Le 01 mars 2012

Quelle solidarité voulons-nous défendre en politique ?

Repères économiques et philosophiques

Solidarité et réalisme politique, tel est le thème auquel se consacre le Centre Avec en 2012. Cette analyse développe des outils conceptuels pour lier ces deux concepts à l’aide de notions historiques telles que l’Etat-providence, de notions économiques telles que l’indice de Gini ou encore de notions philosophiques telles que les capabilités. Il importe de comprendre la solidarité comme bien plus large que la redistribution fiscale imposée par l’Etat. La solidarité est multidimensionnelle, et l’Etat et la société civile sont appelés à travailler en proximité et en complémentarité. Cette analyse se veut donc un appel vibrant pour plus d’ambitions de solidarité et d’équité au sein de nos démocraties.
 

George Orwell a un jour écrit « Le discours politique est destiné à donner aux mensonges l’accent de la vérité, à rendre le meurtre respectable et à donner l’apparence de la solidarité à un simple courant d’air. »[1]. Dans son style cynique, Orwell critiquait la contamination d’un langage politique chargé au point de devenir lourd et grotesque. Aujourd’hui, il y a de quoi se poser la question : revendiquer la solidarité en période d’austérité budgétaire, cela a-t-il du sens ? Réalisme politique et solidarité, est-il bien possible de lier ces deux concepts ? N’appartiennent-ils pas à deux registres de langage différents ou, pire, ne sont-ils pas foncièrement antinomiques ? 

Le contexte économique actuel, la montée de populismes dans nos démocraties et l’influence répandue de certaines écoles ultralibérales semblent justifier cet état de cynisme. A quoi bon parler de solidarité quand l’individualisme ambiant désintègre une part des liens sociaux ? Pourquoi continuer à croire à un objectif tel que l’annulation de la dette des pays les plus pauvres quand on constate que les pays riches ne tiennent pas leurs promesses ? Peut-on encore réclamer l’égalité à une époque où certaines expériences de redistribution tentées et échouées par certains régimes communistes sont gravées dans la mémoire collective de nos sociétés ?

L’analyse que voici suit la ligne des travaux engagés en équipe au Centre Avec. En effet, pour 2012, nous centrons notre attention sur « le réalisme politique et la solidarité »[2]. Dans ces quelques lignes, nous tentons de développer un cadre conceptuel mettant en perspective les modes de solidarité quand elles deviennent revendications politiques, la vision de société sous-jacente et les moyens alloués.

La solidarité est-elle une valeur positive ?
 

Pas forcément. Nous ne voulons pas défendre la solidarité à tout prix car elle n’est pas un bien absolu. En fonction du sens social, du contexte et des modalités concrètes, la solidarité peut être bonne ou mauvaise. Elle n’est d’ailleurs pas forcément perçue comme quelque chose de positif. En témoignent la solidarité entre pays d’une alliance guerrière, la solidarité corporatiste, l’omerta d’une maffia, etc. Plus fondamentalement, la solidarité peut agir tant comme réducteur d’inégalités que comme facteur aggravant l’inégalité. Néanmoins, dans les utilisations du mot solidarité par notre société civile, la solidarité est généralement comprise comme positive, voire nécessaire. Nous allons tenter de comprendre pourquoi.

Que signifie être solidaire ?
 

La solidarité est foncièrement sociale. Sociale parce qu’elle met en relation. D’ailleurs, quand on parle de solidarité à l’échelle individuelle, on indique une mise en relation. Indistinctement. Pour parler d’un groupe solidaire, il ne suffit pas pour leurs membres d’être solidaires avec 70% du groupe ; c’est bien à l’ensemble que s’applique la solidarité. La solidarité implique une entraide sur base d’égalité, ou à tout le moins d’équité. Nous y distinguons également une réciprocité, si pas effective, du moins théorique : la règle de solidarité qui amène un plus fort à aider un plus faible s’appliquerait également si les rôles venaient à s’inverser.

Qu’est-il coutume d’appeler solidaire ?
 

Une société peut être qualifiée de solidaire, mais également d’autres formes de collectivités. Les Eglises peuvent être solidaires, tout comme les familles, une classe d’école, une association. L’économie solidaire ou sociale regroupe l’ensemble des coopératives, mutuelles, associations, syndicats et fondations, fonctionnant sur des principes d’égalité des personnes et de solidarité entre membres. Mais plus fréquemment, ce sont les Etats et la société civile qui sont appelés à être solidaires.

La solidarité, vertu individuelle ou valeur sociale ?
 

Plutôt valeur sociale. La solidarité individuelle est plus souvent appelée fraternité ou solidarité fraternelle à l’image de la famille, où les aînés entraînent les plus jeunes et où les plus âgés sont pris en charge par leurs enfants.

Dans une société, le terme solidarité désigne avant tout une organisation collective, puisqu’elle ne se fonde pas sur un lien moral ou des relations d’amitié. L’origine du mot solidarité est d’ailleurs financière : la solidarité des débiteurs indiquait que le créancier pouvait demander paiement à chaque débiteur indistinctement[3].

Revendiquer la solidarité
 

L’utilisation politique du terme s’adresse généralement aux pouvoirs publics, mais également à la société civile, aux entreprises ou à d’autres acteurs collectifs. Quelques exemples. Lors de l’hiver terrible de 1954, l’abbé Pierre exhorte la population comme les pouvoirs publics à devenir les maillons d’une immense chaîne de solidarité rappelant à chacun son devoir d’être humain. En 1980, Lech Walesa entame le mouvement de syndicats « Solidarność » sur les chantiers navals de Gdansk, mouvement qui préparera la chute du communisme en Pologne et au-delà. Plus récemment et plus près de chez nous, la campagne S.O.S. Accueil[4] a marqué l’hiver 2012 par l’appel au gouvernement à être plus solidaire des demandeurs d’asile sans abris. Ou encore, le 30 janvier dernier, la grève syndicale nationale s’est insurgée contre « le démantèlement de la solidarité intergénérationnelle ». Autant de revendications qui partent de la société civile et s’adressent à la société civile comme aux pouvoirs publics.

L’Etat, organisateur et dispensateur de solidarité
 

Si les revendications sont souvent en faveur d’une société solidaire, c’est à l’Etat qu’incombe le devoir d’instaurer plus de solidarité. L’Etat est l’organisation collective qui régit la vie publique politiquement et juridiquement. Chaque individu faisant partie de la communauté de citoyens, indépendamment de ses choix personnels, l’Etat exerce autorité et pouvoir à l’intérieur de frontières territoriales. L’appareil politique et administratif de l’Etat structure la vie collective de ses citoyens. Il est frappant de voir à quel point le niveau supra étatique ne mobilise que peu de solidarité. A la fin de son livre « La société des égaux », Pierre Rosanvallon s’attarde sur cette question. Il y indique que le concept de solidarité n’est que peu utilisé à l’échelle de l’humanité, car, dit-il, cela « ne mobilise guère plus de 1% du produit mondial, alors que les formes de « solidarité de citoyenneté » qui sont mises en œuvre dans les Etats-providence démocratiques vont jusqu’à représenter 50% des ressources de chaque pays sous les espèces de politiques de redistribution directe ou de fournitures de services publics. » [5]

L’invention de l’Etat-providence
 

Différents modèles d’Etat-providence ont été inventés pour organiser et dispenser la solidarité au niveau collectif. L’État-providence selon le modèle bismarckien, fondé en Allemagne sous le chancelier prussien Otto von Bismarck (lois de 1883-1884), repose sur le mécanisme des assurances sociales, dans lequel les prestations sont la contrepartie de cotisations (il y a prévention du risque maladie, vieillesse et accident du travail pour les actifs uniquement).

L’État-providence selon le modèle beveridgien[6], qui naît au Royaume-Uni après la seconde guerre mondiale, est financé par l’impôt et fournit des prestations uniformes à tous les membres de la société.

Différentes manières d’instaurer la solidarité : l’exemple des soins de santé
 

Dans le modèle beveridgien, les soins de santé sont financés par des taxes de l’Etat. Les coûts sont contrôlés parce que le gouvernement, comme seul payeur des médecins, contrôle ce que les médecins peuvent entreprendre et les prix qu’ils peuvent pratiquer. On retrouve ce système au Royaume-Uni mais également dans beaucoup de pays membres du Commonwealth (anciennes colonies britanniques), ainsi que des variantes dans les pays scandinaves. Le système de soins de santé à Cuba est probablement l’exemple le plus extrême de ce modèle.

Le modèle bismarckien regroupe un vaste panel de pays d’Europe continentale et d’Amérique Latine. Ce modèle revient à un système d’assurances, où les mutualités sont généralement cofinancées par employeurs et employés. Si à l’origine son financement passe par le travail, il est aujourd’hui la plupart du temps adapté de sorte à rendre les soins de santé universels. La couverture universelle est obligatoire et le gouvernement contrôle en grande partie les coûts en établissant des règles strictes.

D’autres pays comme le Canada, la Corée du Sud et Taiwan ont adopté un modèle combiné où les citoyens contribuent à un programme d’assurance contrôlé par le gouvernement et où les institutions de santé sont privées.

Les Etats-Unis et la Suisse ont quant à eux adopté un système où la santé relève de la responsabilité individuelle et de l’assurance privée. Aux Etats-Unis, l’assurance des soins de santé n’est pas obligatoire, tandis que l’Etat n’assure que les soins de santé des plus âgés et des plus pauvres. Ce type de système est le plus inégal et le plus coûteux[7].

Si l’on compte les pays avec des soins de santé organisés, cela ne fait qu’environ 40 pays sur 200. Les autres pays (Afrique, Inde, Chine, pays d’Amérique du Sud) sont trop pauvres ou n’ont pas de système organisé pour offrir des soins de santé généralisés.

Deux leçons sont à tirer de cet exemple. Premièrement, plusieurs systèmes peuvent assurer des soins de santé à l’entièreté de la population. Ils naissent dans un certain contexte de société et évoluent avec celui-ci. On ne remplace pas aisément un système ; on l’adapte et le fait évoluer.

Deuxièmement, si plusieurs systèmes semblent aptes à assurer les soins de santé pour tous, de manière solidaire, certains systèmes sont foncièrement anti-solidaires : le système américain et l’absence d’Etat-providence dans la plupart des pays sous-développés renforcent les mécanismes de désolidarisation et accroissent l’inégalité.

Solidarité et égalité
 

Si la plupart des économistes et penseurs politiques s’accordent à dire qu’une société égalitaire est le meilleur garant pour assurer stabilité et cohésion sociales, nous devons nous poser la question : qu’est-ce qui permet de diminuer l’inégalité au sein d’une société ? Nous distinguons deux types de forces à l’œuvre dans nos sociétés : des forces de désolidarisation, vecteurs d’inégalité, et des forces de solidarité. Les facteurs de l’inégalité économique et sociale au sein même d’une société sont multiples et se renforcent mutuellement. Mentionnons les différences de salaires entre travailleurs qualifiés et travailleurs peu qualifiés, les effets de concentration de richesse, les changements technologiques, les inégalités homme/femme, ou encore la mobilité accrue des travailleurs qualifiés et du capital. Le sujet étant malheureusement trop vaste pour cette analyse, nous retiendrons que différentes forces économiques, financières ou sociales sont vecteurs d’inégalité, et qu’inégalité va généralement de pair avec désolidarisation.

D’autres forces en revanche sont de nature à réduire l’inégalité. La plupart sont des initiatives de la société civile ou de l’Etat. Nous avons vu l’exemple des soins de santé, mais d’autres actions collectives sont tout aussi importantes. Un système d’éducation ouvert à tous et adapté aux besoins des plus faibles favorise l’égalité dans la société. La taxation progressive, où les riches sont proportionnellement plus taxés que les pauvres, diminue l’inégalité des revenus. L’introduction d’un salaire minimum met un plancher (théorique) au revenu et devrait réduire par là même l’inégalité. La garantie d’une consommation minimale de différents biens de base, tel le logement, l’eau ou l’électricité, contribue également à combattre les effets de la pauvreté. Au niveau belge, d’autres mécanismes contribuent à réduire l’inégalité : différentes déductions fiscales, les titres-services et l’indexation des salaires notamment. A nouveau, le sujet est trop vaste pour prétendre pouvoir en faire le tour ; retenons que chaque pays a développé ses propres recettes pour combattre l’inégalité galopante, certaines avec plus de succès que d’autres.  

L’inégalité et la redistribution en Belgique et dans le monde
 

Une vision solidaire de la société implique une réduction des inégalités. Cela passe notamment, comme nous venons de le voir, par la redistribution qu’opère l’Etat, principalement par les impôts.  La mesure d’inégalité la plus utilisée est le coefficient ou l’indice de Gini. Cet indice, développé par le statisticien italien Corrado Gini, est une mesure du degré d’inégalité de la distribution des revenus au sein d’une société donnée. L’indice est fréquemment utilisé parce qu’il est une mesure simple et facilement interprétable de l’inégalité. L’indice varie de 0 à 1 – 0 correspondant à une parfaite égalité et 1 à une parfaite inégalité (une société où une personne disposerait de tous les revenus)[8].

A l’échelle mondiale, on peut dire que la société belge est dans le peloton de tête des sociétés égalitaires. Ci-dessous, nous comparons l’inégalité en Belgique à celle de quelques-uns de nos voisins européens ainsi qu’à quelques repères mondiaux.

Source : données World CIA report 2011 (données portant pour la plupart sur les années entre 2005 et 2010). 

Une des choses qui frappe le plus est l’énorme disparité de richesses et de revenus observée de par le monde. Si l’Europe en général, et en particulier les pays scandinaves, ainsi que quelques pays d’Europe continentale, peuvent se targuer de niveaux d’inégalités relativement bas (indice de Gini entre 20% et 30%), il n’en va pas de même dans le reste du monde. Dans certains pays d’Afrique l’inégalité atteint des niveaux de 70% : les revenus y sont concentrés aux mains de quelques uns. Mais également dans de grands pays développés tels que les USA, l’inégalité reste très élevée. Les pays émergents (Chine, Russie, Brésil, Inde notamment) connaissent quasi tous une augmentation de l’inégalité. On comprend pourquoi les questions de croissance et de redistribution y sont socialement très sensibles. Les économistes constatent que la croissance forte des pays émergents provoque une augmentation des inégalités. En théorie économique, la courbe de Kuznets décrit cette relation entre niveau de développement et inégalité : dans les premiers stades de développement, une économie verra son inégalité augmenter tandis que pour les économies plus avancées, l’inégalité n’est plus un atout de développement. Il peut y avoir des sociétés égalitaires en bas de l’échelle et en haut de l’échelle – dans le graphique précédent, des pays comme l’Afghanistan ou l’Ethiopie partagent des niveaux d’inégalité avec des pays d’Europe de l’Ouest. Cependant, les économies émergentes connaissent toutes une augmentation, au moins temporaire mais souvent spectaculaire, de l’inégalité. L’accès à l’éducation, aux nouvelles technologies, au travail, au crédit, etc. y est très inégalement réparti. L’Etat n’y joue pas encore un rôle suffisamment important et positif pour contrebalancer ces facteurs d’inégalité ; et puis, la société civile n’y est souvent pas encore assez organisée. Ce n’est qu’avec le temps que l’Etat pourra y mettre en place un système d’éducation performant, une sécurité sociale, l’accès de tous aux différents biens de base, etc.

On ne peut trop souligner le rôle de l’Etat. En Belgique, cela se vérifie d’année en année. Le graphique ci-dessous montre combien la redistribution alimentée par les impôts en Belgique réduit l’inégalité naturelle ou originelle de notre société. Cela confirme à nouveau combien il est important de maintenir une continuité des politiques sociales, chose que nous avions déjà constatée pour les soins de santé. Dernier constat enfin, l’inégalité en Belgique n’a cessé d’augmenter ces vingt dernières années – pas aussi spectaculairement que dans les pays émergents, il est vrai, mais suffisamment  pour s’en inquiéter.

Plus de solidarité, moins d’inégalité, comment faire ?
 

Nous venons de montrer que les politiques sociales doivent être continuées et qu’elles doivent être prévisibles et publiques pour être effectives. C’est déjà une forme de réalisme politique. Il convient à présent de se poser la question des inégalités économiques.

Faut-il tenter d’atteindre l’égalité parfaite par les politiques de taxation ? Non. La poursuite d’une égalité parfaite a des effets dévastateurs sur l’économie et peut engendrer d’autres problèmes de société tels que le découragement de l’initiative personnelle et l’entreprenariat. C’est pourquoi nous préférons un autre concept, celui de l’équité (équivalent du mot anglais « fairness »). Le père de la philosophie politique contemporaine John Rawls décrit l’équité comme une manière de concilier liberté et égalité. Les inégalités économiques y sont acceptées pour autant qu’elles bénéficient également aux moins avantagés et qu’elles ne remettent pas en question l’égalité des chances. L’Etat peut atténuer l’inégalité par la redistribution, mais la redistribution a ses limites[9]. D’autres politiques, non fiscales, sont tout aussi importantes au maintien et au développement de la solidarité. Il s’agit notamment d’investir dans des biens collectifs accessibles à tous comme des centres culturels, centres sportifs, espaces verts, plaines de jeux, manifestations culturelles favorisant le vivre ensemble, etc.  

Perspective des capabilités
 

A cet égard, les réflexions de l’économiste et philosophe indien Amartya Sen méritent attention. Il a développé à cet effet l’approche des ‘capabilités’[10]. Les capabilités sont des possibilités pour chaque individu de poser des choix libres dans l’exercice d’une vie digne. L’idée est que chaque personne a des besoins différents mais qu’il est important d’offrir à chacun la liberté de choisir ses priorités. Une société juste doit offrir à chacun le pouvoir de jouir de biens sociaux premiers. Sous ce terme, nous comprenons des biens de base tels que se nourrir à sa faim, se loger, pouvoir se déplacer librement, mais également des biens sociaux tels que de liberté politique, la possibilité de gagner sa vie, de s’instruire, etc. Le travail de l’Etat n’est effectif que s’il permet aux citoyens de jouir des capabilités. Cela implique que l’Etat doit mettre plus en œuvre pour certains que pour d’autres – l’exemple type est celui des personnes handicapées souhaitant se déplacer à leur guise. L’Etat, pour être solidaire, a donc tout particulièrement pour rôle de garantir à chacun la jouissance de capabilités. Et là, il y a encore du pain sur la planche. La redistribution fiscale n’est qu’un aspect du travail nécessaire.

Solidarité et démocratie
 

Nous pensons qu’une telle approche enrichit notre compréhension de la solidarité. Au fond, solidarité et démocratie se rejoignent dès lors que l’on envisage la démocratie comme un vivre ensemble bien plus qu’un régime politique. Il ne suffit pas d’avoir des élections libres pour parler de démocratie. Il faut combattre les exclusions – o combien multiples dans notre société technologique et capitalistique – et donner la voix aux sans-voix. Ces politiques de service publique et d’inclusion sociale au sens large, aussi diverses soient-elles, ont toutes leur rôle dans le développement d’une société solidaire. Tout autant que le tissu de solidarité maintenu par diverses associations et volontaires de la société civile. Car solidarité et inégalité sont les pouls indiquant l’état de santé de notre démocratie.

Notes :

  • [1] « Political language is designed to make lies sound truthful and murder respectable, and to give an appearance of solidarity to pure wind. » in « Politics and the English Language », George Orwell, 1946.

    [2] Ce thème fait partie d’un plan quinquennal 2009-2013, « Un monde en mutations : de l’inquiétude à une prise de responsabilité solidaire », qui comprend les thèmes suivants :

    2009 : Exclusions, souffrances sociales et solidarité
    2010 : Du multiculturalisme à la solidarité interculturelle
    2011 : Changements environnementaux, développement durable et justice sociale
    2012 : Solidarité et réalisme politique
    2013 : D’une mondialisation dérégulée à une mondialisation juste et solidaire

    [3] Les dictionnaires étymologiques indiquent que le terme de solidarité provient du latin « solidus » (massif) et de l’expression latine « in solidum » (pour le tout). Il y a donc déjà l’idée d’une appartenance et d’un rattachement forts au groupe.

    [4] Réunissant les associations 11.11.11, Médecins du Monde, Oxfam, UNICEF Belgique, Caritas international, CIRÉ, Convivial et Vluchtelingenwerk Vlaanderen, voir www.sosaccueil.be.

    [5] Pierre Rosanvallon, La société des égaux, éditions du Seuil, 2011, pp. 409-410.

    [6] Appelé ainsi parce que mis en place par l’économiste et homme politique William Beveridge.

    [7] Les réformes récentes sous Obama (Patient Protection and Affordable Care Act – 2010) tendent à faire diminuer les coûts et fera rapprocher le modèle américain du modèle bismarckien.

    [8] Amartya Sen, Prix Nobel de l’économie en 1998, a proposé un indice de bien-être au sein d’une société combinant la mesure classique du PIB avec la formule d’inégalité de l’indice de Gini : indice de bien-être = PIB (1 – coefficient de Gini).

    [9] En théorie économique, on parle d’optimum de Pareto pour désigner une situation où l’on ne peut améliorer les situations de certains individus sans nuire à celle d’autres individus. L’Etat ne pourrait dans ces cas-là intervenir en faveur de certains individus ou groupes sans nuire à d’autres. L’optimum de Pareto explique en termes théoriques pourquoi il est extrêmement difficile de révolutionner les politiques de redistribution en réinventant les politiques de taxation. Des réformes offrant des avantages dont pourraient profiter certains groupes sont souvent difficilement acceptables s’ils se font au détriment d’avantages acquis d’autres groupes.

    [10] Voir notamment un des derniers livres d’Amartya Sen, « The Idea of Justice », Cambridge, MA, 2009, édité en français par Flammarion (2010).