En Question n°111

à la recherche du temps perdu…

« Tu appartiens à la communauté humaine, tu en es profondément solidaire. Laisse la profondeur insondable du visage d’autrui provoquer en toi un infini respect, et cherche à la rejoindre en vivant dans l’amour, car Je suis Amour ! »

Xavier Thévenot

edito

"La société malade du temps"

Claire Brandeleer

Avec le rythme de l’existence qu’imposent nos sociétés postmodernes, le temps vécu se transforme fondamentalement. Nos horizons temporels se limitent souvent au court-terme, voire à l’instantané, et sont marqués du sceau de l’urgence. Plusieurs dysfonctionnements de nos sociétés, trop bien connus,  peuvent être décrits en fonction de ce temps qui s’accélère et se raréfie : individualisme et égocentrisme (quand on ne mesure pas les conséquences à long terme de nos choix, qu’ils soient individuels ou collectifs), inégalités (entre ceux qui résistent à la pression du temps accéléré et ceux qui ne se sentent pas à la hauteur de toutes les urgences à affronter, mais aussi entre ceux dont le temps est inoccupé sur le marché de l’emploi et se sentent inutiles et ceux qui peuvent s’offrir plus de temps libre), superficialité (quand tout va si vite, comment approfondir les choses ?), hyperactivité (avec nos agendas surchargés vient l’impression que le temps nous échappe), etc. Avec ce « temps perdu », c’est bien nous qui risquons de nous perdre.

Le dossier aurait pu emprunter son titre au livre de Nicole Aubert et s’intituler La société malade du temps. Si nous avons plutôt choisi le titre A la recherche du temps perdu, ce n’est pas que nous voulions, à la suite de Proust, évoquer uniquement le temps en termes de mémoire et de passé… mais c’est bien parce que ce titre exprime une espérance : celle de pouvoir retrouver quelque chose de perdu.

Les articles du dossier, ainsi que la Carte de visite (p.31), s’ils partagent d’une façon ou d’une autre les constats d’une société malade du temps, mettent aussi en avant des espaces de résistance possibles (qu’ils existent ou soient à créer) pour vivre le temps autrement. En filigrane apparait donc un appel à être prophétique dans l’usage que l’on fait de son temps, en préfigurant la société dans laquelle nous désirons vivre. Car si nous sommes victimes de ces logiques de l’urgence et de l’immédiateté, nous en sommes aussi complices. Cela demande que nous posions des choix – individuels et collectifs – en faisant usage de notre liberté pour retrouver le sens du temps. Et le sens, il n’est pas dans la recherche de toujours plus d’efficacité et de rendement du temps qui autrement serait perdu, mais il se trouve dans le don (se donner le temps, donner de son temps – pour soi, ses proches, la société, les générations futures… et, si l’on est croyant, pour Dieu). Noël qui vient nous le rappelle…