En Question n°106

Expropriations en Inde : le combat des pauvres

« Celui qui se bat peut perdre, celui qui ne se bat pas a déjà perdu »
Berthold Brecht

edito

Le développement, le bien commun et le peuple souverain

Frédéric Rottier

Les articles de ce dossier montrent une image effrayante de que ce que l’on dénomme « développement ». Trop souvent, il est vecteur d’appauvrissement, d’inégalités, de déracinement, de déculturation. Les projets mégalomanes de développement en Inde (barrages, usines, autoroutes, mines, …) témoignent d’un mépris profond de l’Etat pour (une partie de) ses citoyens. L’heure est grave, car les conséquences sociales ont le potentiel d’une bombe à retardement. Les tensions ethniques augmentent, les violences se déchainent, le terrorisme fait surface.

Le collectif que nous avons pour habitude d’appeler « l’Etat » semble avoir oublié sa mission première, sa raison d’être : assurer l’Etat de droit, promouvoir l’intérêt général et le bien commun, protéger les minorités, rendre le peuple souverain.

L’Inde a beau être une démocratie vieille de 65 ans, ses pères fondateurs ont beau avoir proclamé un rêve d’une non-violence prophétique, elle est restée en bien des aspects une société de castes où dalits et tribaux ne sont pas des citoyens comme les autres.

Ce dossier nous ouvre les yeux sur une réalité méconnue en Europe : la confiscation des terres des peuples tribaux et des habitants originels pour calmer la faim de développement insatiable de l’Etat indien. Tout cela au nom du bien commun et de l’intérêt général, en faveur de l’éradication de la pauvreté et pour le développement de l’homme. Puissent ces quelques pages nous amener à réfléchir à ce que nous entendons sous ces concepts un tantinet doctrinaux.

Deux pistes de réflexion. Ces notions de bien commun et d’intérêt général nous rappelant le langage de la doctrine sociale de l’Eglise, sommes-nous bien sûrs d’avoir compris ce qu’elles impliquent ? Comment et où rechercher le bien commun de la société ? Comment passer d’une définition théorique ou paternaliste de ces concepts à une pratique inclusive et participative ?

Et puis, quel sens donner aux notions de démocratie ou encore de peuple souverain ? Ne rêvons-nous jamais d’une intégration culturelle où il incomberait aux autres de faire l’effort nécessaire ? Tenons-nous compte des générations futures dans nos choix personnels ou collectifs ? Quelle place donnons-nous à la nature, aux défis climatiques, mais aussi quel regard portons-nous sur la faune et la flore environnantes ?