Le dossier au cœur de ce numéro s’attache à mettre en lumière des analyses, des courants de pensée et des actions concrètes qui font vaciller les fondations d’une certaine culture de la domination, dont on connaît les effets dévastateurs tant sur la nature que sur l’intégrité des personnes. En adoptant un regard lucide sur les structures qui reposent sur des logiques d’emprise ou de prédation, ce dossier montre comment des idées, des initiatives et des collectifs peuvent contribuer à renverser et empêcher ces formes d’oppression, tout en invitant à développer des rapports plus justes vis-à-vis de l’autre, de la terre, du vivant, au sein des organisations et dans la société. Car dans la résistance se loge bien souvent le germe de l’espérance…
Né en 92 à Bruxelles
« Si j’étais né en 17 à Leidenstadt, sur les ruines d’un champ de bataille, aurais-je été meilleur ou pire que ces gens ? […] Si j’avais grandi dans les docklands de Belfast, soldat d’une foi, d’une caste, aurais-je eu la force envers et contre les miens ? […] Si j’étais née blanche et riche à Johannesburg, entre le pouvoir et la peur, aurais-je entendu ces cris portés par le vent ? »
Dans Né en 17 à Leidenstadt, Jean-Jacques Goldman (français d’origine juive polonaise par son père et allemande par sa mère), Michael Jones (gallois) et Carole Fredericks (afro-américaine) se demandent quelle aurait été leur position dans un contexte d’oppression.
Né en 92 à Bruxelles, dans le confort matériel et culturel, face au dérèglement climatique, à l’effondrement de la biodiversité, à l’accroissement des inégalités et des migrations forcées, est-ce que j’entends la clameur des pauvres et de la terre ? Homme blanc catholique et « de bonne famille », suis-je à l’écoute des victimes du patriarcat et du cléricalisme ? Et si j’étais à l’avant-garde de technologies numériques, laisserais-je à tout un chacun la possibilité de se les approprier sans les leur imposer ?
Quelle que soit notre situation sociale, économique et culturelle, le dossier de ce numéro estival d’En Question nous invite à interroger notre responsabilité individuelle et collective dans la mise en place et le maintien de structures ou cultures de domination – des humains sur la terre, des hommes sur les femmes, de l’argent sur la dignité et le vivant, de la technique sur la politique, etc. Avec une certaine radicalité. Non pas celle qui ne tolère pas la divergence, mais bien celle qui nous pousse à creuser à la racine.
Quoi qu’il en soit, plutôt que de nous opposer sur les formes de luttes, laissons-nous interpeller, bousculer, transformer par les enjeux qui les sous-tendent. En nous rappelant que les grandes avancées sociales ont été obtenues grâce à l’alliance de révolutionnaires/radicaux et de réformateurs/modérés. Qu’il s’agisse de la fin de l’Ancien Régime, de l’abolition de la ségrégation raciale, du droit de vote des femmes ou de la sécurité sociale. Les différentes manières de résister ne s’opposent pas, elles se nourrissent l’une l’autre. Et de leur alliance, sans violence, peut jaillir l’espérance.
La critique, une parole au service de la libération
La critique de la domination et sa catégorie conceptuelle centrale, l’antagonisme dominant-dominé, sont un incontournable pour penser l’émancipation. Mais envisager l’action politique sous le simple prisme de l’opposition à l’ennemi peut mener au désastre. Comment conserver l’exigence critique sans sombrer dans le manichéisme ?
Lutte syndicale et militantisme écologiste
Les crises écologiques et sociales prennent racine dans un problème commun : celui de l’accaparement et de la privatisation des ressources par un petit nombre. Fin du monde, fin du mois : s’agit-il vraiment du même combat ? Rencontre avec deux jeunes activistes pour identifier les intersections et points de tension entre le mouvement syndical et le militantisme écologiste.
Anne Alombert : La culture numérique comme alternative aux idéologies de la Silicon Valley
Anne Alombert est maître de conférences en philosophie à l’Université Paris 8. Spécialiste des mutations technologiques, elle publie Schizophrénie numérique aux éditions Allia, et plaide pour une culture ajustée aux techniques contemporaines. Rencontre en présentiel dans le monde des idées.
Les damné·es de l’Église ou les voix du salut
Au gré des rapports et des enquêtes, l’ampleur des abus – sexuels, spirituels et hiérarchiques – perpétrés au sein de l’institution ecclésiale catholique se trouve peu à peu mise au jour. La théologienne et politologue française Anne Guillard envisage ici les transformations nécessaires pour que l’Église soit réellement digne de confiance, conséquente et hospitalière.
Timothée de Rauglaudre : Sur les pas de la théologie de la libération
Dans la seconde moitié du 20e siècle, en Amérique latine, un courant politico-religieux se développe en réaction à la pauvreté et aux dictatures militaires, mobilisant le message biblique dans la lutte pour la justice sociale. Timothée de Rauglaudre, journaliste indépendant, nous emmène sur les pas d’une théologie qui continue de vivre et d’inspirer.