En Question n°144

Sommes-nous vraiment démocrates ?

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Individualisation, consumérisme, mondialisation, numérisation, marchandisation, privatisation, accélération… Autant de phénomènes qui participent à la régression sociale et mettent à mal la culture de la démocratie. Pourtant, les grands enjeux de notre temps, et leur complexité, ne demandent-ils pas plus que jamais un sens collectif de l’analyse, de la délibération et de la mobilisation ? Ainsi, nous faut-il (ré)apprendre à se rencontrer, se rassembler, échanger, s’exprimer, s’écouter, se comprendre, délibérer ; bref, exercer la démocratie… sur le pas de la porte, à la tablée familiale, à l’école, au travail, au café, dans la rue… Pour pousser, la culture de la démocratie a besoin d’espace… et de temps.

edito

Démocratiser, partout, tout le temps !

Simon-Pierre de Montpellier

Début 2023, à peine passée la parenthèse des « fêtes de fin d’année », alors que nous exprimions encore nos meilleurs vœux mutuels, nous autorisant un brin de rêverie, les résultats d’une nouvelle enquête Noir Jaune Blues (« 5 ans après ») nous ramenaient brusquement les deux pieds sur terre. Selon celle-ci, un belge sur deux serait favorable à la retribalisation de la société : appel à l’autorité d’un chef, valorisation de la tradition, homogénéité ethnique, culturelle, linguistique ou religieuse, méfiance vis-à-vis de l’extérieur perçu comme menaçant et de l’étranger « envahisseur », etc.

Devant ces résultats, une première réaction – sans doute légitime – serait de s’insurger contre ces populistes qui sèment le doute, la démagogie et la violence dans la société. Une seconde – légitime également –, serait de critiquer ces politiques à l’éthique plus que douteuse, qui se servent au lieu de servir. Encore plus simple serait de tous les considérer comme des incompétents. Autant de manières de réduire la complexité, délégitimer les autres, nous dédouaner et, ainsi, nous rassurer. Autant de manières d’éviter de traiter la question plus en profondeur. Car, subrepticement, n’entretenons-nous pas, collectivement et culturellement, des logiques autoritaires et tribales dans nos communautés et sociétés ?

Tout au long de notre vie, nous cultivons bien souvent l’image du chef, du maître, du premier, du gagnant : le parent (encore trop souvent le père) « chef » de famille, l’enseignant « maître » d’école, le directeur « patron » de la boîte, le sportif « champion » du monde, le ministre « premier » du pays… Dans ce contexte, est-ce si étonnant que nous ayons – au moins inconsciemment – une image du gouvernant absolu ?

Au fond, le principal remède à la crise de la démocratie n’est pas d’espérer le dirigeant parfait, ni de se passer de représentants… mais de la cultiver. Pour vivre, la démocratie ne peut être réduite, elle doit être approfondie.

Contre l’alliance de l’idéologie néolibérale et du paradigme technique, qui, toujours plus, privatisent, marchandisent, financiarisent, numérisent, isolent…, contre leur conséquence funeste, le repli identitaire… démocratisons, partout, tout le temps ! Avec tout ce que cela implique : (re)tisser des liens, (re)créer des espaces communs, inclure les personnes en situation de précarité et assurer une mixité sociale et culturelle, se poser des questions de sens, se mobiliser collectivement, et… y consacrer du temps.

Luc Carton : Cultiver et déployer la démocratie

Simon-Pierre de Montpellier

Selon la récente enquête Noir Jaune Blues (5 ans après), un Belge sur deux serait favorable à la « retribalisation » de la société : appel à l’autorité d’un chef, valorisation de la tradition, homogénéité ethnique, culturelle, linguistique ou religieuse, méfiance vis-à-vis de l’extérieur perçu comme menaçant et de l’étranger « envahisseur », etc. Comment en est-on arrivé là ? Décryptage en profondeur avec le philosophe Luc Carton.

La démocratie de voisinage

Hélène L’Heuillet

Nos voisins sont nos premiers vis-à-vis, que nous rencontrons quand nous sortons de chez nous, que nous voyons à travers la fenêtre ou que nous entendons au-dessus de notre tête. Le voisinage est un lieu de rencontre, d’échange et de conflictualité. Le premier lieu de l’exercice démocratique.

Céline Nieuwenhuys : Donner la parole aux populations précarisées

Simon-Pierre de Montpellier

Près de 20% des Belges seraient menacés de pauvreté ou d’exclusion sociale. Depuis 2008, la succession de bouleversements que nous connaissons pèse toujours plus sur les conditions sociales d’une partie croissante de la population. Comment prendre en compte la situation des personnes précarisées au cœur de la démocratie ? On en discute avec Céline Nieuwenhuys, secrétaire générale de la Fédération des Services Sociaux (FdSS).

Ariane Estenne : La puissance de l’action collective

Simon-Pierre de Montpellier

On les dit parfois affaiblis, à bout de souffle. D’aucuns sèment le doute sur leur légitimité. Quel est encore le rôle démocratique des organisations sociales et syndicales, du secteur associatif, de l’éducation permanente et de la militance pour répondre aux grands enjeux de notre temps ? On en parle avec Ariane Estenne, présidente du MOC.

Démocratie Schaerbeekoise 

Luc Uytdenbroek

Nous sommes à Schaerbeek, fin des années 80. Le bourgmestre, Roger Nols, est solidement au pouvoir depuis 1970. D’abord libéral, puis FDF, il achève sa carrière au Front national. Populaire et populiste, il conduit une politique qui exacerbe les peurs et les antagonismes entre les Belges et les migrants extra-européens. Provocateur, il invite Jean-Marie Le Pen, puis n’hésite pas à se faire filmer, à dos de chameau, habillé en émir, devant l’hôtel communal pour illustrer, selon lui, l’avenir de Schaerbeek. Les autres partis sont profondément gangrénés par la xénophobie mayorale.

Le Dorothy 

Simon-Pierre de Montpellier

En novembre 2017, un café un peu particulier ouvre dans un quartier populaire de Paris. Le Dorothy se veut être un lieu de rencontre, de discussion, de partage, d’analyse, de délibération, où chacune et chacun a sa place. Un lieu d’expérimentation de la démocratie, ancré dans une vie de quartier, dans un esprit communautaire, fraternel et spirituel.

Pratiquer la démocratie à l’école

Bruno Humbeeck

La démocratie, cela s’apprend, et ce dès le plus jeune âge. Pourtant, à l’école, nombreux sont les mécanismes qui entretiennent les rapports de domination, permettent le harcèlement, et participent ainsi à encourager une vision autoritaire de la politique. À l’opposé de cette tendance, comment cultiver et déployer la démocratie à l’école ?

Le temps de la démocratie

Arnaud du Crest

Alors que nos rythmes de vie semblent toujours s’accélérer, il nous paraît indispensable de penser une société avec un autre rapport au temps, d’intégrer une vision à moyen et long terme, de vivre différemment les bouleversements en cours. Le temps et l’espace sont deux dimensions fondamentales de toute société.