La Poudrière : une communauté, différentes manières d’y participer
Une autre manière de vivre ensemble est-elle possible, loin des logiques de performance et de profit ? Dans ce témoignage, Benoît Hissette raconte son engagement au sein de la Poudrière, une communauté pluraliste et autogérée où diversité, solidarité et simplicité redonnent sens au quotidien.

La Communauté de la Poudrière est ce lieu où je travaille actuellement en tant que pensionné bénévole, un jour semaine. Auparavant, entre 1980 et 2000, j’y travaillais et j’y vivais, trouvant là l’oxygène qui me manquait ailleurs, échappant ainsi au couperet de la performance considérée comme seul critère valable dans notre société. Le mot communauté évoque pour moi un projet de vie, mais plus encore des personnes, favorisées ou non par la vie, qui décident de mettre ensemble leurs forces et leur pauvreté, faisant ainsi vivre et vibrer un projet commun.
L’idée de départ est simple : chacun a quelque chose d’unique à apporter et à partager. Ensemble, on s’aide à devenir qui l’on est pour être au monde. Au niveau sociétal, la Poudrière est une ASBL pluraliste, autogérée, qui se donne pour mission de montrer que, dans la société capitaliste, une autre manière de vivre est possible, où l’humain passe avant le profit. Ce lieu habité est devenu un symbole, un lieu qui donne forme à ce qui nous dépasse, à cette intuition, au plus profond de nous, qu’une vie plus grande est à vivre, une vie plus en lien avec notre humanité. Constituée en ASBL depuis 1964, la Communauté existe depuis 1958. Ses débuts furent totalement imprévus.
Un couvent de pères Oblats dans un quartier défavorisé, rue de la Poudrière (Bruxelles), cherchait à vivre l’Évangile. Le père Léon et le père Aimé, ses représentants, se mêlaient aux gens et leur rendaient à l’occasion des coups de main. Vint frapper à leur porte une personne sans domicile fixe (SDF) demandant à venir vivre et travailler avec eux. La réponse fut assez immédiate, c’était « NON ». Il ne convenait pas, par évidence, de changer l’ordre des choses.
Ce refus préoccupa Léon et Aimé. Comment pouvaient-ils à la fois poursuivre leur vocation et refuser une personne SDF ? Ce refus ne pouvait pas durer. La décision fut enfin prise : le prochain qui viendrait demander à vivre avec eux, ils l’accepteraient. Ainsi est née la Communauté de la Poudrière. Une naissance imprévue, suscitant, chez les uns, indignation, et, chez beaucoup d’autres, enthousiasme. Vite est venu s’ajouter un couple, chacun ayant un travail, accompagné de ses trois enfants. Une contagion avait commencé. Des coups de main se donnaient dans le quartier. On aidait à des transports, on récupérait des métaux, des services se rendaient gratuitement et parfois de manière rémunérée. Personne ne se doutait de ce qui était en train de germer.
Au fil des années, le besoin de mettre par écrit ce qui se vivait au quotidien se fit sentir. Ceci se traduisit par cinq points d’appui mis en vitraux à la salle communautaire par Bernard Tirtiaux (maître verrier et écrivain belge) : la présence, l’amitié, la justice, l’utopie et l’ascèse (une manière de ne pas s’installer dans la vie et de faire face à l’inattendu). Quatre moyens s’ajoutèrent aux points d’appui : le travail, la vie simple, la mise en commun, et la fidélité (aux personnes et aux objectifs).
La Poudrière vit de ses propres moyens. À l’image du mouvement Emmaüs dont elle est membre, elle pratique la récupération d’objets divers qu’elle revend dans ses magasins de seconde main situés à Bruxelles et à Péruwelz. Elle récupère aussi des matériaux électriques, électroniques, métaux et cartons à Anderlecht en tant que point Recupel. À Rummen, près de Saint-Trond, elle produit ses légumes, pommes, poires, sirops, confitures et jus de pomme bio. Sans oublier un atelier vélo (réparations, vente, conseils) à Bruxelles.
La Poudrière pourrait se représenter tel un oignon avec ses différentes couches. En son centre, les membres à part entière. Ils ont le statut de bénévole et mettent en commun le fruit de leur travail. Ils sont une quarantaine. Ils logent sur place. Puis, quelques personnes rémunérées, proches mais extérieures. Ensuite, les bénévoles à temps partiel. Ils viennent selon leurs disponibilités. Et enfin, les amis, ceux qui occasionnellement donnent un coup de main, principalement à Rummen, sans compter les jeunes passant le temps d’une année sabbatique ou d’un service citoyen.
Une des particularités de la Poudrière est la grande diversité de ses membres. Elle se vit à travers une variété de nationalités, façons de penser, caractères, âges et histoires personnelles (on ne pose pas de questions). Ce mélange, où chacun se trouve au même niveau, n’est pas toujours simple à vivre. Mais il est source d’imprévus et de joies inespérées. Cette diversité demande beaucoup de réunions et d’échanges, ce qui ralentit le rythme d’ensemble mais permet en revanche de traverser les années. Un monde où l’humain est premier sous-entend de vivre dans un milieu où tout n’est pas maîtrisé, où peut surgir de l’inattendu, du neuf. Cela suppose une certaine vulnérabilité et de l’incertitude. Or, c’est précisément dans ce milieu un peu fragile que peut advenir de la joie. Le bien-être est maîtrisable ; la joie, elle, échappe à la maîtrise. Elle advient tout à coup, de manière imprévue.
La Poudrière
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