En Question n°130 - août 2019

L’entreprise peut contribuer à sauver la planète !

Il n’est de sujets plus brûlants et plus prioritaires que le changement climatique et la perte de biodiversité : leur résolution conditionne rien de moins que la survie de notre espèce sur la planète et cela dans un délai très court puisque l’on parle de quelques décennies. Il n’y a pas un jour, une heure qui se passe sans que nous lisions ou entendions sur ces sujets des considérations petites ou grandes : tout, ou presque, a déjà été écrit ou dit.

crédit : Suzanne d Williams – Unsplash


Pourtant, rien ou si peu, en regard de l’énorme défi (peut-on encore parler de défi ou doit-on dire péril ?), n’a été entrepris qui permette de croire que l’on se dirige vers une solution. Mon propos n’est pas de vouloir condamner les uns et de préconiser aux autres des « ce qu’il faut faire » et encore moins d’ajouter une solution possible.

Analyser ce problème avec toutes nos facultés intellectuelles en utilisant toutes les sciences accumulées, qu’elles soient physiques, humaines, politiques, ou philosophique n’est plus accessible à un seul esprit humain. Ces sommes de connaissances ne sont plus utilisables par un individu seul mais seulement accessible par la communauté de ceux-ci. Elle nous propose alors énormément de solutions et de possibilité d’actions.

Il y a cependant des trous dans ces connaissances et principalement une connaissance de nous -mêmes : notre capacité à mobiliser le genre humain face à un péril qui ne nous a jamais été connu.

Nous sommes faits de vie et d’évolution et comme le reste de la Nature, nous avons évolué au gré des millénaires. Rien dans notre histoire ne nous a préparés à de tels événements que nous comprenons et pouvons anticiper et dont nous sommes après tout les seuls maîtres.

Or, l’alchimie de l’évolution des sociétés a été bien observée sur le temps long (voir le livre Sapiens. Pour une brève histoire de l’humanité, de Y. N. Harari). Sur les temps courts, on sait que les groupes humains ont plutôt tendance à s’opposer de manière violente (guerres mondiales) ou plus ou moins apaisée (par exemple dans une démocratie).

Il me semble qu’aujourd’hui, il est difficile de se baser sur des connaissances historiques de nos comportements pour les utiliser valablement et atteindre les solutions désirées. D’autres voies doivent être tentées et approfondies pour résoudre collectivement les situations complexes dans lesquelles nous nous trouvons.

L’une d’elles devrait utiliser ce qu’on appelle l’intelligence collective : cette manière de réfléchir ensemble à des situations où différents angles de vue, éloignés les uns des autres, permettent de converger vers des solutions et des actions concertées qui sont les meilleures que l’on puisse imaginer à ce moment. Ces méthodes sont diamétralement opposées à la confrontation (la dialectique) qui a le plus cours dans nos systèmes de concertation actuels. Ces méthodes ne sont possibles qu’avec un groupe ayant un nombre limité de participants, 15 au maximum.

Comment passer de 15 à quelques millions, puis à quelques milliards ? Michel Hervé a imaginé une organisation capable de relever ce défi d’une manière originale et il l’a appliquée à son groupe d’entreprises (groupe Hervé.) Il l’a exposée dans son livre : Une nouvelle ère (Edt. François Bourin).

On rétorque assez souvent à ce type d’approche et à ceux qui les proposent d’être de doux rêveurs, de croire au monde des « bisounours. » Outre que ce reproche témoigne d’un cynisme profond sur la nature humaine et est souvent définitif, il met bien en avant l’extrême difficulté à laquelle nous faisons face aujourd’hui : notre capacité à nous remettre en cause collectivement, à croire en des modes d’organisations différents, jamais testés à grande échelle. Ce blocage est patent lorsqu’on regarde l’absence d’évolution dans nos systèmes de représentation démocratique, nos systèmes de concertation sociale, nos groupes de pression et toute autre organisation collective : seul le rapport de force dicte encore celui qui pourra l’emporter.

Ainsi, je pense qu’une des meilleures organisations capables de relever les défis actuels est l’entreprise. L’entreprise au sens large, soit « toute organisation qui se donne une raison d’être au service de la communauté ». Moyennant de profonds changements dans les relations humaines (équilibre des pouvoirs, combinaison subtile entre motivation personnelle, compétences et raison d’être commune) l’entreprise est un formidable catalyseur de changement. Un des seuls capables d’influer rapidement le cours de choses.