Un autre regard sur les vacances…
Je me réveille au petit matin, le programme m’oblige à quitter à l’aube car mon avion n’attendra pas. Je rends les clés de ma chambre. Une conversation banale s’engage avec Yassine, le veilleur de nuit, le temps de le saluer. Notre échange prend tout à coup une tournure différente car il semble trouver en moi une oreille attentive. Le service d’un hôtel en « all-in » devient insupportable me dit-il. L’attitude consumériste de certains touristes est exaspérante. Les voilà en vacances et tout leur est permis. Profiter au maximum d’un séjour « all-in» semble être pour eux leur priorité immédiate. Yassine me montre le spectacle dans le grand salon suite à une soirée bibitive, des bouteilles renversées et des fauteuils défoncés. Quand parfois même les restes des repas de la veille se retrouvent sous forme de vomissures sur la moquette. Le veilleur me confie que le personnel est traité par ces touristes au regard présomptueux, tels des esclaves modernes. Profiter d’une situation en « all in » signifierait donc d’avoir droit à un mandat du « tout est permis ». Au restaurant, des assiettes avec de restes alimentaires pourraient nourrir une deuxième famille. Se servir au-delà de la satiété, laisser les aliments non consommés jonchés sur la table… une montagne de déchets alimentaires. Montrer qu’on fait partie de cette population qui a accès à l’abondance, « puisqu’ils ont payé » c’est consommer « au moins tout ça ». La veille, le serveur en salle sortait de sa poche une tablette de « cachets » contre le mal de tête, qu’ils se passent entre eux pour tenir le coup la durée du service. A bout de résistance, Yassine exprime un dégoût général. Il me le dit entre 4 yeux car il ne peut parler de cela, c’est tabou pour la direction. La surconsommation excessive subie par le personnel leur donne un goût amer, ils sont tristes, touchés dans leur dignité.
Côté chambre, cela ne vaut pas mieux. Les femmes de charge qui commencent à 6h du matin auront beaucoup du travail, comme chaque matin, partage-t-il. Il leur faut d’abord ramasser les vêtements et les serviettes laissés à terre et ensuite nettoyer… Cela les retarde dans leur planning. Même si les touristes payent pour un service, est-ce si normal de faire subir de telles situations et outrages ?
Je prends congé de Yassine et laisse sur le bord du comptoir quelques chocolats qu’il partagera avec les dames de chambre. Une poignée chaleureuse s’ensuit avec une forte émotion. La veille au soir, au retour de ma journée, un joli petit vase avec quelques fleurs m’attendait sur ma table de nuit. Une tendre pensée d’une dame de nettoyage, qui à travers ce geste me disait tant et tant…
Ce partage d’expérience me semble essentiel. Taire ces comportements abusifs serait d’une certaine façon les valider. Soyez heureux de vivre un temps de vacances et si vous projetez de vivre une semaine en formule « all-in », ayez une pensée respectueuse à Yassine et à tout ce personnel qui se pliera en 4 pour vous servir.
Bonnes vacances à tous.