La notion de bien commun n’est-elle qu’une idée abstraite, une quête inaccessible à entreprendre individuellement ? Ne serait-elle pas au contraire une force de changement culturel et structurel ? Face aux structures d’aliénation, de domination et d’inégalités bien ancrées dans la société, ce numéro hivernal d’En Question vous propose de découvrir des cadres favorables au vivre ensemble, à la justice sociale et au soin de notre maison commune. L’originalité de ce dossier est de relier les travaux récents sur les (biens) communs à la notion plus classique du bien commun. Des communs naturels aux initiatives de citoyens pour créer du commun dans leur quartier, en passant par les coopératives et les communs numériques, partez à la découverte d’alternatives crédibles pour répondre aux grands enjeux d’aujourd’hui, et pour apprendre à mieux vivre ensemble, à réellement « faire société ».
Vous avez dit « crise » ?
Nous vivons une période d’accumulation, d’accélération et d’aggravation des crises, de sorte qu’il faut se demander si le terme « crise » est encore approprié. En effet, une crise est une manifestation soudaine, au caractère passager. Ainsi, une crise de jalousie (de quelques jours), une crise d’adolescence (de deux-trois ans), une crise politique (de maximum 541 jours – record belge). En général, après ce moment difficile, les choses s’arrangent, la crise est passée. Ce que nous vivons en ce début de XXIe siècle est d’un autre ordre. Est-il pertinent de parler de « crise écologique » alors que le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité n’ont malheureusement rien de passager ? Peut-on encore évoquer une « crise sanitaire » quand de nombreux experts préviennent que les pandémies risquent de se multiplier dans les années à venir ? Est-il judicieux de parler de « crise migratoire » lorsque l’Union européenne enregistre 1,3 million de demandeurs d’asile (2015), alors que l’ONU annonce entre 200 et 250 millions de réfugiés climatiques dans le monde d’ici moins de 30 ans. Traversons-nous une énième « crise économique » cyclique, alors que l’on sait bien que la croissance infinie n’existe pas et que l’économie mondiale épuise toujours plus de ressources naturelles ?
Nous vivons une période de bouleversements. Est-ce à dire que la situation est sans espoir ? Non, car si le bouleversement est synonyme de trouble profond ou de désordre complet, il est aussi annonciateur de changement. Mais si nous ne voulons pas constamment le subir, nous avons à le choisir, en discernant. À l’adaptation, préférons la transformation ! En opposition aux structures d’inégalités, de prédation, de domination et d’aliénation, favorisées par les paradigmes capitaliste et néolibéral, le dossier de ce numéro d’En Question vous emmène à la recherche du bien commun, par l’exploration des communs. En plus d’offrir des modèles de gouvernance alternatifs crédibles, les communs nous semblent particulièrement féconds en ce qu’ils nous invitent à développer une anthropologie relationnelle : une vision de l’être humain comme être de relations, appelé à construire des relations saines, fondées sur l’ouverture, le respect, le partage, l’équité, la solidarité, la délibération et le soin. Soin de l’autre, du vivant, de soi et de plus grand que soi. Dans les bouleversements que nous vivons, c’est dans ces relations que peut jaillir l’espérance.
À la recherche du (bien) commun
Woluwe-Saint-Pierre (Bruxelles). Depuis nos bureaux, nous nous creusons les méninges pour penser le bien commun et les (biens) communs[…]
Communs et bien(s) commun(s), de quoi parle-t-on ?
Bien commun, biens communs, communs, intérêt général : nous sommes devenus de plus en plus familiers de ces expressions que nous entendons dans le langage courant et que nous prenons souvent comme des synonymes alors qu’en vérité elles renvoient à des réalités différentes qu’il convient de distinguer[…]
Le bien commun
Le bien commun constitue l’un des principes fondamentaux de la Pensée sociale de l’Église (PSE) et, de ce fait, une référence majeure dans le monde religieux. La crise écologique a fait sortir la notion de bien commun du seul univers religieux : elle est devenue une visée pour l’humanité entière[…]
La modernité des communs
Eau, air, forêt, espace, internet… sont de plus en plus souvent réclamés comme des « biens communs », du local au global, qu’il convient de préserver pour notre survie. Ces « biens communs » ne deviennent effectivement des « communs » que lorsqu’ils sont gouvernés par et avec les communautés qu’ils concernent[…]
Gaël Giraud : Composer un monde en commun
Gaël Giraud est né le 24 janvier 1970 à Paris. Il est économiste, docteur en mathématiques appliquées (à l’économie) et… prêtre jésuite. Il a travaillé dans la finance jusqu’à ce qu’il décline un poste de trader qui lui était proposé à New York, pour devenir jésuite […]
Numérique et bien commun
La transformation numérique que nous vivons favorise-t-elle le bien commun ou est-elle au contraire un obstacle ? La réponse ne peut être globale, car le « numérique » représente un vaste domaine de technologies diverses qu’il est difficile de regrouper sous un unique qualificatif.