Alexandre Ansay, Latifa El Hamdi et Rozemarijn Vanwijnsberghe : Le pari de l’autre
La construction d’une société plurielle dans laquelle chacune et chacun puisse se sentir « chez soi » ne nous convoque-t-elle pas à une certaine forme de renoncement ? Puis-je vraiment rencontrer l’autre, différent de moi par sa culture ou par ses convictions, si je ne suis pas prêt.e à le laisser me transformer et par conséquent à lâcher une part de moi-même ? Mais comment se laisser déplacer par la parole et la présence de l’autre, sans s’effacer, sans se perdre ? Rencontre autour de ces questions avec Alexandre Ansay, Latifa El Hamdi et Rozemarijn Vanwijnsberghe, trois personnes qui, chacune selon des modalités propres, relèvent le défi de la rencontre interculturelle.
Pour parler du renoncement dans la rencontre interculturelle, En Question a réuni deux actrices et un acteur de l’interculturalité à Bruxelles, ville cosmopolite par excellence. Latifa El Hamdi est coordinatrice du centre El Kalima qui promeut le dialogue interreligieux. En particulier, elle anime dans les écoles un atelier sur les symboles des trois religions monothéistes. Rozemarijn Vanwijnsberghe est responsable de l’association InTOUCH qui travaille autour de la rencontre interculturelle sur quatre axes différents : spiritualité, formation, art (en particulier la musique), et engagement social et citoyen. Après avoir été pendant plusieurs années travailleur social, Alexandre Ansay est directeur du Centre Bruxellois d’Action Interculturelle (CBAI), qui a pour mission de former des travailleurs, des militants, ou encore des responsables d’administrations qui sont en contact avec des publics issus de la diversité, d’informer sur les questions interculturelles et d’évaluer les politiques publiques en la matière.
Est-ce que le mot « renoncement » est un terme que vous employez dans votre travail autour de la relation interculturelle ? Est-ce qu’il vous parle ?
Alexandre Ansay : Oui et non. La démarche interculturelle implique certainement une renonciation mais elle s’appuie surtout sur ce que j’appellerais « le pari de l’autre ». D’une part, il s’agit de renoncer à nous présenter et nous définir comme détenteurs de principes et de valeurs « universels », et donc aussi à placer les autres (cultures) dans une position d’infériorité. Mais d’autre part, dans nos métiers, nous faisons le pari des autres, une sorte d’optimisme réaliste. Nous croyons que si nous mettons en place les conditions de possibilité de la rencontre interculturelle, nous pourrons tous y gagner car peut émerger la construction d’un devenir multiple où les cultures peuvent se frotter les unes aux autres et aller vers du nouveau. C’est pour ça que, nous mettons toujours au pluriel le mot cultures.
Latifa El Hamdi : C’était une surprise pour moi d’être invitée à parler de renoncement par rapport au travail que je fais. Ce n’est pas un mot que j’utilise dans mes ateliers. Mais très vite, comme je suis musulmane, j’ai pensé à l’Islam qui doit trouver sa place dans la société belge. Notamment à la question du voile où quelque part on demande à des personnes de renoncer à une pratique importante pour elles, pour mieux s’intégrer. Est-ce que cette demande est légitime ? Et en même temps, peut-on faire société sans jamais renoncer à rien ? Si je veux construire quelque chose en commun avec l’autre, il faut faire de la place.
Pour moi, le renoncement est lié à la liberté de choisir. Quand je choisis quelque chose, je renonce forcément à autre chose. Je peux renoncer à quelque chose d’important pour moi, mais ce faisant, je choisis de faire davantage corps avec le reste de la société. J’ai peut-être « perdu » quelque chose, mais c’est au profit d’autre chose de plus grand.
Rozemarijn Vanwijnsberghe : Le texte de vision de InTOUCH dit que nous croyons qu’il y a une énorme diversité sur cette terre, mais qu’il y a aussi quelque part une « unité sous-jacente » qu’il nous faut découvrir, et que nous pouvons évoluer vers un mieux vivre ensemble. Tout le travail que nous faisons, c’est ce chemin de découverte et d’évolution. Pour accéder à ce vivre ensemble, il y a un deuil à traverser. Tous, nous avons hérité de façons d’être qu’on appelle parfois « religieuses » mais qui sont plutôt d’ordre culturel. Ces pratiques culturelles sont importantes ; elles nous tiennent debout. Il ne s’agit pas de faire table rase de tout. C’est une évolution très lente où tout un chacun doit en permanence se poser la question : pour vivre ensemble avec les autres, cette pratique – comme l’exemple du voile que tu viens de donner, Latifa –, suis-je prête à y renoncer ?
Mais la relation interculturelle implique-t-elle que nous soyons disposés à renoncer à tout ? N’y a-t-il pas des attachements auxquels il ne faudrait surtout pas renoncer pour le bien même d’une rencontre en vérité ?
L.E.J. : Je ne peux pas renoncer à ma singularité, à ce qui fait mon être propre. Si j’y renonçais, il n’y aurait plus personne à qui parler. Le dialogue même n’aurait plus de sens. La singularité c’est encore plus profond que l’identité, c’est ce qui fait ma richesse, ce qui me permet d’entrer en dialogue avec l’autre.
A.A. : D’un point de vue interculturel, personne ne doit abandonner ce qui est vraiment essentiel pour lui. Par exemple, lorsque nous travaillons avec des jeunes dans les quartiers populaires, l’enjeu est de faire vivre à ces personnes des expériences par lesquelles elles deviennent des « héritières ». Un héritier, c’est quelqu’un qui sait d’où il vient, qui connaît l’histoire de ses parents, de son peuple et qui, à partir du fait qu’il est fixé, peut choisir ce qu’il garde et ce qu’il délaisse et ainsi s’ouvrir à l’altérité. On confond souvent fixé et figé : celui qui est fixé peut s’inscrire dans la multiplicité, parce qu’il a des coordonnées fondamentales.
R.V. : Plus qu’à des croyances, ce sont à des pratiques et des attitudes fondamentales, comme l’écoute, auxquelles il ne faut pas renoncer. Comme chrétienne, le respect de l’autre fait partie de mes « croyances ». Mais dans ma pratique quotidienne, est-ce que je respecte les autres ? Quand je rencontre quelqu’un, vais-je d’abord l’écouter, le laisser venir avec tout ce qu’il a dans son sac ?
De ce point de vue, la musique est un outil magnifique, parce que justement, elle nous met en posture permanente d’écoute pour pouvoir bien jouer sa partition. Par ailleurs, la musique, comme l’art en général, vient mettre en question la dominance de la tête, de l’intellect, pour ouvrir l’espace du cœur qui est très large et où beaucoup de choses peuvent survenir. Ce devrait être la même chose dans les rencontres sociales.
Et à quoi serait-il alors bon de renoncer dans la relation interculturelle ?
L.E.J. : Aux fermetures à l’accueil de l’autre ou des événements. Le problème est que nous n’avons pas toujours conscience de ces fermetures. Le regard de l’autre ou les événements de la vie vont me le révéler. Quand je bute sans cesse sur les mêmes choses, peut-être dois-je me demander s’il n’y a pas quelque chose à changer dans ma manière de regarder les autres ou les événements.
A.A. : Dans notre méthodologie, le renoncement passe par le travail de décentration. L’action interculturelle projette les protagonistes dans un contexte où ils vont être perturbés, déstabilisés. C’est un processus difficile d’un point de vue pédagogique parce qu’il nous met dans des postures paradoxales. Par exemple, si j’ai en face de moi des pompiers ou des policiers, ou même des jeunes, qui ont des préjugés ou des stéréotypes racistes, et que d’emblée, je viens avec une condamnation du type « les préjugés racistes sont immoraux et inacceptables », je ne vais pas pouvoir déconstruire leurs représentations. Je dois donc mettre en place un cadre pour permettre l’énonciation des croyances et des représentations, et puis perturber cette énonciation pour permettre une reconfiguration. Le travailleur en interculturalité, pour perturber les autres, doit accepter d’être lui-même perturbé car il est aussi porteur de stéréotypes.
D’après votre expérience, quel type de renoncement les minorités culturelles et religieuses à Bruxelles sont-elles amenées à vivre ?
L.E.J. : Aujourd’hui, presque tout le monde est en minorité. La culture dominante, ce serait justement de dire que chacun est minoritaire, voire que chacun doit se définir lui-même. Cette injonction à l’autodétermination peut poser problème à certains groupes.
Parfois, les personnes d’un groupe « minoritaire » vont être amenées à aménager une pratique. Par exemple, le musulman pratiquant qui vit ou travaille dans un espace qui n’est pas rythmé par la prière, va sans doute devoir renoncer à la manière rituelle de vivre les cinq prières quotidiennes. Et cela peut certainement engendrer une frustration. Mais la confrontation à un milieu sécularisé va permettre de donner une nouvelle forme à la pratique : la personne va s’adapter en prenant par exemple des temps de silence ou de recueillement moins visibles.
R.V. : De mon côté, j’ai l’impression d’une nouvelle sorte de majorité qui s’impose. Cela se traduit par l’organisation de la société et par certaines politiques. C’est une pensée majoritaire qui exclut – je force un peu le trait – la dimension spirituelle de la personne. Or cette mise à l’écart du spirituel est une grave erreur car cette dimension favorise le dialogue, le désir d’écouter et le vivre ensemble.
A.A. : Les minorités ne sont pas toujours minoritaires. Parfois, les groupes minoritaires sont en position de majorité dans des situations déterminées ou dans des territoires urbains.
En outre, ces groupes sont parfois réticents à s’auto-définir comme minorité. Ils considèrent que c’est une hétéro-désignation qui est utilisée généralement par des pouvoirs publics ou par les institutions. Bien sûr, il faut entendre cette réticence, mais en même temps, il s’agit de reconnaître que « minorité » ne renvoie pas nécessairement à une infériorité numérique, mais plutôt à un rapport de force symbolique et politique, qui est un rapport de domination.
Il y a donc des lieux dans lesquels on institue le bien, le juste, les bonnes représentations culturelles, LA culture, etc. Du même coup, on identifie certains groupes comme n’adhérant pas à ces principes, à ces valeurs, à cette histoire. On va les mettre dans l’extériorité sociale, ou leur rappeler, parfois de manière très implicite, qu’ils sont dans l’étrangeté.
Parfois, ce sont des structures infra-conscientes. Par exemple, quand un journaliste me pose la question : « Comment intégrer la diversité socio-culturelle à notre Région de Bruxelles-Capitale ? ». Dans sa représentation, il y aurait d’un côté un ensemble homogène, la région de Bruxelles-Capitale, et de l’autre une diversité qui lui serait extérieure. Ce n’est pas que ce journaliste fait mal son travail, mais il présuppose que la diversité est en dehors de nous. Le renoncement à ces présupposés est riche de promesses, car la diversité n’est pas hétérogène mais endogène, elle nous constitue.
Par rapport à ces questions de domination, on entend de plus en plus souvent parler de la nécessité de « décoloniser les rapports interculturels ». Qu’est-ce que ça veut dire ?
A.A. : Là, on touche à un renoncement qui peut être douloureux. Car nous pouvons croire que l’esprit colonial est dépassé. Or, la colonialité, ça continue !
Le combat décolonial attire notre attention sur le fait que le rapport colonial, un rapport de domination, continue dans nos sociétés aujourd’hui, parfois dans nos façons de fonctionner au sein d’une institution, y compris dans une institution comme le CBAI. Même quelqu’un qui se définit comme militant antiraciste peut être pris dans un imaginaire colonial. En tant qu’enfant, j’ai baigné dans les albums de Tintin où les « noirs » et les juifs sont dépeints de manière raciste. Cela m’influence plus profondément que je ne le crois. Je suis donc invité à adopter une forme d’humilité, en tous cas, une attention dans la manière dont je m’adresse aux autres, ou dont je perçois les autres cultures.
L.E.J. : Un problème qui se pose avec les minorités, c’est quand elles adoptent un esprit victimaire. Je suis professeure de religion islamique, et s’il y a bien une chose qui me tient à cœur vis-à-vis de mes élèves, c’est de les ramener à une certaine justice et une certaine justesse quand ils sont dans des propos plaintifs ou accusateurs, comme par exemple que les « belgo-belges » seraient racistes par défaut.
Pour moi, « minorité » n’est pas égale à : « Tout m’est dû. Je n’ai aucune responsabilité, que des droits ». Oui, on peut être victime à un instant T, et c’est important de le reconnaître à ce moment-là et qu’on fasse justice, mais on n’est pas victime à vie. L’esprit victimaire de certaines minorités ne fait pas du bien à la société et pas du bien non plus aux personnes qui se revendiquent comme minorité. Parce que ça sape la confiance réciproque. Parce qu’une victime ne se remet pas en question, elle ne peut pas entendre un autre avis.
J’entends bien ce point de vue, mais percevez-vous une forme de colonialité, comme disait Alexandre, qui serait présente dans la société de manière inconsciente ?
L.E.J. : Parfois, c’est subtil. Ce peut être un certain paternalisme, comme supposer que l’autre n’a pas l’intelligence requise pour faire les bons choix, pour bien mener sa vie. Et ça vient parfois d’une volonté de bien faire.
D’autres fois, c’est plus méchant : on montre à l’autre qu’il est inférieur dans sa façon de penser… Par exemple, sur la question religieuse. Les chrétiens aujourd’hui sont clairement minoritaires dans notre société. Quand je lis ou regarde les médias au sujet de la religion catholique, je trouve que très souvent on prend les catholiques pour des idiots. Donc un catholique convaincu, s’il se retrouve dans une entreprise avec plein de gens hyper athées, qui se croient plus intelligents, il va sans doute se taire sur sa religion par peur d’être mal vu.
Cet esprit de supériorité, tous les groupes peuvent l’avoir les uns envers les autres, mais aussi à l’intérieur d’un même groupe. Dès qu’on se trouve en position de pouvoir, on court ce risque.
De temps en temps, revient sur le devant de la scène l’idée de revoir les jours fériés en Belgique, notamment ceux qui sont liés aux fêtes religieuses chrétiennes, et cela afin de prendre davantage en compte la diversité culturelle et religieuse. Qu’en pensez-vous ?
R.V. : Si c’est organisé de telle sorte qu’on arrive à donner à chacun la possibilité de célébrer ses propres fêtes religieuses, ça pourrait aider. Mais je pose quand même la question : comme je le disais tout à l’heure, est-ce que l’idée à la base de cette proposition ne serait pas de nier les identités spirituelles ? Je connais un petit peu l’Inde : c’est un pays où chaque citoyen a un certain nombre de jours fériés qu’il peut prendre selon sa religion : les musulmans ont l’Aïd, les chrétiens ont Pâques, etc. C’est peut-être une bonne voie…
A.A. : Cette question nous fait prendre conscience que le temps et l’espace sont des dimensions de la vie humaine qui sont structurées par les cultures, et par l’histoire des peuples et des civilisations.
Nous travaillons par exemple sur la décolonisation de l’espace urbain. Aujourd’hui, des citoyens à Bruxelles sont profondément heurtés quand ils traversent une place dédiée, avec une statue, à la mémoire d’un fonctionnaire de l’État colonial belge qui a commis des crimes contre l’humanité. Certains disent qu’il faudrait tout simplement déboulonner les statues. D’autres suggèrent plutôt de mettre en contexte pour raconter l’histoire de la violence coloniale. Cette approche est intéressante parce que l’écueil serait de s’effacer complètement devant la nécessité de procéder à des aménagements.
Pour les jours fériés, c’est la même chose. Faut-il renoncer à toutes les fêtes chrétiennes ? Non, elles font partie de notre imaginaire. Autre chose serait de fixer les jours fériés d’une manière qui prenne en compte la diversité des convictions qui existent dans la société. Donc un système qui permettrait aux élèves et aux travailleurs et travailleuses musulman.e.s de prendre congé le jour de l’Aïd au lieu de devoir trouver des combines, et la même chose pour les personnes juives, chrétiennes ou de la libre pensée.
Mais j’ajouterais un jour férié dédié à célébrer la diversité, et cela en intégrant aussi la dimension spirituelle. Il est important de pouvoir se rencontrer autour de quelque chose qui fait le lien entre tous. Sinon, le risque, c’est que chacun se retrouve dans sa communauté. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi, mais il est indispensable qu’on favorise des occasions d’aller à la rencontre les uns des autres et de célébrer nos diversités.
L.E.J. : Pour moi, l’enjeu est aussi de ne plus être séparés les uns des autres, mais de former un « nous ». C’est vrai qu’aujourd’hui, il y a des congés pour toutes les fêtes chrétiennes et aucun pour les fêtes des autres religions ou convictions. Et ça, ça ne permet pas de faire un « nous ». Ouvrir les jours fériés aux autres composantes de la société, pourrait nous y aider.
Cette année dans un quartier d’Anvers, pendant le ramadan, on a organisé un iftar, c’est-à-dire la rupture du jeûne, dans une rue, et tous les voisins étaient conviés. Sont venus des musulmans mais aussi beaucoup de non musulmans, et tous ont beaucoup apprécié d’avoir pu y participer. Ça a créé un « nous » ! Participer à une fête importante pour une partie de la société, aide à la cohésion, aide à se sentir plus solidaires les uns des autres.
Comment peut-on rendre le renoncement désirable dans le contexte des relations interculturelles ?
A.A. : En parlant de la joie ! Le renoncement peut signifier, dans un même mouvement, la joie. Il ne s’agit pas uniquement d’abandonner ou de perdre quelque chose. On peut aussi éprouver de la joie à délaisser une sorte d’illusion de toute puissance, de l’Un, de l’unique. Il y a beaucoup à y gagner : l’espoir d’un demain dans la multiplicité.
R.V. : Oui, parce que la rencontre, si elle est vécue dans une ouverture, suscite toujours de la joie, parce qu’on découvre de nouveaux paysages.
L.E.J. : Dans le Coran, Dieu dit : « Je vous ai créés en ces jours. Si j’avais voulu, je vous aurais constitués en une seule communauté. Mais j’ai voulu que vous soyez pluriels »[1]. Le Coran parle de la diversité comme étant un don et une épreuve. Pour moi, ça résume bien la rencontre avec l’altérité. La rencontre nous est donnée, ce n’est pas nous qui l’avons fabriquée. Et en même temps, c’est une épreuve. Toute notre conversation l’a bien montré : la rencontre, ce n’est pas que du beurre ! C’est un don qui nécessite un effort pour l’accueillir. Cet effort, on pourrait l’appeler le renoncement.
A.A. : Tu citais le Coran. Il y a un passage de la Bible que je trouve très beau, qui dit que parfois ce qui devient une sagesse a d’abord le goût de l’amertume[2]. Au CBAI, on en sait quelque chose : dans les actions que nous menons, nous sommes souvent confrontés à ce que l’autre peut nous renvoyer, qui est parfois de l’ordre de la claque. Mais ce qui est amer peut se transformer en miel. C’est ce que j’ai appelé « le pari de l’autre ». Mais il faut se laisser du temps. Notre ancien directeur disait : « Notre urgence, c’est la durée ! ». Dans l’interculturalité, on est dans des processus à moyen ou à long terme. On ne croit pas à la baguette magique… Or, parfois les pouvoirs publics souhaiteraient que ça aille vite. L’interculturalité, ça exige du temps, ça exige la fréquence des contacts…
Renoncer à l’immédiateté en quelque sorte ?
A.A. : Oui, exactement ! C’est vraiment un leitmotiv des métiers de l’action interculturelle : l’immédiat, le « tout, tout de suite »…
L.E.J. : Les gratifications…
A.A. : Oui, les gratifications. Tout ça, d’emblée, on sait que ça ne marchera pas. C’est très rare en tout cas.