Pas d’interculturalité sans anti-racisme !
On a parfois tendance à opposer la démarche interculturelle et celle de l’anti-racisme. Là où l’approche interculturelle cherche à dépasser une frontière à l’extérieur du groupe, l’anti-racisme nomme une frontière à l’intérieur de la communauté nationale. Une frontière qui empêche les descendants des différents groupes de migrant.e.s de prendre place de manière égale dans la société. À mes yeux, cependant, il n’y a nullement opposition entre ces deux approches.
Au niveau théorique, il s’agit de deux niveaux de lecture différents : l’interculturel porte sur la rencontre entre personnes ou groupes ; l’anti-racisme, lui, dénonce les cadres sociaux dans lesquels se déroule cette rencontre, et qui fabriquent de l’inégalité. Parce qu’il remet en cause les fondements de la société, l’anti-racisme est condamné à être réduit à la marge et perçu comme « radical ». Pourtant, en interrogeant l’organisation sociale qui produit des inégalités, et les traces qu’a laissées la période coloniale sur l’ordre du monde, ce courant renouvelle un combat universel pour la justice sociale et la paix, en le rendant pluriversel.
L’anti-racisme s’intéresse souvent aux mots. En les prononçant, ses militant.e.s visibilisent l’effet des catégories invisibles (« privilège blanc »). En les remettant en question, ils et elles cherchent à en réduire les effets (« racisés »). Et en en inventant de nouveaux, ils tentent d’avoir un impact sur la réalité (« afrodescendant.e.s »). Si l’anti-racisme prend en charge les mots, c’est parce que ceux-ci sont vecteurs de pouvoir. C’est parce qu’ils cadrent notre pensée avant nos actions. Dire, c’est faire – classer, catégoriser, hiérarchiser… Aussi, mener un travail interculturel qui n’intègre pas une lecture anti-raciste revient à s’arrêter à mi-chemin. C’est identifier le problème sans le connecter à sa source. Nos mots reflètent et fabriquent nos maux, c’est pourquoi nous devons les envisager de manière critique. Et dépasser les binarités polarisantes pour changer notre monde.