En Question n°155

Et si on célébrait ?

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Les occasions de célébrer sont nombreuses : fêtes familiales, religieuses ou sociales, commémorations, événements culturels et sportifs, festivals, rythmes naturels… Autant de moments qui tissent du lien et donnent du relief à nos vies. Pourtant, les crises, les conflits, la morosité ou l’isolement grandissant peuvent fragiliser notre envie de nous rassembler. Ce numéro d’En Question interroge le sens de la célébration et explore sa portée sociale. Que célébrer, et pourquoi ? Comment éviter que la fête ne se vide de sens ou ne devienne un simple produit de consommation ? Comment la réinventer pour qu’elle unisse et nourrisse l’espérance ?

edito

La fête appartient à tout le monde

Simon-Pierre de Montpellier

J’ai beaucoup hésité à revenir sur la polémique dont a fait l’objet la nouvelle crèche de la Grand-Place de Bruxelles (fin 2025), au risque de l’alimenter. Cependant, au moment de boucler ce numéro, il est devenu manifeste que cette histoire soulevait des enjeux de fond – bien plus essentiels que la question esthétique – qui résonnent avec les réflexions développées dans le dossier qui suit, consacré au sens même de la célébration.

Tout d’abord, cette polémique expose une tentation dangereuse : celle d’accaparer une fête populaire et spirituelle. Certains se sont notamment érigés en arbitres exclusifs de ce qui serait beau, sensé, voire « sacré », et ce qui ne le serait pas. Pourtant, la tradition – rappelons, en l’espèce, que cette crèche en tissus représente fidèlement la nativité et évoque remarquablement l’incarnation divine dans une vie ordinaire et précaire – est vivante et universelle, s’enrichissant au fil des siècles et des contextes.

Ensuite, cette affaire illustre comment une droite de plus en plus décomplexée s’approprie un événement, manipule les émotions et instrumentalise les ressentiments, cherche à détourner notre attention des enjeux socio-économiques et écologiques primordiaux, pour faire avancer son propre agenda politique, aux accents néolibéraux, conservateurs et – osons le dire vu la teneur de certains propos relayés – islamophobes.

Enfin, cette polémique met en lumière la polarisation croissante de notre société. En publiant un avis sur un réseau social, j’ai moi-même pu constater de l’intérieur à quel point les clivages se creusent et comment le débat démocratique est saboté par des procédés rhétoriques fallacieux : attaques personnelles, procès d’intention, anathèmes, désinformation… Ces glissements ne se limitent pas aux réseaux sociaux, ils contaminent la plupart des débats politico-médiatiques. La démocratie, elle, en sort affaiblie.

Face à ces dérives, le dossier central de ce numéro d’En Question propose une tout autre vision de la fête : elle n’est la propriété de personne, elle appartient à tous ceux et celles qui y participent. Envisagée comme un bien commun, la célébration peut être source d’apaisement, de rassemblement, de rencontre, d’inspiration et de mobilisation.

Fêtes et rites : Célébrer rassemble !

Charles Delhez

Depuis l’origine de l’humanité, les fêtes et les rites recréent du lien et mettent en communion. Aujourd’hui, dans un monde menacé par la solitude et la résignation, célébrer peut contribuer à entretenir la joie, apaiser les peines et insuffler de l’espérance. Mais comment éviter que ces moments ne deviennent des conventions vides de sens ou des produits de consommation ? Comment les réinventer pour qu’ils rassemblent, dans le respect de la diversité des convictions ? Une réflexion de Charles Delhez sur l’art de célébrer, entre héritage et modernité.

Gabriel Ringlet : « Loin de clôturer, la célébration ouvre le chemin »

Claire Brandeleer - Frédéric Rottier - Simon-Pierre de Montpellier

Prêtre catholique, théologien, écrivain et ancien vice-recteur de l’UCLouvain, Gabriel Ringlet questionne sans relâche les célébrations et invente de nouvelles formes de rites. En 2018, il fonde une école des rites, ouverte à chacune et chacun, quelles que soient ses convictions ou ses incertitudes. Dans son dernier ouvrage, Des rites pour la Vie (Albin Michel, 2025), il défend une idée centrale : chaque passage de la vie, joyeux ou douloureux, peut devenir une fête.

Hommage à l’existence

Colette Nys-Mazure

Et si l’art était la clé pour célébrer le quotidien ? Colette Nys-Mazure en témoigne : la poésie transforme l’ordinaire en émerveillement. « Elle proteste, s’insurge et elle dit que c’est bon, c’est beau d’être au monde ». Entre souvenirs d’enfance, rituels familiaux et rencontres littéraires, l’écrivaine nous rappelle que la vie se célèbre, aussi fragile soit-elle. À 86 printemps, elle nous offre un splendide hommage à l’existence, qui s’achève par un poème inédit.

La place de la célébration dans les luttes sociales et écologiques

Caroline Ingrand-Hoffet

Comment accueillir et célébrer nos émotions dans les luttes sociales et écologiques ? Caroline Ingrand-Hoffet, pasteure protestante, explore cette question en puisant dans la tradition chrétienne et en relisant son propre vécu militant. À travers des expériences fortes en Alsace et à Paris, elle montre comment les Églises peuvent s’ouvrir et accompagner celles et ceux qui luttent pour la justice sociale et écologique.

L’art de célébrer ailleurs dans le monde

Olivier Lardinois - Stéphane Nicaise - Max Michel

À Taïwan, des aborigènes dansent en cercle pour inclure l’étranger. À l’île de La Réunion, une course solidaire transcende les différences. En République dominicaine, des messes de quartier transforment la rue en espace de rencontre. Que nous révèlent ces fêtes et rituels, vécues dans trois coins du monde ? Comment ces célébrations répondent-elles aux défis de leur société ?

Les Marches de l’Entre-Sambre-et-Meuse

Antonin Collinet

Dans l’esprit de beaucoup, les Marches de l’Entre-Sambre-et-Meuse évoquent d’abord ces défilés impressionnants où des soldats en uniforme napoléonien paradent, accompagnés de cantinières distribuant une petite « goutte » pour remonter le moral des troupes[…]

Les fêtes du 15 août en Outremeuse (Liège)

Jean Pierre Pire

Avant de répondre à cette question, permettez-moi ce petit clin d’œil linguistique (qui ne prouve rien évidemment !) : tous deux commencent par la même lettre (de même qu’en italien, espagnol et anglais).[…]

Nos vœux pour le bicentenaire de la Belgique en 2030

Michel Visart - Axelle Fischer - Ben Kamuntu - Patrick Dupriez

25 août 1830, théâtre de la Monnaie, Bruxelles. La représentation de La Muette de Portici, opéra romantique d’Auber, prend une tournure révolutionnaire. Avant la fin de la pièce, plusieurs spectateurs quittent leur place et se mettent à crier : « Vive la liberté ! »[…]