énergie alternatives. Les codes de la construction doivent encourager les entrepreneurs locaux (locales) à se servir de matériaux favorables à la santé et susceptibles de créer une ambiance agréable dans les bâtiments.

Cependant, le développement des nouvelles technologies et l’amélioration de la législation ne suffisent pas en soi. Une opinion informée, exerçant une pression sur les choix publics, est nécessaire. Le rôle de l’information est donc fondamental.

Cela ne peut se concevoir sans fournir aux entreprises locales des renseignements sur les technologies propres; sans un réseau de centres d’information et de conseil; sans prendre appui sur des projets pilotes et des approches nouvelles.

De même, il faut que les consommateurs et consommatrices soient informé(e)s sur les possibilités de réduction des émissions, l’utilisation de matériaux compatibles avec la qualité de l’air à l’intérieur des habitations, et les emballages ou produits d’entretien à éviter.

3. Il est de la responsabilité des pouvoirs locaux de protéger la nature et les espaces verts

Les programmes relatifs aux espaces verts, à la protection de la nature et des paysages sont des éléments clé dans les zones urbaines; ils contribuent à la qualité de l’air et à l’amélioration du climat dans la ville.

Les plantes sauvages, le jardinage biologique et le choix d’espèces appropriées, l’utilisation de certains sites comme les anciens cimetières, les berges des cours d’eau, les talus de chemin de fer, etc., permettant de réadapter un grand nombre d’espèces animales et végétales, capables de recréer et d’entretenir leur propre environnement.

Le verdissement des toits, des façades, des cours intérieures, etc., peut créer une grande variété d’environnements accueillants pour la faune et la flore. Fermes urbaines et jardins éducatifsfavorisent le contact direct des enfants avec la nature, ce qui se révèle essentiel pour développer une attitude responsable vis-à-vis du milieu et des ressources naturelles.

Les zones de conservation de la nature doivent être sélectionnées à partir d’une analyse des conditions locales (cartographie des biotopes). La végétation doit être prise en compte lors de l’aménagement des espaces publics, et refléter les traditions historiques et naturelles locales.

4. La protection de la nature contribue à développer le sentiment d’appartenance et l’engagement des citadins et citadines vis-à-vis de leur communauté

Elle peut encourager leur fierté individuelle et collective et développer le sentiment d’appartenance au quartier. Les formules ne manquent pas : potagers familiaux, jardins suspendus, jardins couverts, terrains d’aventure, valorisation des espaces semi-publics autour des blocs d’habitation, coulées vertes, jardins naturels, jardins éducatifs et centres de terrain[22].

Notes :