En Question n°142 - septembre 2022

Une facture d’électricité bien complexe

Exemple de la lasagne institutionnelle belge

Stefen Tancx – Unsplash

Un exemple qui illustre bien l’imbroglio de la fiscalité belge est la facture d’électricité. Si vous reprenez votre facture de régularisation, vous trouverez quatre éléments :

  1. La consommation effective d’électricité, exprimée en kilowatt/heure (kWh), dont le prix dépend de votre contrat avec votre fournisseur.
  2. Les coûts de réseau, qui sont des coûts régulés et se composent des tarifs des gestionnaires de réseau de distribution locale (ORES, Sibelga, RESA…) et de transport national (Elia). Les gestionnaires locaux sont des intercommunales, c’est-à-dire des entreprises publiques d’utilité publique créées par les communes. Les tarifs sont fixés par les régulateurs et découlent d’un arrêté royal.
  3. Les différentes redevances, qui sont des prélèvements, taxes et surcharges. Elles sont d’une grande complexité. Elles financent tous les niveaux de pouvoir, du fédéral (frais de fonctionnement du régulateur CREG, fonds de dénucléarisation, financement des CPAS, financement du tarif social, surcharge du raccordement des parcs éoliens en mer et surcharge de financement des réserves stratégiques) au communal (redevances de voirie), en passant par le régional (redevances spécifiques à la Wallonie, Flandre et Bruxelles, et financement des certificats verts).
  4. La TVA, jusqu’il y a peu fixée à 21% et rabaissée temporairement à 6% depuis le 1er mars 2022. Elle est collectée au niveau national mais sert au financement des régions, communautés et communes.

On sent bien que la complexité de cette structure empêche le politique de s’adapter et de prévoir l’avenir. Lorsque, au cours de l’hiver 2021-2022, il a été nécessaire de prendre les premières mesures d’allègement suite à l’augmentation des prix internationaux de l’électricité, les différents gouvernements se sont regardés, attendant mutuellement que l’autre niveau de pouvoir agisse.

Une autre expression de la complexité du financement des pouvoirs publics est le rôle des communes. Ces dernières sont les actionnaires des gestionnaires locaux et, dans une moindre mesure, du gestionnaire de transport national. Elles ont un intérêt à ce que ceux-ci soient profitables et leur redistribuent régulièrement des dividendes. Les communes créent des intercommunales, non seulement pour les économies d’échelle et l’expertise partagée, mais aussi pour contourner la TVA, puisque, en tant que sociétés, les intercommunales ne sont pas assujetties à la TVA. Une réforme des intercommunales et de leur financement est souhaitable du point de vue de la transparence et de la confiance, mais tant que les régions, qui sont les autorités de tutelle des communes, ne modifient pas le cadre, elles continueront de saisir toutes opportunités de financement alternatif. En matière fiscale belge, on ne peut réformer un niveau sans toucher à un autre. Tout est lié…