Le 09 décembre 2013

Subsidiarité, solidarité, démocratie

Le principe de subsidiarité est aujourd’hui utilisé en politique dans des sens fort divers. Une de ses sources, peut-être la plus importante, est l’enseignement social de l’Église, en particulier l’encycliqueQuadragesimo Anno de Pie XI (1931). Notre analyse cherche à préciser le rôle que cet enseignement social lui attribue et qu’il devrait jouer aujourd’hui, en particulier dans la perspective d’une juste gouvernance mondiale. Nous avons mis le concept de « subsidiarité » en relation avec ceux de « solidarité » et de « démocratie ». Les documents pontificaux font explicitement le rapport entre subsidiarité et solidarité. Ils ne le font pas pour la démocratie. Celle-ci reste un peu le parent pauvre de l’enseignement social de l’Église. En l’introduisant, nous tenons à reconnaitre le rôle de l’État, ultime responsable du bien commun mais surtout à rappeler que son autorité émane des citoyens. Dans cette perspective, la subsidiarité n’est plus, comme cela peut apparaître parfois à la lecture des documents pontificaux, un recours nostalgique à une société d’autrefois ou une protection contre l’État moderne. La dynamique socialisante et même politique qu’il rend possible est au service de la démocratie et favorise son bon fonctionnement et, par le fait même, le bien commun.

C’est dans le cadre d’une réflexion sur les conditions d’une mondialisation juste et solidaire[1] que l’intérêt de cette notion ou de ce principe nous est apparu, en même temps que sa complexité et les fluctuations de son usage. Abordant, dans une autre analyse[2], les conditions d’une bonne gouvernance mondiale, nous avons noté le rapprochement entre le « pluralisme cohérent » que prône le Rapport du PNUD et la gouvernance mondiale « de nature subsidiaire » dont parle Benoît XVI dans son encyclique Caritas in Veritate. C’est Jean XXIII qui, le premier, a utilisé dans le contexte mondial (Pacem in terris, 140) un concept d’abord employé pour penser le juste rapport entre les particuliers et l’État et qui est aussi devenu un concept-clé de la construction européenne[3].

Cette « subsidiarité européenne » est l’objet propre du récent et monumental ouvrage de Julien Barroche, État, libéralisme et christianisme, sous-titré « critique de la subsidiarité européenne »[4]. Mais, dans une recherche sémantique d’une grande complexité (et soutenue par un impressionnant déploiement d’érudition), il a au préalable fait émerger la généalogie du concept : racines allemandes, enracinement dans la doctrine sociale de l’Église (depuis Quadragesimo Anno où le terme est employé pour la première fois), utilisation dans la construction européenne (rôle éminent de Delors, influences diverses comme Proudhon…). La thèse de Barroche est que le concept de subsidiarité se développe sur un fond de statophobie (méfiance à l’égard de l’État ou méconnaissance de sa nature propre), après l’épreuve du totalitarisme nazi. Dans le cas de l’Église, il s’agirait, plus fondamentalement, d’une difficulté à accepter la sécularisation, l’autonomie du politique. Il parle de « l’imperturbable prétention de l’´Église à incarner la seule Institution possible » qui l’amène à dénoncer « la Providence étatique ». (Et, corrélativement, il note que, malgré les bonnes intentions de Vatican II, l’Église persiste à ne pas s’appliquer à elle-même le concept de subsidiarité).

En conclusion du compte rendu qu’il lui consacre[5], Bertrand Hérard-Dubreuil note justement : « Autant l’analyse sémantique de Julien Barroche est riche pour critiquer les ambiguïtés juridiques du principe, autant elle permet peu de rendre compte de la dynamique socialisante et même politique qu’elle rend possible ». C’est cette tâche plus positive que, à notre toute petite échelle (en comparaison avec cet ouvrage monumental), nous voudrions entreprendre dans cette analyse. Nous essaierons d’abord de dégager le contenu du concept à travers ses emplois répétés dans les documents du Magistère ecclésial depuis sa première apparition dans Quadragesimo Anno, et même dès auparavant dans ce que Rerum Novarum dit des « corps intermédiaires »[6]. Nous chercherons à préciser le rôle que cet enseignement social lui attribue et qu’il devrait jouer aujourd’hui, en particulier dans la perspective d’une juste gouvernance mondiale.

Dans le titre de ce travail, nous avons rapproché du concept de « subsidiarité », ceux de « solidarité » et de « démocratie ». Les documents pontificaux font explicitement le rapport entre la subsidiarité et la solidarité. Ils ne le font pas pour la démocratie. Celle-ci reste un peu le parent pauvre de l’enseignement social de l’Église[7]. En l’introduisant, nous tenons à reconnaitre le rôle de l’État, ultime responsable du bien commun mais surtout à rappeler que son autorité émane des citoyens. Dans cette perspective, la subsidiarité n’est plus, comme cela peut apparaître parfois à la lecture des documents pontificaux, un recours nostalgique à une société d’autrefois ou une protection contre l’État moderne, la dynamique socialisante et même politique qu’il rend possible est au service de la démocratie et favorise son bon fonctionnement et, par le fait même, le bien commun.

Un modèle : les corporations
 

C’est dans l’encyclique de Pie XI Quadragesimo Anno que le principe de subsidiarité est invoqué (et défini) pour la première fois. Mais sa réalité est déjà présente dans Rerum Novarum, la grande encyclique de Léon XIII, document fondateur de l’enseignement social de l’Église dont toute une section est consacrée aux « corporations ». Léon XIII est le premier pape qui accepte la réalité des États modernes et essaie de situer dans leur cadre la mission de l’Église et la fidélité des chrétiens[8]. Dans son encyclique Rerum Novarum, il fait part de sa souffrance et de son indignation devant la condition misérable à laquelle le premier capitalisme réduit les ouvriers mais aussi de sa crainte et de sa réprobation face au « faux remède » du socialisme. À la liberté des entrepreneurs, l’encyclique apporte une double limite : elle affirme le droit et le devoir de l’État d’intervenir pour la protection des travailleurs et elle encourage ceux-ci à s’unir pour se défendre. Par ces deux prises de position, elle a eu un grand impact historique et peut être considérée comme l’acte de naissance du mouvement social chrétien.

C’est dans une 4ème et dernière partie que l’encyclique aborde le thème des « corporations ». La référence est clairement située dans l’ancien régime : « Nos ancêtres éprouvèrent longtemps la bienfaisante influence de ces corporations. Elles ont d’abord assuré aux ouvriers des avantages manifestes… » (36, 2). Mais les temps ont changé et « il n’est pas douteux qu’il faille adapter les corporations aux conditions nouvelles ». Et l’encyclique continue : « Aussi c’est avec plaisir que nous voyons se former partout des sociétés de ce genre, soit composées des seuls ouvriers, soit mixtes, réunissant à la fois des ouvriers et des patrons »[9]. Le pape encourage vivement la création d’associations (corporations) chrétiennes, indique comment elles doivent s’organiser et quel doit être leur programme d’action. Du point de vue de la subsidiarité, retenons deux principes : ces sociétés sont des sociétés privées dont « la raison d’être immédiate est l’utilité particulière exclusive de leurs membres » (37) ; elles n’ont d’existence qu’au sein de la société civile, mais il n’est pas au pouvoir de l’État de leur dénier l’existence, car « le droit à l’existence leur a été octroyé par la nature elle-même, et la société civile a été instituée pour protéger le droit naturel, non pour l’anéantir » (38,1).

L’idéal que le pape propose est une société où les différentes classes et fonctions sociales collaborent harmonieusement. La référence aux corporations d’autrefois (sans aucun doute fort idéalisées) s’inscrit dans cette vision. C’est ce qu’exprime bien cette sorte d’acte de foi par laquelle se termine la section consacrée aux corporations : « Les ouvriers chrétiens résoudront facilement par la raison [la question du sort de la classe ouvrière] si, unis en sociétés et conduits par une direction prudente, ils entrent dans la voie où leurs pères et leurs ancêtres trouvèrent leur salut et celui des peuples » (44).

« Ce principe si grave de théologie morale »
 

En commémorant par son encyclique Quadragesimo Anno, le quarantième anniversaire de Rerum Novarum, inaugurant ainsi une coutume que ses successeurs continueront, Pie XI donne consistance au discours social de l’Église ; on peut dire qu’il le crée comme corpus magistériel. En ces quarante ans, le monde a bien changé : première guerre mondiale, avènement du communisme en Russie, importance nouvelle des États-Unis. Mais aussi le « krach de Wall Street » (octobre 1929) et, depuis 1930, l’avènement en Europe des régimes autoritaires (Mussolini en Italie, Hitler en Allemagne, Salazar au Portugal, …). Par ailleurs, en Europe occidentale en particulier, les associations ouvrières ou syndicats chrétiens sont devenus une réalité active et toute une pensée sociale chrétienne s’est développée dont l’encyclique s’inspire largement[10].

L’encyclique comporte trois parties. Elle décrit d’abord « les fruits de l’encyclique Rerum Novarum, (18-43), développe ensuite « la doctrine de l’Église en matière économique et sociale » (44-106) et, curieusement, c’est seulement dans la troisième partie qu’elle en vient à parler des « profonds changements survenus depuis Léon XIII » (107-159). Dans la première partie, consacrée aux fruits de l’encyclique Rerum Novarum » (17-43), le pape déclare que le « plus beau titre de gloire » de Rerum Novarum, « c’est d’avoir encouragé les travailleurs chrétiens dans la voie des organisations professionnelles, de leur avoir montré la marche à suivre et d’avoir retenu sur le chemin du devoir plus d’un ouvrier tenté de donner son nom à ces organisations socialistes qui se prétendaient effrontément seule protection et unique secours des humbles et des opprimés » (34). On reste bien dans l’optique de Rerum Novarum : défendre les ouvriers sur un double front : contre les patrons qui les exploitent et contre le socialisme qui les trompe et les corrompt[11].

C’est dans la seconde partie : « la doctrine de l’Église » que le principe de subsidiarité est défini (avant même d’être nommé). La définition à laquelle tous les écrits postérieurs – les autres encycliques et tous les ouvrages qui traitent de la question – se réfèrent se trouve au numéro 86 (mais le terme lui-même ne s’y trouve pas). L’encyclique concède que, « par suite de l’évolution des conditions sociales, bien des choses que l’on demandait jadis à des associations de moindre envergure ne peuvent désormais être accomplies que par de puissantes collectivités », mais elle affirme : « Il n’en reste pas moins indiscutable qu’on ne peut changer ni ébranler ce principe si grave de philosophie sociale : de même qu’on ne peut enlever aux particuliers pour les transférer à la communauté, les attributions dont ils sont capables de s’acquitter de leur seule initiative et par leurs propres moyens, ainsi ce serait commettre une injustice, en même temps que troubler d’une manière très dommageable l’ordre social, que de retirer aux groupements d’ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste et d’un rang plus élevé, les fonctions qu’ils sont en mesure de remplir eux-mêmes ».

Les sections suivantes (87) commentent : « L’objet de toute intervention en matière sociale est d’aider les membres, non de les absorber » (87). L’autorité publique doit donc abandonner aux « groupements d’ordre inférieur » ce que ceux-ci peuvent faire. Son rôle, « les fonctions qui n’appartiennent qu’à elle parce qu’elle seule peut les remplir », c’est de « diriger, surveiller, stimuler, contenir ». Et c’est dans la conclusion de la section que « ce principe si grave » est enfin nommé, mais, soulignons-le, sous une forme plus sophistiquée : « Plus parfaitement sera réalisé l’ordre hiérarchique des divers groupements selon ce principe de la fonction de subsidiarité de toute collectivitéplus grandes seront l’autorité et la puissance sociale, plus heureux et plus prospère l’état des affaires publiques » (88).

La lecture attentive de ces textes déterminants fait apparaître que la personne humaine, sa dignité, sa responsabilité sont absolument premières. La société – toute société ou collectivité (ou encore « toute intervention en matière sociale ») – est ordonnée à la personne. Dans les termes précis de l’encyclique, toute collectivité a une « fonction de subsidiarité » par rapport à la collectivité inférieure. Le bonheur et la prospérité publics dépendent de la bonne mise en œuvre de cette hiérarchie des « groupements ».

La troisième partie de l’encyclique est consacrée aux « changements survenus depuis Léon XIII ». Le pape déplore surtout la déchristianisation ou démoralisation de la vie économique et sociale dont la plus grande responsabilité revient aux cercles dirigeants mais qui a entraîné dans sa ruine le monde ouvrier. On peut rappeler ici la phrase célèbre : « La matière inerte sort ennoblie de l’atelier, tandis que les hommes s’y corrompent et s’y dégradent » (146). La réaction qui s’impose est une entreprise intense de re-christianisation de la société et le pape compte pour cela sur l’engagement des laïcs ; Pie XI est le pape de l’Action catholique. Citons seulement quelques mots : « Pour ramener au Christ ces diverses classes d’homme qui l’ont renié, il faut avant tout recruter et former dans leur sein même des auxiliaires de l’Église qui comprennent leurs mentalité, leurs aspirations… Les premiers apôtres, les apôtres immédiats des ouvriers seront des ouvriers, les apôtres du monde industriel et commerçant seront des industriels et des commerçants » (152). On notera que, pas plus dans Quadragesimo Anno que dans Rerum Novarum, il n’est question explicitement de démocratie ni de société politique.

Subsidiarité et bien commun
 

Bien qu’il ait fait de nombreuses interventions sur divers thèmes de la vie publique, Pie XII n’a pas écrit d’encyclique sociale. Jean XXIII renoue avec la tradition. En moins de 5 ans, ce pape, accueilli comme un « pape de transition », publie deux importantes encycliques : Mater et magistra (1961) et Pacem in Terris (1963) et met en route le Concile Vatican II. Le terme d’aggiornamento qu’il a souvent employé caractérise bien son œuvre. Il a invité l’Église à accepter la réalité du monde moderne, à en découvrir les aspects positifs et à y annoncer simplement la Bonne Nouvelle qui lui est confiée, sans nostalgie ni esprit de reconquête. Dans Mater et Magistra, il parle longuement de la « socialisation », « un des traits caractéristiques de notre époque », qu’il définit comme « ces interdépendances qui ont entraîné dans la vie et dans l’action des hommes de multiples formes de liens sociaux » ; il l’accepte comme un fait inéluctable et montre comment, si elle réalise un juste équilibre entre l’autonomie des individus et des groupes et l’intervention des pouvoirs publics, elle peut promouvoir le bien commun. Dans Pacem in Terris, Jean XXIII commente la Déclaration des Droits de l’Homme, accueillant en quelque sorte ceux-ci dans l’enseignement de l’Église ; il salue avec joie les « signes des temps » : la promotion des classes laborieuses, l’entrée de la femme dans la vie publique, la décolonisation et la généralisation de « l’idée de l’égalité naturelle de tous les humains ». Il introduit enfin une distinction « entre l’erreur et ceux qui la commettent », entre fausses théories philosophiques et mouvements historiques », ouvrant ainsi la légitimité d’une collaboration entre chrétiens et non chrétiens dans le combat pour un monde plus juste.

Le principe de subsidiarité est abordé dans les deux encycliques. Dans Mater et Magistra, le contexte est celui des rapports entre l’initiative privée et l’intervention de l’État. L’encyclique rappelle que l’intervention de l’État « pour encourager, stimuler, coordonner, suppléer et intégrer s’appuie sur le principe de subsidiarité, formulé par Pie XI » ; et elle reprend in extenso la définition que nous avons citée plus haut (53). Les paragraphes suivants commentent et actualisent le principe. Le développement des sciences et des techniques rend possible et appelle « une action plus variée, plus vaste et mieux ordonnée qu’autrefois » des pouvoirs publics dans le domaine de l’économie (54) mais celle-ci « ne doit pas supprimer la liberté d’action des particuliers, elle doit même la favoriser », « pourvu que soient sauvegardés les droits essentiels de chaque personne » (55). Cette réserve apporte une limite essentielle à la liberté des individus ; elle ordonne la subsidiarité à la solidarité. Un peu plus loin, le texte continue : « Là où fait défaut l’initiative privée surgit la tyrannie politique et aussi la stagnation économique » (57) ; mais là où les pouvoirs publics n’interviennent pas ou trop peu, c’est l’« exploitation éhontée des faibles par les plus puissants » (58). La section suivante, consacrée à la socialisation, souligne et précise encore l’équilibre nécessaire entre le privé et l’État : elle introduit la notion de bien commun dont elle donne une précieuse définition : c’est « l’ensemble des conditions sociales permettant à la personne d’atteindre mieux et plus facilement son plein épanouissement » (65). Elle parle aussi des « corps intermédiaires qui doivent jouir d’une réelle autonomie et poursuivre leurs objectifs au bénéfice du bien commun, et qui doivent aussi par ailleurs traiter leurs membres en personnes humaines et les faire participer à leurs activités » (ib.).

C’est probablement ce développement sur la juste socialisation qui nous donne la perception la plus exacte de la subsidiarité et de son rôle. L’être humain est un être social, il n’existe ni ne peut exister en dehors de tout un ensemble de liens sociaux ; et le développement de la société a multiplié et ne cesse de resserrer ces liens. Mais chaque être humain est une personne, libre et responsable, douée d’une dignité unique, appelée à un « plein épanouissement ». Le bien commun – c’est essentiel – est défini en fonction de ce plein épanouissement, celui de toutes les personnes, sans qu’aucune ne soit exclue. À partir de là, on voit mieux comment la subsidiarité n’est pas seulement une manière de limiter au maximum l’intervention des pouvoirs publics mais peut être aussi un appel pressant à leur intervention. Elle joue dans les deux sens : pour limiter l’intervention des « groupements supérieurs » et pour les appeler. C’est en quelque sorte une règle de discernement politique de ce qui finalement sera le meilleur pour le bien de tous[12]. L’horizon de tout cela, c’est cet épanouissement de chacun et cette société harmonieuse évoqués plus haut, un idéal inaccessible sans doute mais néanmoins, en même temps, l’objectif inéluctable.

L’autre encyclique de Jean XXIII ouvre au principe de subsidiarité un champ nouveau : celui de « l’organisation de la communauté mondiale ». Après avoir traité, dans un ordre « ascendant » très classique, des droits et devoirs de l’être humain et de la communion sociale, puis de la communauté politique (l’État) et des relations internationales (les rapports entre les États), elle constate que « le bien commun universel pose des problèmes de dimensions mondiales […] qui ne peuvent être résolus que par une autorité publique […] de compétence universelle » (137). Elle pose alors trois conditions : cet organisme doit « être constitué par un accord unanime » (138), avoir pour objectif fondamental « la reconnaissance, le respect, la défense et le développement des droits de la personne humaine » (139) et enfin respecter le principe de subsidiarité. Un rappel d’abord: « À l’intérieur de chaque pays, les rapports des pouvoirs publics avec les citoyens, les familles et les corps intermédiaires doivent être régis et équilibrés par le principe de subsidiarité ». L’affirmation ensuite : « Il est normal que le même principe régisse les rapports de l’autorité universelle avec les gouvernements des ÉtatsLe rôle de cette autorité… est d’examiner et de résoudre les problèmes que pose le bien commun universel en matière économique, sociale, politique ou culturelle. C’est la complexité, l’ampleur et l’urgence de ces problèmes qui ne permettent pas aux gouvernements nationaux de les résoudre à souhait » (140). L’autorité … mondiale ne doit pas « limiter l’action des États ni se substituer à eux ». « Elle doit au contraire tâcher de susciter […] des conditions qui facilitent, non seulement aux gouvernements mais aussi aux individus et aux corps intermédiaires l’accomplissement de leurs fonctions, l’observation de leurs devoirs et l’usage de leurs droits dans des conditions de plus grande sécurité » (141).

La Constitution pastorale Gaudium et Spes (GS), promulguée par le Concile Vatican II à la veille de sa clôture, le 7 décembre 1965, n’emploie pas le terme de subsidiarité mais elle en reprend toute la substance. Dans le chapitre 4 de la 2e partie, « la vie de la communauté politique », elle affirme le droit et le devoir de tous les citoyens de « participer à la gestion des affaires publiques », les droits aussi des « groupes intermédiaires » et elle prône « un juste équilibre entre l’autorité et la liberté, la solidarité et l’initiative, l’unité et les diversités fécondes » (75).

En conclusion sont affirmées la nécessité de l’éducation civique et politique et la « noblesse » de l’art de la politique. On notera qu’il n’est jamais fait mention de la démocratie.

Subsidiarité et société politique
 

Le principe de subsidiarité n’est pas invoqué par Paul VI, ni dans l’encyclique Populorum Progressio sur le développement des peuples (1967) ni dans la « lettre apostolique » Octogesima adveniens (1971). Mais cette dernière apporte un éclairage intéressant – et qui reste exceptionnel dans tout le corpus – sur « la société politique » et son enracinement dans la société civile. « Être social, est-il affirmé, l’homme construit son destin dans une série de groupements particuliers qui appellent, comme leur achèvement et comme une condition nécessaire de leur développement, une société plus vaste, de caractère universel, la société politiqueToute activité particulière doit se replacer dans cette société élargie et prend, par là même, la dimension du bien commun » (24). Cette formulation souligne heureusement l’aspect positif du recours au « groupement supérieur ». Le développement qui suit articule les autres groupements à cette société politique en caractérisant bien leur rôle : « L’action politique… doit être sous-tendue par un projet de sociétécohérent […] dans son inspiration, qui s’alimente à une conception plénière de la vocation de l’homme et de ses différentes expression sociales ». Et « c’est aux groupements culturels et religieux … qu’il appartient… de développer dans le corps social ces convictions ultimes sur la nature, l’origine et la fin de l’homme et de la société ». Et le pape conclut : « En ce domaine, il convient de rappeler le principe proclamé au Concile Vatican II. La vérité ne s’impose que par la force de la vérité elle-même qui pénètre l’esprit avec autant de douceur que de puissance » (25).

Nous pouvons passer directement de cet enseignement de Paul VI à la troisième encyclique sociale de Jean Paul II Centesimus Annus (1991). Celle-ci contient un long développement sur la subsidiarité mise en rapport avec la solidarité. Écrite deux ans après la chute du rideau de fer, elle parle aussi explicitement de la démocratie. Mais cette troisième notion-clé n’est pas mise en relation avec les deux premières.

Dans la première partie qui rappelle l’enseignement de Rerum Novarum, l’encyclique met en relief la responsabilité de l’État à l’égard des petits et des pauvres : le principe de solidarité.  Mais si Léon XIII en appelait à l’État, précise-t-elle, il n’affirmait pas pour autant que « la solution de la question sociale devrait dans tous les cas venir de l’État : « Au contraire il insiste […] sur les nécessaires limites de son intervention et sur sa nature de simple instrument puisque l’individu, la famille et la société lui sont antérieurs et que l’État existe pour protéger leurs droits respectifs sans jamais les opprimer » (11). La trame ou le guide de Rerum Novarum (et de l’enseignement social de l’Église), c’est « la juste conception de la personne humaine, de sa valeur unique, dans la mesure où ‘l’homme est sur la terre la seule créature que Dieu ait voulue pour elle-même’ (GS, 24) » (11). Plus loin, l’encyclique résume le rôle de l’État de la façon suivante : « L’État doit contribuer à la réalisation de ces objectifs directement et indirectement. Indirectement et suivant le principe de subsidiarité, en créant les conditions favorables au libre exercice de l’activité économique, qui conduit à une offre abondante de possibilités de travail et de sources de richesse. Directement et suivant le principe de solidarité, en imposant, pour la défense des plus faibles, certaines limites à l’autonomie des parties qui décident des conditions du travail, et en assurant dans chaque cas un minimum vital au travailleur sans emploi » (15). L’encyclique apporte ici une précision qui appauvrit en fait la notion de subsidiarité. Selon Mater et Magistra, le rôle de l’État est de « stimuler et suppléer ». En liant la notion de subsidiarité exclusivement au premier de ces rôles, on la cantonne dans sa fonction de limite à l’intervention de l’État.

C’est dans un autre passage et sans aucun lien avec celui-ci que l’encyclique parle de la démocratie. Elle dénonce les méfaits du totalitarisme (44-45) et en vient alors à la démocratie (45). Elle affirme : « L’Église apprécie le système démocratique, comme système qui assure la participation des citoyens aux choix politiques et garantit aux gouvernés la possibilité de choisir et de contrôler leurs gouvernants, ou de les remplacer de manière pacifique lorsque cela s’avère opportun » (46). L’essentiel est dit sans doute mais le caractère unique de la démocratie, la référence à la valeur égale de chaque citoyen – de chaque personne humaine – qui lui est propre ne paraît pas vraiment prise en compte. Au contraire, les développements qui suivent apportent plutôt des réserves, soulignent les écueils qui peuvent empêcher le bon fonctionnement de la démocratie, l’entourent de conditions. « Une démocratie authentique n’est possible que dans un État de droit et sur la base d’une conception correcte de la personne humaine » (ib.) Ce que recouvre cette dernière expression est explicité un peu plus loin. Évoquant le « succès de l’idéal démocratique dans le monde » (après la chute du rideau de fer) l’encyclique affirme la nécessité, pour les peuples qui réforment leurs institutions de donner à la démocratie « un fondement authentique et solide grâce à la reconnaissance explicite des droits de l’homme ». Et aussitôt après, l’encyclique mentionne « le droit à la vie dont fait partie intégrante le droit de grandir dans le sein de sa mère après la conception » (47)[13]. Ce qui explique la réserve de l’enseignement pontifical à l’égard de la démocratie apparaît ici clairement : c’est le fait que, dans un État démocratique, la législation comme détermination de ce qui est légitime et de ce qui ne l’est pas dépende en fin de compte de la loi de la majorité[14]. En profondeur, c’est le rapport entre la liberté et la vérité qui est en question. La dernière phrase de cette section semble préciser ce rapport dans le sens où allait déjà le texte cité plus haut de Paul VI dans Octogesima adveniens ; il n’est pas sûr pourtant que ce qui est appelé ici « l’ordre démocratique » soit réellement accepté. Citons-la dans son intégralité : « L’Église respecte l’autonomie légitime de l’ordre démocratique et elle n’a pas qualité pour exprimer une préférence de l’une ou l’autre solution institutionnelle ou constitutionnelle. La contribution qu’elle offre à ce titre est justement celle de sa conception de la dignité de la personne qui apparaît en toute plénitude dans le mystère du Verbe incarné » (47). Pour le pape, la démocratie est un système, une « solution institutionnelle ». Il se refuse à reconnaître son caractère inéluctable en tant que seul système qui soit fondé sur la responsabilité reconnue de tous les citoyens (une personne, une voix). Alors que la démocratie, quels que soient ses défauts et ses déviations qui peuvent être criminelles, ne peut être corrigée que par la voie démocratique, on pourrait dire : par plus de démocratie. La phrase citée plus haut définit en somme correctement le rôle de l’Église et justifie ses interventions : on ne peut pas dire qu’elle est une claire acceptation de la démocratie ni de la liberté de conscience.

Caritas in Veritate, vers une synthèse ?
 

Renouant avec la perspective de Pacem in Terris, l’encyclique sociale de Benoît XVI fait appel au principe de subsidiarité dans son enseignement sur l’organisation mondiale (chapitre 5 : La collaboration de la famille humaine). Le pape rappelle le devoir des croyants « d’unir leurs efforts à ceux de tous les hommes et de toutes les femmes de bonne volonté… afin que notre monde soit effectivement conforme au projet divin : celui de vivre comme une famille sous le regard du Créateur » (57). Et c’est là qu’intervient, de façon un peu inattendue, le principe de subsidiarité. « Le principe de subsidiarité, expression de l’inaliénable liberté humaine, est, à cet égard, une manifestation particulière de la charité et un guide éclairant pour la collaboration fraternelle entre croyants et non croyants » (ib.). Et le texte continue, très didactique : « La subsidiarité est avant tout une aide à la personne, à travers l’autonomie des corps intermédiaires… aide proposée lorsque la personne et les acteurs sociaux ne réussissent pas à faire par eux-mêmes ce qui leur incombe et elle implique toujours que l’on ait une visée émancipatrice qui favorise la liberté et la participation en tant que responsabilisation. […] La subsidiarité est l’antidote le plus efficace contre toute forme d’assistance paternaliste. […] Il s’agit donc d’un principe particulièrement apte à gouverner la mondialisation et à l’orienter vers un véritable développement humain » (ib.). Et l’encyclique tire la conclusion : « Pour ne pas engendrer un dangereux pouvoir universel de type monocratique (sic), la ‘gouvernance’ de la mondialisation doit être de nature subsidiaire, articulée à de multiples niveaux et sur divers plans qui collaborent entre euxLa mondialisation réclame certainement une autorité, puisqu’est en jeu le problème du bien commun qu’il faut poursuivre ensemble ; cependant cette autorité devra être exercée de manière subsidiaire et polyarchique pour, d’une part, ne pas porter atteinte à la liberté et, d’autre part, être concrètement efficace » (ib.). Et le pape fait le même partage que Jean Paul II dans Centesimus Annus, entre les rôles respectifs de la subsidiarité et de la solidarité : « Le principe de subsidiarité doit être étroitement relié au principe de solidarité et vice-versa, car si la subsidiarité sans la solidarité tombe dans le particularisme, il est également vrai que la solidarité sans la subsidiarité tombe dans l’assistanat qui humilie celui qui est dans le besoin » (58). L’encyclique revient encore plus loin sur le thème lorsqu’elle parle de l’urgence d’une réforme de l’ONU : « Le développement intégral des peuples et la collaboration internationale exigent que soit institué un degré supérieur d’organisation à l’échelle internationale de type subsidiaire pour la gouvernance de la mondialisation » (67).

Nous avons ici le développement le plus circonstancié, dans l’enseignement social de l’Église, sur le principe de subsidiarité, en même temps que son application la plus étendue, la plus difficile et la plus nécessaire. L’insistance sur son rôle comme antidote à l’assistance paternaliste est particulièrement bienvenue dans la problématique du développement. On peut regretter toutefois de nouveau la distribution des rôles entre la subsidiarité et la solidarité, même si le lien étroit entre les deux est réaffirmé. Elle contribue à mettre face à face le privé et le public, la société civile et le pouvoir politique, en oubliant que celui-ci émane de celle-là, en oubliant encore une fois « l’ordre démocratique ». L’encyclique de Benoît XVI ne parle pas explicitement de la démocratie. Pourtant elle invite les chrétiens à œuvrer pour le bien commun, « ce qui signifie, d’une part, prendre soin et, d’autre part, se servir de l’ensemble des institutions qui structurent juridiquement, civilement et culturellement la vie sociale qui prend ainsi la forme de la polis, de la cité » (7). Et le pape appelle cela « la voie institutionnelle – politique, peut-on dire aussi – de la charité, qui n’est pas moins qualifiée et déterminante que la charité qui est directement en rapport avec le prochain… » (ib.). Y a-t-il plus belle et plus pressante invitation à s’engager dans la pratique de la démocratie ? Si le mot n’apparaît pas, c’est sans doute parce que Benoît XVI, comme son prédécesseur, craint les dérives de la démocratie et est notamment en profond désaccord avec certaines législations adoptées, de façon tout-à-fait régulière par des États démocratiques, notamment en matière de bio-éthique. En témoigne notamment la phrase suivante sur l’objectivité et « l’indisponibilité » des droits humains : « Si […] les droits de l’homme ne trouvent leur propre fondement que dans les délibérations d’une assemblée de citoyens, ils peuvent être modifiés à tout moment et, par conséquent,  le devoir de les respecter et de les promouvoir diminue dans la conscience commune » (43).

Subsidiarité, démocratie, bien commun
 

Il est temps de tenter une conclusion, de faire émerger peut-être, selon les termes cités plus haut, « la dynamique socialisante et même politique du principe de subsidiarité ».

Quand Léon XIII, acceptant enfin la société moderne, essaie d’y faire entendre la voix de l’Évangile en prenant en particulier la défense de l’ouvrier opprimé, le rappel idéalisé des corporations invite en fait les chrétiens à s’organiser pour transformer la société. Quarante ans plus tard, Pie XI formule et définit le principe de subsidiarité, « ce principe si grave », dans un contexte de défense contre la mainmise des États et de reconquête par l’engagement des laïcs. Jean XXIII – relayé par le Concile Vatican II – fait un nouveau pas dans l’acceptation de la réalité du monde (socialisation, signes des temps, etc.). Dans ce contexte, la subsidiarité apparaît comme un principe de discernement au service du bien commun, tantôt limitant, tantôt appelant l’intervention du « groupement d’ordre supérieur ». Paul VI confirme cette manière de voir et la précise en montrant l’articulation entre la société civile et la société politique avec une précieuse référence à la Déclaration conciliaire Dignitatis Humanae sur les rapports entre la vérité et la liberté. Par contre, la répartition des rôles entre les deux principes, de solidarité et de subsidiarité, introduite par Jean Paul II et reprise par Benoît XVI, n’est pas heureuse, car elle risque de faire percevoir les « groupements inférieurs » et le « groupement supérieur » comme concurrents, même s‘ils sont tous ordonnés au bien commun. On ne pourra, pensons-nous, surmonter cette méfiance et dégager toute la dynamique du principe de subsidiarité, qu’en prenant en compte la démocratie comme forme incontournable de la société politique.

Nous entendons la démocratie comme gouvernement du peuple par le peuple, fondé sur la participation égale de tous (un être humain, une voix), quel que soit son mode de fonctionnement. Nous sommes conscients de toutes les déviations possibles – et notamment de toutes les contradictions qu’il peut y avoir entre certaines législations et une juste conception des droits humains. Mais nous pensons que la démocratie n’est pas seulement un système, une forme parmi d’autres d’organisation de la société, nous pensons qu’il est le seul système qui, fondamentalement, respecte la dignité de chaque être humain et que, si la démocratie est fragile et qu’elle a des défauts, ceux-ci ne peuvent être corrigés que par plus de démocratie.

La dynamique socialisante du principe de subsidiarité apparaît s’il est mis au service du bon fonctionnement de la démocratie. Il s’agit de reconnaître aux personnes d’abord, à leurs groupements particuliers aux divers niveaux ensuite, leur juste autonomie pour gérer au mieux ce qui les concerne mais aussi pour prendre leur responsabilité par rapport à la cité. On rencontre là toutes les formes de démocratie participative qui permettront de réaliser un bon fonctionnement de la société politique : collectivités locales, régionales, États et finalement Organisation mondiale[15].

La juste séquence paraît bien être celle-ci : subsidiarité, démocratie, bien commun. En valorisant au maximum l’initiative et la participation librement assumée des personnes et des collectivités particulières à la vie de la société, le principe de subsidiarité permet le bon fonctionnement de la démocratie puisque celui-ci dépend du choix des citoyens et est soumis à leur contrôle – comme le reconnaît justement le passage de Centesimus Annus cité plus haut.  

À son tour, la démocratie fonctionne bien, remplit sa mission lorsqu’elle assure le bien commun – dont on peut rappeler ici la définition : « l’ensemble des conditions sociales permettant à la personne d’atteindre mieux et plus facilement son plein épanouissement » (Mater et Magistra, 65). Précisons bien : à toutes les personnes de tous les pays du monde.

La réserve de l’enseignement de l’Église à l’égard du fonctionnement démocratique s’explique par les possibilités de déviation de celui-ci – possibilités bien réelles puisqu’il repose sur la liberté des humains. L’Église joue légitimement son rôle quand elle enseigne ce qui, dans la lumière de la foi, lui apparaît comme la vérité de l’être humain et de la société. Comme le rappelle Benoît XVI : « Elle a une mission de vérité à remplir, en tout temps et en toute circonstance, en faveur d’une société à la mesure de l’homme, de sa dignité et de sa vocation » (Caritas in Veritate, 9). Mais cette parole de vérité s’adresse à la liberté des êtres humains. Dans la société et le monde pluralistes et divers, elle n’a pas d’autre autorité que sa valeur intrinsèque et la force de conviction qui en émane. C’est ici que le principe de subsidiarité exerce sa dynamique : en conscientisant et responsabilisant les personnes, en les engageant à s’engager, en les rendant progressivement capables de faire les bons choix politiques aux divers niveaux du pouvoir, en les préparant à exercer leur responsabilité de citoyens, mettant en œuvre, selon les termes de Benoît XVI, la « charité politique ». Ainsi s’enclenche, entre les personnes, les corps intermédiaires et l’État, ou encore entre la société civile et la société politique un cercle vertueux – ou, si l’on veut une série de cercles, une spirale heureuse – où le bien des personnes et celui de l’ensemble se renforcent mutuellement. La subsidiarité rend plus facile et plus concrète l’information des citoyens, la prise de conscience de leur responsabilité, et c’est ainsi qu’elle est au service du bon fonctionnement de la démocratie. Parce que celle-ci, finalement, est fondée sur le bon usage des libertés. C’est dans la liberté responsable des femmes et des hommes que la lumière de la vérité est reçue, à cette liberté qu’elle s’adresse. Et encore une fois – nous le reconnaissons et l’acceptons avec une pleine confiance dans l’être humain – « la vérité ne s’impose que par la force de la vérité elle-même ». 

Notes :

  • [1] Dans le plan quinquennal qui s’achève cette année, le programme 2013 du Centre Avec était défini de la manière suivante : « D’une mondialisation dérégulée à une mondialisation juste et solidaire ».

    [2] « L’essor du Sud. Vers un monde moins inégalitaire ». Analyse du Centre Avec, juin 2013. www.centreavec.be. Cette analyse a pour point de départ le Rapport annuel du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), 2013.

    [3] On trouvera une vue d’ensemble claire et équilibrée sur le principe de subsidiarité dans le petit livre que lui a consacré Chantal MILLON-DELSOL dans la collection « Que sais-je ? » Le principe de subsidiarité, Presses Universitaires de France, 1993 (Que sais-je, 2793).

    [4] Julien BARROCHE, État, libéralisme et christianisme. Critique de la subsidiarité européenne. Paris, Dalloz, (Nouvelle bibliothèque de thèses. Science politique), 2012.

    [5] Projet, juin 2013, p.90.

    [6] Nous citons les encycliques d’après leur édition dans le recueil élaboré par le CERAS : Le discours social de l’Église catholique, de Léon XIII à Benoît XVI. Paris, Bayard, 2009.

    [7] Il est intéressant de noter que l’index du recueil des textes cité à la note précédente ne comporte pas d’appel « démocratie ». On peut voir à ce sujet Jean-Yves CALVEZ, Les silences de la doctrine sociale catholique. Paris, Editions de l’Atelier, 1999, pp.93-103.

    [8] Sur Léon XIII et son œuvre, voir le chapitre très éclairant que lui consacre Henri TINCQ dans son ouvrage De la Révolution à Benoît XVI, ces papes qui ont fait l’histoire. Paris, Stock, 2006, pp.95-124. Le chapitre a pour sous-titre : « Le pape du premier aggiornamento ».

    [9] C’est sur l’insistance de plusieurs éminents penseurs sociaux que le pape reconnaît la légitimité d’associations qui regroupent les seuls ouvriers ; il ouvre ainsi la voie au syndicalisme chrétien,

    [10] La présentation de l’encyclique dans Le Discours social de l’Église catholique, op.cit. note 6, remarque que « l’heure est à une véritable ‘science sociale catholique’. Auraient collaboré à la rédaction de l’encyclique le jésuite allemand Oswald von Nell-Breuning, lui-même disciple du P. Gundlach, le Père Desbuquois de l’Action populaire (Fance) et le Père Muller (Belgique), « qui fut sans doute l’ultime plume après sept ou huit rédactions intermédiaires ».

    [11] Le pape reste intransigeant même par rapport au « parti plus modéré qui a gardé le nom de socialisme ». « Il repose sur une conception de la société qui est inconciliable avec le christianisme authentique » (voir 131-138).

    [12] « Le principe de subsidiarité n’est pas « un nouveau système prêt à servir […] mais bien plutôt, une toute autre manière de considérer la politique, puisqu’il s’agit de remplacer la science – idéologie ou technocratie – par un art ». Ainsi s’exprime Chantal MILLION-DELSOL dans la conclusion de son ouvrage : Le principe de subsidiarité (Voir note 3)

    [13] Le texte évoque, un peu plus loin, « le scandale de l’avortement ».

    [14] La phrase suivante est significative : « On tend à affirmer aujourd’hui que l’agnosticisme et le relativisme sceptique représentent la philosophie et l’attitude fondamentale accordées aux formes démocratiques de la vie politique, et que ceux qui sont convaincus de connaître la vérité et qui lui donnent une ferme adhésion ne sont pas dignes de confiance du point de vue démocratique, parce qu’ils n’acceptent pas que la vérité soit déterminée par la majorité, ou bien qu’elle diffère selon les divers équilibres politiques » (46).

    [15] Nous rejoignons de nouveau ici les conclusions de Chantal Millon-Delsol (op.cit. p. 124) : [Grâce à la subsidiarité] « la tâche d’intérêt général cesse d’être l’affaire exclusive de l’Etat, qui se porte toutefois garant de sa réalisation efficace et de sa réalisation complète. Elle ne devient pas pour autant une affaire privée. Elle devient, plus exactement, une affaire politique au sens de chose de tous ».