En Question n°135

Habiter la rue : une voie sans issue ?

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Mieux comprendre le phénomène du sans-abrisme : voilà l’objectif que votre revue se donne pour son numéro d’hiver. Quelle est la situation en Belgique ?
Comment se retrouve-t-on à la rue ? Quels sont les effets de la rue sur les personnes qui y vivent ? Quelle est la réalité particulière des femmes ? Que faire face à la mendicité ? Et quid du confinement ? Autant de questions qui traversent ce dossier. Nous tentons aussi de déconstruire les préjugés parfois rencontrés à l’égard des personnes qui vivent en rue. Ce numéro permet de mieux comprendre, de donner chair et de percevoir la complexité d’un phénomène, au-delà des statistiques. En donnant la parole à des acteurs de terrain, en présentant le travail d’associations, il montre aussi des possibilités d’agir.

edito

Tous frères et sœurs

Vincent Delcorps

Souvenez-vous, c’était il y a un an. Nous étions sous le gui. Ensemble. Proches. Nous partagions la chaleur d’un foyer. Et nous nous souhaitions la bonne année. C’était il y a un an. Une éternité.

Depuis, nous sommes entrés dans un autre monde. Sans doute la crise du coronavirus porte-t-elle en elle « les germes d’un monde meilleur » – c’est en tout cas le pari que votre revue faisait dans sa livraison d’automne. Il n’empêche qu’elle est d’abord une tragédie. Pensons aux personnes âgées, vivant dans l’isolement, effectuant leur « grand passage » loin des leurs. Pensons aux jeunes qui, confinés derrière un écran, décrochent d’une vie dont ils ne trouvent plus le sens. Pensons aux travailleurs contraints de fermer boutique sans savoir si celle-ci rouvrira un jour. Pensons aux habitants de la rue, que le virus touche en plein cœur. C’est un fait : la pandémie nous rappelle avec force que nous ne sommes pas égaux. Et si l’épreuve est réelle pour chacun, c’est plus durement qu’elle frappe certains d’entre nous.

Dès aujourd’hui, et au-delà de la Covid, un autre virus nous guette. Ces temps de confinement nous auront invités – et contraints – à nous recentrer sur nous. Ce fut l’occasion de ralentir le rythme, de réduire nos contacts, de nous retrouver autour d’un certain essentiel, parfois même de nous ressourcer. Et ce ne fut pas nécessairement une mauvaise chose. Mais ce recentrement a pu aussi nous perdre. Nous faire oublier que nous avions besoin des autres – et qu’en tout cas, les autres avaient besoin de nous. Nous rendre aveugles à la détresse du voisin. Et insensibles à l’appel des plus fragiles.

En cette fin d’année, le virus qui nous guette est celui de l’égoïsme. Et c’est par tous les moyens qu’il faut le combattre. En posant des gestes concrets de solidarité. En inventant de nouvelles manières de faire lien. En donnant à nos actes citoyens une visée de bien commun. En élargissant les horizons de nos cœurs. En nous rappelant que l’étoile qui s’est levée il y a 2000 ans brille encore. Et Et que le Dieu qui naquit alors fait de nous tous des frères et sœurs.

 

Cachez ce sans-abri que je ne saurais voir

Patrick Italiano

Dans la perception courante, en ce compris les médias et, pour des raisons plus discutables, au sein de la classe politique, parler des sans-abri renvoie à une situation typiquement urbaine, où des personnes démunies dorment sur des cartons en rue, voire sous des tentes plus ou moins ragoûtantes, légèrement à l’abri des regards[…]

Housing First : solution durable pour problème persistant

Renaud De Backer

Phénomène aux traits hétérogènes caractérisé par les profils et trajectoires variés des individus concernés, le sans-abrisme revêt de multiples formes. Il concerne les personnes qui dorment à la rue ou en hébergement d’urgence, qui logent dans différents centres d’accueil, qui vivent dans des conditions de surpeuplement sévère[…]

Le syndicat des IMMENSES : Défendre ceux qui sont dans la merde

Laurent d’Ursel

Fondé en mars 2019 dans la foulée d’une Assemblée ouverte du mouvement bruxellois Droit à un toit, le Syndicat des immense s’est d’abord appelé Les précaires en colère, mais « précaire », comme « SDF », « sans-abri » ou « sans-papiers », est stigmatisant[…]

Le Foyer : Soutien aux roms

Koen Geurts

Depuis 2009, on retrouve des familles Roms sans-abri dans les rues de Bruxelles. Et, depuis cinq ans, il s’agit surtout de familles Roms roumaines qui gagnent leur vie en mendiant ou en se débrouillant dans des niches informelles (construction, cueillette…)[…]

Dans les rues de Bruxelles avec Diogènes

Filip Keymeulen

Diogènes fait du travail de rue à Bruxelles. L’asbl touche des personnes qui investissent l’espace public comme si c’était leur logement privé — elles dorment dans la rue, y reçoivent des gens… Parfois, mais pas toujours, cela donne lieu à un certain dérangement[…]

Les morts de la rue : Ne meurent que ceux qu’on oublie

Marie Renard

Des habitants de la rue, des bénévoles et professionnels du secteur sans-abri, des citoyens vivant ou travaillant à Bruxelles, ont été alertés par la solitude dans laquelle certaines personnes (ex) sans-abri pouvaient être enterrées[…]

Être enfermé dehors…

Emmanuel Nicolas

La crise sans précédent que nous connaissons laisse aisément entrevoir les effets sociaux désastreux sur les personnes les plus fragiles de notre société. Parmi ces personnes, ceux que nous nommerons « les habitants de la rue » pour éviter de les qualifier de « sans », seront probablement très touchés par les effets sociaux de la Covid-19[…]

Infirmiers de rue : Sans-abrisme en temps de confinement

Claire Brandeleer

Active depuis 2006 à Bruxelles, l’asbl Infirmiers de rue a lancé une petite antenne à Liège en mai 2019. L’équipe (36 personnes au total) travaille avec des personnes sans-abri. Son activité, et surtout la situation des personnes qu’elles rencontrent[…]

BruZelle : la PRÉCARITÉ « INVISIBLE » QUI FAIT TACHE D’HUILE ROUGE SANG

Manon Lespès

En moyenne, le coût pour une personne ayant un cycle « normal et régulier » est aux alentours de 12€ par mois (avec une mutuelle et des facilités pour prendre un rendez-vous chez un·e gynécologue, etc.). Si ce coût semble faible, il est exorbitant pour des personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté[…]

Chez Lazare : la coloc de l’Amitié

Marie Renard

Dans un système qui éprouve beaucoup de difficultés à offrir des réponses durables à la question du sans-abrisme, un certain nombre de personnes en situation de précarité peinent à sortir du cercle vicieux dans lequel elles sont enfermées[…]