« Ce qui m’effraie, ce n’est pas l’oppression des méchants, c’est l’indifférence des bons ».
Martin-Luther King
Pourquoi parler de racisme aujourd’hui ?
Pourquoi parler de racisme aujourd’hui, alors que chacun sait que les races n’existent pas ? Tout simplement parce que le phénomène de rejet qu’est le racisme se porte malheureusement bien. Ainsi le mot racisme ne semble peut-être plus tout à fait correct, mais la réalité qu’il représente perdure : le rejet de l’autre (ou des autres) en fonction de son groupe d’appartenance, qui mène à le mépriser, le stigmatiser, l’exclure, le discriminer, ou l’agresser. Simplement, la race a fait place à la culture ou la religion : c’est le « racisme culturel ». En sont victimes aujourd’hui, dans notre société moderne, des personnes appartenant à différents groupes : ainsi parle-t-on, comme l’indique Jean Marie Faux (p.15), d’islamophobie, d’antisémitisme, de négrophobie, du rejet des Roms et du rejet des « nouveaux migrants ».
Face à la complexité de nos sociétés multiculturelles, la peur gagne souvent et la tendance à se replier dans un « entre nous » est forte. Dès lors se pose la question si nous n’avons pas tous, même inconsciemment, intériorisé des réflexes racistes, ancrés en nous de façon plus ou moins solide ? Il importe d’en prendre conscience pour lutter contre eux. Pour construire son identité, l’être humain a besoin de se situer dans des groupes d’appartenance (il y a « eux » et « nous ») et c’est normal. Le problème surgit quand la différence de l’autre est absolutisée et que l’on tend à la considérer comme une déviance de la « normalité » ; quand un groupe établit une hiérarchie entre les cultures, les modes de vie ou les valeurs et tend dès lors à considérer un autre groupe comme inférieur au sien ou menaçant. En somme, le racisme est une question spirituelle : il en va en effet de nos attitudes intérieures – qui se manifestent souvent en comportements extérieurs – vis-à-vis des autres, de celui qui est autre, différent de moi, de nous ; il en va de notre manière d’appréhender la différence.
Parce que la problématique est, hélas, toujours actuelle, le dossier de votre revue En question tente d’éclairer la situation.
Dans la rubrique « Communication » (p.8), vous trouverez un article sur la manière dont les Turcs font face à l’histoire de leur pays et les différentes sensibilités quant à l’usage du mot ‘génocide’ pour qualifier les événements de 1915 – le génocide arménien. L’analyse qui y est dressée n’est pas sans lien avec la question du dossier : Jean-Marc Balhan montre comment le nationalisme, la peur de l’autre et l’éthique de l’honneur entrent en jeu dans la difficile reconnaissance des événements du passé
En ouverture de ce numéro, l’article « Discernement pour notre maison commune » (Jacques Haers) traite d’un tout autre sujet, à savoir l’écologie et la lettre encyclique du Pape François. Un tout autre sujet, certes, mais l’expression « notre maison commune » (reprise du titre de l’encyclique elle-même) met néanmoins en lumière cette réalité de notre commune humanité à tous, au-delà de tous les clivages, au-delà de tous les rejets de l’autre qui existent. Il est clair que pour relever le défi écologique, l’humanité a besoin, plus que jamais, d’être une et de se rassembler.
En définitive, nous avons tous une responsabilité : citoyens, familles, médias, écoles, lieux de formation, associations, communautés de croyants, responsables politiques, etc. Et la lutte contre les mécanismes racistes doit se faire plus incisive alors que des milliers de personnes demandent l’asile dans nos pays européens. À l’heure où des décisions politiques sont nécessaires pour accueillir dignement ces personnes qui, pour beaucoup, fuient des situations de guerre, rappelons-nous ces mots du préambule de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : « Consciente de son patrimoine spirituel et moral, l’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité ». Rappelons-nous ces mots. Ils ne sont pas en option, pour les moments où ça nous arrange. Surtout, faisons en sorte d’être à leur hauteur.
Le racisme aujourd’hui…
Même si les théories raciales sont depuis longtemps disqualifiées, le racisme est toujours vivant dans nos sociétés. C’est le rejet de certaines personnes en raison de leur appartenance à un groupe particulier considéré comme définitivement « autre », inférieur et inassimilable […]
Un racisme qui sans cesse revient
Pourquoi le racisme a-t-il la peau si dure ? Il semble revenir sans cesse malgré la confirmation réitérée qu’il manque de fondements sérieux. En effet, après la deuxième guerre mondiale, Claude Levi-Strauss pensait que nous en avions définitivement fini avec le racisme, puisque les scientifiques, notamment les généticiens, avaient pu démontrer qu’il n’y a aucun fondement biologique à la prétendue différence de races au sein de l’espèce humaine[…]
Les médias sont-ils racistes ?
Le racisme est une notion floue pour beaucoup. Elle s’étendrait à toute forme de discrimination selon des critères raciaux, essentiellement fondés sur des jugements arbitraires et invalides d’un point de vue scientifique. Racistes, les médias le sont-ils, de manière plus ou moins ouverte ?[…]
Les lois anti-discrimination en Belgique
Suite à plusieurs drames xénophobes, les lois anti-discrimination ont progressivement vu le jour. L’objet de cet article est de faire le point sur ce que disent ces lois à propos des expressions du racisme aujourd’hui, sur les comportements qu’elles interdisent et sur les carences qui subsistent […]