Radouane Attiya, Daniel Menschaert et Juani Romero : Les enjeux de l’appartenance à une communauté de convictions
Comment les communautés convictionnelles peuvent-elles contribuer au vivre-ensemble ? En quoi peuvent-elle être pour leurs membres, source de sécurité et promotrice d’engagement social ? Pour parler de ces communautés et de leur relation à la société, nous avons réunis trois personnes issues de communautés diverses. Juani Romero est catholique : elle est membre d’une communauté de laïcs engagés. Après une carrière d’enseignante, elle collabore à l’animation d’une unité pastorale (un ensemble de paroisses) à Bruxelles. Radouane Attiya est musulman, d’origine marocaine par ses deux parents. Enseignant-chercheur à l’ULiège, il connaît bien le droit musulman et exerce la fonction d’imam. Franc-maçon depuis 1982, Daniel Menschaert est depuis quelques années Grand Maître national de le Fédération belge de l’Ordre maçonnique mixte international Le Droit Humain.

Qu’évoque pour vous le mot « communauté » ?
Daniel Menschaert (D. M.) : Du positif et du négatif. On ne peut faire société sans qu’il y ait des communautés. Dans une société démocratique et progressiste, il faut laisser une place à l’expression de cultures diverses. Faire une politique d’inclusion de manière brutale, en coupant les racines, n’a pas de sens. Le côté négatif, c’est quand on tombe dans ce qu’on appelle le communautarisme, c’est-à-dire le repli, quand il n’y a plus de dialogue, qu’on n’essaie plus de construire du commun. La franc-maçonnerie à laquelle j’appartiens est née en Angleterre, au 18e siècle, de la volonté de protestants et de catholiques de créer un lieu où l’on se parle. C’est cet esprit-là qu’on devrait retrouver : une envie de dialogue entre ce qui est différent apparemment, avec le souci de trouver des points communs.
Radouane Attiya (R. A.) : J’aimerais rebondir en soulignant d’abord une ambivalence qu’on retrouve dans l’étymologie du mot communauté : munus et comunis. Il y a à la fois un aspect de don, de solidarité et un aspect de repli, d’exclusion. Jusqu’à l’Antiquité tardive, médiévale, l’individu vaut par son appartenance au groupe, à la tribu, au clan, au village, à son groupe religieux. Ces liens précèdent la société. La société va affaiblir ces appartenances collectives traditionnelles pour laisser émerger une sorte d’individualisme institutionnalisé. À l’ère de la globalisation, on parle d’hybridation culturelle avec de nouvelles formes de communautés. Nous avions auparavant des communautés ethniques, aujourd’hui plutôt des communautés affinitaires. La société se construit par le truchement et la mixtion de ces différentes communautés.
Juani Romero (J. R.) : Pour moi, la communauté n’a pas une résonnance négative. Au départ, c’était un mot lié à la vie religieuse, qui a pris progressivement une dimension sociale. Aujourd’hui, dans des sociétés individualistes, le mot communauté a pris une force extraordinaire. Tout est communauté : on parle de communauté éducative, de la Communauté européenne… On se rend compte que la personne a besoin d’une forme de vie communautaire qui n’est plus celle du monastère, mais celle d’un couple ou d’une colocation d’étudiants par exemple. J’aime ce besoin du collectif, de se sentir avec d’autres, pour vivre, mais aussi pour poursuivre un objectif ensemble.
Quels sont les grands piliers de ce qu’on entend par communauté dans votre conviction ?
J. R. : L’Église catholique a proposé une expérience de foi très individualiste. Dans l’histoire de notre Église, l’événement de Vatican II a donné une force au peuple de Dieu : celle de la communauté. De là ont surgi beaucoup d’expériences pour vivre la foi autrement. Mai 68 a marqué énormément, et pas seulement les sociétés ou les citoyens, mais aussi la conviction chrétienne. Il y a un sens de l’appartenance différent d’avant. Ce développement d’une appartenance nouvelle, c’est le grand défi de l’Église aujourd’hui. Le mot communauté, au départ, on le retrouve dans la Bible, dans les Actes des Apôtres. C’est un peu idéalisé, mais l’essentiel est là : ils mettaient tout en commun, s’aidaient mutuellement et célébraient la foi. Plus tard dans l’histoire de l’Église, les communautés de religieuses et religieux qui vivaient ensemble ont repris le flambeau. Mais l’institutionnalisation de l’Église a tué quelque chose du ferment communautaire. Cela l’a aidée à grandir dans une identité, mais les formes ont évolué d’une façon trop institutionnelle, pas communautaire. Aujourd’hui, on retrouve le besoin chez tous les chrétiens, pas seulement les religieux, de s’aider mutuellement à vivre la foi, mais sans vivre sous le même toit.
R. A. : De manière transversale aux grandes traditions spirituelles, religieuses ou non, on retrouve la notion de communauté comme corps et comme fraternité, avec une dimension presque sacrée de celle-ci. En Islam, cela prend la forme de la Oumma qui en arabe évoque l’idée de matrice, de mère ou d’archétype. Cette communauté serait par essence celle qui se distingue, parmi toutes les communautés, par un lien définitif de fraternité. Il y a un versant positif à cette notion : l’action de solidarité qui fait sens, qui lie les individus entre eux mais également la quête de sens, de vérité et de justice. D’un autre côté, il faut être vigilant. Le monde musulman est marqué par de grandes blessures narcissiques. En réponse à cela, vers le milieu du 19e siècle, survient la Nahda, qui est l’équivalent de la Renaissance chrétienne en Europe ; une renaissance marquée par une volonté de faire un, de faire communauté : autour d’une même langue, d’une même culture et bien évidemment d’une même croyance. Cela parait élégant dans l’abstraction, mais dans la pratique, ça donne lieu à l’exclusion de certaines minorités. Si l’individu ne vaut que par son appartenance au groupe, de facto, quelqu’un qui serait en périphérie sera exclu. En cela, la notion de communauté peut impliquer une forme d’aliénation.
D. M. : En franc-maçonnerie, nous n’utilisons pas le terme de communauté. Notre devise est celle de la Révolution française : « liberté, égalité, fraternité ». Pour entrer en franc-maçonnerie, il n’y a que deux critères : être probe et libre. Cela veut dire que politiquement et philosophiquement, vous pensez ce que vous voulez. Par ailleurs vous respectez les différences, et une fois que vous êtes dans un temple maçonnique, vous êtes tous égaux. Vous laissez tous vos « métaux » à la porte du temple, c’est-à-dire tout ce qui vous relie à la « société profane », que ce soit votre métier, vos richesses, vos pouvoirs. Tout ça doit rester dehors pour qu’on puisse faire, peut-être sans le dire, une communauté qui repose sur l’égalité et la fraternité.
En franc-maçonnerie, on s’appelle tous frères et sœurs. On se reconnaît des devoirs respectifs, on doit respecter l’autre, l’aimer, le secourir. On ne doit pas le convaincre de quoi que ce soit. On a une méthode rituélique et symbolique, pour faire en sorte que les différences puissent s’exprimer et se vivre de manière pacifique.
Nous formons une communauté, non pas en lien avec une philosophie ou une religion en particulier, voire une idée politique précise, mais plutôt dans l’objectif de la recherche de sens. Il n’existe pas un sens préalable auquel on devrait adhérer mais on le construit, ensemble et chacun pour soi en même temps. Le dialogue des différences vise à ce que chacun aille au fond de lui-même rechercher des compétences et des savoirs qu’il ignorait qu’il avait, et de faire de chacun.e une personne meilleure. La fraternité se vit entre maçons, mais aussi avec tous les êtres humains, en s’impliquant dans des actions sociales, des associations, etc. La communauté change tout le temps, en fonction des personnes qui la composent. Notre spiritualité, c’est cette construction de sens qui nous dépasse chacun et qui, le cas échéant, peut nous rapprocher d’autres.
Cette dynamique de la délibération à l’intérieur d’une communauté se vit-elle aussi dans l’Islam ?
R. A. : Historiquement, il existe des communautés qui sont plus ésotériques, notamment des confréries soufies, où le rapport à l’autre s’exerce différemment qu’au sein d’une communauté plus large. Il s’agit de groupes qui supposent un rapport à une autorité horizontale : le maître est là non pas pour imposer une représentation du monde, mais pour aider le novice à cheminer intérieurement afin qu’il puisse se réaliser et contribuer pour l’ensemble des citoyens.
C’est beaucoup plus complexe dans le contexte communautaire plus large au sens de la Oumma. Le risque existe, dans certaines communautés, d’une tendance à une indignation exclusive, à être dans l’élan vis-à-vis de ceux qui font partie du groupe, en excluant ceux qui n’en font pas partie. À la naissance de l’Islam, la Oumma survient à partir d’une communauté de juifs et de païens fraîchement convertis. L’idée qu’il n’y ait qu’une seule communauté avec une seule croyance, c’est un fantasme que nourrissent aujourd’hui certains intégrismes, alors que la Oumma devrait normalement transcender les clivages culturels et ethniques.
Le risque de se replier sur sa communauté existe-t-il dans l’Église catholique ou est-ce le désir de contribuer au bien commun de la société qui prédomine ?
J. R. : Je le vis comme ça en tous cas : nous sommes au service de la société. Le mot « appartenance » me semble intéressant, parce que justement, l’appartenance à l’Église est beaucoup plus souple qu’elle ne l’était avant. Il y a des gens qui se disent chrétiens catholiques, mais qui ne sont pas dans les lieux communautaires classiques. Mais il y a aussi des groupes chrétiens avec une adhésion très forte à la communauté, au point qu’elle risque de rigidifier l’identité de ses membres ou de développer des façons de faire un peu sectaires. Je ne crois pas que dans la grande Église ce soit la majorité. Il y a une grande liberté aujourd’hui. Cette liberté permet un « ressurgir » de la foi. C’est une bonne nouvelle car il y a un élément de choix et de créativité, dans la façon de vivre la foi. L’Évangile n’est pas dogmatique. C’est une source de sens à vivre soi-même dans les situations de notre vie, mais nous avons besoin de nous réunir pour nous aider à le vivre chacun à sa façon.
R. A. : J’aime ce mot de créativité car il y a une ambivalence : dans la communauté, on peut trouver un élan émancipateur, parce qu’on se sent à l’aise avec le groupe. Mais il ne faut pas s’alénier, il faut faire preuve de créativité, de lucidité, garder son esprit critique. Le paramètre d’une société en bonne santé, c’est sa capacité à permettre à ses membres d’évoluer, de changer, par exemple d’orientation sexuelle. Est-ce que la sécularisation a été un mal pour le christianisme ? Je ne le pense pas car elle force à la créativité dans le rapport à l’Évangile et elle a aussi permis un autre rapport aux textes. Peut-être que dans l’Islam, un schisme – non violent – qui permettrait un autre rapport aux textes scripturaires, serait aussi une bonne chose ?
D. M. : L’individualisme actuel ne gomme pas l’envie de faire société. Avant, en Belgique, on naissait dans un pilier (chrétien, socialiste, libéral) et on n’en bougeait pratiquement pas. Aujourd’hui, les fidélités et les appartenances bougent. C’est une chance, parce que cela affaiblit le côté « appareil » de certaines institutions. C’est le moment de se parler beaucoup plus qu’avant, entre groupes d’appartenance différente. Les maçons sont souvent décrits comme des opposants acharnés de l’Église catholique. Nous n’avons pas voulu ça, mais nous avons été excommuniés. Il y avait des catholiques, des chrétiens en nombre au sein de la maçonnerie. Ils ont dû partir. Je ne leur dis pas « revenez ! », mais je pense qu’on peut se reparler sur une base nouvelle, pour faire un bout de chemin ensemble par rapport à des enjeux de société sur lesquels, que ce soit à partir de l’Évangile ou de l’Islam, ou de courants philosophiques hérités des Lumières, on peut s’entendre.
Comment peut-on contribuer au vivre ensemble entre toutes ces communautés, tout en maintenant une appartenance à une communauté de foi ou de conviction ?
J. R. : Ce qui peut nous unir entre communautés, c’est le service à la personne humaine : la paix, la justice, la solidarité. Je suis fière que dans une église qui fait partie de notre unité pastorale, il y ait une cuisine solidaire, réalisée par des femmes musulmanes, mais à laquelle collaborent bénévolement tous ceux qui veulent, jeunes ou moins jeunes, pour apporter des repas aux sans-papiers au parc Maximilien. On gagnerait à réaliser ensemble des actions de ce type-là, qui contribuent à un monde plus humain. L’autre aspect, c’est le dialogue entre les communautés. Le dialogue interreligieux me semble très important car c’est une occasion de connaissance mutuelle. Mais je ne connais pas d’expériences de dialogue avec le monde franc-maçon.
D. M. : Invitez-nous !
R.A. : On connaît aujourd’hui une crise de l’universel. Les études postcoloniales mettent en lumière qu’un certain universalisme porte un masque de domination. Dans une perspective soufie, on pourrait regarder Bruxelles avec sa multiplicité d’individus et de communautés comme incarnant un théâtre où se joue l’idée d’une unicité, divine ou pas. Ces communautés pourraient être comme 1001 essences de fleurs qui chacune reflèterait l’idée du beau et du tout. Mais pour que toutes ces communautés soient fécondes, il faut absolument éviter l’enfermement identitaire et le refus de l’universel. Il faut pouvoir créer des espaces de médiation qui permettent d’aller du singulier au commun. Je pratique beaucoup le dialogue interconvictionnel, mais je constate une forme de lassitude. Les gens ont l’impression de ne pas être dans un vrai dialogue, car on n’aborde pas les questions qui fâchent dans nos propres traditions respectives. C’est vrai que lorsqu’on veut faire groupe, on a tendance à s’associer avec des gens avec qui on partage les mêmes convictions, mais c’est une forme de repli. Les spiritualités, si elles veulent rester pertinentes, doivent pouvoir créer des espaces de dialogue qui permettent à la fois un retour sur soi ‒ écraser son ego ‒ et, en même temps, être ouvert au dialogue, au service, au don.
D. M. : Il ne s’agit pas d’abandonner nos convictions, nos appartenances, mais plutôt de trouver, très concrètement, des terrains ou des sujets sur lesquels on peut parler, pour rassembler tout en gardant nos convictions respectives. Il ne faut pas en rester au dialogue formel dans le cadre d’une réunion, mais aller plus loin, sur les terrains où nous partageons des enjeux communs.
R. A. : Toutes les sagesses philosophiques et spirituelles ont ce rôle à jouer : être porteuses d’espérance dans nos sociétés désenchantées. L’idée de fraternité suppose un courage de bienveillance face à l’inconnu. J’ai un frère, je ne le connais pas, mais le sentiment d’appartenance à une communauté humaine me donne de pouvoir aller vers lui, le découvrir, lui apporter mon aide.
On reproche parfois à certaines communautés convictionnelles de s’exprimer sur des sujets de société, comme les questions bioéthiques ou les questions migratoires. Y a-t-il un danger à ce que les représentants de ces communautés s’expriment trop dans les débats de société ?
R. A. : C’est le pendant d’une société démocratique : pouvoir entendre les discours qui fâchent, parce que si on veut brider ou édulcorer nos discours, on crée une société hypocrite qui laisse émerger des extrêmes qu’on ne pourra pas contrôler. Il serait malvenu de laisser les religions au placard, alors que nous sommes pétris de ces traditions. Si on venait à brider cette parole, on créerait des sociétés malformées ou malades. On ne doit absolument pas craindre de libérer la parole.
D. M. : Je partage ce point de vue. La laïcité de l’État, ce n’est pas gommer l’existence des religions ou des philosophies. Ce serait une erreur. Je n’ai aucun problème à ce que des communautés s’expriment. Nous-mêmes le faisons de plus en plus, mais avec une limite : seulement quand nous estimons que des valeurs fondamentales, démocratiques, d’État de droit, de liberté, d’égalité, de fraternité sont menacées ; ce ne sont pas des valeurs qui nous sont propres. Nous pensons qu’elles sont partagées par les autres. Par exemple, nous nous sommes exprimés sur le projet des visites domiciliaires ou sur le non-respect par le gouvernement des décisions de justice qui le condamnait par rapport à sa politique d’accueil des demandeurs d’asile.
J. R. : Il est clair que nous partageons les valeurs démocratiques avec les autres. Mais il y a une tension sur les questions qui touchent à l’éthique privée, de la famille (avortement, euthanasie…). Il y a le fond des questions – le respect de la vie par exemple – mais aussi la façon d’en parler : est-ce que j’oblige les autres à vivre ce que moi je pense juste ? Je peux dire ma conviction sans dire que c’est la meilleure pour toi. Il y a des personnes dans la vie publique qui arrivent à trouver les mots justes sans condamner les autres. Mais il y a des personnes qui ne sont pas capables de parler comme ça et c’est dommage.
R.A. : Je suis souvent contrarié par une sorte de confiscation, dans le débat public, de certaines questions liées spécifiquement à l’Islam. Nos débats se sont tellement cristallisés sur ces questions parfois mortifères du voile, des carrés de cimetière, de l’abattage rituel, que cela empêche les représentants du culte musulman d’aborder des questions plus graves, sur notre rapport à la maladie, à la fin de vie, à l’écologie qui, à titre personnel, me paraissent beaucoup plus importantes.
Quels sont les bienfaits de la communauté dans une société devenue très individualiste ?
D. M. : Fondamentalement, c’est le travail sur soi, et le travail avec l’autre, et la prise de responsabilité par rapport aux autres de la communauté, mais aussi bien au-delà. En termes écologiques, c’est de dire que je suis responsable dorénavant de tout ce qui est vivant sur cette terre. Je vois que la franc-maçonnerie peut construire des individus plus solides pour affronter les défis et la vie en société aujourd’hui, qui est beaucoup plus complexe et dure qu’elle ne l’était dans le passé.
Par ailleurs, certaines communautés religieuses sont encore les derniers lieux dans notre société où on peut ralentir le temps, pour sortir de l’urgence dans laquelle on est, qu’elle soit professionnelle, familiale, politique. On va prendre le temps pour réfléchir sans pression. Des lieux comme ça, ça devient rare, il faut vraiment les préserver. En maçonnerie, quand on commence les travaux, on sort du temps profane. Le temple est « rebâti » à chaque réunion pour le sortir à la fois de l’espace et du temps. S’offrir ça, c’est un cadeau !
J. R. : Je fais une différence entre individualisme et personnalisation. C’est vrai que la société est individualiste, mais la personnalisation, c’est pouvoir parler en « je » et avoir un dialogue ouvert aux autres. Les communautés doivent aider à la croissance de la personne humaine, et à la croissance spirituelle dans le cas de l’Église, avec la compréhension de l’Évangile, de la personne du Christ qui avait une façon d’être, d’entrer en relation et de regarder le monde, la société. Dans l’Église, il y a des communautés qui sont capables d’offrir des espaces de silence, de prière, qui permettent de relire sa propre expérience et celle du groupe, et de comprendre la société.
R. A. : Une appartenance saine à la communauté, c’est de savoir s’enraciner dans un monde en changement. C’est en même temps avoir un sentiment de fierté, mais aussi avoir la capacité de sortir de sa propre communauté, voire parfois de vivre une certaine douleur lorsqu’on veut prendre de la distance avec sa propre communauté quand l’adhésion pèse. Dans une société qui atomise et où l’individu a un perpétuel besoin de reconnaissance, l’individu peut trouver des espaces où on cultive l’art du silence et l’art de la compassion, l’art du langage du cœur, l’art de la découverte de l’autre. Les traditions spirituelles peuvent jouer un rôle positif en jetant des ponts d’abord entre elles et en explorant aussi les nouveaux défis qui sont titanesques.